Un corpus de quinze pièces de genre théâtral vendues chez la demoiselle olier 

Vers une reconnaissance du droit d’auteur et ses conséquences dans le théâtre

Au XVIIIe siècle le droit d’auteur n’existe pas. Sur ce point Paris et la province s’accordent, c’est le libraire ou l’imprimeur qui est propriétaire du manuscrit après l’avoir acheté à l’auteur. Ce dernier n’est donc rémunéré qu’une seule fois et son manuscrit peut être réédité autant de fois que le nouveau propriétaire le juge nécessaire. Ainsi « Nous ne prétendons pas ici blesser la juste propriété qui appartient au génie. Rien n’est plus à nous que nos travaux, nos combinaisons, nos observations nous ont fait découvrir ou imaginer, mais une fois que nous avons reçu un prix, soit en argent, soit en gloire, tous nos concitoyens, tous les hommes ont le droit de jouir librement du présent que nous leur avons fait. »Affirme Rieussec dans son mémoire. Il considère même que l’argent avilit la littérature et que l’auteur ne doit pas écrire pour que cela lui rapporte de l’argent. Les récompenses de l’auteur doivent être la gloire et la reconnaissance. Rieussec énonce ici une pensée très répandue à son époque et qui arrange bien les imprimeurs-libraires. Il est donc pratiquement impossible de vivre de sa plume pour un auteur. A l’origine pensionnés par les grands de la Cour, les auteurs en viennent de plus en plus à exercer un métier à côté. L’essor de la bourgeoisie et l’augmentation du taux d’alphabétisation permettent également l’essor des métiers de plume. Voltaire et Rousseau qui reçoivent des sommes suffisantes de la part des imprimeurs pour vivre de leurs écrits, sont cependant des exceptions.
C’est avec le théâtre que commence à se poser la question du droit d’auteur. Depuis une loi de 1697, la recette est répartie entre le théâtre,les comédiens et l’auteur. Cependant les comédiens ont tout intérêt à faire échouer la pièce carsi la recette n’atteint pas rapidement 800 à 1200 livres, ils en deviennent propriétaire et peuvent l’exploiter à leur gré. Ce système donne lieu à d’importantes querelles entre les comédiens et lesauteurs. A tel point qu’en 1777, Beaumarchais crée la société des auteurs dramatiques afin de défendre ses droits et faire adopter de nouveaux règlements en 1780. Les comédiens doivent désormais acheter à l’auteur les droits des pièces qu’ils jouent. De telles mesures choquent bien entendu théâtres et comédiens qui sont toujours à la recherche de subventions,elles s’avèrent également longues et difficiles à mettre en place.
En 1791, de nouvelles lois viennent renforcer le dispositif en faveur des auteurs. En 1791, après le décret du 13 janvier, les pièces de théâtrene deviennent propriété publique que cinq ans après la mort de leur auteur. Pendant ces cinq ans elles sont la propriété de leurs héritiers. L’article trois précise que « les ouvrages des auteurs vivants ne pourront être représentés sur aucun théâtre public dans toute l’étendue de la France, sans le consentement formel par écrit des auteurs sous peine de confiscation du produit total des représentations au profit des auteurs. »La loi du 20 juillet 1791 précise ce qui doit être versé à l’auteur. Il est ainsi prévu qu’il touche un septième de la recette pour une pièce en cinq actes, un dixième pour une pièce en trois actes et enfin, un quarante quatrième pour une pièce en un ou deux actes.
C’est alors aux comédiens de s’indigner. A Lyon un mémoire pour les comédiens et contre les auteurs dramatiques semblent indiquer que les comédiens de Lyon se sont malgré tout fait une raison et acceptent de payer les auteurs. Cependant, ils récusent catégoriquement le caractère rétroactif de cette loi. « [Le décret du 20 juillet] a dit  »les pièces des auteurs sont leur propriété » ce qui est vrai ; il en a conclu que les comédiens ne pouvaient pas les jouer sans leur consentement, ce qui est vrai encore. Mais enappliquant le principe, il s’est égaré et a trop généralisé la conséquence, il a supposé que les pièces antérieures au décret étaient la propriété des auteurs, ce qui n’est pas. »La réfutation est ici modérés mais les mentalités ont fait un peu de chemin depuis Diderot qui défendait les droits des imprimeurs et libraires parisiens dans sa Lettre sur le commerce de la librairieoù il affirmait que « Parce que les droits de l’auteur sont imprescriptibles, imprescriptibles sont les droits du libraire qui l’a acheté. »
Une pétition à l’assemblée nationale par les comédiens des grandes villesde France dont Lyon, amplifie la plainte des comédiens lyonnais. Cette pétition réaffirme le caractère injuste de la rétroactivité de cette loi et accuse les auteurs de s’être érigés en corporation ce qui est interdit depuis la révolution. Ils demandent la révocation du décret pour les « pièces anciennes » c’est à dire celles qui appartenaient aux comédiens avant le décret. Les auteurs sont également accusés de se mettre d’accord sur le prix qu’ils donnent à leurs pièces. Les auteurs ont également cherché à vérifier eux même l’application de la loi en allant vérifier toutes les informations sur les recettes de leurs pièces dans les registres des théâtres. Les comédiens leur reprochent alors leurs manières « inquisitoriales. » Beaumarchais est vivement critiqué sur ce point tandis que D’Aleyrac et Grétry sont loués comme des auteurs talentueux et désintéressés. La préférence semble aller désormaisaux auteurs les moins scrupuleux sur leurs droits d’auteurs, ce qui a peu changé aujourd’hui.

