Un cours établi sur les bases d’une interaction entre les élèves et le professeur

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Un cours établi sur les bases d’une interaction entre les élèves et le professeur

Etant donné que mon étude se concentre sur l’utilisation d’images à des fins didactiques et pédagogiques auprès du jeune public, je compte investiguer directement en cours puisque ma classe constitue un terrain d’observation privilégié. J’ai des échanges avec mes élèves sur des types d’images particuliers, en observant et en analysant leur réaction et leurs propos. Les interactions et les instants intéressants du cours sont notés et conservés dans un carnet, car je prends souvent des notes durant le cours, qui pourront me servir pour la suite de ma carrière de professeur. Ces notes sont interprétées et réfléchies par la suite, car je les relis généralement le soir, ce qui me permet de me remettre en question et d’éviter de faire plusieurs fois de suite les mêmes erreurs. Il serait par exemple judicieux que ces instants de dialogues entre eux et moi se produisent lors de la présentation des références artistiques, en relation avec le dernier sujet proposé. En variant les références proposées (images artistiques seules ou en relation avec des images informatives, extraits de films, de jeux vidéo ou de clips musicaux) je les expose à une pluralité de types d’images différentes, ce qui me permettrait à la fois d’observer le rapport qu’ils entretiennent avec chaque type d’image, ainsi que le potentiel éducatif qu’elles contiennent. Ces instants de présentation de références sont justement l’occasion de discuter ensemble dans une position d’égal à égal, où nous réfléchissons tous à l’intérêt de chaque type d’image, quelles en sont les notions en jeu, et dans quelle mesure elles peuvent être porteuses de sens. Cette étude se réalise donc sous la forme d’une interaction entre les élèves et moi-même grâce à des discussions qui compléteront mon enseignement pendant le cours d’arts plastiques. Cette notion d’interaction et de proximité entre le professeur et l’élève (en respectant toujours néanmoins cette relation) me semble nécessaire à l’avancement de mon étude et même de mon cours. En effet, la cognition et l’interaction sont indissociables l’une de l’autre car l’on apprend généralement par les autres, selon la théorie de Lev Vygotski développée dans Pensée et langage (1934), directement ou indirectement, mais aussi pour les autres, afin de vivre correctement au sein d’une société. L’apprentissage suppose un investissement personnel de l’apprenant sur le plan cognitif mais aussi affectif et social, car le professeur ne s’efface jamais totalement devant ses élèves, c’est le principe du socioconstructivisme. Sa personnalité peut devenir un atout dès lors qu’il l’utilise à bon escient. Le rapport des élèves au savoir est déterminé par le rapport que le professeur entretient lui-même avec le savoir. Nous sommes tous tributaires de nos connaissances par rapport à l’enseignement que nous en avons reçu et l’appétence que nous aurons pour une discipline est souvent déterminée par l’enseignant, ce qui montre la part d’émotionnel accordée à l’enseignement. Ce qui assure aussi la prédominance du langage et de la discussion au sein de l’enseignement c’est que toute connaissance se situe dans un espace inter psychique, puis intra psychique. La connaissance se transmet entre les individus grâce au langage et à l’attention que les deux termes de la discussion se portent mutuellement, puis elle est prise en compte et enrichie dans un second temps par les apprenants. Au sein d’une interaction verbale entre deux personnes, celles-ci peuvent toutes les deux devenir apprenantes même dans une relation de professeur à élève. Ce que l’élève va apprendre sera différent du savoir que le professeur va prendre en compte, mais ils en ressortiront chacun plus savants. C’est d’ailleurs dans cette dynamique d’enseignement mutuel que notre stage de jeune professeur prend tout son sens puisque si nous éduquons les élèves en leur transmettant du savoir, ceux-ci nous offrent les moyens de nous donner plus d’aisance au sein d’un groupe, de développer notre autorité et nos méthodes de travail. De la même manière qu’un élève évolue, le professeur va aussi évoluer, au fil des classes dont il aura la charge, en apprenant à s’adapter à toutes sortes de situations. Au sein d’une interaction entre plusieurs individus, le savoir n’est donc pas transmis dans un sens unique, mais il sera échangé entre ces personnes. Il s’agit du phénomène de co-construction qui s’illustre par le fait que les élèves ont le même statut et que les arguments qui défendent une idée sont complémentaires ou bien vont participer au « conflit sociocognitif » si jamais ils défendent une autre idée.. Le principe du conflit sociocognitif, théorisé par Lev Vygotski est que l’on apprend en remettant en cause des représentations antérieures. Cela permet de stimuler un esprit de groupe en réfléchissant ensemble sur un sujet posé. Ces considérations me semblaient importantes à éclaircir, car elles me permettent de construire mes cours en réfléchissant à un maximum de détails afin que mon enseignement soit porteur de sens. Je peux désormais concentrer ma réflexion sur un thème assez général qui est celui de l’impact des images sur notre société. Il est nécessaire d’étudier ce sujet au sein de cette étude car les élèves sont quotidiennement bien plus confrontés aux images produites par notre société, qu’aux images artistiques ou porteuses de valeurs éducatives. Ils n’ont alors que rarement d’occasion de réfléchir sur les images et de les remettre en question puisqu’elles ne sont qu’après tout, des illusions qui méritent d’être déchiffrées. Si le programme insiste autant sur l’importance de donner les moyens aux élèves de remettre en question les images, c’est justement parce qu’elles ne sont pas toujours évidentes à comprendre, mais surtout qu’elles ne sont que des simulacres. C’est d’ailleurs grâce à cette réflexion que je vais tenter de trouver des moyens pour que les élèves prennent conscience que les images ne sont que la représentation plus ou moins réaliste des choses.

