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LA NORMATIVITE ISSUE DE L’ACTION DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET REGIONALES EN MATIERE DES BIOTECHNOLOGIES
L’adoption d’un cadre réglementaire régissant la traçabilité et l’étiquetage des produits biotechnologiques vise à prévenir les risques biotechnologiques. D’une manière générale, la traçabilité permet de suivre chaque ingrédient depuis sa source jusqu’au produit fini. Dans le cas des produits biotechnologiques, la mise en place d’un système uniformisé de traçabilité permet l’identification et la surveillance des effets indésirables à long terme sur l’environnement et la santé humaine ou animale et, donc, de retirer du marché des produits quand un risque est établi. Par ailleurs, elle donne à tout acteur susceptible d’être en contact avec les produits des informations sur la composition d’un produit. Grâce à la traçabilité, le contrôle de l’étiquetage est alors plus aisé car il est possible de vérifier la validité et la fiabilité des informations. Ainsi, la traçabilité est un outil de gestion des risques a posteriori et vise à assurer une plus grande transparence dans la production, la commercialisation, l’utilisation et la consommation des produits biotechnologiques. Il ressort de cet aperçu que le voyage aux confins du droit, effectué dans le premier chapitre de cette étude a permis d‟explorer le contexte, explicatif et créateur tout à la fois, de la régulation des produits biotechnologiques et leurs risques : la société des produits biotechnologiques. Ce périple amène, dans un second temps, à poser la réflexion sur la traduction normative des traits distinctifs de celle-ci.
L‟approche communautaire de la réglementation de ces produits forme l‟amorce de cette nouvelle expédition analytique. Les produits biotechnologiques s‟agencent autour de trois axes principaux : économique, sécuritaire et sociétal. En tant qu‟émanation normative de ceux-ci, le droit des biotechnologies se présente comme le médian construit, et perpétuellement renouvelé, de l‟intégration et de la conciliation de ces trois axes. Dans ce chapitre, on étudiera la place prépondérante que l‟axe économique a occupé, pendant longtemps, en droit communautaire182, et dont il bénéficie, aujourd‟hui encore, en droit international. Par les remous des crises alimentaires et les débats entourant le phénomène expansif de la biotechnologie, ces dernières années ont connu la montée en puissance de l‟axe sécuritaire, traduisant une conscientisation collective des risques alimentaires, dans leurs aspects sanitaire et environnemental, et la revendication d‟un renforcement de leur encadrement par le droit. Cet axe sécuritaire a bénéficié d‟un écho retentissant dans la sphère communautaire notamment en Europe et en Afrique, laquelle a ainsi rééquilibré l‟équation qu‟il forme avec le principe de la libre circulation des marchandises de l‟axe économique. La résonance de l‟axe sécuritaire en droit économique international reste, au contraire, plus faible, et n‟est prise en considération que sous la forme d‟une dérogation strictement consentie à l‟impératif prépondérant du libre-échange. L‟axe sociétal a progressivement émergé aux côtés de, et en interaction avec, les deux autres. Il consacre notamment la marge accordée aux choix, aux préférences, aux préoccupations de ces protagonistes hybrides que sont les consommateurs, tant à l‟égard des aliments qu‟ils consomment que de leur perception des innovations. Par sa réalité, son importance, et ses répercussions sur la structuration des marchés agroalimentaires, l‟axe sociétal ne peut être ignoré. S‟imposant ainsi par son pragmatisme, il ne fut pourtant que graduellement consacré dans les normes. Il est davantage exalté en droit communautaire, alors que le droit international ne l‟incorpore que du bout des doigts. C‟est que l‟axe social emporte, dans son sillage, une polémique tenant à l‟intégration de facteurs sociétaux dans le processus décisionnel, pour ce qui concerne son aspect matériel, et tenant à la consécration de droits et de mécanismes relatifs à l‟information et à la participation, pour ce qui est de leur intégration procédurale. On le verra, l‟intégration, de ces axes- de ces enjeux- s‟effectue de manière différentiée selon que l‟on évolue dans la sphère du droit africain ou du droit européen. Les divergences portent sur leur conceptualisation et leur reconnaissance, mais aussi sur leurs modalités juridiques d‟intégration183, modalités qui reflètent elles-mêmes le poids accordé à chacun de ces axes dans, et par, le droit. Elle appelle aussi à une intégration de protagonistes, dont le consommateur, qui participe à l‟inscription et l‟expression de ces divers enjeux dans le droit alimentaire. A nouveau, le degré d‟intégration de ces acteurs et de coordination entre eux se différentie selon le niveau d‟intervention- européen et africain- envisagé dans ce chapitre.