LE THÉÂTRE

Le théâtre est avant tout un lieu de divertissement et de sociabilité

Durant toute la période moderne, Lyon est une ville sans parlementet sans université, ce qui prive la ville de toute l’activité que génèrent ces deux institutions. Le théâtre devient alors un lieu important où le spectacle se situe souvent aussi bien dans la salle que sur la scène.
Comme dans les autres villes de France, le théâtre est le lieu on l’on vient voir mais également où l’on vient se montrer. Ainsi Jacques Barnier , ancien greffier en chef des finances et titulaire d’une charge de secrétaire du roi, consigne chaque mois d’avril dans ses papiers le prix du renouvellement de son abonnement au théâtre. Olivier Zeller se demande s’il pourrait s’agir d’une norme des gens de la finance, dont le théâtre ferait partie d’un mode de vie également tourné vers le loisir. Après l’étude du livre journal que tenait François Valesque, échevin de Lyon de 1762 à 1763, Il note également que le théâtre est le lieu privilégié de la reconnaissance sociale. A Lyon la proclamation des deux nouveaux échevins se fait le jour de la Saint Thomas. Elle commence par un dîner officiel chez le Prévôt des Marchands et s’achève par une sortie au théâtre où ils se rendent en robe d’apparat, ce qui les rend parfaitement identifiables. Ces nouveaux promus, par leur nouvelle désignation, s’agrègent à la noblesse lyonnaise. En allant au théâtre en corps et en apparat, les nouveaux échevins sont ainsi présentés à toute l’élite locale.
Au XVIIIe siècle, le personnage le plus important d’une province est l’intendant. Il est nommé par le roi et le représente dans la ville danslaquelle il est siège. Il y est souvent très puissant et impopulaire, cependant Lyon est le fief de la famille Villeroy. Bien que le duc de Villeroy soit gouverneur, il réside la plupart du temps dans la capitale, mais à Lyon rien ne se fait sans son accord. En 1739, sur les pages de titre des pièces de théâtre qu’il imprime, Aimé Delaroche se présente comme « le seul imprimeur de Monseigneur le duc de Villeroy et de la ville.» ce qui est assez symptomatique de l’importance de cette famille dans la ville et des protections qu’elle peut offrir. Les rares fois où le duc deVilleroy vient à Lyon, il ne manque pas de se montrer au théâtre et d’essayer d’humilierl’intendant. Il le fait changer de place, ou bien arrive en retard et fait recommencer le spectacle pourlui. Bien qu’attentive à ce qui se passe sur la scène, la salle était à l’époque beaucoup plus turbulente et plus proche de l’ambiance de nos stades que de nos théâtres d’aujourd’hui. A tel point que les domestiques furent interdits. S’il s’agit d’une exclusion socialecela permet également d’éviter de rassembler un public aux ordres de ses maitres, car le théâtre, parce qu’il permet le rassemblement régulier d’une grande partie de la population, est également le lieu d’une forme indirecte de politique, à une époque où tout rassemblement est jugésubversif. Le théâtre possède à cette époque une importance qu’il n’a jamais eue et qu’il ne retrouvera pas. En effet au XVIIIe siècle les formations politiques privées et publiques n’existent pas encore, l’Église n’a plus la même force active et la presse n’a pas encore trouvé son moyen d’intervention, c’est alors le théâtre qui joue le rôle de témoin et acteur de la vie sociale.
Lieu de la puissance et de la politique, le théâtre est également un lieu de prestige. Il a été reconstruit en 1756 par Soufflot. L’endroit de son emplacement a donné lieu à de multiples débats. Situé près des Terreaux, certains le jugeaienttrop proche des jardins de l’hôtel de ville. Olivier Zeller après une étude sérielle des abonnés à partir de la liste des abonnés pour l’année 1787-1788, parvient à établir que plus de cinquante pourcent des abonnés habitent dans le voisinage immédiat du théâtre, c’est à dire, la rue Saint Pierre, la rue du Plâtre et la rue du Griffon. La géographie sociale des abonnés est donc directement calquée sur celle des élites.
Il établit également que le nombre d’abonnés est moins nombreux parmi l’élite qui réside à Bellecour. La ville n’est pas très étendue, bien que plus éloignée, cette élite reste cependant proche du théâtre. Il semblerait alors qu’il existe aux Terreaux une pratique socioculturelle du loisir.
Les voyageurs illustres et de passage à Lyon sont invités au théâtre. En 1775, pour la visite de la princesse de Piémont, Monvel, qui n’est pas lyonnais, compose un dialogue chanté en son honneur.
En 1782, le grand duc de Russie pût ainsi assister à cinq pièces de genre différent lors de son séjour. Bien d’autres encore bénéficient de ces honneurs. De tels événements sont bien sûr abondamment relayés par le Journal de Lyon. Ainsi, l’enthousiasme est à son comble en 1784 lorsque l’intendant arrive au théâtre accompagné de Montgolfier et de Pilâtre du Rofier. Une démonstration de cette nouvelle machine permettant de s’élever dans les airs, chose alors improbable, c’était déroulée l’après midi sous les yeux ébahis des lyonnais. A leur arrivée au théâtre « des applaudissements, des cris, se font entendre dans toutes les parties de la salle […] le parterre a crié de recommencer le spectacle.»

