Un espace à risque ? Le littoral aux portes de zones géopolitiques instables

Le système du littoral de la Mer Noire, en interaction avec d’autres systèmes

Administrativement, la Russie est divisée en 8 okrougs fédéraux eux même subdivisés en entités appelées « républiques », « district », « oblast » ou « kraï ». Le nom de l’entité varie pour des raisons historiques ou connote un statut juridique particulier. Le littoral de la Mer Noire appartient, et donc interagit, avec trois niveaux politiques qui s’emboîtent selon un ordre d’importance : le premier est le système fédéral dirigé par Moscou, le deuxième est le système de l’okroug fédéral du sud, dirigé par le représentant plénipotentiaire du président à Rostov sur-le-Don, le troisième est le système du kraï de Krasnodar, dirigé par un gouverneur.
Les décisions politiques qui influencent le littoral peuvent donc provenir de ces trois niveaux de décision (voir Schéma 1).
De même, sur le plan fonctionnel, le littoral de la Mer Noire fait partie d’un système formé entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, du fait des oléoducs et gazoducs qui les relient, ce que nous avons vu dans la carte précédente. Ce système influence également le littoral et est lui-même influencé par les trois niveaux de pouvoir décrits plus haut.
Enfin, il faut noter la présence de systèmes transnationaux qui jouent également un rôle sur l’organisation du littoral de la Mer Noire. Le premier est l’Organisation de Coopération Economique de la Mer Noire (OCEMN en français, BSEC en anglais pour Black Sea Economic Organization) fondée en 1992 et effective depuis 1999. Elle comprend douze membres (la Grèce, l’Albanie, la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie, la Moldavie, l’Ukraine, la Russie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Arménie et la Turquie) ayant chacun des intérêts plus ou moins directs sur la Mer Noire. L’Organisation a été pourvue d’une assemblée interparlementaire (Parlementary Assembly of the Black Sea Economic Cooperation), d’un conseil des affaires (BSEC Business Council), d’une banque pour le commerce et le développement (Black Sea Trade and Development Bank), d’un centre national d’étude (International Center of Black Sea Studies) et d’un centre de statistiques (Center of Statistique). Un secrétariat général a pour tâche de gérer son organisation et de faire le lien entre les différentes instances. Le second système est moins organisé et se base sur les accords de coopération signés entre la Russie et l’Union Européenne. La politique des « quatre espaces communs » vise à élargir la coopération entre l’Union Européenne et la Russie afin d’uniformiser la gestion d’espaces « communs » : un espace économique, un espace de liberté, de sécurité et de justice, un espace de sécurité extérieure et un espace de recherche et d’éducation. Ces deux systèmes vont chercher à interagir de manière accrue avec le système Mer Noire – Mer Caspienne qui les intéresse en raison de ses ressources et de ses liaisons pour acheminer le gaz et le pétrole. La Russie, qui interagit également avec les systèmes transnationaux et contrôle le système Mer Noire-Mer Caspienne qui se trouve sur son territoire, va logiquement chercher à surveiller et à réduire cette interaction si elle favorise trop les systèmes transnationaux à son dépend.