Après avoir aborder les traits distinctifs des différentes règles générales pour le commerce des produits biotechnologiques en guise de réponses aux recommandations du Protocole, la deuxième analyse de la première section concerne les autres règles spécialisées sur les produits biotechnologiques (section 1). Ensuite, analysera-t-on en ce sens, dans la deuxième section la contribution législative de l‟UE et de l‟UEMOA au vu de l‟extension des normes communautaires harmonisées assurant la régulation de la mise sur le marché des produits transgéniques (section 2). Ces réglementations communautaires aménagent le rôle des Etats membres, et de leurs autorités nationales, au sein du système procéduralisé de maîtrise des risques qu‟elles organisent.
par l‟acceptation de dérogation au libre-échange ou par des normes harmonisées.
LA CONTRIBUTION NORMATIVE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES SPECIALISEES
A l‟égard des produits d‟une complexité technique particulière, telles que certaines catégories d‟aliments184, une normativité communautaire peut s‟avérer plus appropriée185. Elle apparaît comme la « voie royale »186 de la libre circulation des marchandises. En droit communautaire, l‟approche préventive aux atteintes au marché intérieur s‟est ainsi objectivée principalement par la conception de règlementations communautaires harmonisatrices des législations nationales187, de nature horizontale188et de nature verticale189.
Cette contribution normative de ces institutions spécialisées implique fondamentalement une réorganisation des compétences étatiques et communautaires. Et force est de constater que, sous l‟impulsion de cette extension du droit communautaire, la sphère d‟intervention des Etats membres ne cesse de s‟atrophier. Ainsi, toute cette activité normative initiée d‟abord au plan international a été relayée au plan régional par des organisations à vocation continentale et comme l‟OUA190, depuis devenue l‟UA 191 ainsi que par des organisations interétatiques à vocation économique192 telles que l‟Union Economique Européenne et l‟Union Economique et Monétaire Ouest Africaine et ; ceci à travers la mise en œuvre des recommandations du protocole de Carthagène.
LES REGLES GENERALES POUR LE COMMERCE DES PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
L’OMC est une organisation internationale dotée d’un caractère institutionnel de la même envergure que celui de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international. La mission de l’OMC est double: libéraliser et superviser le commerce international. L’Accord SPS est loin d’être le moindre des accords retenus par l’Organisation. Il s’agit du principal instrument qui permet aux États membres de l’OMC de participer au commerce international des produits agricoles et des OGM. Dans ce sens l’Accord SPS a un grand défi à relever quand on connaît la complexité de cette question.
Conformément à l’esprit de l’Organisation, l’Accord SPS a pour mission de conduire à la libéralisation des marchés agricoles internationaux. Dans sa substance, l’Accord SPS rappelle principalement les normes et recommandations édictées par trois organisations internationales qui sont la Commission du Codex Alimentarius, l’Office international des épizooties (OIE) et la Convention internationale pour la protection des végétaux. Dans les faits, la Commission du Codex Alimentarius établit les normes relatives aux additifs alimentaires, aux contaminants, aux toxines, aux résidus de médicaments vétérinaires et aux pesticides. Celui-ci traite également des méthodes d’analyse et d’échantillonnage.
