Un degré de concentration élevé de firmes dans le domaine de la microélectronique

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Un centre de recherche de haut niveau

Derrière la présence d’un acteur fort de la recherche se retrouve l’hypothèse d’Agrawal et Cockburn (2003), de la cheville d’ancrage (anchor-tenant). Le postulat sous jacent est que “la présence d’une grande entreprise [ou plus généralement d’un acteur important] ayant une forte activité en recherche et développement améliore le système régional d’innovation à tel point que la recherche universitaire locale est plus facilement absorbée par l’industrie locale et stimule la R&D des acteurs locaux »28. Le CEA-Grenoble joue ce rôle dans le paysage grenoblois supporté par l’université de Grenoble et l’INPG.
• Le poids du CEA-Grenoble dans la recherche en micro-électronique et dans sa valorisation industrielle
Le CEA-Grenoble29 occupe dans le paysage scientifique et technologique grenoblois une place importante de par :
– sa taille (de 13 agents à 2116 agents en 1990),
– sa localisation géographique (au cœur de la ville),
– ses installations (63 hectares, 6000 m² de salles blanches, 2 piles nucléaires)
– ses laboratoires (propres ou mixtes – 28% des équipes de la région grenobloise sont localisées dans l’enceinte du CEA-Grenoble30),
– le débouché qu’il représente pour les techniciens, ingénieurs et docteurs,
– l’essaimage d’entreprises (voir par exemple la Figure 2 pour les entreprises essaimées du Léti ou la Figure 1 pour une perspective historique)
– les contrats de recherche qui le lient à de nombreuses entreprises.
Depuis sa création en 1956, le CEA, installé à Grenoble a attiré de nombreux acteurs et organisations (laboratoires ou instituts de recherche internationaux par exemple) et transformé le territoire. Son installation provoque un accroissement des moyens (en ressources humaines et en financement) pour la communauté scientifique de Grenoble lui permettant d’ouvrir de nouvelles voies de recherche. Ainsi, le CEA est à la base de la capacité d’attraction de la région qui accumule des connaissances sur le monde de l’atome, car le CEA développe des programmes dans le domaine de l’énergie (nucléaire ou nouvelles énergies31) mais plus globalement dans les domaines de la chimie et de la physique de la matière (DRFMC32), de la biologie structurale (DRDC33) ou de l’électronique (Léti34). Grâce à cette diversité, de grands centres de recherche européens choisissent de s’y installer comme par exemple l’Institut Laue Langevin (en 1967 avec le réacteur à très haut flux), le laboratoire européen de biologie moléculaire (1977) ou l’Institut de Biologie Structurale (1992). Si le centre est utilisé par de nombreux scientifiques pour bénéficier de l’opportunité de mener de nouvelles expériences, la recherche n’y relève pas que du fondamental, comme les recherches plus appliquées développées au Léti35 le montrent.
• Le rôle particulier du Léti dans le soutien à l’industrie, particulièrement locale
Dans le domaine de l’électronique, le Léti joue un rôle prépondérant dans le pôle grenoblois : d’une position d’unité de support du CEA en 1946, il devient le plus grand laboratoire du CEA à partir du début des années 1970.
Lorsque le Centre d’Energie Nucléaire de Grenoble est constitué, une unité de support en électronique, spécialisée dans le traitement du signal électrique, est créée, comme dans tous les centres du CEA. En effet, dans l’environnement hostile que forme un réacteur nucléaire, les instruments de contrôle de chaleur et d’autres paramètres sont mis à rude épreuve et doivent donc répondre à des critères, de résistance par exemple, très stricts. L’unité de Grenoble atteint néanmoins rapidement une taille bien supérieure à celle des centres de Saclay ou de Fontenay-aux-Roses, fournissant aux autres laboratoires du centre des services personnalisés. L’élément crucial qui accélère le passage de l’unité de support au statut de laboratoire (nommé Léti) est le fait que des organisations publiques et privées s’intéressent aux travaux menés dans le centre. Le directeur de l’unité d’électronique, Michel Cordelle, souhaite alors utiliser les compétences de son unité en complémentarité avec la physique fondamentale pour proposer des contrats aux industriels et participer au soutien à l’industrie électronique nationale36. Cependant, dans le milieu des années 60, les règles administratives du CEA n’autorisent pas de telles pratiques. De plus, les activités de l’unité de Cordelle ne sont pas considérées comme centrales au CEA. Néanmoins, grâce au soutien de Néel, l’unité devient laboratoire de recherche en 1967 et bénéficie même de conditions de fonctionnement assouplies qui permettront au Léti de très vite se développer: le laboratoire est autorisé à être financé partiellement par des ressources extérieures, à transférer le résultat de ses recherches aux industriels, à faciliter la mobilité des ingénieurs avec ces derniers dans ce but et à posséder un comité scientifique dirigé par un membre du monde industriel. Cette orientation initiale implique largement le Léti dans le développement industriel (Figure 2), particulièrement au niveau local.