Fonctionnement du grand théâtre et répertoire

Le théâtre est sous l’autorité d’un directeur ou d’une directrice, bien entendu sous la protection de la famille Villeroy. Il existe une liste des pensionnaires du théâtre mais d’importantes lacunes sont à déplorer pour les années 1773 à 1785. Le seul moyen de connaître les acteurs pour ces années là était de consulter pièce par pièce les noms des comédiens qui figurent quelques fois lorsque les pièces du répertoire sont édités. Les résultats de cette méthode n’étaient que peu satisfaisant car ils ne donnaient que le nom des personnes qui montent sur scène mais rarement celui des musiciens, de plus, tous les noms des figurants n’y sont pas, par exemple pour les paysan, les bergers ou les soldats.
En 1776, suite à l’affaire Sordo qui oppose la compagnie Sordo à Destouches-Lobreau la Directrice, au sujet de la gestion du théâtre, François-Pierre-Suzanne Brac, avocat de Lyon et échevin pour les années 1775 et 1776, se voit obliger d’assurer l’intérim de la direction du théâtre. Il demande qu’on lui remette un état détaillé de la troupe. Grâce aux archives privées de la famille Brac, Olivier Zeller a ainsi pu compléter l’important travail de Léon Vallas sur le théâtre à Lyon. La troupe comporte cent vingt huit personnes en 1776. Tous ne sont pas comédiens et ne montent pas sur scène. Les couturières, les machinistes, etc. font aussi partie de la troupe. Elle est répartie en quatre groupes spécifiques. La troupe de théâtre qui comporte seize hommes et neuf femmes, la troupe d’opéra bouffon, qui comporte huit chanteurs et six chanteuses, le corps de ballet avec quinze danseurs et treize danseuses mais certains ne sont que figurants et enfin les musiciens qui sont au nombrede vingt huit. Le nombre de gens qui montent sur scène a augmenté comme on peut le voir avec les chiffres de l’année 1772, les comédiens n’étaient que vingt, les danseurs seulementdix neuf et l’orchestre comportait deux musiciens de moins. Seuls les chanteurs de l’opéra bouffon sont moins nombreux en 1776 qu’en 1772 où ils étaient dix huit. De 1772 a 1776 la troupe s’est accrue de douze personnes pour ceux qui montent sur scène, ce qui dénote un certains succès de théâtre et une certaine prospérité. On remarque également que les artistes sonttrès mobiles. Parmi les premiers rôles, très peu sont restés entre ces deux années. Les musiciens semblent moins mobiles et sont en majorité restés.
François Brac a également relevé la programmation quotidienne du théâtre pendant les quatre mois d’avril à d’août 1776. Pendant les quatre semaines qui suivent l’ouverture de la saison, la troupe joue six jours sur sept. Puis elle ne joue plus que quatre ou cinq fois par semaine. L’étude de la recette permet d’établir qu’il existe des jours creux, tel le mercredi et le lundi, qui est un jour de représentation très rare, et des jours d’affluence. C’est le dimanche que la recette est souvent la plus importante. Le dimanche n’est plus seulement consacré à la religion mais semble-t-il également au théâtre. Les effectifs du