Cadre conceptuel

De nombreux penseurs partagent les mêmes préoccupations au sujet de l’impact des images sur nous et sur notre société, qu’il nous faut étudier afin de guider cette étude. Nous devons apprendre aux élèves à remettre en question l’illusion des images, ou au moins leur apprendre à les déchiffrer pour qu’ils les comprennent mieux et qu’ils les remettent en question. Comme l’écrit Jean-Claude Farault, en introduction du cahier pédagogique n°450 Images : « Les jeunes n’ont jamais été aussi friands de s’assujettir à l’autorité des médias et des marques publicitaires. Comme tous ces médias sont extrêmement puissants et asservissants, l’école doit aider les élèves à s’en libérer et ce dès le plus jeune âge. Etre un consommateur certes, mais un consommateur citoyen, c’est-à-dire un individu capable d’être critique. Or pour pouvoir être critique face à un média publicitaire, il faut être capable de prendre du recul, de peser le pour et le contre, autrement dit il ne s’agit pas seulement de lire le message mais de comprendre tout ce qui est dit »
Il porte une réflexion sur le pouvoir des images et sur l’impact qu’elles ont sur les jeunes générations. Les images exercent une fascination chez le jeune publique, et cette citation introduit une réflexion sur l’apprentissage par les affiches, notamment dans la dialectique entre l’image et le texte qui est propre à ce média et qui permet de transmettre un message. Le fait de s’intéresser à certaines images de types différents est porteur de sens car dans le cas particulier des affiches, il est possible d’analyser l’image avec les élèves, à la lumière du sens induit par le slogan qui l’accompagne. En plus de présenter un intérêt grammatical par rapport à l’apprentissage de la langue française, chaque slogan est tourné d’une certaine manière dans un style qui le caractérise. La combinaison de l’image et du slogan est donc porteuse de sens pour le message qui est exprimée par l’affiche. Il s’agirait donc ici de nous approprier cette fascination du jeune publique pour les images et de nous en servir dans un but éducatif, notamment dans le cours d’arts plastiques où les images et les textes sont importants, ne serait-ce que dans la relation qu’une œuvre entretient avec son titre. Certains artistes jouent de cette relation, comme René Magritte avec la Trahison des images où la représentation d’une pipe est légendée de la célèbre phrase : « Ceci n’est pas une pipe ». Cette situation paradoxale souligne la préoccupation de l’artiste de montrer que l’image n’est qu’une représentation, une illusion et non la chose en soi.
Au sujet de cette question, j’aimerai citer Alain, qui a écrit dans Eléments de philosophie un propos sur l’illusion que les images nous proposent : « La connaissance par les sens est l’occasion d’erreurs sur la distance, sur la grandeur, sur la forme des objets. (…) Les illusions diffèrent des erreurs en ce sens que le jugement y est implicite, au point que c’est l’apparence même des choses qui nous semble changée. » Il prend par la suite l’exemple d’un paysage habilement peint, donc une image, pour illustrer son propos en concluant que l’aspect vraisemblable de cette image la rend si crédible que nous ressentons la profondeur de ce paysage. Il distingue l’illusion de l’erreur en soulignant le fait que l’illusion prend avant tout son origine dans notre difficulté à interpréter la surface visible du monde et dans les erreurs qui résultent de cette confusion. L’illusion est donc par définition de l’ordre de l’image et du visible. Cet exemple semble répondre à la célèbre citation d’Alberti écrite dans le De pictura lorsque celui-ci écrit que le tableau est une fenêtre ouverte sur le monde. Même si la distinction entre le monde et l’image est sensible cette présentation des choses nous montre la proximité uniquement visuelle que le monde entretient avec son image et la confusion sensorielle qui peut en résulter. Le parallèle qu’Alberti instaure entre le tableau et une fenêtre est aussi intéressant puisque l’aspect nécessairement bidimensionnel commun à ces deux objets est aussi affirmé. L’image n’est donc pas le monde, mais seulement sa représentation avec tous les écarts au réel que cela suppose et il est important que les élèves en prennent conscience. La photographie propose pourtant une image a priori réaliste et objective mais l’histoire de l’art nous a déjà démontré que même à ses débuts, il était facile de la modifier ou de donner l’image de choses qui n’existaient pas réellement.
Il est nécessaire d’étudier le médium photographique plus en détail car il est aujourd’hui le principal support d’images fixes en adoptant un aspect vraisemblable jusqu’à présent rarement égalé. La photographie n’est plus seulement l’affaire des artistes et des scientifiques, elle est devenu l’objet des réseaux sociaux, que chacun créé et partage avec une rapidité et une facilité à toute épreuve. Elle s’est dématérialisée ce qui pose la question de son existence. Un objet virtuel, donc potentiellement réel, existe-il ? Lorsque Jean Baudrillard écrit « Derrière la plupart des images, quelque chose disparaît » nous serions tentés de songer que l’image conserve quelque chose et qu’elle aurait même tendance à le remplacer. La photographie était avant présentée sur du papier pour être correctement visible. Cette citation semble répondre au « ça a été » de Roland Barthes qui met ainsi en évidence le caractère éphémère de ce qui est immortalisé grâce à la photographie. A ses débuts, ses aspects réaliste et objectif lui ont conféré le statut de preuve car la retouche ne s’était pas encore développée et la mise en scène se faisait essentiellement dans le cadre d’une photographie à prétention artistique, comme par exemple l’Autoportrait en noyé, réalisé par Hippolyte Bayard en 1840. « L’image nue », telle que l’a nommé Jacques Rancière dans Le destin des images est justement une image qui n’a pas de prétention artistique mais qui représente le réel sans fard, dans un souci testimonial par exemple. La photographie produit, à son origine principalement ce type d’images qui est resté dans les esprits, avant de proposer des images « ostensives » et « métamorphiques », chargée de sens et porteuses d’autres expériences. Les artistes photographes en ont profité pour s’essayer à la mise en scène et plus tard à la retouche photographique. Ces photographies, empreintes d’une subjectivité plus sensible que les autres ont pour but de procurer une expérience particulière au spectateur, éloignée du matérialisme que nous connaissons aux images informatives. Cette appellation désigne les images n’appartenant pas au champ des arts plastiques et nous pouvons affirmer qu’elles occupent une place considérable au sein de notre société occidentale et consommatrice. En effet nous consommons aussi des images de tous types, dans un rapport d’immédiateté. Nous remarquons que chaque image produit une expérience chez le spectateur, ce qui nous renvoie à cette phrase tirée de l’Encyclopédia Universalis « L’image s’impose à nos yeux comme l’espace d’une efficacité ». Dans la mesure où l’image produit un effet d’immédiateté chez le spectateur, cela induit des conséquences. Cet « espace d’une efficacité » existe donc car l’image peut produire des effets convaincants. Lorsque ces effets s’apparentent au divertissement, l’image propose alors un spectacle qui est nécessairement éloigné de la réalité des choses. C’est cette distance prise dans ce type d’images qui produira certaines expériences, comme la catharsis, au détriment de leur ancrage dans la réalité.
