Un exemple de bactérie: le pneumocoque

Des bactéries et des hommes 

Les bactéries sont si petites, en moyenne, cent fois plus petites qu’une cellule animale, qu’il est facile d’oublier leur existence. Pourtant ce sont les formes de vie les plus anciennes et, de loin, les plus nombreuses. Une bactérie mesure environ 1 micromètre, et il y aurait environ 5.10³⁰ cellules bactériennes sur terre (Whitman et al., 1998). C’est-à-dire que les bactéries sont 2.10⁶ fois plus petites qu’un homme et 10²¹ fois plus nombreuses. On en trouve dans tous les écosystèmes. Elles colonisent même les biotopes les plus extrêmes : les grands fonds marins, les déserts, à plusieurs milliers de mètres sous la surface de la terre… (Rothschild et Mancinelli, 2001). Le biotope que représente les animaux ne fait pas exception : il y a environ dix milliards de cellules bactériennes dans la bouche d’un homme, mille milliards sur sa peau, un million de milliards dans ses intestins… (Todar, 2007). Cette cohabitation passe la plupart du temps inaperçue. Lorsqu’un des deux partenaires « se nourrit à la table » de l’autre, sans que l’autre s’en rende compte, l’interaction est dite commensale. Cet opportunisme n’est pas parasitaire car l’hôte n’est pas détruit ni même gêné par le profiteur. Cependant, l’animal peut aussi tirer bénéfice de la présence de bactéries dans son corps. C’est le cas de la flore intestinale par exemple. Dans les intestins de certains animaux, dont l’homme, on trouve plus de 200 espèces de bactéries, et notamment l’espèce Escherichia coli. La présence de ces bactéries facilite la digestion car elles dégradent des substances que les animaux ne sont pas capables de dégrader, comme la cellulose, et elles synthétisent des molécules essentielles aux animaux, comme la vitamine K. La présence de bactéries est donc essentielle pour les animaux.

Il arrive aussi que l’équilibre de la cohabitation soit rompu. Des bactéries ne sont pas supportées par leurs hôtes. Elles sont dites pathogènes car elles provoquent des maladies. Un exemple connu de bactérie pathogène est Yersinia pestis qui causa la mort de plus de 25 millions d’humains en Europe entre 1347 et 1350. À cette époque, il n’existait pas de médicaments efficaces pour soigner ces maladies infectieuses, et elles étaient alors considérées comme incurables. Une grande découverte a changé cette « fatalité ». En 1928, Sir Alexander Fleming remarque par hasard qu’un champignon a le pouvoir d’inhiber la prolifération de bactéries (Fleming, 2001). Plus tard, un groupe de chimistes de l’université d’Oxford isole à partir de la même famille de champignons, la molécule qui tue les bactéries et soigne les animaux, la pénicilline (Chain et al., 1940; Ligon, 2004). Les chercheurs découvrent que certains microorganismes ont développé des armes chimiques pour se défendre contre d’autres microorganismes, les molécules antibiotiques. L’homme a donc l’idée d’utiliser ces molécules pour se soigner. Ces molécules « miracles » sont alors fabriquées en grande quantité et utilisées massivement pour guérir les maladies causées par les bactéries et tenter de les éradiquer. Pendant l’age d’or des antibiotiques (1945-1980), la mortalité baisse, on ne meurt presque plus des maladies bactériennes dans les pays développés.

Mais, les bactéries, comme toutes les organismes vivants, évoluent, et ce, selon le principe de la sélection naturelle (Darwin, 1859). Dès le début de ses recherches sur la pénicilline, Fleming remarque qu’un dosage trop faible, non seulement ne tue pas toutes les bactéries, mais leur permet de développer une résistance à la pénicilline (Fleming, 1945). En 1951, le premier cas de maladie résistante aux traitements antibiotiques est constaté sur un patient atteint de dysenterie, due à Shigella dysenteriae. Certaines bactéries peuvent se diviser en une vingtaine de minutes dans des conditions favorables. Toutes les heures, environ deux générations se succèdent. A chaque génération, les individus les plus adaptés aux contraintes du milieu sont naturellement sélectionnés. L’introduction massive des antibiotiques dans la pharmacopée, a agit comme une pression de sélection. Depuis, la résistance des bactéries aux antibiotiques s’est beaucoup développée et est devenue un problème de santé publique, notamment en France, qui détient certains records des taux de résistance aux antibiotiques (BEH, 2006). La science cherche des nouvelles classes d’antibiotiques, auxquelles les bactéries ne sont pas encore résistantes, mais il est important de noter, qu’en théorie, les bactéries s’adapteront à toute nouvelle contrainte, dans un temps plus ou moins long.