Quant à l’Office international des épizooties, il contient les normes relatives à la santé des animaux et aux zoonoses, sous forme de directives et de recommandations. Enfin, pour ce qui est de la Convention internationale pour la protection des végétaux, elle comprend les normes, directives et recommandations internationales élaborées pour la préservation des végétaux. Dans la pratique, l’Accord SPS autorise les États-membres de l’OMC à édicter des normes de commerce international à conditions que celles-ci soient fondées sur des normes et des recommandations internationales existantes. Une des principales particularités de cet instrument réside sur le fait que celui-ci n’admet que la preuve scientifique fournie sur la base d’une étude d’évaluation des risques, comme unique mobile de maintien par un Membre, d’un niveau de protection plus élevé que celui promu par les normes et recommandations internationales existantes. Le fondement des mesures sur des nonnes et recommandations existantes et la preuve scientifique comme mobile par excellence de prohiber l’importation d’un produit agricole sont les deux principaux principes directeurs du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. C’est en effet de l’interprétation de ces deux dispositions que repose l’essentiel du droit du commerce international des produits agricoles.
Avant d’étudier l’Accord SPS de l’OMC et l‟initiative tirée du GATT par l‟ORD de l‟OMC, on propose une section introductive portant sur l’apport de l’Union européenne à l’émergence de la précaution et de la précaution dans le droit international de l’environnement et du commerce.
L’APPORT DE L’UNION EUROPEENNE A L’EMERGENCE DU DROIT INTERNATIONAL DE L’ENVIRONNEMENT ET DU COMMERCE DES PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
La percée du principe de précaution est surtout une œuvre de l‟UE qui vise à hisser celui-ci au statut de norme internationale. C’est l’aboutissement d’une logique interprétative environnementale et sociale. Les affaires du maïs génétiquement modifié et des viandes de bœuf hormonées qui seront étudiées plus tard confirment le caractère prépondérant de l’Union européenne dans le processus de législation et de normalisation dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la sécurité biologique. Instruits sur ces questions et sur le rôle principal que joue l’Union européenne dans l’émergence du droit du commerce international des OGM, nous pouvons aborder avec plus d’aisance la définition du statut juridique de l’OGM agricole médical. Le Canada a déjà reconnu que compte tenu de l’importance du marché européen, le principe de précaution n’en est qu’à ses premiers pas dans la normalisation des mesures sanitaires et phytosanitaires relative au commerce international des produits agricoles193. Fort de ces acquis, l’Union européenne a participé activement à la définition du statut juridique de l’OGM lors des négociations du texte du Protocole sur les risques biotechnologiques. Soutenue par les pays en développement et les ONG pour la commune cause de l’adoption du principe de précaution, l’Union européenne a tenu une place de leardership tout le long des négociations de biosécurité.
La précaution: un apport prépondérant du droit européen. En effet, le débat social sur les OGM connaît une ampleur sans précédent dans les Etats de l’Union européenne. Ce fait explique l’importance de l’activité législative au sein de l’Union européenne. Les négociations du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques ont été marquées par la position prédominante de l’Union européenne en faveur du principe de précaution. L’Union européenne est un acteur influent de la formation du droit international en biosécurité. Dès lors, il semble nécessaire de se pencher davantage sur l’importance de l’activité législative de cette dernière en matière de commerce des OGM. Cette étude nous permettra de mieux appréhender l’influence de la législation de l’Union européenne sur la définition du statut juridique de l’OGM agricole médical. Il faut dire que l’Union européenne appréhende l’OGM de manière globale. Cette approche globale est la caractéristique principale qui fait l’originalité de la législation de l’Union européenne en biosécurité. Du point de vue purement agricole, la démarche trouve des origines lointaines dans le concept de Développement Rural Intégré (DRI). Celui-ci est apparu dans les années 1980. Il découle de la conception selon laquelle les éléments du système agraire ne sauraient s’étudier convenablement de manière indépendante les uns des autres. L’agrosystème devait être étudié partir des interactions entre ses différents composants. Dans un passé plus récent, le DRI a influencé le concept d’agriculture plurifonctionnelle adoptée au sein de la politique agricole de l’Union européenne.