Principales théories et critiques

L’opinion publique est reine : elle ne gouverne pas

Intuitivement, il semblait cohérent de rattacher la capacité d’attraction du littoral de la Mer Noire à un concept : celui de soft power. Joseph Nye qui a mis en avant ce concept dans les années 90 le définit, nous l’avons vu en introduction, comme la capacité d’un acteur politique d’infléchir la vision voire le comportement d’autres acteurs par l’attraction ou la cooptation plutôt que par la coercition ou la rétribution (hard power)38. Pour l’auteur, le soft power existe depuis longtemps, et cohabite avec deux autres types de pouvoir : le pouvoir militaire et le pouvoir économique. Déjà, l’essayiste réaliste britannique E.H. Carr, avant la Seconde Guerre Mondiale décrivait trois types de pouvoir dans la sphère internationale : le pouvoir militaire, le pouvoir économique et le pouvoir sur l’opinion39. Nye évoque trois ressources principales, susceptibles de générer du soft power : la culture, les valeurs et les politiques étrangères40. Pour illustrer cela, l’exemple le plus clair est celui des Etats-Unis à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L’American Way of Life, Hollywood et le Rock n’Roll (culture), la démocratie, la société de consommation (valeurs), et la large diffusion d’un “modèle” américain grâce à Voice of America ou la CNN (politiques étrangères) ont entraîné la génération d’un important soft power par les Etats-Unis.
Néanmoins, Nye ne ferme pas le champ des ressources susceptibles de générer du soft power. Les ressources économiques, si elles peuvent produire du hard power, peuvent également produire du soft power. Par exemple, les investissements, ou bien l’installation d’une entreprise à l’étranger, peuvent aussi bien être utilisés comme force de coercition que comme force d’attraction. De même, les ressources militaires peuvent être utilisées pour produire du soft power, dans le cadre, par exemple, de coopération et d’échange de savoirs (rencontres de soldats de différentes nationalités dans le cadre de l’OTAN par exemple). Si les ressources sont multiples, les sources le sont également : le soft power peut être aussi bien produit par des institutions, des entreprises, des ONG, des réseaux transnationaux ou des personnalités.
Le public visé par le soft power est hétéroclite. Il peut s’agir d’une association, d’une faction politique ou bien même d’une société entière qui est identifiable comme « récepteur ». En outre, le soft power a une influence variable selon le « public » qui le reçoit. Par exemple, seuls les membres du parti communiste français, et peut être quelques intellectuels, étaient sensibles à la diffusion des textes de Rashimov ou des parades militaires moscovites et recevaient le soutien financier de l’URSS pour l’organisation de manifestations antinucléaires ou de groupes de jeunesses communistes. Le soft power soviétique n’avait pour récepteurs que ses « clients » politiques et influençait peu l’ensemble de la population française. En revanche, la France entière a été touchée par la « révolution plastique », engendrée par la création des premier Tupperware en 1945 ou la démocratisation des appareils électriques (aspirateur, lave-linge, congélateur) qui font leur irruption dans la vie des ménages dans les années 50. Importé majoritairement par des firmes américaines, ce soft power touche un « public » plus large. De même, il faut prendre en compte un autre point quand on fait référence aux « récepteurs » du soft power : ils peuvent en effet être attirés par des aspects différents. Le récepteur A peut être attiré par un aspect que le récepteur B va rejeter. Par exemple, un film américain qui sort en Corée du Sud peut avoir un effet positif, engendrer un phénomène d’attraction et ainsi générer du soft power. Le même film qui sort en Arabie Saoudite peut, au contraire, créer un phénomène de rejet.