Un exemple de bactérie commensale, pathogène et résistante : le pneumocoque

Le pneumocoque est une bactérie présente dans les voies respiratoires supérieures d’environ un humain sur deux, de manière asymptomatique (commensale) (Crook et al., 2004). Il est aussi l’agent infectieux de pneumonies et d’otites (pathogène). Plus gravement, il arrive aussi que le pneumocoque traverse la barrière endothéliale des vaisseaux sanguins ou la barrière céphalo-rachidienne, et provoque alors des septicémies et des méningites. Comment le pneumocoque, qui peut être toléré dans la gorge, devient-il pathogène ? Ce n’est pas encore totalement élucidé. En effet, des enfants exposés au pneumocoque peuvent développer une maladie juste après, ou des mois après l’exposition à un pneumocoque. Une personne saine et porteuse d’un pneumocoque, peut transmettre la bactérie à une personne qui, elle, développera une maladie. Le fait que les enfants, les personnes âgées, les personnes immunodéprimées développent plus fréquemment des maladies dues au pneumocoque, indique que celui-ci profite de faiblesses du système immunitaire de l’hôte (Butler, 2004). Étant un pathogène de l’humain, c’est une bactérie qui a été beaucoup exposée aux antibiotiques, et qui a donc sélectionné des mécanismes de résistance aux antibiotiques. En France, en 2005, 38% des souches isolées de Streptococcus pneumoniae étaient de sensibilité réduite à la pénicilline (Gutmann et Varon, 2006).

Le pneumocoque est une bactérie à Gram positif. C’est-à-dire qu’elle fixe la coloration de Gram, technique mise au point pour observer et classer les bactéries en deux groupes, les Gram positif et les Gram négatif. Elle met en évidence les caractéristiques de la paroi bactérienne qui seront plus détaillées au paragraphe suivant. Cette paroi donne sa forme à la bactérie. Le pneumocoque a la forme d’un ellipsoïde allongé, ce qui le classe dans les bactéries ovococoques. Il se divise en plans successifs parallèles, médians à la cellule mère. Lors de sa croissance et lors de la division, les deux cellules filles sont symétriques jusqu’à leur séparation. Le processus de division se déroule en une vingtaine de minutes dans des conditions favorables. C’est un processus continu : les cellules filles commencent à se diviser aussitôt qu’elles sont formées. C’est pourquoi on observe le pneumocoque la plupart du temps sous forme de diplocoques (où les coques des deux cellules filles sont encore soudées) , et parfois en courtes chaînettes (Zapun et al., 2008).

La paroi bactérienne 

La paroi des bactéries à Gram positif est composée d’une couche épaisse d’un polymère, le peptidoglycane qui entoure la membrane plasmique. Chez une bactérie à Gram négatif, la couche de peptidoglycane est plus mince et est entourée d’une deuxième membrane . La membrane plasmique sépare le cytoplasme qui contient le matériel génétique et le système métabolique, du milieu extérieur. Elle est composée de lipides amphipatiques et contient beaucoup de protéines, dites alors membranaires. La membrane plasmique est une structure flexible et dynamique : les protéines sont mobiles latéralement dans la membrane.

Le peptidoglycane est un polymère de peptides et de sucres, qui protège la bactérie, en agissant comme un exosquelette qui confère sa morphologie à la bactérie. Les chaînes de peptidoglycane sont reliées entre elles par des liaisons peptidiques. Ces pontages font de ce polymère réticulé un réseau élastique qui permet à la bactérie de résister à des pressions osmotiques importantes. C’est cette protection que cible la pénicilline (Blumberg et Strominger, 1972). Les protéines qui catalysent les réactions de pontage de cette barrière se lient à la pénicilline, c’est pourquoi on les appelle les « penicillin binding proteins » (PBPs)(Tipper et Strominger, 1965). La pénicilline bloque la synthèse du peptidoglycane par l’inhibition des PBPs, et provoque ainsi l’arrêt de croissance et/ou la lyse osmotique des bactéries.

La synthèse du peptidoglycane doit être réalisée sans introduire de discontinuités, pour que l’intégrité de la bactérie soit protégée de la lyse osmotique. Elle se fait par l’insertion d’un précurseur, le lipide II, au peptidoglycane existant (Izaki et al., 1968). Le lipide II est le résultat d’une synthèse enzymatique de plusieurs étapes, impliquant différentes enzymes et substrats (van Heijenoort, 2007). C’est une molécule composée d’un lipide, de sucres et d’une chaîne peptidique. Cette molécule est insérée dans le peptidoglycane par la création de liaisons covalentes, peptidiques et glycanes. La création de ses liaisons est catalysée par des activités enzymatiques, transpeptidase et glycosyltransférase, portées par les PBPs. La synthèse du peptidoglycane est un processus complexe qui n’est que très brièvement abordé ici. Au lecteur intéressé, une revue très complète de T. den Blaauwen est proposée (den Blaauwen et al., 2008).