public sont assez irréguliers mais globalement s’amenuisent au fur et à mesure de la saison. Le début du mois d’avril voit venir beaucoup de monde car le public est curieux de voir la nouvelle troupe et les nouveaux spectacles. Puis au fur et à mesure de la saison, quand des pièces déjà jouées passent une nouvelle fois, l’intéret du public diminue et se déplacebeaucoup moins au théâtre. Les beaux jours permettent également d’offrir d’autres divertissement quele théâtre.
Le spectacle se compose de deux pièces successives, une grande et une petite. La plupart des petites pièces sont des opéras bouffons, des pastorales ou des comédies lyriques dont le public lyonnais est très friand. Les tragédies sont exclusivement des grandes pièces.
Lyon est un théâtre de province, aussi il ne peut jouer des nouveautés tous les soirs. Sur les quatre vingt sept pièces recensées par François Brac seulement trente sept pièces ne sont jouées qu’une seule fois. Il peut nous paraître étrange qu’un théâtre joue des nouveautés tous les soirs mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit de la principale distraction que l’on peut trouver le soir, surtout en hiver, car l’été peut être consacré à des promenades. De plus les abonnements permettent d’aller au théâtre tous les jours, les milieux de la finance et du négoce, grands amateurs de théâtre, semblent avoir pris l’habitude d’y aller le soir avant le souper.
Bien que les pièces soient jouées plusieurs fois au point de lasser le public, le répertoire du grand théâtre s’avère beaucoup plus important que n’importe lequel de nos théâtres d’aujourd’hui. Au XVIIIe siècle on ne joue pas une œuvre mais un répertoire, composé de très nombreuses pièces. La mise en scène telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existe pas encore et les acteurs peuvent jouer plusieurs pièces dans la même soirée. Entre 1780 et 1789 Clarence, D. Brenner est parvenue à identifier mille six cent quatre vingt auteurs dramatiques et deux mille huit cent seize pièces anonymes. Labibliographie qu’elle publie en 1947 contient onze mille six cent soixante deux titres. Robert Dawson en lançant le projet d’une nouvelle bibliographie pensait arriver aux alentours de vingt mille titres. Cependant ces nombreuses représentations ont laissé beaucoup moins d’imprimés. On le sait, les pièces de théâtre souvent imprimées dans une qualité médiocre sont très peu parvenues jusqu’à nous. Essentiellement partir du fonds ancien de la BML et de certaines archives privées, Léon Vallas recense les pièces retrouvées par années. Bien que relativement ancien son livre s’avère encore un des plus complet sur le théâtre et la musique à Lyon au XVIIIe siècle. Il n’a rien retrouvé pour l’année 1776. Il existe des pièces imprimées à cette date au fonds ancien mais elles n’ont pas été jouées à Lyon. Il s’agit de nouveautés parisiennes imprimées le plus souvent à Paris. Le catalogue des bibliothèques de Lyon en dénombre sept pour l’année 1776, deux sont vendues chez la veuve Duchesne à Paris et aucune n’a été impriméeà Lyon.