La diplomatie publique

La diplomatie publique diffère de la « diplomatie de cabinet » qui concerne les hautes instances étatiques, et qui se fait souvent par le biais de communication confidentielle. « Elle concerne les relations entre les représentants des Etats, ou parfois d’autres acteurs politiques internationaux. La diplomatie publique au contraire vise la société en général. La diplomatie est donc, dans ce sens, un mécanisme de représentation, de communication et de négociation à travers lequel un Etat gère ses affaires et identifie clairement les différents joueurs ». La diplomatie publique permet à un gouvernement d’interagir directement avec l’opinion publique d’un autre pays.
Concrètement, la diplomatie publique est une politique menée par un Etat ayant pour but affiché de créer une image positive et attractive de ce dernier puis, dans la pratique, d’influencer de manière positive et d’«attirer » de manière tangible l’opinion publique étrangère, afin que cette dernière acquise à la cause de l’Etat, serve ses intérêts. Dans ces conditions, la diplomatie publique crée un phénomène d’attraction et génère du soft power.
Pour Nye, la diplomatie publique doit impérativement se baser sur des ressources existantes,pour pouvoir être crédible et ainsi, fonctionner. La diplomatie publique est donc un outil clé dans la génération du soft power.
Le choix de restreindre le sujet à la diplomatie publique implique donc que la source du soft power étudié sera uniquement l’Etat, et donc dans le cadre de ce mémoire, l’Etat russe.
Les ressources utilisées sont larges, et sont toutes celles que l’Etat russe est en mesure de mettre à sa disposition. Ce sont elles qui permettront de produire la diplomatie publique qui sera « exportée » et reçue par des récepteurs divers. Le mémoire devra donc s’appliquer à définir les ressources utilisées par l’Etat russe, le type de diplomatie publique adopté ainsi que les récepteurs touchés (A) ou visés (B).
Trois approfondissements peuvent-être apportés:- pour mieux cerner le concept de diplomatie publique, Mark Leonard le différencie du terme « propagande ». Si étymologiquement propagande signifie simplement « ce qui doit être propagé » (du latin <propaganda>), le mot a pris une tournure négative au XXème siècle, employé notamment pour faire référence aux efforts d’influence des Etats fascistes et communistes, ce qui empêche une réutilisation de ce terme associé à la diplomatie publique.
La propagande telle qu’elle est ainsi comprise, du fait de son manque de crédibilité, serait même contreproductive en termes de diplomatie publique44. Leonard définit également trois « dimensions » à la diplomatie publique45, qui pourront être utiles dans l’étude que propose ce mémoire, car elles correspondent à la forme des moyens qui peuvent être mis en place. La première dimension est la communication quotidienne qui permet d’expliquer le contexte et de justifier les politiques étrangères et domestiques d’un Etat. La deuxième dimension concerne la communication stratégique. Elle s’apparenterait à des « campagnes publicitaires » ponctuelles pouvant mettre l’accent sur différents aspects positifs de l’Etat. Enfin, la troisième dimension évoque le développement de relations durables, via par exemple des échanges universitaires, des séminaires ou encore les médias…Ces trois dimensions doivent aider l’Etat à véhiculer une image attrayante.
– On appelle « nouvelle diplomatie publique » la diplomatie publique dont la source n’est pas seulement l’Etat, mais également des ONG, des entreprises qui portent la voix de leur Etat et en font la promotion. On pourra voir dans quelle mesure elle sert l’Etat russe.
– Pour Joseph Nye, une diplomatie publique efficace doit être basée sur l’échange et comprend « à la fois l’écoute et la parole »46. Nous l’avons vu, un film américain apprécié en Corée du Sud ne le sera peut-être pas en Arabie Saoudite ou en Corée du Nord. Il est donc nécessaire d’écouter et de comprendre le contexte et la culture de l’autre, pour pouvoir s’y adapter. Idéalement, celui qui reçoit la diplomatie publique n’est donc plus un simple récepteur mais un interlocuteur. Joseph Nye propose ce schéma (voir Schéma 4) qui, outre la différenciation entre la diplomatie traditionnelle (à gauche) et la diplomatie publique (à droite), met en avant l’interaction des entités entre elles. Par exemple, le gouvernement 1 (G1) agit par le biais d’une politique de diplomatie publique efficace sur la société 2 (S2) qui, par un moyen qui lui est propre (manifestations, articles de presse, création d’association) fera réagir son gouvernement (G2) qui sera donc indirectement influencé par le gouvernement 1.
Ou encore, une S1 pourra par le truchement d’une organisation internationale, obliger G1 et G2 à adopter des réformes. Le schéma de Joseph Nye montre ainsi, dans le cas de la diplomatie publique, la multiplicité des échanges envisageables.

Critiques

Quelques critiques ont été faites sur la théorie de Joseph Nye. Zaki Laïdi s’interroge à juste titre sur l’ambivalence du terme d’attractivité. En effet, il met en avant que l’attractivité ne débouche pas mécaniquement sur un soutien intrinsèque au pays qui la produit. Il cite, à cet effet, Robert Cooper qui notait que Saddam Hussein aimait les films d’Hollywood. Joseph Nye lui-même a conscience de cet état de fait et remarque que « le dictateur nord-coréen Kim Jong-Il est connu pour aimer les pizza et les films américains, mais que cela n’affecte en rien ses programmes nucléaires ». Il faut donc garder en mémoire que l’attractivité, si elle est effective, ne garantit pas forcément l’adhésion au système qui l’engendre.
Zaki Laïdi met aussi en garde contre une pensée qui placerait « l’attractivité en dehors de toute référence à un rapport de force où la coercition joue pourtant un rôle essentiel ».
Prenons par exemple, pour illustrer cela, le partenariat commercial entre la Russie et l’Union Européenne. L’adoption par la Russie des dernières normes européennes concernant l’aluminium serait une sorte d’attraction forcée. Certes, la Russie est libre ou non de les adopter, mais si elle ne le fait pas, la production d’aluminium russe perd un important marché.