Une région au capital social élevé

Déjà chez Marshall (1890), la « coopération des forces économiques et sociales » est citée comme un des facteurs importants dans la constitution d’un district industriel : les entrepreneurs se connaissent personnellement les uns les autres et se soutiennent mutuellement. Les travaux sur les districts italiens ont particulièrement mis en avant la place du capital social : liens familiaux et sociaux sont étroitement liés aux affaires. La proximité engendre de nombreuses opportunités de rencontres entre les acteurs facilitant les échanges d’informations (e.g. Marshall, 1890 ; Porter, 1990).
Le capital social joue en effet à Grenoble un grand rôle, à l’image de ce que les chercheurs travaillant sur les districts industriels (Beccatini, 1992 ; Belussi, 2001) décrivent. Les acteurs des sphères politiques, industrielles et universitaires non seulement se côtoient facilement dans leur monde respectif, mais également se mélangent et ce, à tous les échelons dans cette région « reculée » où même le marché dominical ou les sorties en montagne sont l’occasion de se rencontrer et d’échanger. Les ingénieurs du Léti (inclus les directeurs) sont souvent issus de l’INPG, des industriels participent au comité scientifique du Léti, les professeurs de l’INPG sont conseillers scientifiques dans les entreprises, les maires de Grenoble ou de villes environnantes sont d’anciens élèves de l’INPG ou ingénieur du CEA (comme par exemple H. Dudebout, J.F. Veyrat, M. Destot). Néel a su impliquer dès l’origine la région entière dans les sciences et technologies, ainsi que le grand public en instituant des visites du CEA ou en soutenant des partenariats scientifiques avec des collèges et lycées.
Cet élément se retrouve à Grenoble et prend même un relief particulier à cause du caractère géographiquement enclavé de la région. Si de prime abord, cette situation peut être considérée comme un désavantage, elle devient un atout notamment lorsque cela la préserve de la destruction lors des deux guerres mondiales. Allant plus loin même, elle favorise son développement endogène. La région étant d’un accès difficile43, les acteurs locaux doivent compter sur eux-mêmes et développer sur place ce dont ils ont besoin. C’est ainsi que les industriels se rapprochent des universités pour résoudre leurs problèmes et qu’ensuite de nouvelles formations et pistes de recherches voient le jour, rapprochant ainsi toujours plus les deux mondes. De plus, les courtes distances favorisent les synergies (e.g. Marshall, 1890 ; Carluer, 1999 ; voir Figure 3). Au-delà même des collaborations, les acteurs de différents milieux organisationnels et institutionnels développent une culture commune façonnée par l’enclavement et le milieu. Certains vont même jusqu’à déclarer que « l’esprit montagnard et le goût de l’innovation ont réussi à développer autour de Grenoble une véritable vallée du silicium française »44 (Chicoineau, 2004).

Un marché du travail ouvert

La présence d’une main d’œuvre qualifiée permettant de soutenir le développement du district ou du cluster est un autre élément mis en avant dans la littérature sur les clusters ou districts (e.g. Saxenian, 1994)
Le dynamisme du marché du travail en lui-même c’est-à-dire, la mobilité entre les entreprises et la capacité du site à retenir la main d’œuvre formée sont également des éléments à prendre en compte dans l’évaluation du site (Maillat, 1995 ; Marshall, 1890) notamment car cela permet d’augmenter les transferts d’information45 et les apprentissages entre acteurs (Porter, 1990)
L’université grenobloise (au sens large puisque nous y incluons également les écoles d’ingénieurs) assure aux industriels une main d’œuvre qualifiée et formée à leurs besoins. Elle joue un rôle important dans l’endogénéité de la croissance de la région par sa capacité à produire une main d’œuvre qualifiée nécessaire au développement des industries locales46 (mais également à la retenir sur place). La population grenobloise est dans sa globalité mieux formée que la population nationale47. Aussi limitées soient-elles, les statistiques présentées dans les Tableaux 1 a et b démontrent la capacité du tissu régional
à absorber plus de la moitié de ses diplômés les plus qualifiés (bac+3 (techniciens) et au delà (ingénieurs et doctorants). Ces chiffres sont considérés par les spécialistes de l’OURIP48 comme élevés et tendent à prouver le dynamisme de la région. Ceux-ci soulignent également l’adéquation entre offre de formation et demande de l’industrie locale et renforce l’argument signalé auparavant sur la proximité entre les deux mondes.