Le théâtre et l’imprimé

Le théâtre se joue mais il se lit et s’imprime également beaucoup. Au vu des pièces recensées par Léon Vallas, on peut supposer que les pièces du répertoire étaient généralement imprimées puis vendues au moment où la pièce était jouée. Sous l’ancien régime il existe des privilèges dans beaucoup de domaines, on peut alors se demander s’il existe à Lyon une exclusivité entre un imprimeur et/ou un libraire pour l’impression et lavente des pièces du répertoire du grand théâtre.
En consultant les listes des pièces imprimées par année établies par Léon Vallas, on s’aperçoit que pour certaines années n’apparaît qu’un seul nom d’imprimeur ou de libraire.
Ainsi, les pièces du répertoire retrouvées pour les années 1739 à 1744 sont toutes imprimées chez Aimé Delaroche, imprimeur de la ville. Aucun imprimé n’a été retrouvé par Léon Vallas pour les années 1745 à 1748 mais les nombreuses pièces retrouvéespour l’année 1749 portent toutes le nom du libraire Rigollet en bas de la page de titre. Les années suivantes ne comportent plus que quelques pièces retrouvées voire pas dutout. Le nom du libraire Antoine Olier, puis de sa veuve et enfin de la demoiselle Olier reviennent régulièrement de 1729 à 1789.
Il existe bien un accord passé entre le directeur etun imprimeur à l’époque de l’opéra de Lyon, c’est-à-dire avant la rénovation de 1756. Le théâtre de Lyon possède un privilège qui lui permet de choisir un imprimeur et de lui donner l’autorisation exclusive d’imprimer les pièces jouées par le grand théâtre. En 1739, à la fin del’exemplaire du Ballet de la paix ,on peut ainsi lire après l’approbation signée La Serre, « Vu l’arrêt du conseil et le privilège cédé à l’académie royale de musique de Lyon ; défenses sont faites à tous les imprimeurs et libraires autres que celui choisi par ladite académie, d’imprimer, vendre, ni distribuer aucun exemplaire de paroles d’opéra à peine, d’amende fixée par l’arrêt du conseil et confiscation desdits opéras. A Lyon ce 15 mars 1739. de La Frasse de Seynas. » Le théâtre peut donc choisir un imprimeur qui pourra imprimer tout le répertoire. Un tel accord s’avère très intéressant pour un imprimeur car c’est une façon d’acquérir un privilège et donc une exclusivité par rapport à ses concurrents. Les spectacles à l’opéra comportent généralement un livret qui résume l’histoire jouée sur scène et qui est difficilement compréhensible dans les détails car tous les dialogues sont chantés. Ces livrets d’opéra comportent généralement peu de pages et sont vendus sur le lieu du spectacle. Nousn’avons pas ou peu d’informations sur ces ventes de livrets qui pouvaient se dérouler sur lelieu de spectacle mais on peut supposer que cela s’avérait intéressant pour l’imprimeur qui était sûr d’écouler une bonne partie de l’édition notamment auprès de l’élite locale venue en nombre et pour se fairevoir.
Le privilège signé par De la Frasse de Seynas figuresur toutes les pièces du répertoire de 1739 à 1744. C’est le même qui est réimprimé à chaque fois car il comporte toujours la même date. Faire imprimer tout le répertoire permetd’obtenir un certaine standardisation dans l’édition des pièces du répertoire. Ainsi, le format est toujours le même, un in quarto d’environ dix sept centimètres sur vingt deux centimètres, la page de titre comporte toujours les mêmes informations et la disposition est similaire. Le prix est également toujours le même qu’il s’agisse du livret qui accompagne un opéra ou un ballet ou bien d’une tragédie en plusieurs actes, il est de douze sols. Le titre figure en haut en gras, puis juste en dessous, le genre, toujours en gras mais en lettres plus fines. Encore en dessous figure le nombre d’actes s’il y en a plusieurs puis la date et le lieux de représentation. Si la pièce a été représentée à Paris, cette information figure avant, vu le rayonnement de la capitale, il s’agit aussi d’un argument de vente et d’une référence. Si le prix figure sur la page de titre il se trouve juste