L’adaptation au « cas » russe

Certes, la Russie n’a pas besoin de soft power pour se faire entendre sur la scène internationale. Aujourd’hui puissance économique indéniable, notamment grâce à ses ressources énergétiques et minières, la Russie s’est relevée tant bien que mal de la chute d’un empire autoritaire et de la phase de libéralisation féroce qui lui a succédé. Malgré des faiblesses qu’elle ne peut cacher (chute démographique, transition sociale encore difficile, mécontentements politiques et débat sur la « démocratie ») la Russie garde pour l’instant une certaine stabilité et une place importante sur la scène internationale. Elle a multiplié ses participations dans des organisations multilatérales qui peuvent lui être profitables, comme l’Organisation de coopération de Shanghai, EurAzES ou récemment l’OMC, initiatives qui s’inscrivent également dans la construction d’une image positive en l’ouvrant au monde.
Elle a tenté de garder des liens avec ses anciennes républiques, indépendantes depuis la chute de l’URSS, en créant la Communauté des Etats Indépendants. Symbole de sa croissance économique, elle fait partie des BRICS, terme qui apparaît au début des années 2000, dans un rapport de la banque d’investissement Goldman Sachs, et qui désigne les pays à forte croissance dont le poids dans l’économie mondiale ne cesse d’augmenter. Indépendante énergiquement, à la recherche d’une dynamique économique pérenne, cherchant à tendre vers la stabilité politiquement et socialement, la Russie a su indéniablement affirmer son rôle sur l’échiquier mondial. Et si on file la métaphore utilisée par Emmanuel Todd dans Après l’Empire, la Russie, en bon joueur d’échec, doit toujours avoir un coup d’avance sur son adversaire et se déplacer là où on ne s’attend pas à la voir. Le soft power pourrait à cet égard représenter un terrain favorable.

Soft power et diplomatie publique « à la russe » ?