Nous sommes quotidiennement confrontés au spectacle, que Guy Debord définit comme étant « un rapport entre des individus, médiatisé par des images ». Son avis, exprimé dans La société du spectacle, est que le spectacle nous détourne de la réalité car en étant pensé par des individus, il perd le caractère spontané des véritables rapports humains que nous vivons sans artifice. Une majorité des images que nous consommons dans notre société ne sont pas le reflet de notre vie, et si nous ne les remettons pas en question ou du moins si nous ne les analysons pas, nous risquons de nous détacher de la réalité. Dans Vie et mort de l’image, Régis Debray indique le caractère énigmatique de l’image et notre difficulté à la comprendre en certaines occasions : « Parfois très énigmatique, l’œil, pour pouvoir « la lire », la comprendre, saisir sa signification, doit s’éduquer par les mots car l’image symbolique s’ouvre à autre chose qu’elle-même, son extériorité fait sa transcendance. » L’image est donc porteuse d’un sens qui peut nous échapper car elle ne se donne pas toujours comme une évidence. Le sens se transmet par le langage, c’est pour cela que l’image ne peut s’analyser sans un vocabulaire spécifique qui n’est pas si aisé à maîtriser. C’est pour cela que l’éducation aux images dans le cours d’arts plastiques me semble tout à fait légitime, car les élèves peuvent apprendre le langage de ces images grâce à un professionnel des arts plastiques.
Les jeunes générations ont été habituées à consommer de fausses images sans apprendre à les remettre en question, car cela nécessite de la réflexion et une véritable volonté comme pour l’Allégorie de la caverne expliquée au livre VII de La République par Platon : les individus se confrontent à une illusion qui détourne la réalité et ils doivent rompre leur chaînes et s’arracher aux apparences du monde sensible pour accéder à la réalité des choses. L’image s’apparente donc au simulacre que Jean Baudrillard décrit comme « n’étant jamais ce qui cache la vérité » dans Simulacres et simulation. Il poursuit son propos en affirmant que le simulacre est vrai en soi et que finalement, le simulacre a remplacé le sujet original auquel il se rapporte. L’image comme illusion prend parfois le dessus sur son référent, ce qui se perçoit de plus en plus dans notre société. Pour prendre un exemple, nous remarquons que pour la plupart des réseaux sociaux, comme Facebook et Instagram, leurs utilisateurs qui sont censés se présenter tels qu’ils sont, préfèrent publier des photographies arrangées ou retouchées, de manière à se montrer plus attrayants qu’ils ne le sont. Les personnes qui remarquent ces photographies, qui sont bien réelles, s’imaginent que la personne représentée est telle qu’elle le montre sur ses photographies. Dans l’esprit des spectateurs de ces pages Internet, les images publiées par cette personne sont le seul visuel qu’ils en ont, ce qui fait en sorte que le simulacre remplace son référent. Cette confrontation entre la chose en soi et la perception que nous en avons est d’autant plus importante que notre société semble accorder une importance capitale à notre rapport sensoriel au monde. Tout est mis en œuvre pour que l’illusion soit parfaite et que nous ressentions le monde de la meilleure manière qu’il soit. Les objets technologiques privilégient une interface prétendument intuitive et tactile (tablettes, téléphones, ordinateurs), notamment grâce à des écrans interactifs, la résolution des images, de leur impression, et des écrans est sans cesse augmentée à tel point que de nouveaux types de résolutions sont mis en valeur (« 720p, 1080p et 4k » par exemple), les écrans sont d’ailleurs de plus en plus larges, les couleurs affichées sont plus vives et les appareils sonores (écouteurs, enceintes, casques audio) sont toujours plus performants pour nous faire écouter des choses. Ce « monde » au sens où Hannah Arendt l’entend, c’est-à-dire l’habitat artificiel que l’homme s’est construit sur la Terre et dans lequel il concentre son activité semble être optimisé, comme une machine, pour sublimer nos sens et pour limiter leur trahison. Il n’en demeure pas moins que même si l’illusion tend à se parfaire, elle ne pourra jamais rivaliser avec le réel. L’enfant né dans cette société et habitué à sentir les choses par procuration est d’autant plus surpris lorsque ses sens lui font défaut en lui montrant que pour une fois il s’est trompé. Il n’est pas difficile de s’apercevoir que cette course à la technologie et à l’innovation rend les jeunes générations blasées des nouvelles prouesses techniques qui auraient dépassé l’entendement dans la société d’il y a quelques années. Il aurait par exemple été inconcevable dans les années 1980 d’imaginer que l’on pourrait photographier, réaliser des vidéos ou bien aller sur Internet grâce à un téléphone qui en plus est, sans fil. Tout semble déjà acquis et vulgarisé alors que ces outils ont nécessité de longues années de recherche. Les enfants semblent de moins en moins surpris alors qu’à leur âge la surprise pourrait être constante.
Là encore cela permet de montrer aux élèves que l’image est une illusion et qu’il ne s’agit pas du monde en soi, mais seulement de sa représentation, dans ce cas-ci, mimétique. Certains artistes ont travaillé sur des notions semblables, notamment Felice Varini et George Rousse. Ces artistes et cette publicité partagent le même objectif, celui de faire douter le spectateur sur ce qu’il voit et à perturber sa perception du monde. Nous remarquons ici la porosité qui existe entre la publicité et le monde de l’art, car au-delà de l’aspect nécessairement mercantile de la publicité, certains créatifs disposent d’une certaine sensibilité artistique qui se remarque à quelques occasions. C’est d’ailleurs le parallèle que fait Geneviève Cornu dans son ouvrage Sémiologie de l’image dans la publicité, lorsqu’elle écrit : La dimension esthétique de l’image publicitaire réintroduit la question de la création, de l’expression, de la liberté. (..) Mais le publicitaire, dans le contexte d’une économie intégrant les sciences du marketing, tend à revendiquer un statut de créateur. S’il revendique le « droit au rêve », ce n’est pas seulement pour vendre des illusions. Il s’agit aussi pour lui d’une certaine liberté d’expression. Nous le constatons chaque jour lorsque nous sommes confrontés à l’étrange beauté de certaines images publicitaires : ainsi naît dans la rue, sur l’écran, un art qui nous oblige parfois à reconsidérer les critères esthétiques des Beaux-Arts. Les créateurs-publicitaires tentent à leur façon de promouvoir un art des médias, une sorte d’art populaire, très différent de ce que fut l’art de l’affiche au XIXème siècle : émetteurs, support et destinataire ayant beaucoup évolué. Il faudra parler de la poésie de certaines images, de cette dimension esthétique où, subrepticement réapparaît la liberté et la communication dans sa valeur de message implicite vers l’autre.
Geneviève Cornu évoque ici le rôle créateur du publicitaire, rattrapé par certaines considérations esthétiques qui le rapprochent du milieu de l’art et qui impacteront sa production d’images. Son analyse nous permet d’imaginer que certaines fois, le client fait confiance au créatif en acceptant des productions beaucoup plus libres qui respectent les aspirations de la publicité tout en y incluant une part de réflexion artistique.