L’agriculture plurifonctionnelle suppose la prise en compte de l’ensemble des dimensions du secteur agricole notamment l’environnement, le maintien de la biodiversité, le bien-être des animaux194. Dans la perspective de la prévention du risque biotechnologique, l’agriculture plurifonctionnelle pourrait fournir les bases théoriques de l’encadrement des biotechnologies agricoles par le droit195, Le concept place l’innovation biotechnologique agricole médicale dans un contexte global de développement rural où tous les éléments du système agraire interagissent selon un équilibre agrosystémique. L’humain, l’environnemental, le social, le culturel, le sanitaire, le phytosanitaire et le politique y sont intensément interreliés. Le droit y intervient dans son rôle traditionnel de régulateur. La perspective durable de précaution qui est fortement implantée dans le programme mondial de biosécurité auquel les OGM agricoles médicaux sont soumis, sera le principe directeur de cette étude des potentialités de la biotechnologie agricole médicale en développement rural intégré.
L’APPORT DE L’UEMOA A L’EMERGENCE DU DROIT INTERNATIONAL DE L’ENVIRONNEMENT ET DU COMMERCE DES PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
La précaution est le fondement principal du statut juridique de l’OGM et de la formation du droit international en biosécurité. Elle fait appel à un contexte généralement marqué par le recours à la contrainte due essentiellement à la faiblesse des connaissances scientifiques liées à l’innovation technologique en soi. En tant que principe, la précaution puiserait ses origines au sein de la législation allemande sous le vocable germanique de Vorsorgeprinzip196. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) illustre la précaution en ces termes: « Si une activité risque de nuire à l’environnement ou à la santé des gens, des mesures de précaution s’imposent, même si l’on a pu établir scientifiquement la causalité »197. Malgré les déviements fréquents mettant l’accent sur une «démarche» de précaution plutôt que sur un «principe» de droit en tant que tel, on peut dire que l’émergence de la contrainte en matière de précaution est un processus qui bénéficie d’une constance et d’une consistance au fil des instruments internationaux198. Par exemple, à l’alinéa f du paragraphe 3 de l’article 4, la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux en Afrique de 1991 stipule que chaque Partie devra s’efforcer pour implanter des mesures préventives et adopter une approche de précaution dans ses activités de dissémination de substances susceptibles de causer des torts aux gens et à l’environnement. Cette disposition somme par ailleurs les Membres à ne libérer de telles substances que sur des preuves scientifiques199. Dans ses dispositions générales recueillies à son article 2, plus précisément au paragraphe 5.a, la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux met de l’avant le principe de précaution dans une perspective transfrontalière200. En effet, le paragraphe en question stipule que: « Le principe de précaution, en vertu duquel elles [mesures visées aux paragraphes 1 et 2] ne diffèrent pas la mise en œuvre de mesures destinées à éviter que le rejet de substances dangereuses puisse avoir un impact transfrontière au motif que la recherche scientifique n’a pas pleinement démontré l’existence d’un lien de causalité entre ces substances, d’une part, et un éventuel impact transfrontière d’autre part»201 Il est également pertinent de citer la Convention de Sofia de 1994 sur la protection du Danube. En effet, au paragraphe 4 de l’article 2 de cet instrument international, les Parties se sont prononcées en faveur de l’adoption du «principe du pollueur-payeur » et du principe de précaution comme fondements directeurs des mesures de protection du Danube et des eaux de son bassin hydrographique202. Les Etats ont pu également exprimer leur attachement au principe de précaution au paragraphe 3 de l’article 3 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Cet instrument prend non seulement le soin de définir le principe de précaution mais aussi il donne à celui-ci une portée spécifique sur la problématique des changements climatiques. Ainsi, l’intention des Parties est sans équivoque: «Il incombe aux Parties de prendre des mesures de précaution pour prévoir, prévenir ou atténuer les causes des changements climatiques et en limiter les effets néfastes. Quand il y a risque de perturbations graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour différer l’adoption de telles mesures, étant entendu que les politiques et mesures qu’appellent les changements climatiques requièrent un bon rapport coût-efficacité, de manière à garantir des avantages globaux au coût le plus bas possible. Pour atteindre ce but, il convient que ces politiques et mesures tiennent compte de la diversité des contextes socio-économiques, soient globales, s’étendent à toutes les sources et à tous les puits et réservoirs de gaz à effet de serre qu’il conviendra, comprennent des mesures d’adaptation et s’appliquent à tous les secteurs économiques. Les initiatives visant à faire face aux changements climatiques pourront faire l’objet d’une action concertée des Parties intéressées »203.
