Des processus de réticulation différents
Les hydrogels sont dits « physiques » ou « réversibles » lorsque les nœuds de réticulation du réseau sont maintenus par des forces « secondaires » (liaisons ioniques, liaisons hydrogènes, interactions de van der waals). Par exemple, lorsqu’un poly-électrolyte est combiné à des ions divalents, cela peut conduire à la formation d’un hydrogel physique. C’est le cas pour l’alginate de sodium, qui sera plus longuement décrit dans la suite de cette thèse. Par ailleurs, il est possible de déstabiliser ces structures en jouant sur des conditions physiques telles que la température ou le pH. Nous verrons que pour un hydrogel d’alginate, il est possible de déstabiliser la structure par ajout d’un soluté spécifique qui rentrera en compétition avec l’ion divalent .
Les hydrogels sont dits « chimiques » lorsque leurs réseaux sont réticulés de manière permanente grâce à des liaisons covalentes. Ce processus à lieu par polymérisation radicalaire où bien par des réactions chimiques de groupes complémentaires (irradiation, utilisation d’enzymes…) La transition sol/gel se produit lorsque des points de réticulations apparaissent (par exemple après exposition à une radiation). C’est une technique qui présente de nombreux avantages puisqu’elle permet un contrôle spatial et temporel ainsi qu’un taux de réticulation rapide pour des températures physiologiques .
L’état de gonflement de l’hydrogel permet de renseigner sur le degré de réticulation du réseau. Les hydrogels fortement réticulés ont une structure plus compacte et gonflent moins en comparaison d’hydrogels présentant un réseau avec moins de points de réticulation. Les hydrogels sont capables de retenir jusqu’à 1000 fois leur poids en eau comme le polyacrylate de sodium.
Propriétés des hydrogels
Les hydrogels issus de polymères naturels offrent plusieurs avantages tel que la biocompatibilité et la bio-dégradabilité. En outre, ils présentent des propriétés mécaniques intéressantes [85].
Les hydrogels sont également poreux. Cette caractéristique les rend utilisable dans de nombreuses applications basées sur de la diffusion de solutés ou de la migration de cellules. L’ingénierie tissulaire par exemple, qui a pour but de stimuler la régénération de tissus et de développer des substituts biologiques, nécessite l’encensement de cellules dans des matrices qui permettent leur croissance, différenciation, migration… L’utilisation d’hydrogel est donc propice à ce type d’applications [86].
La structure du réseau, la nature et la taille des solutés sont des éléments importants à prendre en compte. En effet, la taille de la maille peut varier selon le degré de réticulation, le polymère choisi ou des paramètres extérieurs (température, pH, force ionique). Les hydrogels obtenus à partir d’alginate présentent des pores de l’ordre du dizaine de nanomètre ce qui par exemple empêche les cellules de se mouvoir en dehors du matériel, mais permet le transport de protéines et autre composés nécessaire à leur développement.
La dégradation d’un matériau est un facteur important pour certaines applications. La dégradation des hydrogels peut être contrôlée de manière physique ou chimique. L’utilisation d’enzymes est un exemple de méthode biologique qui permet la dégradation des hydrogels. Cette caractéristique permet notamment le relarguage de médicaments pendant des temps contrôlés [87].
Nature des hydrogels
Des hydrogels synthétiques
Apparus au début des années 1950, les hydrogels ont pris une place importante dans le domaine des biomatériaux. Leur caractéristique unique cité précédemment ont par ailleurs permis leur utilisation dans le domaine médical en tant que bio-capteurs, systèmes d’administration de médicaments, pansements, lentilles de contact, catheters etc. C’est en 1955 qu’a été synthétisé le premier hydrogel permettant des applications dans le domaine médical. Celui-ci se nomme poly(hydroxyethylmethacrylate) (polyHEMA, PHEMA).