L’image et son impact sur notre société

La pluralité des images médiatisées

Nous en arrivons à notre deuxième hypothèse, selon laquelle les élèves seraient plus en mesure de développer un regard critique et conscient par rapport aux images grâce à l’apprentissage de l’analyse des images en cours d’arts plastiques. Les images ne se retrouvent cependant plus seulement dans la culture artistique, mais elles ont obtenu un caractère protéiforme et omniprésent qui leur assure une place centrale au sein de notre société. Aujourd’hui, nous n’avons jamais autant été assaillis par les images, nous en voyons partout, aussi bien dans la sphère privée que dans l’espace public ; ce qui induit un nouveau rapport à ces images et plus particulièrement aux photographies ostensives et métamorphiques, car ce sont elles qui composent l’essentiel des images que nous percevons chaque jour et qui participent à l’expérience que nous en retirons. Malgré les évolutions de l’image photographique, il est encore inscrit dans l’inconscient collectif que les images sont des preuves, qui conservent toujours un rapport étroit avec le réel entre autre parce que nous entretenons un rapport d’immédiateté avec les images. Nous les percevons pendant un temps plus ou moins court et lorsque tout ce qui nous en reste n’est plus qu’un souvenir il devient difficile d’en ressentir la même expérience, ce qui impacte forcément notre réflexion sur l’image en question. A cause du souvenir, la subjectivité se mêle à la réalité à tel point que nous embellissons certaines choses ou bien nous en enlaidissons d’autres, quitte à parfois être surpris lors de la confrontation entre le souvenir que nous avons gardé d’une image, et cette image en soi. L’image s’apprécie donc pendant l’instant durant lequel nous l’observons.
Il serait justement intéressant de questionner la prise de distance établie entre la réalité de notre monde et sa représentation dans les images car si elles nous donnent à voir le monde sous le prisme de la subjectivité d’un ou de plusieurs individus, son rapport au réel de nos jours reste souvent très formel. Les producteurs d’images se concentrent sur la forme que prend le monde en occultant parfois son existence réelle. L’exemple le plus flagrant semble être la publicité qui nous présente depuis qu’elle existe un monde parallèle où le produit présenté a raison de chaque besoin que nous pourrions avoir. C’est en réalité bien souvent la publicité qui nous créé ces mêmes besoin sans que nous les ressentions auparavant. Cet attachement d’une marque ou d’un produit à une image qui les représente se créé dans le cadre de leur influence sur l’individu spectateur. La publicité tente de nous influencer par des images et des slogans aguicheurs car ce sont ce que nous retenons le mieux : un visuel attrayant et une courte phrase percutante. La publicité est une immense productrice d’images auxquelles nous sommes tous confrontés, bon gré ou mal gré et il me semble nécessaire d’en parler au cours de cette étude car les jeunes générations sont nées alors qu’elle était en plein essor et il est parfois plus difficile de remettre en question ce que l’on a toujours connu plutôt que ce qui vient à peine d’apparaître.

L’image, entre objectivité et subjectivité

Le contenu visuel s’impose dans chaque domaine, même ceux qui semblent de prime abord assez éloignés des préoccupations visuelles. Les images fixent dans le temps un évènement, ce sont elles qui font trace, et nous associerons à une idée, une image à laquelle elle est associée. Il est par exemple très commun de voir que même les artistes musiciens qui cultivent un art par définition abstrait, sont souvent tentés de soigner les supports visuels dont ils disposent, comme par exemple les pochettes d’albums, les clips musicaux, les illustrations pour des concerts, le style vestimentaire et les images tirées d’évènements particulier, entre autres. Le spectateur est alors mieux à même de comprendre « l’image » que tel musicien désire se donner et à quel univers il appartient. Il se saisit de ce soutient visuel car c’est aussi une manière pour lui de reconstruire le réel. C’est notre société toute entière qui est tournée vers la propagation des images, chaque individu réagit donc à sa manière à ce phénomène. En parlant de jeunes générations, nous englobons les personnes nées depuis le début des années 1990 à nos jours. Cette période a vu naître de nouveaux médias comme Internet et les jeux vidéo par exemple. De nouvelles manières de produire des images ont fait surface, des retouches et des effets spéciaux plus convaincants au cinéma et en photographie, donc une meilleure manière de tordre le réel selon son bon vouloir, jusqu’à pouvoir nous faire croire des choses absurdes ou impossibles. L’artiste Joan Fontcuberta s’est d’ailleurs fait connaître en interrogeant le potentiel de crédibilité de son œuvre, grâce à un soutient sémantique délirant que l’on a du mal à remettre en question grâce à une présentation souvent très vraisemblable.
De nos jours une partie considérable des images photographies n’existent que sous la forme d’un concentré d’information enregistré sur un support numérique. La photographie ne s’attarde plus seulement sur la surface de la société, elle investit nos territoires les plus intimes puisque quasiment la totalité des jeunes individus jouissent de la capacité de photographier n’importe quoi et de le partager immédiatement sans avoir forcément le recul nécessaire pour assumer les conséquences de cet acte. Le premier dispositif que j’ai mis en place avait donc pour but de travailler sur la photographie et son rapport au réel tout en proposant aux élèves d’analyser une photographie artistique.

Un dispositif de cours introduit par une analyse d’œuvre et motivé par la distance que les élèves peuvent établir avec le réel