LES AUTRES REGLES INTERNATIONALES AFFERENTES A LA BIODIVERSITE
Ce point fait référence à un cadre normatif complémentaire de commerce international des produits biotechnologiques à travers deux volets : l‟accord Sanitaire et Phytosanitaire de l‟OMC (SPS) et l‟initiative tirée du GATT par l‟organe de règlement des différends de l‟OMC.
L’ACCORD SANITAIRE ET PHYTOSANITAIRE (SPS) DE L’OMC : UN CADRE NORMATIF COMPLEMENTAIRE DE COMMERCE INTERNATIONAL DES PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
L’Accord SPS de l’AME est sans aucun doute le principal cadre normatif mis en œuvre pour le commerce international des produits agricoles dans leur globalité. Il permet aux États de produire et de vendre dans les marchés internationaux toutes les gammes des produits agricoles, de la semence aux produits agricoles transformés, par le recours aux nouvelles technologies de l’agroalimentaire. La globalité du champ d’application de l’Accord SPS est manifeste à la lecture de la définition de la mesure sanitaire et phytosanitaire en soi :
protéger, sur le territoire du Membre, la santé et la vie des animaux ou préserver des végétaux des risques découlant de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de parasites, maladies, organismes porteurs de maladies ou organismes pathogènes; protéger, sur le territoire du Membre, la santé et la vie des personnes et des animaux, des risques découlant des additifs, contaminants, toxines ou organismes pathogènes présents dans les produits alimentaires, les boissons ou les aliments pour animaux;
protéger, sur le territoire du Membre, la santé et la vie des personnes des risques découlant de maladies véhiculées par des animaux, des plantes ou leurs produits, ou de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de parasites; ou empêcher ou limiter, sur le territoire du Membre, d’autres dommages découlant de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination de parasites210. A la lumière de cette définition, nous pouvons d’emblée tirer un premier enseignement à l’effet que la mesure SPS est avant tout une mesure de libéralisation du commerce international des produits agricoles. Le second enseignement est que les Etats se doivent de tenir compte de la préservation de la santé et de la vie des populations ainsi que la protection des végétaux et des animaux dans le processus de mise en œuvre de la mesure SPS. De ces faits, la définition de la mesure SPS couvre adéquatement la problématique du commerce international des produits agricoles ordinaires. Dans son article 3 qui traite de l’harmonisation des normes, directives et recommandations internationales pertinentes en gestion du commerce international des produits agricoles, l’Accord SPS stipule au paragraphe 1 que: Afin d’harmoniser le plus largement possible les mesures sanitaires et phytosanitaires, les Membres établiront leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base de normes, directives ou recommandations internationales, dans le cas où il en existe, sauf disposition contraire du présent accord, et en particulier les dispositions du paragraphe 3211. Ce paragraphe 1 de l’article 3 introduit la question d’harmonisation sur la base du fondement effectif de la norme établie par le Membre. La seule exception qui serait permise concernerait l’adoption par un Membre, d’une norme plus élevée, s’il y a une justification scientifique, selon les termes du paragraphe 3 du même article qui stipule que: Les Membres pourront introduire ou maintenir des mesures sanitaires ou phytosanitaires qui entraînent un niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire plus élevé que celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur les normes, directives ou recommandations internationales pertinentes s’il y a une justification scientifique ou si cela est la conséquence du niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire qu’un Membre juge approprié conformément aux dispositions pertinentes des paragraphes 1 à 8 de l’article 5212. Ainsi, même si l’article 3.3 peut autoriser un niveau de protection SPS plus élevé, jugé approprié par un Membre, sur une base scientifique pertinente, l’exception ne serait approuvée que conformément à l’article 5. Celui-ci traite de l’évaluation des risques et de la détermination du niveau approprié de protection sanitaire et phytosanitaire. Nous relaterons uniquement les dispositions de