Le PEG (polyéthylène glycol) reste un des hydrogels les plus utilisé dans le secteur médical. Des dérivés de cet hydrogel comme le PEGMA, PEGDMA ou PEGDA sont tout aussi utilisés. Ces hydrogels se caractérisent par leur haute biocompatibilité ainsi que leur non toxicité dans l’environnement où ils se trouvent. Ils s’emploient plus particulièrement dans la délivrance de médicaments [88], de cellules ou de biomolécules pour la régénération tissulaire [88],[87] .
On peut citer également le PVA (polyvinyl alcohol) qui au-delà des avantages liés aux hydrogels, présente des propriétés mécaniques importantes et permet la rétention d’eau dans sa structure. Un environnement humide est ainsi maintenu plus longtemps contrairement au poly(HEMA), qui dans un milieu sec, laisse évaporer une quantité d’eau plus importante. Les hydrogels à base de PVA sont utilisés dans la production de lentilles de contact, la reconstruction et la re-génération du cartilage, les organes artificiels et les pansements qui bénéficient d’un environnement humide [89]. L’obtention de ces hydrogels peut être réalisé par des cycles de congélation/décongélation où par la radiation UV avec des agents de réticulation.
Des hydrogels naturels
Des hydrogels naturels peuvent être formés à partir de polymères naturels qui incluent des polysaccharides comme l’alginate, l’acide hyaluronique, l’ADN, le chitosan, la cellulose, où des protéines (collagène, gélatine…) Grâce à leur haute biocompatibilité, ils peuvent être utilisés pour de nombreuses applications médicales. Par exemple, l’acide hyaluronique est une macromolécule avec des fonctions biologiques complexes allant de la migration et adhésion de cellules jusqu’aux réponses inflammatoires et à la cicatrisation. De ce fait, les matériaux produits à base d’acide hyaluronique permettent d’associer les propriétés rhéologiques de ce polymère aux propriétés biologiques [90].
L’alginate : un hydrogel naturel L’alginate est un polysaccharide obtenu à partir d’une algue brune. Il s’agit d’un polymère naturel qui est principalement utilisé sous la forme d’un hydrogel dans l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et l’ingénierie tissulaire.
Il se compose de copolymères linéaires qui contiennent des blocks de monomères liés entre eux : le -D-mannuronate (block M) et le -L-guluronate (block G), séparés par des séquences alternées de blocks MG . Il a été observé que les alginates riches en block MM sont issus de tissus jeunes et que les différences de compositions entre espèces proviennent principalement d’ alginates extraits de parties plus vieille de l’algue. La composition de l’alginate en acides uroniques et également les proportions relatives de chacun de ces trois blocks (MM, GG, M-G) permettent d’expliquer les différences de propriétés physiques entre les gels d’alginates .
Gélification de l’alginate Un gel d’alginate peut être formé lorsqu’une solution d’alginate entre en contact avec une solution d’ions divalents. Un modèle simple en boîte d’oeufs est généralement employé pour expliquer la formation d’un réseau réticulé (Fig.2.6). En effet, lorsque deux brins de polymère sont face à face, la conformation des blocs G forment des cavités dans lesquelles viennent se loger les ions divalents. Les jonctions entre les chaînes formées de cette manière sont cinématiquement stables vis à vis de la dissociation. Ce processus résulte d’une intéraction électrostatique entre deux groupes carboxyliques COO– du polysaccharide. De de fait, la composition de l’alginate en acide uronique et l’affinité de l’ion pour l’alginate sont des critères qui permettent de mieux contrôler les processus de gélification.
Affinité ionique et transition sol/gel En étudiant la diminution du Ph par ajout d’ions divalents dans de l’acide alginique, tout en prenant en compte la composition en acide uronique du polymère, Haug et al [93] observe que pour un alginate riche en acide mannuronique, l’affinité décroit de la manière suivante :
Pb > Cu > Cd > Ba > Sr > Ca > Co, Ni,Zn, Mn > Mg.