De multiples transformations qui changent le visage du site

La mise en place de nouvelles collaborations, la restructuration d’acteurs centraux et l’établissement de nouveaux acteurs sur le site sont les signes du dynamisme retrouvé de la région grenobloise. De nouvelles formes de collaborations se sont mises en place liant de façon plus forte les acteurs entre eux. Celles ci sont institutionnalisées au travers de nouvelles pratiques et de nouvelles façons de collaborer. Ces nouvelles coopérations sont instaurées sur base d’investissements importants.

Minatec, au cœur du nouveau modèle

Tout d’abord, Minatec, socle des nouvelles collaborations est fondé en 2002 pour 150 millions d’euros, financé aux deux tiers par les collectivités territoriales. Minatec est le pôle d’innovation grenoblois en Micro et Nano Technologies. Il se compose d’un bâtiment à trois ailes (une pour la recherche55, une pour la valorisation industrielle56 et une pour la formation57 reliées par une structure d’animation58), pouvant accueillir 3500 personnes sur un total de 44000 m². Le bâtiment, de par son architecture (de nombreux espaces de rencontres ont été aménagés) et sa localisation (situé à la bordure du terrain du CEA et du Polygone Scientifique), est conçu pour promouvoir les synergies entre les participants.
La rationalité de Minatec est de constituer un cœur de technologies génériques, briques de base nourrissant les innovations dans un certain nombre de domaines d’applications. Ce point est celui qui fut soulevé au travers de la Figure 5. Promouvoir ces technologies requiert :
– d’une part le rapprochement des acteurs en amont et en aval de la filière physiquement parlant mais également par le biais de moyens de collaborations innovants (i.e. la Recherche Technologique de Base ou RTB) et,
– d’autre part, l’investissement dans des outils technologiques lourds (les plateformes et outils de caractérisation).
Ces principes constituent la base de Minatec qui s’articule autour :
1) du triptyque recherche / formation / industrie dans une mesure tout à fait inédite en France,
2) de moyens d’incitations à la recherche de rupture par des financements de la Recherche Technologique de Base) et de moyens lourds de recherche.