en dessous ou bien tout en bas de la page. Encore en dessous et en gros figure la marque d’Aimé Delaroche, il s’agit d’un lion entouré de deux cornes d’abondances mais celle de gauche contient des livres. Juste au dessus du lion on peut lire la devise concordia et labore. Cette marque avec devise est bien mise en valeur, relativement grande et très reconnaissable. Elle permet d’identifier très rapidement l’imprimeur. En dessous figure le lieu d’impression, il s’agit toujours de Lyon et encore en dessous la formule « De l’imprimerie d’Aimé Delaroche, seul imprimeur de Monseigneur de Duc de Villeroy et de la ville » ainsi que « Aux Dépens de l’Académie Royale de Musique »qui figure en italique. La dernière information sur la page est la date. Les informations contenues par cette page de titre laissent entendre que c’est l’académie royale de musique qui paye l’impression des pièces. On trouve le même genre de présentation, le même format ainsi que la mention « aux dépends de la compagnie » dans des parutions imprimées chez Delormel à Paris. Cette mention pose question car elle semble signifier que c’est la compagnie qui paye l’impression des pièces et les termes du contrat avec l’imprimeur nous sont inconnus.
En 1749, la direction du théâtre a changé et c’est le libraireRigollet qui possède un accord avec l’opéra et qui figure sous la permission. « Vu les conventions faites le quinze présent du mois entre le Sieur Mangot directeur de l’opéra de cette ville et le Sieur Rigollet, libraire, pour l’impression de tous les opéras qui seront représentés sur le théâtre de cette ville pendant une année, nous permettons audit Rigollet de les faire imprimer vendre et distribuer à la forme desdites conventions; défenseétant faite à tous libraires, imprimeurs et autres personnes que ce puisse être d’imprimer, vendre et distribuer aucun exemplaire des paroles desdits opéras à peine d’amendes et de confiscations. Fait à Lyon ce 16 avril 1749. Perrichon. »Les conventions sont ici moins avantageuses, Rigollet ne dispose de ce privilège que pour un an. De plus Mangot ne reste directeur du théâtre que pendant un an. En 1752,l’exclusivité ne figure plus sur l’exemplaire duTriomphe d’Esculape . Pourtant, les noms des comédiens figurent dans l’ouvrage donc elle a bien été jouée sur la scène de Lyon. Rigollet n’est que libraire, il travaille donc forcément avec un ou plusieurs imprimeurs mais le nom de ces derniers n’apparait pas sur les ouvrages. Ce n’est plus l’imprimeur qui est mis ici en valeur, car son nom n’apparait nulle part mais bien celui qui se charge de la vente et le nom de Rigollet apparaît sur toutes les pages de titre. Les pages de titres ne sont plus aussi reconnaissables et immédiatement identifiables comme au temps de Delaroche mais le nom du libraire et l’adresse du point de vente apparaîssent clairement.
C’est le répertoire de l’année 1749 semble le mieux reconstitué avec douze pièces retrouvées, ce qui reste très peu au vu de la centaine de pièces qui étaient jouées par an. Le répertoire des années suivantes est malheureusement encore plus difficile à reconstituer et très peu de pièces ont été retrouvées. Néanmoins, les privilèges tels que ceux accordés à Aimé Delaroche et au libraire Rigollet n’apparaissent plus. Certaines années pour le peu de pièces retrouvées ont été imprimées chez différent imprimeurs. Ainsi en 1769, La fausse Égyptienne est imprimé chez Delaroche alors que Le muphti est imprimé chez les frères Périsse.
Cependant, la plupart des pièces retrouvées sont vendues chez Olier sans qu’aucun privilège particulier n’apparaisse. Le fait d’accorder une exclusivité à un imprimeur ou à un libraire pour l’édition, l’impression et la vente des pièces du répertoire a bien existé mais cette pratique semble avant tout liée à la personnalité du directeur et en tout cas disparaît en même temps que la présence de l’opéra à Lyon. A la reconstruction du nouveau théâtre en 1756, ce genre de privilège n’est plus mentionné.