Le cours que j’ai mis en place au sein de mes deux classes de 6èmes.présentait l’incitation suivante « Faites vivre l’image » et la consigne : « Vous donnerez vie à l’image distribuée ». Les élèves prenaient donc pour support la photographie Milk, de Jeff Wall réalisée en 1984. Ils ont obtenu un exemplaire chacun en noir et blanc de cette image, qui était leur point de départ pour ce travail. Ils étaient libres de s’en servir comme bon leur semblait ou bien de ne pas l’utiliser dans leur production finale, pourvu qu’ils répondent au sujet. Au préalable et avant même de leur avoir proposé ce sujet j’ai projeté cette photographie (en couleur) sur le tableau de manière à ce que l’on puisse l’analyser ensembles. Certains ont été perturbés par l’impression de planéité du mur et de l’ombre portée, à tel point qu’ils s’imaginaient qu’il s’agissait d’un tableau. Certains ne comprenaient donc pas ce qu’il se jouait dans l’image, ce qui questionne son rapport au réel. Cette analyse collective m’a permis d’une part de faire émerger des termes et des notions dont les élèves pourraient avoir besoin par la suite, mais aussi d’observer dans quelle mesure ils étaient capables de trouver du sens à ce qu’ils voyaient dans une œuvre d’art. Cela m’a aussi permis de confronter ma vision des choses, mon regard entraîné et doué d’une certaine expérience, avec la leur dont le regard est encore très naïf. Ils ont aussi pu comparer leur manière de voir une image entre eux puisque celle-ci n’a pas été perçue de la même manière par tout le monde. En effet, certains imaginaient qu’il s’agissait d’une peinture, alors que d’autres avaient du mal à comprendre que la bande noire sur le mur était l’ombre du pan de mur qui s’avance vers nous. De cette manière, j’espérais leur faire comprendre la relativité du point de vue et de la prise en compte du réel qui n’est en soi pas objectif. C’est aussi pour cela que ce travail était à effectuer par groupe, afin que leurs regards se croisent sur la production qu’ils me proposeraient. Chacun serait donc en mesure d’avoir un regard critique sur le travail du groupe et pourrait le remettre en question. Ce sujet était aussi à traiter sur deux séances, afin qu’ils aient justement le temps d’expérimenter, de se rater et de se rattraper, y compris pendant la semaine qui séparait les deux séances.
L’analyse d’image est relativement peu courante dans le parcours scolaire de l’enfant, nous la retrouvons dans une moindre mesure dans le programme de Français. Je trouve que c’est d’autant plus légitime de se concentrer le temps d’une séance sur une analyse d’image, qu’il n’y a quasiment qu’en arts plastiques où les élèves peuvent apprendre à lire correctement une image, à l’aide d’une personne qui dispose des compétences nécessaires pour les aider. J’ai choisi la classe de sixième pour ce sujet car ils sont spontanés, naturels et leur participation est appréciable. Les classes de 4èmes sont déjà plus difficiles à intéresser pour ce genre de sujet et il risquait de ne pas y avoir l’interaction escomptée entre la classe et le professeur. De plus le fait de les initier dès leur entrée au collège à adopter un regard conscient et critique vis-à-vis des images pourra se faire sentir tout au long de leur scolarité étant donné qu’ils ne seront pas totalement étrangers à ce type de pratique en classe. Par ailleurs, les élèves sont souvent en train de pratiquer et il s’agit ici de leur parler d’histoire de l’art et d’avoir une approche sémantique à l’œuvre, sans pour autant réaliser un cours magistral. Je pense que cette photo est particulièrement bien adaptée pour une introduction à l’exercice de l’analyse d’œuvre et pour servir de point de départ pour un sujet comme celui-ci.
J’ai été agréablement surpris par l’intérêt qu’ont montré ces élèves, qui n’étaient pas du tout paralysés par l’appréhension que pourrait susciter une analyse d’œuvre. Nous avons pu trouver les notions de temps, de corps et de forme et nous avons réfléchi ensembles à comment pouvoir donner vie à une image. A partir de cet instant, nous avons commencé à mettre en relation cette image avec le sujet proposé afin de leur faire comprendre ce que j’attendais exactement d’eux, toujours dans un principe d’interaction et de discussion autour de l’image. Quelques pistes ont été trouvées par les élèves, comme par exemple le fait de nous faire comprendre le contexte de cette image en la prolongeant, ou bien de susciter du mouvement grâce au flip book ou l’idée de jouer la scène par leurs propres moyens, en se rapprochant de la performance. Cette introduction au sujet a occupé quasiment la moitié de la séance, sans que je n’aie eu besoin de faire de discipline, ce qui me rassure sur l’impact d’un tel dispositif de cours sur les élèves. Je suis relativement peu habitué à cet exercice d’interaction avec les élèves, ce qui m’a aussi permis de sortir de ma zone de confort en m’entraînant à une autre manière de faire cours. Le sujet était en soi assez difficile pour des élèves de cet âge, mais les explications qu’ils ont reçues au préalable les ont assez inspirés pour que chaque groupe me propose quelque chose de différent. Les élèves étaient libres d’utiliser le médium de leur choix, mais ils savaient que la classe disposait d’un appareil photo. Certains s’en sont servis, comme par exemple un groupe de trois garçons qui ont reproduit la scène avec ce qu’ils avaient sous la main. Des briques ont donc été dessinées sur le tableau blanc, le sol a été protégé avec des sacs en plastique et un élève a réalisé un acte performatif pendant que ses camarades le prenaient en photo pour conserver la trace de ses gestes. Les autres élèves ont été intrigués par cette démarche singulière, ce qui les a naturellement incité à regarder sans que je n’aie eu besoin d’interrompre le cours. Cela m’a permis en fin de cours de leur parler de la performance comme médium artistique et de leur évoquer le rôle testimonial de la photographie qui fait alors office de trace ou de preuve afin de conserver un évènement fugace. A la fin de la séquence toute la classe a participé à un court instant de verbalisation, où les réalisations les plus intéressantes ont été présentées à la lumière des explications des élèves qui avaient réussi à insuffler de la vie à une image. Les autres productions ont été photographiées, de manière à conserver une trace de leurs productions et chaque élève devait justifier et argumenter à l’écrit son travail.
Au niveau de l’évaluation je me concentre généralement sur trois compétences, chacune faisant partie d’une des trois grandes thématiques (Expérimenter, produire, créer ; Mettre en œuvre un projet ; S’exprimer et analyser sa pratique). Tout d’abord les élèves avaient un effet à produire, celui de faire vire l’image en question. Je les ai donc évalués sur leur choix des matériaux utilisés en fonction des effets qu’ils produisent. Je les ai ensuite évalués sur la responsabilité de chacun au cours du processus coopératif de création de leur production, de manière à encourager la répartition équitable du travail au sein de chaque groupe. Enfin, j’ai veillé à ce que les élèves puissent justifier leurs choix pour rendre compte du cheminement qui les a conduit de l’intention à la réalisation, de manière à savoir quelle était leur intention et comment ils ont réussi à la matérialiser de manière sensible.
Le fait de se servir d’une image artistique comme d’un point de départ nous a permis d’une part de l’analyser ensemble et d’autre part d’utiliser les caractéristiques visuelles de l’image, ce qui a donc obligé les élèves à observer minutieusement l’image de manière personnelle afin de se l’approprier et de s’en servir non pas comme d’un modèle, mais plutôt comme d’un support visuel porteur de sens et d’aliment principal pour nourrir la pratique de l’élève. Il ne s’agit pas ici de reproduire l’image avec exactitude, mais de s’en servir en l’enrichissant lors d’une séance de pratique artistique collective. Les compétences prises en compte pour ce sujet ont l’avantage d’évaluer la production depuis l’intention des élèves jusqu’à sa capacité à l’expliquer, en passant bien sûr par le choix des matériaux utilisés et leur adéquation avec l’idée qui a guidé le geste des élèves. Cette séance me semblait importante à réaliser car elle permettait une prise en compte en groupe puis individuelle des élèves qui après avoir découvert des éléments d’analyse peuvent s’en servir de base pour se l’approprier dans un processus qui met en avant le processus coopératif et l’interaction des élèves entre eux de manière à varier encore les points de vue de manière plus naturelle, puisque chaque élève prend part à une discussion dans un groupe restreint de manière plus naturelle que devant toute la classe. Ce dispositif de collaboration permet encore une fois de donner l’opportunité aux élèves de découvrir la pluralité des points de vue que l’on peut avoir sur la même chose et d’en discuter autour d’une démarche créative. L’élève n’est donc jamais passif, mais toujours actif. Il est acteur de l’avancement de la bonne compréhension de l’image par la classe lors de l’étape d’analyse, puis de l’évolution de son projet en collaboration avec les camarades de son groupe.
De cette manière, même si l’élève est le moteur de sa propre réussite, le rôle du professeur n’en reste pas moins crucial puisqu’il sert de guide et oriente ses questions de manière à ce que le phénomène d’interaction intervienne et à ce que les élèves ne soient pas perdus dans un exercice qui pourrait s’avérer très hasardeux selon la gestion de la classe. Tout d’abord c’est lui qui propose le travail et qui fixe un cadre de manière à guider les élèves et à ce qu’ils atteignent les objectifs imaginés. Ensuite la question (pour ce sujet) du choix de l’image se pose. J’ai décidé d’utiliser cette image car elle me permettait de faire comprendre aux élèves du vocabulaire simple relatif à l’analyse des images avec des termes comme « plans », « cadrages », « composition » et « contraste ». Cette image est assez facile à comprendre tout en étant très riche au niveau du sens que l’on peut y trouver et des hypothèses que nous pouvons formuler au regard de la scène photographiée.
Cette image suscite en même temps l’attention et l’imagination du spectateur. Je l’ai aussi choisie de manière à ce qu’elle corresponde au sujet proposé aux élèves. Lorsque nous avons commencé à réfléchir ensembles sur les termes du sujet ainsi que mes attentes, nous nous sommes attardés sur la question suivante : « Comment insuffler de la vie à une image fixe ? » Les élèves ont donc essayé de trouver des solutions pour résoudre ce problème, ce qui nous a amené à susciter de nouvelles notions, comme le mouvement, l’émotion, l’expérience, l’histoire, la narration ou la transformation. Cette photographie de Jeff Wall contient justement toutes ces notions. Un mouvement est figé à un instant précis, ce qui suppose une narration ainsi que la transformation formelle d’une matière liquide qui gicle dans l’espace. Cette photographie devait consister en leur point de départ, au niveau de l’idée qui devait guider la pratique de l’élève. J’ai pensé que ces notions étaient plus aisées à déterminer pour les élèves grâce à ce choix d’image et à la discussion que nous avons eu ensembles au préalable. C’est justement le rôle du professeur que de ne pas brusquer les élèves en leur proposant de découvrir par eux-mêmes le sujet et ses pistes d’exploitation possibles, tout en ayant prévu à l’avance les objectifs visés et la progression du travail de l’élève.
J’ai réalisé ce cours pour apprendre aux élèves comment observer et analyser les détails d’une photographie pour en trouver du sens, de manière à ce que leur prise en compte des images soit dorénavant le plus consciente possible. Il n’est jamais facile d’obtenir l’attention et la reconnaissance de tous les élèves mais j’ai remarqué que beaucoup se sont prêtés au jeu et que la verbalisation en groupe est l’occasion d’échanges entre les élèves dans le cadre du cours. Ces échanges sont donc à distinguer du bavardage dans le sens où ils sont porteurs d’enseignement. Pour ce travail, les élèves et moi-même nous sommes confrontés à une seule photographie artistique, mais il serait intéressant de varier les images proposées pendant le cours, afin de proposer aux élèves des images dont ils connaissent déjà les codes, notamment dans la présentation des références iconiques en relation à un sujet.