Les outils et services communs de Minatec

L’essence de Minatec est de « faire travailler les acteurs ensemble ». Pour ce faire, un ensemble d’outils et de services sont installés dans l’enceinte même de Minatec.
• La Recherche Technologique de Base
Le mécanisme privilégié pour arriver à ces fins est la RTB. Il s’agit d’un outil incitatif à la recherche collaborative risquée. Programme national instauré en 2003, il est utilisé59 par les acteurs du CEA-Grenoble comme moyen de financement de projets visant à la rupture technologique. Chaque projet est construit autour d’un démonstrateur, objet physique intégrant un certain nombre de fonctionnalités qui seront valorisées dans des innovations en fonction des grands domaines d’applications comme la médecine ou l’électronique grand public. Le but du projet est de résoudre les nœuds technologiques (et donc de prendre des brevets) pour ensuite développer de nouvelles innovations sur ces bases. Dans ce cadre, les relations entre recherche fondamentale et recherche appliquée sont essentielles puisque la résolution des nœuds requiert le développement de recherches bien en amont de ce que les ingénieurs de la recherche appliquée pratiquent habituellement. Ces derniers doivent être en mesure de visualiser un objet et de « le vendre » pour enrôler les chercheurs de domaines plus fondamentaux dans l’exploration de solutions originales. Résultant de ces collaborations (qui entraînent de nouvelles façons de travailler pour les ingénieurs et les scientifiques de la recherche la plus amont) les brevets génériques permettent le transfert d’innovation vers les industriels via les plateformes (cf paragraphe 4.1. 3).
• Les services généraux au sein de la Maison des Micro et NanoTechnologies
Ceux-ci relèvent d’aspects techniques ou pratiques et sont organisées au sein de la Maison des Micro et des NanoTechnologies, structure d’animation de Minatec
L’Observatoire des Micro et NanoTechnologies (OMNT) est institué dans le cadre du programme de la RTB comme outil de veille scientifique. Il regroupe 175 chercheurs du CEA et du CNRS sur l’ensemble du territoire français qui, périodiquement, font le point sur l’état de l’art dans sept60 domaines liés aux micro et nanotechnologies, évaluent la pertinence des informations et les diffusent dans l’ensemble du réseau. Au travers de cet effort, l’objectif de l’OMNT est d’identifier les signaux faibles pour permettre aux acteurs d’investir dans des lignes de recherches que les experts qualifient de « porteuse d’avenir » et de repérer les concurrents au niveau international et se positionner face à eux.
L’objectif ici est bien d’accroître les liens entre recherche fondamentale et recherche appliquée61 en fournissant aux deux parties des éléments pour approcher l’autre.
Afin de favoriser la valorisation des recherches, des services de soutien au dépôt de la propriété intellectuelle, à la valorisation de celle-ci (recherche de clients et recherche de capitaux pour essaimage), ou à sa défense (veille juridique) sont mis à disposition des chercheurs du site. Des liens privilégiés sont entretenus avec des zones d’activités locales ou d’incubateurs, tout particulièrement GRAIN, l’incubateur de la région Rhône-Alpes.

Les centres d’intégration

Les acteurs se retrouvent autour de plateformes qui regroupent un ensemble de compétences et de moyens technologiques dans d’un domaine donné. Chacune vise à produire des brevets spécifiques à partir des brevets génériques développés grâce à la RTB à laquelle nous faisions référence précédemment. Les recherches pour parvenir à ces fins nécessitent des investissements lourds et la concentration d’équipements et de matériels de caractérisation. Ceux-ci sont organisés en plateformes, qui permettent d’intégrer recherche fondamentale (résultant en la publication d’articles scientifiques), recherche appliquée (résultant dans la prise de brevets génériques) et valorisation industrielle (résultant dans la prise de brevets spécifiques), d’où le choix du vocable « centres d’intégration » choisi par les microélectroniciens eux-mêmes pour qualifier l’espace. L’espace se sous-divise en quatre grandes plateformes62 auxquelles nous pouvons ajouter de plus petites plateformes spécifiques.
• Plateforme en nano-biotechnologies
La plateforme NanoBio réuni environ 300 chercheurs du CEA-Grenoble, de l’UJF, du CNRS et de l’INSERM63 autour d’applications pour la santé et la biologie qui pourraient être développées sur base des micro et nanotechnologies. NanoBio a reçu un support de 45.2 millions d’euros de la part des collectivités locales en 200664.
« Les applications concernées par NanoBio sont nombreuses: mise au point de nouveaux médicaments et de nouveaux modes thérapeutiques, développement d’outils miniaturisés (biopuces, laboratoires sur puces, biocapteurs…) pour le diagnostic médical, les contrôles alimentaires, l’analyses bactérienne de l’eau, etc »65.
La plateforme a pris une envergure internationale s’alliant à des partenaires de la plateforme MinaLogic et du Lyon Biopole pour constituer le pôle NanoBio qui coordonne le réseau d’excellence européen Nano2Life66. Soutenu par la Commission européenne, le pôle NanoBio prépare les fondements du futur Institut Européen des Nanobiotechnologies.
• Plateforme en nouvelles sources d’énergies
La plateforme dédiée aux nouvelles sources d’énergies est appelée INERA (Initiatives Nouvelles Energies Rhône-Alpes). Fondée en 2003, l’INERA résulte d’une initiative nationale regroupant des laboratoires de recherche (CEA-Grenoble, INPG, Université de Savoie) et des industriels (Schneider, Air Liquide, EDF). «Initiatives Nouvelles Energies Rhône-Alpes» ou «inventer la distribution électrique de l’avenir», l’INERA a « pour but de favoriser la diversification des nouvelles sources d’énergie renouvelables (photovoltaïque, piles à combustibles, éolienne etc. )» 67
• Plateforme technologies du silicum : Nanotec 30068
Nanotec 300 est la plateforme recherche dédiée au 300 mm, le nouveau standard mondial de production de semi-conducteurs (standard défini par la roadmap ITRS au niveau international). La plateforme se construit en 2003 sur base d’un partenariat, appelé « Alliance » entre Freescale69, ST Microelectronics et Philips, trois géants mondiaux des semi-conducteurs.
« Nanotec 300 vise à franchir les prochaines étapes de la course à la miniaturisation : les 45, 32 et 22 nanomètres et au-delà. La plateforme fonctionne 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Elle utilise le principe des “boucles courtes”, développé par le CEA-Léti et STMicroelectronics durant les années 80, qui consiste à faire circuler des plaques de silicium entre les chercheurs du site Minatec – pour les procédés innovants – et ceux de Crolles – pour les opérations technologiques stabilisées. Cette organisation optimise l’utilisation des ressources et réduit les temps de développement. » (CEA Grenoble, 2002: 14)
Son fonctionnement mobilise 150 chercheurs pour un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros, dont 60 millions sont apportés par le CEA. Seuls quelques centres au niveau mondial sont capables de s’offrir de tels équipements et programmes de recherche de par l’investissement que cela représente : la région grenobloise se positionne ainsi dans les premiers rangs mondiaux.
• Plateforme METIS
Les nouvelles dynamiques incluent également des acteurs plus traditionnels ou établis de longue date dans la région. La plateforme expérimentale METIS en est un exemple. Il est ici repris pour illustrer ce point.
METIS est en 2006 encore dans une phase expérimentale (d’une durée 3 ans) qui vise à évaluer l’apport de micro et nanotechnologies aux problématiques des industriels du textile et du papier.
« Les Micro et Nano Technologies, grâce à une miniaturisation extrême et aux propriétés des nanomatériaux, peuvent être source d’innovation dans des secteurs traditionnels comme le textile ou le papier, notamment en matière d’identification et de traçabilité ou encore de nouveaux procédés de traitements de surfaces plus écologiques et plus durables, mais aussi de vêtements ou documents intelligents. » (AEPI, 200672)
L’objectif est d’identifier des technologies émergentes, d’analyser les marchés et de permettre le transfert de technologie. Néanmoins, les partenariats se nouent dans les deux sens, les techniques des industries traditionnelles pouvant bénéficier aux processus de la microélectronique. Citons, en exemple, les compétences des industriels du textile dans l’impression sur substrats souples qui pourraient faire évoluer les techniques dans la micro-électronique.