l’article 5 pertinentes à notre recherche en l’occurrence les paragraphes 5 et 8. Le paragraphe 5 stipule que: En vue d’assurer la cohérence dans l’application du concept du niveau approprié de protection sanitaire ou phytosanitaire contre les risques pour la santé ou la vie des personnes, pour celles des animaux ou pour la préservation des végétaux, chaque Membre évitera de faire des distinctions arbitraires ou injustifiables dans les niveaux qu’il considère appropriés dans des situations différentes, si de telles distinctions entraînent une discrimination ou une restriction déguisée au commerce international213. L’interprétation d’une telle disposition nous montre que la possibilité d’adopter une mesure plus élevée justifiée scientifiquement pourrait même être remise en cause par les dispositions de l’article 5.5 relatives aux concepts de distinctions dites arbitraires ou injustifiables et des situations dites différentes. Ces considérations ont, nous semble-t-il, une connotation qualitative capable d’annihiler toute pertinence et tout apport de la justification scientifique mise de l’avant par l’article 3.3. La difficulté d’une telle démarche réside dans le fait que lorsqu’un Membre prendra une mesure SPS justifiée scientifiquement sur des normes établies dans des conditions dites différentes de celles de la mesure SPS, la mesure prise pourrait être considérée comme une discrimination ou une restriction déguisée au commerce international. D’ailleurs, en cas de plainte, le Membre qui maintiendrait une telle mesure est tenu de fournir une explication comme le stipule l’article 5.8: Lorsqu’un Membre aura des raisons de croire qu’une mesure sanitaire ou phytosanitaire spécifique introduite ou maintenue par un autre Membre exerce, ou peut exercer, une contrainte sur ses exportations et qu’elle n’est pas fondée sur les normes, directives ou recommandations internationales pertinentes, ou que de telles normes, directives ou recommandations n’existent pas, une explication des raisons de cette mesure sanitaire ou phytosanitaire pourra être demandée et sera fournie par le Membre maintenant la mesure214.
En l’état actuel de l’Accord SPS, l’absence de la norme relative à la biosécurité expose tout Membre à cette lourde démarche en cas de prohibition d’un OGM. Ainsi, toute mesure de prohibition d’un OGM devrait se heurter aux conditions restrictives de l’Accord SPS en ce sens qu’il s’agirait d’une norme non fondée sur des normes et des recommandations internationales existantes. En effet, plusieurs différends ont fait ressortir la rigueur juridique avec laquelle les groupes spéciaux et l’organe d’appel de l’OMC appliquent le principe du fondement scientifique. Dès qu’il y a un doute quant à la justification scientifique d’une mesure, les groupes spéciaux et l’Organe d’appel la rejettent si elle ne peut se justifier par une autre disposition des accords215. A la lumière de ces généralités sur les avenues des processus normatif et d’harmonisation promues au sein de l’Accord SPS, nous pouvons retenir que les États, soucieux d’assurer la libéralisation du commerce international des produits agricoles, ont mis de l’avant un solide levier jusqu’ici incontournable: la justification scientifique de la mesure dite non fondée sur une norme ou recommandation existante. Si la procédure d’autorisation préalable en connaissance de cause permet la mise en œuvre de la précaution contraignante dans le commerce international des OGM agricoles, la justification scientifique ouvre amplement les frontières aux produits agricoles dont le niveau de protection SPS, n’est pas toujours adéquat pour la Partie importatrice. De la conciliation de ces deux concepts dépendra l’émergence et la consolidation du principe de précaution dans le commerce international en général et en biosécurité en particulier. La jurisprudence de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC avec celle du mécanisme de règlement des différends de la CDB constitueront les principaux moteurs de l’émergence et de la consolidation de la précaution. Nous présenterons la structure de l’ORD avant d’analyser l’Accord SPS. Comme dans le cas du mécanisme de règlement des différends de la CDB, la justification de l’étude de l’ORD trouve son sens dans la perspective de 1’harmonisation des cadres applicables au commerce international des OGM prévue dans la deuxième partie de notre projet de recherche.