Pour un alginate riche en acide guluronique, celle-ci décroit telle que :
Pb > Cu > Ba > Sr > Cd > Ca >, Ni,Zn, Mn > Mg.
Dans un papier de 1965, Haug et Smidsrod étudie par la suite la concentration en ions nécessaire pour permettre la transition sol/gel et la précipitation de l’alginate. Celle-ci, indépendamment de la composition de l’alginate, augmente de la manière suivante : Ba < Pb < Cu < Sr < Cd < Ca < Zn < Ni < Co < Mn, Fe, < Mg.
Ils précisent alors que l’efficacité d’un ion divalent à faire précipiter l’alginate dépend d’une part de son affinité pour l’alginate mais également de la quantité d’ions qui doit se liés à l’alginate. Ils observent notamment qu’en présence de chlorure de sodium, la quantité d’ions baryum liés à l’alginate pour une viscosité maximale est moindre en comparaison des ions calcium [94].
Des inhomogénéités en ce qui concerne la distribution de l’alginate dans des billes gélifiées ont été reportées [95],[96]. Ce phénomène a été expliqué comme le résultat de processus de gélification rapide et irréversible dû à la forte affinité des ions réticulants puisque la transition sol-gel est induite par diffusion. Par exemple, à concentration égale, une meilleure homogénéité d’une bille d’alginate est obtenue après gélification de la solution par des ions calcium qu’avec des ions baryum [96].
Comportement et stabilité de l’alginate : des forces en compétition Le comportement et la stabilité de l’alginate complexé varie selon la nature même de l’ion utilisé lors de la gélification ainsi que de la composition en acide uronique de l’alginate. La compréhension de ces mécanismes est donc essentiel suivant l’utilisation de l’hydrogel.
Par exemple, Shweiger étudie la stabilité de différents alginates compléxés en déterminant la viscosité de solutions obtenues par ajout d’EDTA. Il montre que la stabilité diminue dans l’ordre suivant [97] :
Ba > Cd > Cu > Sr > Ni > Ca > Zn > Co > Mn > Mg
Haug et al. montrent que la quantité d’ions métalliques liés à l’alginate pour obtenir une viscosité maximale diminue si l’on augmente la concentration en nitrate de sodium dans le mélange. Ceci est dû à un phénomène appelé couramment « salting out ». La force ionique dans le milieu augmente (le potentiel chimique du milieu diminue) et induit la précipitation du polyéletrolyte. De plus, ils observent qu’en augmentant la concentration en sel, la quantité totale d’ions divalents nécessaires présents dans le milieu est moins importante qu’à de faibles concentrations pour le baryum, le cuivre et le plomb. En revanche cette quantité augmente pour les ions ayant une moins bonne affinité avec l’alginate (le cobalt par exemple). Ils en déduisent que les ions sodium ont deux effets opposés. Pour les métals qui possèdent une forte affinité avec l’alginate, comme le cuivre par exemple, l’effet « salting-out » (dû à la force ionique) prédomine et une quantité moins importante en ions est nécessaire pour obtenir la formation d’un gel alors que pour les ions ayant une moins bonne affinité avec l’alginate l’effet de l’échange ionique prédomine et un plus grand nombre d’ions sont nécessaires pour la formation du gel [94].