La réorganisation du Léti et du CEA-Grenoble

Considéré comme le cœur technologique de Minatec, le Léti s’est réorganisé pour intégrer l’espace Minatec. D’un point de vue des ressources humaines, le Léti passe de 600 personnes en 2000, à 1200 personnes en 2006. L’organigramme du laboratoire a donc évolué plusieurs fois pour incorporer cette nouvelle masse de chercheurs et techniciens Figure 8a).
D’un point de vue technique, les laboratoires du Léti anticipent les changements d’organisation et voient leurs activités recentrées pour s’imbriquer autour des plateformes. De plus, pour faire face au surcroît d’activité généré par l’augmentation des collaborations, l’approche autour des salles blanches est totalement revue pour éviter le phénomène de goulot d’étranglement qu’elles représentent jusqu’à présent : la plus grande salle blanche du Léti tourne depuis juillet 2004 en 3x8h et 7j/7 et est organisée de façon autonome aux laboratoires73. Cet effort de rationalisation est indispensable pour la performance du site puisque la salle blanche est le nœud central de la recherche au Léti74.
Investissant dans les micro et nanotechnologies au travers de Minatec de façon forte, le CEA-Grenoble (Figure 8b), et plus largement le CEA75, ont également fait l’objet d’importantes transformations : en 2005, les activités nucléaires de Grenoble sont par exemple stoppées. Le CEA ré-organise ses trois centres en quatre pôles (énergie nucléaire, défense, recherche technologique76 et recherche) pour regrouper les thématiques communes, ce qui a pour conséquence le déplacement de certaines activités. A Grenoble, les efforts se concentrent sur les aspects de recherche technologique et de recherche (en physique et en biologie notamment). La philosophie de telles transformations est que les centres n’hébergent plus seulement un ensemble d’activités mais en assurent la cohérence et l’ancrage territorial.