Les images en tant que références dans le cours d’arts plastiques

L’image : son rôle et ses dangers dans le cours d’arts plastiques

L’image est une composante essentielle du cours d’arts plastiques. Sans ce support, il serait impossible de présenter la plupart des références artistiques que nous proposons aux élèves en début ou en fin de séquence et même de travailler sur certaines notions intrinsèques à l’image. Il s’agit d’une préoccupation artistique qu’il serait impossible d’occulter dans un tel cours. En plus d’enrichir la culture des élèves, elle constitue un support de travail et de réflexion nécessaire à l’apprentissage des arts plastiques, son importance est capitale. Il est néanmoins nécessaire d’envisager quels pourraient être les dangers que les images peuvent susciter dans le cadre d’un cours. La première chose à éviter serait d’oublier de permettre aux élèves de faire la différence entre une image du monde et le monde en soi. Il est encore difficile pour eux d’imaginer qu’une photographie peut être inventée de toute part et qu’indépendamment de son rapport au réel élevé, la retouche et la mise en scène photographique n’ont pas tardé à apparaître, peu après l’invention de la photographie. Les élèves sont confrontés à de nombreux types d’images qui tendent à se perfectionner avec le progrès technique, en devenant plus réalistes (jeu vidéo), plus impressionnants (effets spéciaux au cinéma) et plus nombreuses (Internet). Ces images sont plus convaincantes, de multiples manières mais elles n’en restent pas moins des simulacres ou des objets de divertissement empreints d’une forte dimension fictionnelle. C’est pour cela qu’il faut leur ouvrir les yeux sur certaines pratiques artistiques qui jouent sur ce principe de photographie tellement réaliste que la retouche devient invisible, comme pour certains travaux de Jeff Wall. Néanmoins, certaines références artistiques ne peuvent pas être présentées en cours. En tant que professeur, nous avons certaines responsabilités que nous devons respecter afin de mener à bien notre enseignement. Il serait par exemple malvenu de proposer aux élèves des images qui ne seraient pas adaptées à leur âge. Certaines images artistiques ou informatives ne sont pas en mesure d’être porteuses d’enseignement, car l’expérience qu’elles produiraient chez les élèves seraient trop liées à certaines émotions qui ne laisseraient pas assez de place à la réflexion qu’elles devraient pourtant faire émerger. Comme évoqué plus haut, la plupart des élèves prennent les images au premier degré et ne les remettent pas en question car ils ne connaissent pas forcément le contexte dans lequel elles sont apparues ou bien l’intention des personnes qui les ont réalisées. Il serait dommage mais facile de choquer les élèves ne serait-ce qu’avec quelques références du monde de l’art, comme Joel-Peter Witkin, Robert Mapplethorpe, les frères Chapman ou même Andres Seranno. En raison du caractère mortifère, sexuel ou blasphématoire de certaines œuvres d’art, il est important de choisir soigneusement les images, même artistiques, que l’on présente à nos élèves. Nous ne voulons pas que les élèves se forgent des a priori sur l’image artistique, comme si la personne qui l’avait réalisé était étrange et dérangée mentalement. Il est évident qu’en cours d’arts plastiques au collège tout n’est pas judicieux à présenter aux élèves. C’est aussi la sensibilité des parents d’élèves qui pourrait être heurtée et il serait gênant de se retrouver en porte-à-faux par rapport à l’institution. Le choix des images que nous proposons dépend de chaque professeur, car nous n’avons pas d’exigences en particulier, déterminée par l’Education Nationale. L’Etat nous accorde sa confiance dans notre enseignement qu’il faut d’une certaine manière honorer. En arts plastiques nous avons en effet la chance d’être très libres dans notre manière d’exercer nos cours. Nous devons en profiter mais sans excès, sans nous laisser totalement guider par nos propres goûts mais toujours en réfléchissant à nos choix, quitte à les remettre en question.