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Table des matières

Introduction
A. Contexte de l’étude
I. Des bactéries et des hommes
II. Un exemple de bactérie: le pneumocoque
III. La paroi bactérienne
IV. La division bactérienne
IV.1. La constriction de la membrane
IV.2. Le transport des chromosomes
IV.3. La synthèse de la paroi septale
V. Trois protéines de la division : FtsL, DivIC et DivIB
V.1. FtsL
V.1.1. Quelques données génétiques
V.1.2. Analyse de la séquence primaire
V.1.3. Quelques données biochimiques
V.2. DivIC
V.3. Un complexe entre FtsL et DivIC
V.4. DivIB
V.4.1. Quelques données génétiques
V.4.2. Analyse de la séquence primaire
V.4.3. Analyse structurale
V.4.3.1. Chez G. stearothermophilus, bactérie Gram-positif
V.4.3.2. Chez E. coli, bactérie Gram-négatif
V.4.4. Quelques données biochimiques et fonctionnelles
V.5. Un complexe entre FtsL, DivIC et DivIB
VI. Synthèse
B. Les outils de la physique
I. Les microscopies
II. La diffusion/diffraction
II.1. la cristallographie
II.2. La diffusion aux petits angles
II.2.1. La formule de Debye
II.2.2. La fonction de distribution de distances
II.2.3. La complémentarité rayons X/neutrons
III. Les spectroscopies
III.1. La spectroscopie optique
III.2. La RMN
III.2.1. Les fréquences de résonance
III.2.2. Les spectres multidimensionnelle
III.2.3. La relaxation
IV. Le comportement hydrodynamique
IV.1. La diffusion dynamique de lumière (DLS)
IV.2. L’ultracentrifugation analytique
V. L’analyse d’interaction de biomolécules par résonance plasmonique de surface
C. Présentation du modèle et objectif du travail
I. Présentation du modèle
II. Objectif du travail
Chapitre 1 : Le complexe contraint EC/KL
I. Co-purification du complexe EC/KL
II. Analyse structurale et biochimique
II.1. Première approche par RMN
II.2. Insertion d’un résidu aromatique dans la protéine KL
II.3. Estimation de la taille du complexe EC/KL (DLS, SEC, AUC)
III. Elaboration des constructions génétiques et des protocoles de purification
III.1. marquages isotopiques
III.2. Co-expression
IV. Etude par SANS
IV.1. Caractérisation des échantillons par AUC et DLS
IV.2. Détermination de l’état oligomérique du complexe EC/KL
IV.3. Détermination de la forme du complexe EC/KL
IV.4. Détermination de l’arrangement des protéines EC et KL dans le complexe EC/KL
V. Etude par SAXS
Chapitre 2. Le domaine extracellulaire de DivIB de S. pneumoniae
I. Analyse préliminaire de la partie extracellulaire de DivIB (RMN et protéolyse limitée)
I.1. Analyse de la structuration
I.2. Délimitation en trois domaines
II. Etude structurale des domaines de la partie extracellulaire de DivIB
II.1. Production des variants tronqués de la partie extracellulaire de DivIB
II.2. Caractérisation de l’auto-association des protéines
II.3. Etude structurale du domaine ! par RMN
II.4. Etude structurale par SAXS
II.4.1. préparation des échantillons
II.4.2. Etude du domaine !
II.4.3. Etude de la protéine ! »
II.4.4. Etude de la protéine ! » (ou IB)
Chapitre 3 : l’interaction entre le complexe EC/KL et le domaine extracellulaire de DivIB
I. Etude sur la partie extracellulaire de DivIB complexée avec le complexe EC/KL, par RMN
I.1. Analyse préliminaire
I.2. Détermination de l’épitope du domaine ! impliqué dans l’interaction
II. Cartographie des domaines d’interaction du domaine extracellulaire de DivIB et du complexe EC/KL par analyse d’interaction de biomolécule par résonance plasmonique de surface
II.1. Mesure de l’interaction entre les domaines de la partie extracellulaire de DivIB et le complexe EC/KL
II.2. Cartographie des protéines EC et KL
III. Modélisation du complexe trimérique par SANS
III.1. première analyse des données
III.2. Présentation d’un modèle d’association entre ! » et EC/KL
III.3. Exploitation de la courbe de diffusion
III.3.1. Modélisation ab initio
III.3.2. Ajustement des corps rigides
Chapitre 4 : Matériel et méthodes
I. Constructions génétiques
I.1. Le complexe contraint EC/KL
I.2. La partie extracellulaire de DivIB
II. Production des protéines
II.1. Production classique
II.2. Production pour marquage isotopique
II.2.1. Marquage à l’isotope 15 de l’azote
II.2.2. Marquage à l’isotope 2 de l’hydrogène, le deutérium D
II.3. Production en bioréacteur
III. Purification
Discussion
Conclusion

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