Etudier la conception russe du soft power et de la diplomatie publique a semblé nécessaire.
D’abord dans un souci de terminologie : quels sont les termes précis employés et comment les traduire pour rester fidèle à leur sens ? Après cette première étape, il sera envisageable de répondre à d’autres questions : est-ce que les Russes définissent le soft power comme les Anglo-Saxons ? Le terme de diplomatie publique recouvre t-il les mêmes éléments de définition? Ont-ils des « restes » de l’époque soviétique dans leur conception ? Voient-ils véritablement dans le soft power une politique étrangère à approfondir ? En ce qui concerne le soft power, les Russes en ont fait une traduction littérale. Miagkaïa Sila signifie la force, et, par extension, le pouvoir (sila) doux (Miagkoï). Il correspond donc, dans la forme, au soft power des Anglo-Saxons. En revanche, les choses se compliquent pour le terme de diplomatie publique. En effet, on peut référencer dans les ouvrages scientifiques comme dans les médias, trois termes qui pourraient se traduire par diplomatie publique. Le premier est celui de poublitchnaïa diplomatia ui est étymologiquement le plus proche de l’origine latine publico. Il est défini comme ce qui appartient à la collectivité à travers l’Etat. On parle, par exemple, comme en France, aussi bien de pouvoir public (poublitchnaïa vlast’) que d’entreprises publiques (poublitchnaïa kompania). Le deuxième terme est celui d’obchectvennaïa diplomatia. Il vient d’obchiestvo : « la société », « ce qui est commun » et pourrait donc se traduire comme la diplomatie « commune » à l’ensemble de la société. Ce terme est utilisé en Russie pour parler de choses partagées par l’ensemble de la société. Par exemple, on traduit les transports en commun par ce terme (obchectvennii transport). La différence entre les deux termes semble mince ; pourtant, elle est importante. L’adjectif poublitchnaïa met en avant l’Etat, comme clé de voute de la société. Au contraire, l’adjectif obchectvennaïa place la société en avant, comme élément premier, base de l’Etat. Enfin, le dernier terme est celui narodnaïa diplomat. Narodnaïa signifie « du peuple » ou « populaire ». Largement utilisé sous l’époque communiste, le terme « diplomatie du peuple » pourrait également correspondre au terme de diplomatie publique, puisque cette dernière s’adresse aux sociétés des pays étrangers.
Cependant, il n’y a pas eu d’uniformisation quant à l’emploi du terme et différentes communautés scientifiques, parfois à l’intérieur d’une même entité, utilisent des termes différents. Par exemple, l’Etat possède une agence fédérale « pour les affaires de la communauté des Etats indépendants, des compatriotes vivant à l’étranger et pour la coopération humanitaire internationale », appelée Rossotroudnitchestvo , qui utilise davantage le terme d’obchectvennaïa diplomatia, pour sa référence à « ce qui est commun à l’ensemble de la société », et, à moindre échelle, celui de narodnaïa diplomatia, car, si sa signification, héritée de l’époque communiste, ne correspond pas parfaitement à ce que l’agence entend par diplomatie publique, elle a le mérite d’être comprise par l’ensemble de la population russe (cf. Annexe 1. Différenciation et définition de la diplomatie publique par le Rossotroudnitchestvo)53. Cependant une ONG russe, le fond Gortchakov pour la diplomatie publique, accréditée en 2010 par l’Etat russe, a délibérément choisi le terme de poublitchnaïa diplomatia. Le fond Gortchakov pour la diplomatie publique n’a en fait de non-gouvernemental que son statut. Le directeur, Leonid Dratchevski, est un ancien ministre de Vladimir Poutine, chargé des affaires de la CEI, et le président du conseil d’administration est Sergueï Lavrov, actuel ministre des Affaires étrangères russes. Selon l’agence fédérale Rossotroudnitchestvo, le terme de poublitchnaïa diplomatia met trop en avant l’Etat, et a de ce fait été écarté. Le fait que l’agence fédérale choisisse le terme obchectvennaïa diplomatia serait donc avant tout une technique de communication de la part de l’Etat russe visant à mettre en avant l’importance du rôle de la société dans le processus, et qui en l’utilisant se place de fait en retrait. En revanche, caché derrière le statut d’organisation non gouvernementale, l’Etat semble ne pas s’encombrer des variations terminologiques et peut utiliser directement le terme de poublitchnaïa diplomatia.
Cet exposé un peu long sur les variantes terminologiques propre à la langue russe permet de faire 3 observations : D’abord, que l’Etat russe s’intéresse de très près à la diplomatie publique. En plus de développer des organismes spécialisés, il y place des personnalités clés. S’intéressant à la diplomatie publique, il s’intéresse également à son corollaire, le soft power, car comme pour les Anglo-Saxons, les deux notions sont liées54. Ensuite, que l’Etat russe veut que sa société se sente impliquée dans le processus de diplomatie publique et se met volontairement à l’écart en apparence, en utilisant le terme d’obchectvennaïa diplomatia plutôt que celui de poublitchnaïa diplomatia dans la terminologie des corps étatiques officiels.
Enfin, que les trois termes peuvent être légitimement employés. Même s’ils mettent en avant, terminologiquement parlant, des entités différentes, ils portent la même essence.
Mais quelle est cette « essence »? La définition russe de diplomatie publique se rapproche en fait assez fidèlement de celle développée par les Anglo-Saxons. Dans les ouvrages récents relatifs à ce thème, les auteurs cités comme références sont européens et américains (Joseph Nye bien sûr, mais également Edmund Gullion, Jarol B. Manheim, Jan Melissen, ou encore Simon Anholt). Il n’y a pas, ou peu, de référence à la période soviétique. Pour les Russes, la diplomatie publique peut être générée par l’Etat comme par la société (elle conçoit donc la « diplomatie publique » et la « nouvelle diplomatie publique » qui prend en compte le rôle de la société dans la production de diplomatie publique), et elle a pour but de rehausser l’image de l’Etat à l’étranger.
Dans la forme, comme dans le fond, la diplomatie publique russe actuelle veut se différencier des politiques menées sous les Soviétiques. Alors appelée narodnaïa diplomatia, la diplomatie publique était strictement opposée à la « diplomatie des gouvernements », qui en était de fait exclue. Elle était en quelque sorte l’apanage du seul peuple pour dialoguer avec les autres peuples. Or, les Russes partent du principe que la diplomatie publique doit aujourd’hui émaner à la fois de l’Etat et de sa société. Et formellement, nous l’avons vu, narodnaïa diplomatia est aujourd’hui employé comme un synonyme de obchectvennaïa diplomatia.
Les principales ressources pour la politique de diplomatie publique. Selon l’agence fédérale Rossotroudnitchestvo, la Russie « détient un sérieux potentiel en termes de diplomatie publique. Cependant son utilisation optimale se heurte à des problèmes compliqués, dont la résolution exige à la fois la volonté de l’Etat et l’implication d’autres forces sociales »55. Sous les soviétiques, de nombreux phénomènes étaient en mesure d’être utilisés par la diplomatie publique : le premier Spoutnik dans l’espace, les exploits de Youri Gagarine, les victoires des sportifs soviétiques. Cependant, l’agence fédérale le reconnaît ellemême, « un tel soft power n’était pas comparable à celui de l’Ouest »56. Aujourd’hui, l’ensemble des organismes russes spécialisés sur les questions de diplomatie publique s’accordent sur ces ressources : d’abord, la Russie est un centre « civilisationnel » dont se sentent proches les russophiles des pays de l’ex-URSS ou ceux qui ont immigrés. Il est vrai que la langue russe ou encore l’accès de ces populations à l’espace interactif russe (média, internet) est facilité. Ainsi, en Arménie, au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Moldavie, en Ukraine et au Tadjikistan, plus des trois-quarts de la population regarde la télévision russe, et cette part est de 96% en Biélorussie ; ensuite, certaines particularités culturelles nationales sont capable de générer du soft power comme la littérature nationale, la musique classique, les ballets, le sport ; enfin, la Russie possède de nombreuses infrastructures de diplomatie publique à l’étranger, héritage de la période communiste, comme les centres culturels russes ou les bureaux d’information. Pourtant, on peut noter en aparté, que l’action de ces institutions reste limitée pour équilibrer avec le maintien ferme du hard power.
A cela on pourrait ajouter que la Russie a développé ses moyens d’information à l’échelle internationale. En 1991, RIA Novosti, une des plus importantes agences de presse russes est passée sous la tutelle de l’Etat avant d’être refondée en 2004 et aujourd’hui devenir une importante courroie d’information à l’étranger. Son site est consultable dans une dizaine de langue différente. En 2005, RIA Novosti fonde la chaîne Russia Today (RT), chaîne anglophone qui se veut l’équivalent russe, quoi qu’encore modeste, de la BBC et de CNN. On peut également noter que des médias russes se sont associés à d’autres médias internationaux comme Rossiyskaya Gazeta ou Russia in Global Affairs.