L’INITIATIVE TIREE DU GATT PAR L’ORGANE DE REGLEMENT DES DIFFERENDS (ORD) DE L’OMC DANS LA LOGIQUE DE L’EVOLUTION DU DROIT INTERNATIONAL
Retenons d’emblée que les principes du mécanisme de règlement des différends de l’OMC trouvent leur fondements dans les dispositions de l’ancien GATT. L’attachement des Etats à l’actuel mécanisme est donc la continuité d’un engagement aux anciens principes de résolution des différends. En effet, à l’article 3 traitant des dispositions générales du Mémorandum d’accord sur le règles et procédures régissant le règlement des différends de l’OMC, les Etats ont tenu à exprimer d’emblée et sans équivoque leur volonté de renforcer et de consolider les principes de règlement des différends hérités du GATT. En effet, il y est stipulé que: Les Membres affirment leur adhésion aux principes du règlement des différends appliqués jusqu’ici conformément aux articles XXII et XXIII du GATT de 1947, et aux règles et procédures telles qu’elles sont précisées et modifiées dans le présent mémorandum d’accord216. Toutefois, à la lecture de ce même article 3, les Membres entendaient mettre sur pied un mécanisme s’inscrivant dans la logique de l’état du droit international public. En effet, on a pu y noter que: Les Membres reconnaissent qu’il [mémorandum d’accord] a pour objet de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés, et de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières d’interprétation du droit international public217. Pour permettre toutefois à l’ORD d’atteindre les objectifs des Membres, les Parties ont décidé de la création de plusieurs instances qui font la souplesse de ce mécanisme, en dépit des limites de celui-ci.
L ‘ORD est un mécanisme à plusieurs instances pour faire face à la complexité des enjeux du commerce international. En effet, le mécanisme de règlement des différends de l’OMC comprend trois principales instances. Nous connaissons l’Organe de règlement des différends (ORD) en tant que tel. De plus, il est possible de mettre sur pied des groupes spéciaux. Enfin, nous notons l’existence d’un organe d’appel au sein du mécanisme. Tout d’abord, les groupes spéciaux se forment à la demande des Parties plaignantes. En effet, selon les termes de l’article 6 du Mémorandum, les groupes spéciaux sont constitués à la demande de la Partie plaignante. Ce dernier article stipule effectivement sur ces deux articles que:
1 : si la Partie plaignante le demande, un groupe spécial sera établi au plus tard à la réunion de l’ORD qui suivra celle à laquelle la demande aura été inscrite pour la première fois à l’ordre du jour de l’ORD, à moins qu’à ladite réunion l’ORD ne décide par consensus de ne pas établir de groupe spécial.
2 : la demande d’établissement d’un groupe spécial sera présentée par écrit. Elle précisera si des consultations ont eu lieu, indiquera les mesures spécifiques en cause et contiendra un bref exposé du fondement juridique de la plainte, qui doit être suffisant pour énoncer clairement le problème. Dans le cas où la Partie requérante demande l’établissement d’un groupe spécial dont le mandat diffère du mandat type, sa demande écrite contiendra le texte du mandat spécial proposé218. Les groupes spéciaux ont des mandats précis. Les Membres ont consacré le premier paragraphe de l’article 7 du mémorandum à cette question. Ces derniers s’y accordent pour dire en effet que: Les Groupes spéciaux auront le mandat ci-après, à moins que les Parties au différend n’en conviennent autrement dans un délai de 20 jours à compter de l’établissement du groupe spécial:
examiner, à la lumière des dispositions pertinentes de (nom de l'(des) accord(s) cité(s) par les Parties au différend), la question portée devant l’ORD par (nom de la Partie) dans le document…; faire des constatations propres à aider à l’ORD à formuler des recommandations ou statuer sur la question, ainsi qu’il est prévu dans ledit (lesdits) accord(s).