La pluralité des images rencontrées dans le cours d’arts plastiques

Il nous est alors nécessaire de présenter notre troisième hypothèse, qui consiste en le fait d’introduire dans le cours d’arts plastiques des images qui n’appartiennent pas forcément aux champ des arts plastiques, pour leur apprendre de nouvelles choses sur des images qu’ils pensent déjà connaître. Les images ne sont pas uniquement à concevoir dans leur aspect visuel, mais aussi dans leur processus de création. Pour qu’un élève développe un regard critique sur les images, il est nécessaire de lui apprendre comment elles sont réalisées, soit en lui expliquant, soit en le mettant lui-même en situation de création d’image. Au cours de la réflexion suivante nous allons étudier quelles images pourrait êtres porteuses de sens en étant présentées dans le cadre du cours d’arts plastiques, puis comment nous pourrions faire en sorte que les élèves réfléchissent eux-mêmes sur les modalités de conception des images et le sens qu’elles produisent.
Il est important que les élèves comprennent les évolutions successives qu’a connu la photographie, depuis son rôle testimonial et quasiment scientifique, jusqu’à ses aspirations artistiques. C’est dans ce but que j’ai décidé de présenter la série de photographies Le galop de Daisy, réalisée par Edward Muybridge en 1878 par rapport au sujet « ça bouge ! ». Il s’agissait d’une séquence visant à utiliser la notion de mouvement au sein de leurs productions plastiques, en nous montrant un enregistrement, une trace du mouvement, ou bien en mettant réellement en mouvement leur travail. Ce sujet n’est en soi pas directement lié à la question de l’image, mais j’étudie ici la question des références, et donc des images projetées en classe pour montrer aux élèves ce que l’on a été capable de produire, en relation avec les notions qu’ils ont eux-mêmes étudiées. Nous constatons que cette œuvre est le résultat de recherches quasiment scientifiques sur l’enregistrement de la décomposition du mouvement. Cette série de photographies a d’ailleurs participé à l’élaboration du Zoopraxiscope. Plusieurs inventions sont apparues au cours du XIXème siècle, nous pourrions aussi citer le Praxinoscope, inventé par Emile Reynaud en 1876. Ces deux inventions sont à rapprocher de la vidéo, car Muybridge a eu l’idée de faire tourner en boucle ces images à grande vitesse, ce qui créé un effet de mouvement presque continu. Dans sa photographie, le mouvement est capté de manière assez objective, bien qu’il résulte d’un cadrage et d’un angle de vue particulier, choisis au préalable. L’attitude dynamique du cheval élancé nous donne une sensation de vitesse et le fait qu’il ne soit que très peu en contact avec le sol nous donne l’impression qu’il vole. La question du mouvement est donc à étudier en elle-même, car c’est le véritable sujet de la photographie. J’essaie de faire en sorte que mes élèves aient conscience de la signification des images mais aussi de l’évolution des moyens de créer une image. Cette référence m’a accordé l’occasion d’une part de leur montrer qu’une image fixe peut tout à fait donner à voir du mouvement et d’autre part les prémices de la vidéo en faisant un peu d’histoire de l’art. Des termes comme « série, succession, temporalité, chronophotographie » ont été prononcés et expliqués en classe.
La question des références que nous présentons à nos élèves est donc cruciale pour cette étude, car il s’agit généralement d’un enseignement de l’image et par l’image. Les références que je projette au tableau à mes élèves ne sont pas uniquement artistiques mais peuvent provenir de différents horizons comme nous avons pu le voir à travers l’analyse de cette publicité. Le fait de présenter aux élèves des productions appartenant au champ de la publicité, du jeu vidéo ou du clip musical n’est pas sans intérêt. Tout d’abord cela pourrait accorder aux l’élèves la possibilité de se confronter à des images connues, puisque ils ont généralement été plus souvent confronté à ce type d’image qu’à des images artistiques, tout en étant éclairé par des explications qui pourraient leur permettre de ne plus voir ces images de la même manière. Par exemple, lorsque nous regardons la bande dessinée ou bien le dessin animé Snoopy, nous remarquons plusieurs références au monde de l’art que nous ne pouvons pas comprendre si nous n’avons pas les outils culturels qui nous permettent de les reconnaître. Certains élèves connaissent déjà une œuvre d’art par le biais d’une bande dessinée, d’une publicité, d’une émission de télévision ou bien d’un film et sont étonnés d’apprendre que cette œuvre est apparue bien avant les images qui en faisaient référence, que l’élève a pourtant perçu en premier.
L’objectif serait de les éduquer dans la prise en compte des images médiatisées par la société et de ne pas se limiter aux seules images artistiques, sans toutefois tomber dans le piège de ne proposer plus que ce genre d’images, car je garde à l’esprit qu’il s’agit avant tout d’un cours d’arts plastiques. Cependant, le collège est inscrit dans un contexte très ouvert ou l’élève n’a pas nécessairement choisi d’étudier les arts plastiques sur le long terme. Cet enseignement lui propose néanmoins une éducation aux images véhiculée par la société, qui n’est pas uniquement tournée vers l’école mais qu’il peut mobiliser pendant son quotidien. L’école a pour but de former des citoyens conscients et éclairés pour qu’ils puissent vivre pleinement leur vie tout en subvenant aux besoins de la société. En ne proposant que des images artistiques dans la présentation des références, l’élève pourrait passer à côté de ce qui le touche réellement et personnellement en se désintéressant de cet enseignement. Alors qu’en proposant quelques images plus concrètement inscrites dans leur société, cela pourrait les aider à prendre en compte plus facilement les images de leur quotidien, comme une sorte d’ « éducation civique » spécialisée dans les images. Cet enseignement ne s’arrêterait donc pas uniquement au contexte scolaire mais suivrait l’enfant dans sa prise en compte quotidienne des images, dans sa vie privée.
Il me semble intéressant à plusieurs égard de mettre en relation cette problématique de l’image comme vecteur d’expérience artistique et éducative avec d’autres médias, comme celui du jeu vidéo. Certains jeux pourraient faire office d’œuvre d’art tant ils sont recherchés. Les jeux vidéo proposent des images interactives qui offrent la possibilité de jouer un rôle actif dans leur élaboration et dans la maîtrise du sens car le spectateur est alors le garant de leur évolution. L’expérience que nous tirons de certains jeux peut se rapprocher de celle que nous ressentons au contact d’une œuvre d’art et je me fonde sur ma propre réflexion de joueur/professeur d’arts plastiques pour en témoigner. Ce média s’est popularisé au point que la majorité des élèves que nous côtoyons sont des joueurs occasionnels ou quotidiens. Je pense qu’il est important que nous nous intéressions aux expériences qu’ils vivent à leur niveau, et qui peuvent fortement se rapprocher de celles que nous vivons au contact de l’art, qui peut être perçu comme lassant par certains élèves. Si nous engageons le dialogue dans ce qui les touche régulièrement au quotidien, je pense qu’ils apprécieraient cette ouverture d’esprit. Le jeu vidéo nous fait vivre des émotions qu’il serait bon d’étudier au cours de cette réflexion. Par exemple, Okami, développé par Clover Studio et édité par Capcom en 2006 sur PlayStation 2 est un jeu d’aventure inspiré des légendes et des estampes japonaises dans lequel nous pouvons parfois nous servir d’un pinceau virtuel pour interagir avec l’environnement. Son style graphique utilise la technique du cel-shading, qui apporte aux images un aspect de film d’animation dessiné à la main. Son univers graphique et mythologique est unique et il est à mon avis d’un intérêt tout particulier. Le média du jeu vidéo est souvent la cible de critiques légitimes et illégitimes mais qui n’en reste pas moins un moyen d’expression formidable qui est pensé pour être manipulé, dans une logique de progression constante. Il pourrait être appréciable de proposer aux élèves un autre regard sur les jeux vidéo pour ne pas les considérer uniquement comme un passe-temps, mais comme un média vecteur de sens et d’émotion. Les jeux qui sont adaptés à leur âge ne présentent pas de contenu violent car la législation veille à ce que cette contrainte soit respectée, mais qui peuvent néanmoins être très intéressant, comme Okami dans la citation constante qu’ils font au monde de l’art.