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Table des matières

Introduction 
Partie I : Pratique du Terrain, Approche conceptuelle et méthodologie
Chapitre I Le Terrain : le littoral russe de la Mer Noire 
A) La genèse de la recherche et la justification du choix du terrain
B) La structure du système du littoral de la Mer Noire
Chapitre II Les Concepts
A) Principales théories et critiques
B) L’adaptation au « cas » russe
Chapitre III L’idée 
A) Thèse et hypothèse de recherche : la posture de départ
B) Les outils pour étayer l’hypothèse
Partie II : Le littoral russe de la Mer Noire, au coeur d’une stratégie d’attraction
Chapitre IV La valorisation de l’espace littoral de la Mer Noire
A) Les ressources « primaires » du littoral
B) Mise en marche des mécanismes de valorisation : un espace dynamique en pleinemutation
C) Un espace d’investissements
D) Intégration et polarisation : la construction d’un carrefour régional
Chapitre V Le rôle de la valorisation de l’espace : Augmenter l’attractivité
A) S’appuyer sur les ressources et les mécanismes et favoriser certains domaines
B) Assurer la sécurité du littoral de la Mer Noire
C) La mise en place d’une sun belt « à la russe » ?
Chapitre VI La génération d’un soft power en marche ?
A) Le littoral russe possède des ressources capable de générer du soft power
B) Quelle diplomatie publique sur le littoral pontique russe ?
C) Difficultés et limites de la génération du soft power
Partie III : Les freins à l’attractivité et leur gestion
Chapitre VII Un espace à risque ? Le littoral aux portes de zones géopolitiques instables
A) Des citoyens « encombrants »
B) Des voisins turbulents
C) Le système Caspienne-Mer Noire, carrefour des ambitions et terrain de jeux géostratégique
D) Les risques effectifs pour le littoral de la Mer Noire
Chapitre VIII Les dysfonctionnements internes du système du littoral de la Mer Noire
A) La complexité du fonctionnement russe, frein à l’investissement étranger et au tourisme ?
B) Le problème de la superposition : le littoral en quête de stabilité
C) L’effrayante perspective de la macrocéphalie
Chapitre IX La Nécessité d’une politique de gestion efficace 
A) Réduire les freins à l’attractivité
B) Soft power et diplomatie publique « à la russe » : essai de définition
C) Atouts et freins à l’attractivité sur le littoral russe de la Mer Noire : Synthèse
Partie IV : Sotchi 2014, l’outil de diplomatie publique le plus abouti. Etude de Cas
Sotchi 2014: au coeur de la future cité olympique
La stratégie de diplomatie publique décryptée
L’épreuve du feu
Conclusion
Table des figures
Bibliographie
Ressources numériques 
Annexe 1. Les « trois » diplomaties publiques russes. Texte original et traduit

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