La mise en cohérence d’ensemble : Minalogic

La mise en cohérence de l’ensemble des activités touchant à Minatec se réalise au travers de la labellisation de Minalogic (Micro Nanotechnologies et Logiciel Grenoble-Isère compétitivité – Les solutions miniaturisées intelligentes) comme pôle de compétitivité77 en juillet 2005. Minalogic est l’un des six projets de dimension internationale valorisé de la sorte. Ces pôles se partagent 1000 millions d’euros78 sur 3 ans au travers du financement de projets labellisés dans chacun d’eux. Les industriels, tels Thalès, ST Microelectronics, Philips, Motorola, Bull, Radiall, prennent une part importante à la gouvernance du pôle (dont le but est avant tout la compétitivité des territoires et des entreprises). L’objectif de Minalogic est « de créer un avantage compétitif durable dans le domaine de l’électronique et du logiciel embarqué sur puce en s’appuyant sur les valeurs d’usage de la miniaturisation, de l’intelligence et de la connectivité » (Dossier de candidature de Minalogic, 2005: 11). Les projets proposés dans le dossier de candidature témoignent du degré d’intégration des partenaires (Encadré 3)
Minalogic permet globalement d’intégrer les technologies développées dans Minatec dans des systèmes complexes grâce au développement de logiciels qui gèrent la complexité et la personnalisation des tâches à effectuer. Cette étape est cruciale pour le développement des systèmes sur puces qui intègreront les innovations issues des recherches de Minatec.