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Table des matières
Introduction
1 Etat de l’art
1.1 Les réactions d’électrode
1.1.1 Système électrochimique
1.1.2 Electrode de référence
1.1.3 Quelques principes de thermodynamique
1.1.4 Cinétique des réactions chimiques aux électrodes
1.1.5 Les phénomènes de surtension
1.2 Stocker l’énergie
1.2.1 Les batteries : système de stockage électrique
1.2.2 Tour d’horizon des batteries
1.2.3 Les batteries ion-lithium
1.2.4 Les batteries en écoulement
a) Fonctionnement d’une batterie en écoulement
a).1 Les électrodes
a).2 La membrane
a).3 Atouts et désavantage des batteries en écoulement
b) Technologies des batteries en flux
c) Vers de nouvelles perspectives
d) Des batteries semi-solides
d).1 Electrodes liquides en milieux organique
d).2 Electrodes liquides en milieux aqueux
1.3 Piles à combustible : système de production électrique
1.3.1 Généralités autour des piles à combustibles
1.3.2 Les piles à combustible microbienne
1.3.3 Fonctionnement d’une pile microbienne
1.3.4 Les mécanismes de transfert
1.3.5 Inoculum et communauté bactérienne
1.3.6 Matériaux d’électrodes
1.4 Objectifs
2 Un hydrogel conducteur pour l’énergie
2.1 Les Hydrogels
2.1.1 Processus de gélification expliqués par la thermodynamique
2.1.2 Des processus de réticulation différents
2.1.3 Propriétés des hydrogels
2.1.4 Nature des hydrogels
a) Des hydrogels synthétiques
b) Des hydrogels naturels
b).1 L’alginate : un hydrogel naturel
b).2 Gélification de l’alginate
b).3 Affinité ionique et transition sol/gel
b).4 Comportement et stabilité de l’alginate : des forces
en compétition
2.1.5 Des hydrogels électroniquement conducteurs
2.2 Matériel et Méthodes
2.2.1 L’Alginate de sodium
2.2.2 Les nanoparticules de carbone
2.2.3 Formulation d’une électrode d’hydrogel sphérique
a) Dispersion de nanotubes de carbone dans une solution aqueuse
b) Solubilisation de l’alginate
c) Gélification de la solution
2.3 Choix du cation pour la réticulation du réseau
2.3.1 Gélification d’une solution alginate-MWNT
2.3.2 Stabilité d’un hydrogel d’alginate en présence d’ions Li
a) Gonflement de billes d’alginate
b) Effet « salting-out »
c) Apport des nanotubes sur la structure de l’alginate
2.4 Etude électro-chimique et mécanique de différents hydrogels d’alginate
2.4.1 Caractérisation électro-chimique de l’hydrogel conducteur
2.4.2 Caractérisation électrique d’hydrogels d’alginate
2.5 Conclusion
3 Une demie bio-pile bactérienne
3.1 Produire de l’énergie grâce au métabolisme bactérien
3.1.1 Qu’est ce qu’une bactérie ?
3.1.2 Etude des bactéries en laboratoire
3.1.3 Les biofilms bactériens
3.1.4 L’espèce Geobacter
3.1.5 La bactérie Geobacter sulfurreducens
3.1.6 Metabolisme de Geobacter sulfurreducens
3.1.7 Mécanisme de transports électroniques
3.1.8 Transfert électrique de la bactérie à une électrode
3.2 Matériel et méthodes
3.2.1 La souche Geobacter en solution et dans une bille conductrice
3.2.2 Système électrochimique
a) Choix des électrodes
b) Technique de mesure
3.2.3 Transfert électronique de la bactérie à l’anode
3.3 Résultats
3.3.1 Production de courant et croissance de Geobacter sulfurreducens dans une bille d’hydrogel
3.3.2 Transfert de charges à l’électrode
3.4 Conclusion de la partie
4 Une batterie ion lithium semi-solide
4.1 Matériel et méthodes
4.1.1 Les particules d’intercalation du lithium
4.1.2 Formulation des billes qui contiennent les particules d’intercalation du lithium
4.1.3 Mesures électrochimiques
a) Voltampérométrie cyclique
b) Mesures galvanostatiques
4.2 Résultats
4.2.1 Voltampérométrie cyclique
4.2.2 Réactions d’oxydo-réduction
a) Système contrôle
b) Système LiFePO4
c) Système MnO2
4.2.3 Batterie aqueuse LFP/ MnO2
4.3 Conclusion
Conclusion
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