Image artistique et image informative : même préoccupation esthétique ?

Par rapport à tous les différents types d’images qui existent, nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence des images que l’on peut proposer dans le cadre du cours d’arts plastiques. Il ne s’agit pas de présenter uniquement des images artistiques, car certaines images publicitaires ou illustratives ne sont pas dénuées d’un intérêt certain pour cet enseignement. Nous pourrions prendre par exemple une publicité de la marque Honda qui joue sur les illusions d’optique pour donner un aspect assez onirique à plusieurs scènes. Elle se nomme OFFICIAL HONDA – The New CR-V 1.6 Diesel film – An Impossible Made Possible 60 et elle a été tournée à Zaragoza en Espagne. Cette publicité me semble intéressante sur plusieurs aspects et je compte la présenter en cours, en tant que références, à la fin d’une séquence. A cet instant du cours je propose généralement des références artistiques aux élèves pour leur montrer ce que d’autres personnes qui ont travaillé sur les mêmes notions qu’eux ont été capables d’imaginer et de réaliser. Cela donne une occasion aux élèves d’enrichir leur culture et de voir à quel point ces interrogations sont partagées dans notre société. Je me propose donc de l’analyser brièvement et d’en faire ressortir les aspects les plus intéressants pour enrichir mon cours.
En visionnant cette vidéo, notre perception de l’espace est complètement perturbée par le point de vue adopté par la caméra et par ce qu’elle filme. Certains éléments nous apparaissent a priori en volume alors qu’ils sont en réalité dessinés ou peints sur un support bidimensionnel. Le travail des créatifs est très intéressant puisque le but recherché est totalement atteint, jusqu’à nous tromper complètement. Cette publicité par exemple nous présente très clairement les limites de la perception visuelle humaine en jouant sur le vraisemblable pour nous perturber et nous surprendre. Durant une séance que j’avais observé chez mon tuteur, celui-ci avait présenté cette courte vidéo et les élèves ont été captivés car ils vivaient une expérience rarement ressentie auparavant. Ils sont été aussi largement surpris par la prise de conscience que leurs sens pouvaient être dupés et ce, même à travers une vidéo. Cette considération nous encourage donc à ne pas proposer uniquement aux élèves des images artistiques, mais à varier les différents types d’images produites dans notre société, d’une part parce que certaines images leurs sont déjà familières à cause de leur médiatisation, d’autre part parce que certaines contiennent aussi un message intéressant ou bien proposent une expérience singulière qui touche à des préoccupations esthétiques comme pour cette publicité. Il ne s’agit pas de considérer que les images informatives trouvent leur place dans l’histoire de l’art, mais seulement que certaines se préoccupent parfois de questionnements artistiques et esthétiques qu’il est nécessaire de souligner.

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Table des matières

1.Cadre théorique
1.1 . Prise en compte du parcours scolaire de l’élève et des attentes du programme officiel
1.2. Un cours établi sur les bases d’une interaction entre les élèves et le professeur
1.3. Cadre conceptuel
2. L’image et son impact sur notre société
2.1. La pluralité des images médiatisées
2.2. L’image, entre objectivité et subjectivité
2.3. Un dispositif de cours introduit par une analyse d’oeuvre et motivé par la distance que les élèves pouvaient établir avec le réel
3. Les images en tant que références dans le cours d’arts plastiques
3.1. L’image : son rôle et ses dangers dans le cours d’arts
3.2. La pluralité des images rencontrées dans le cours d’arts plastiques
3.3. Image artistique et image informative : même préoccu pation esthétique ??.
3.4. Le détournement des images par les élèves
4 Conclusion
Résumé Français
Résumé Français / English summary/ English summary
Bibliographie

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