Quant à l’organe d’appel, c’est à l’article 17 du Mémorandum que les Membres se sont entendus pour mettre sur pied une telle structure. Il s’agit d’un organe permanent. Le paragraphe 1 de l’article 17 traite de l’examen d’appel. Il stipule que cet organisme connaîtra des appels concernant des affaires soumises à des groupes spéciaux et sera composé de sept personnes, dont trois siégeront pour une affaire donnée. C’est également dans cet article 17 qu’il a été stipulé que les Membres de l’organe d’appel siégeraient par roulement. Les paragraphes 9 à 13 de l’article 17 nous renseignent sur les procédures relatives à l’examen en appel. En effet, ces paragraphes stipulent que:
9 : L’organe d’appel, en consultation avec le Président de l’ORD et le Directeur général, élaborera des procédures de travail qui seront communiquées aux Membres pour leur information.
10 : .Les travaux de l’Organe d’appel seront confidentiels. Les Rapports de l’Organe d’appel seront rédigés sans que les Parties au différend soient présentes et au vu des renseignements fournis et des déclarations faites.
11 : Les avis exprimés dans le rapport de l’Organe d’appel par les personnes faisant partie de cet organe seront anonymes.
12 : L’Organe d’appel examinera chacune des questions soulevées conformément au paragraphe 6 pendant la procédure d’appel.
13 : L’Organe d’appel pourra confirmer, modifier ou infirmer les conclusions juridiques du groupe spécial219.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : L’APPLICATION DU DROIT AUX PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES : LES ACQUIS JURIDIQUES
TITRE 1 : UN DROIT APPLICABLE DE SOURCES DIVERSIFIEES
CHAPITRE 1 : LE DROIT DE LA CONVENTION SUR LA BIODIVERSITE ET DU PROTOCOLE DE CARTAGENE
CONCLUSION CHAPITRE 1
CHAPITRE 2 : LA NORMATIVITE ISSUE DE L’ACTION DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET REGIONALES EN MATIERE
DES BIOTECHNOLOGIES
CONCLUSION CHAPITRE 2
CONCLUSION TITRE 1 PREMIERE PARTIE
TITRE 2 : UN DROIT APPLICABLE CONTROVERSE EN REFERENCE AUX PRATIQUES CONTRACTUELLES
CHAPITRE 1 : L’EXAMEN DES CONTRATS RELATIFS AUX PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
CONCLUSION CHAPITRE 1
CHAPITRE 2 : LA NORMATIVITE CONTRACTUELLE RELATIVE AU VIVANT
CONCLUSION CHAPITRE 2
CONCLUSION TITRE 2 PREMIERE PARTIE
CONCLUSION PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : LA SOUMISSION DES PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES AU DROIT: LES OBSTACLES JURIDIQUES
TITRE 1 : LES DEFITS DE LA GESTION MAITRISEE DES RISQUES
CHAPITRE 1 : LA PRISE EN COMPTE DES DIVERS RISQUES LIES AUX PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
CONCLUSION CHAPITRE 1
CHAPITRE 2 : LA PROBLEMATIQUE ETHIQUE DE LA GESTION DES RISQUES
CONCLUSION CHAPITRE 2
CONCLUSION TITRE 1 DEUXIEME PARTIE
TITRE 2 : LA RECHERCHE D’UN DROIT DE LA RESPONSABILITE RENFORC
CHAPITRE 1 : L’EMERGENCE D’UNE RESPONSABILITE SPECIFIQUE EN MATIERE DES BIOTECHNOLOGIES
CONCLUSION CHAPITRE 1
CHAPITRE 2 : LA RESPONSABILITE FACE AUX DIVERS DOMMAGES ISSUS DES PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
CONCLUSION CHAPITRE 2
CONCLUSION TITRE 2 DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
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