Une visibilité internationale renforcée

Ces nouvelles dynamiques engendrent un accroissement de la visibilité de la région. Celle-ci se situe désormais au cœur de cercles concentriques qui ne sont pas purement géographiques puisque Grenoble a tissé des liens très forts avec des partenaires étrangers.
• L’ensemble des acteurs grenoblois se mobilise
Les acteurs de toutes les sphères concourent au rayonnement international de la ville.
Nous avons déjà évoqué l’implication des entreprises, dont les plus grands investissements se situent dans l’Alliance et dans Minalogic. Le monde de la recherche, avec ses fédérations, ses instituts et grands équipements, n’est pas en reste.
Mais citons également les collectivités locales qui investissent dans la promotion de la région. L’AEPI79 soutient l’organisation de séminaires de promotion de Minatec à l’étranger (comme au Japon en 2002), produit des rapports d’activité sur la région largement diffusés, et assure un soutien à l’installation de partenaires. Grenoble a également développé ses infrastructures d’accueil que ce soit par la construction d’une cité internationale, l’agrandissement de l’aéroport de Grenoble, la construction de salles de Congrès ou l’augmentation d’offre de logements temporaires.
Un élément clé reste la visibilité de l’université de Grenoble. Placée au 153-201ème rang des universités au niveau mondial dans le classement de Shanghai. La fragmentation des universités n’est pas un problème spécifique au cas grenoblois. Les quatre universités grenobloises ont en 2005 conclu un accord de coopération qui étend leur précédente notion de « pôle européen » à un niveau stratégique en créant « Grenoble Université ». L’objectif est au niveau local de mutualiser les actions, renforcer les partenariats entre formations mais aussi d’accroître le rôle de l’université dans le développement territorial. Au niveau international, Grenoble Université vise l’excellence et une meilleure lisibilité80. Grenoble Ecole de Management choisit également de promouvoir la région en se spécialisant dans le management de la technologie ; cette stratégie inclut un volet international fort qui se traduit par exemple par l’obtention en 2004 de l’accréditation de l’AACSB81 que seules quelques écoles de commerce possèdent en France (Essec, HEC ou l’ESC Paris).
• Des partenaires privilégiés dans quelques régions en France et en Europe
Le partenaire le plus proche de Minatec “hors sol” est le Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique (CSEM). Il entretient des relations privilégiées avec le Léti depuis 2002 à tel point qu’il est le sujet d’une section entière, au même titre que Minatec, sur son site internet. L’apport du CSEM à Minatec est double. D’une part, du point de vue technologique, les activités des deux centres sont complémentaires, le CSEM ayant une position forte dans les micro systèmes. Des échanges de briques technologiques ont également lieu, ce qui rend place le partenariat à un niveau stratégique élevé. D’autre part, d’un point de vue organisationnel, l’expérience du CSEM est importante même si son modèle de développement est différent82 de celui du Léti. Le CSEM a une longue expérience de l’international et une réputation de bonnes pratiques dont le Léti bénéficie par extension83.
Minatec mène également une action menant à coordonner les efforts de recherche entre les trois plus puissantes régions européennes en microélectronique autour de l’IMEC (Belgique) et de l’institut Fraunhofer de Dresde (Allemagne). Cette entreprise a pour but de profiter des infrastructures réciproques, se chiffrant en centaines de millions d’euros pour les instruments, pour développer des projets de recherches ambitieux.
• Des échanges avec des partenaires français, européens, américains et asiatiques
Au niveau national, les acteurs grenoblois sont intégrés dans de nombreux réseaux dont le plus important est le Réseau des Micro et Nano Technologies, précédemment cité.
Au niveau européen, Grenoble se situe au cœur de plusieurs réseaux spécialisés tel que Nexus84 et Eurimus ou de réseaux d’excellence à l’image de Nano2Life dont la coordination est assurée depuis Minatec. La région développe également des partenariats en matière de formation : en collaboration avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et l’Institut Polytechnique de Turin, le premier master international d’ingénierie -spécialité nanotechnologies – a vu le jour en 2004. De nombreuses écoles d’été sont organisées également sur le site (la première école européenne d’été en nanosciences et nanotechnlogies ESONN85 date de 2004 en partenariat entre le CEA, le CNRS, l’INPG et l’UJF).
Enfin, à l’échelle mondiale, Grenoble entretient des relations ciblées avec les plus grands centres aux Etats-Unis (AlbanyTech dans l’Etat de New-York, le consortium SEMATECH), au Japon à Tsukuba (consortium SELETE) ou à Taiwan (ITRI). Les accords incluent le plus souvent une partie recherche forte pour mutualiser les infrastructures et une partie formation. Notons par exemple, l’accord signé entre le Léti, le centre NanoQuébec et AlbanyTech.
“Un accord tripartite a été signé fin mai entre le CEA LETI, NanoQuébec et le College of Nanoscale Science and Engineering (CNSE) de l’Université d’Albany, constituant ainsi la plus importante plateforme de recherche mondiale sur les nanotechnologies. Les trois organismes disposent chacun d’un vaste réseau qui englobe à la fois chercheurs, industriels et collectivités publiques ; en particulier, le CNSE de l’Université d’Albany conduit des partenariats recherche/industrie avec des géants tels que IBM, General Electric et AMD. A travers cette entente, les trois partenaires souhaitent mettre en commun leurs réseaux respectifs et lancer des programmes conjoints.” Source: CEA Technologies n°77 octobre 2005

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Table des matières

Introduction générale
1 Introduction à l’industrie de la micro-électronique
Transformations du secteur de la microélectronique et impacts sur l’organisation : le centre d’intégration
2 Positionnement : une thèse sur l’entrepreneur institutionnel
3 Apports et contributions
4 Présentation et structure de la thèse
Partie 1 – Cadre d’analyse
Chapitre 1 – Grenoble : une success story marquée par une récente rupture
1 Introduction
2 Une Success Story à la Française
2.1 Un degré de concentration élevé de firmes dans le domaine de la microélectronique
2.2 Un centre de recherche de haut niveau
2.3 Une région au capital social élevé
3 Grenoble à l’aube du deuxième millénaire
4 2005 : sous les feux de la rampe
4.1 De multiples transformations qui changent le visage du site
4.2 Une visibilité internationale renforcée
5 Conclusion
Chapter 2 – Literature Overview of the “Institutional Entrepreneur”
1 Introduction
1.1 Defining Institutions
1.2 Shift in Interest in Institutional Theories towards the Institutionalisation Process
1.2 Focusing on the Institutional Entrepreneur
2 Methodology
3 Actions of the Institutional Entrepreneur
3.1 Promotion of Institutional Change
3.2 Institutionalisation of Change
3.3 Ways to Achieve Institutional Change
4 Conclusions
4.1 The Institutional Entrepreneur: An Implicit Hero
4.2 Acquiring Resources with Discourse
4.3 And the Sequence of the Mobilisation Process?
Partie 2 – Outils de suivi des pratiques
Chapitre 3 – Eléments de méthodologie
1 Description des conditions de la thèse
2 Une approche initialement qualitative
2.1 Le recueil des données
2.2 Utilisation des différentes sources d’information
3 Conclusion
Annexe 1 – Liste des présentations PowerPoint™
Annexe 1 – Liste des présentations PowerPoint™
Annexe 2 – Format de la collecte des données
Chapter 4 – Taking up the challenge initiated by new ICT in collecting data for social science research: twisting PowerPoint™ format presentations
1 Introduction
2 Selection of the case under investigation
3 Data collection and extraction
3.1 Exploiting Content Based on a Co-Word Analysis
3.2 Finding Ways to Counterbalance the Limitations of PowerPoint™ Presentations
3.3 Exploiting Contextual Elements: Dates, Audiences and Location
3.4 Exploiting PowerPoint™ Presentations Structure with “Slide Life”
4 Potential analysis and hypotheses
5 Conclusion
Appendix 1 – Alceste® analysis report (extract: beginning and Classe 1)
Appendix 2 – Extract from the Slide Database
Partie 3 – Les Pratiques en question
Chapter 5 – Discourse in the Making: Using Tests to Make the Transition from Fiction to Reality
1 Introduction
2 Gaining Legitimacy with Discourse
2.1 Developing Mechanisms to Assess Discourse
2.2 Narraction as Trust-Enabling Mechanism
3 Methodology
3.1 Research Site
3.2 Data Collection
4 Case Study
4.1 The Institutional Entrepreneur’s Vision
4.2 Reconstruction of the Vision Based on the Institutional Entrepreneur’s Discourse
5 Discussion
5.1 A Discourse Punctuated by a Series of Actions That Have a Self- Reinforcing Impact on Discourse
5.2 A Discourse Made Out of Tests
5.3 First Steps towards the Characterisation of “Tests”
6 Conclusion
6.1 Elements of Conclusion
6.2 Perspectives
Chapter 6 – Temporality of the Mobilisation Process Encountered by the Institutional Entrepreneur
1 Introduction
2 The Institutional Entrepreneur and the Mobilisation Process
2.1 Sequence of the Mobilisation Process
2.2 Selection and Adaptation of the Actors to be Mobilised
2.3 Local and Global Networks in the Mobilisation Process
3 Case study
4 Data Collection and Analysis
4.1 The story in a nutshell
4.2 Data collection
5 Results and Discussion
6 Key Findings and Implications
Appendix 1 – Alceste® analysis report (extract: beginning and Classe 1)
Appendix 2 – Factorial analysis report
Chapter 7 – Genesis of the Institutional Entrepreneur’s Discourse: Insight from an Ethnomethodological Perspective to Dialogue
1 Introduction
2 Discourse Performance in Institution Building
2.1 Discourse and Institution Building
2.2 Interactivity and Performance of the Discourse
2.3 Conditions Allowing Discourse to Perform
3 Methods
3.1 Site
3.2 Data Collection and Analysis
4 Case Study
4.1 Obvious Partners’ in the Conversation
4.2 “Constructed Speakers” in the Conversation
4.3 Speakers Introduced “Despite Their Will” in the Conversation
5 Discussion
5.1 Creation of the Conditions for Discourse to Perform: Creating a Discourse, Making it Circulate and Instilling a Dialogue
5.2 The Institutional Entrepreneur: More than a Vision Shaper, a Company Manager
6 Conclusions
Appendix 1 – Extract from Alceste® report – Theme 3
Conclusion générale
1 Introduction
2 Contributions théoriques
2.1 L’action de l’entrepreneur institutionnel dans l’espace : définir et articuler trois espaces de transformation : un réseau global, un réseau local et un environnement plus large
2.2 L’action de l’entrepreneur institutionnel dans le temps : la narraction et la mise en place de tests pour gagner en légitimité
2.3 L’entrepreneur institutionnel et son entreprise de fabrication et de diffusion du discours, assimilable à l’activité d’une véritable entreprise
2.4 Les éclairages apportés au concept de l’entrepreneur institutionnel
2.5 Vers un programme de recherche
3 Contribution méthodologique
4 Contributions managériales et de politiques publiques
5 Limites
Glossaire des termes, sigles et acronymes utilisés
Bibliographie

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