De 1768 à 1792 : un étalement dans le temps relativement conséquent

Les pièces du corpus s’étalent sur une période de vingt quatre ans, ce qui est une longévité remarquable pour un libraire. L’entreprise semble avoir survécu à la Révolution puisqu’on retrouve des pièces pour les années 1789, 1791 et 1792. Il peut arriver qu’un libraire exerce pendant longtemps mais en alternant des périodesde faillite et des périodes de relative prospérité. Robert Darnton et Frédéric Barbier décrivent bien ce phénomène chez les petits boutiquiers. Ils constatent ainsi le sort de nombreux petits libraires, et quelquefois des libraires plus important, qui font faillite couverts de dettes, s’enfuient, puis réapparaissent quelques années plus tard et tentent de se lancer à nouveau dans les affaires. Seules les grandes maisons qui se cantonnent avant tout aux ouvrages licites semblent marquées par la stabilité, on peut citer en exemple à Lyon les Duplain ou encore Aimé Delaroche.
Le corpus chez la demoiselle Olier comporte deux périodes, deux ouvrages Le théâtre à la mode et Le vingt et un sont datés de 1768, ensuite, on ne trouve plus rien jusqu’en 1783. Au vu du nombre peu important de pièces retrouvées, cette absence de pièces pendant quinze ans n’est pas forcément significative. La deuxième période, plus fournie, de 1783 à 1792, comporte également des années vides comme en 1785, 1788 et 1790.

Une diversité de qualité et de prix dans les œuvres

Si les pièces imprimées par Delaroche, à l’époque de son exclusivité pour l’impression des pièces jouées par le théâtre, témoignaient d’une certaine standardisation, les pièces de la demoiselle Olier possèdent d’importantes différences et notamment leur prix. Chez Delaroche les pièces coûtaient toutes douze sous. Chez la Demoiselle Olier on rencontre essentiellement deux types de prix. La pièce la plus ancienne du corpus le théâtre à la modecoûte vingt quatre sous tandis que le vingt et undatée également de 1768 ne possède pas d’indication de prix. Les autres pièces du corpus se répartissent en deux types de prix, cinq d’entre elles coûtent six sous et quatre autres coûtent douze sous, enfin quatre pièces ne possèdent pas d’indication de prix. Il n’y a pas de corrélation entre le prix des œuvres et leur date de parution, ils se répartissent tout au long de la période.
Les pièces à six sous sont clairement des livrets qui accompagnent un spectacle. Ils comportent très peu de pages, entre huit et seize. Ces cinq pièces sont des ballets joués sur la scène de Lyon. Dans les ballets ou « ballets pantomimes » les danseurs ne parlent pas mais tentent de traduire l’émotion et les intentions de leur personnage à travers la danse ou la pantomime, le livret fait le récit de ce qui se passe sur scène. Dans la mort d’Hercule , le livret explique que Hercule danse un pas de trois avec Déjanire,sa femme, et une princesse captive, ce qui permet de clarifier le rôle et l’identité des personnages présents sur scène, il précise également que la préférence d’Hercule va à la princesse. Ces indications permettent au spectateur d’interpréter ce qui se passe sur scène. Ces livrets ne représentent que peu d’intérêt si le lecteur n’a pas vu la pièce car ils ne sont qu’un rapide résumé qui semble destiné avant tout au spectateur et à un usage éphémère.

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Table des matières
INTRODUCTION 
LYON DANS LA DEUXIÈME MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE 
LA LIBRAIRIE 
Privilèges et permissions
Se faire connaître accrocher le lecteur
Des tensions entre Paris et la province
Vers une reconnaissance du droit d’auteur et ses conséquences dans le théâtre
LE THÉÂTRE 
Le théâtre est avant tout un lieu de divertissement et de sociabilité
Fonctionnement du grand théâtre et répertoire
Le théâtre et l’imprimé
UN CORPUS DE QUINZE PIÈCES DE GENRE THÉÂTRAL VENDUES CHEZ LA DEMOISELLE OLIER 
PRÉSENTATION ET BIBLIOGRAPHIE MATÉRIELLE
De 1768 à 1792 : un étalement dans le temps relativement conséquent
Une diversité de qualité et de prix dans les œuvres
Éditions
Des œuvres licites ?
THÈMES ET CONTENU 
Le genre des pièces
Les pièces puisent leur inspiration dans les thèmes à la mode
Des récits où triomphent l’amour, l’autorité et les convenances
LEURS LIENS AVEC LA SCÈNE 
Les pièces jouées sur la scène de Lyon
Les pièces parisiennes
LA DEMOISELLE OLIER, SA FAMILLE, SES COLLABORATIONS
UNE DEMOISELLE QUI LAISSE BIEN PEU DE TRACES 
Une demoiselle Olier, libraire rue Saint Pierre
Une vie dissolue à Paris
« La » ou « les » demoiselles Olier ?
LESOLIER: UNE DYNASTIE DE PETITS BOUTIQUIERS 
Le corpus d’Antoine Olier
Les ouvrages de la veuve d’Antoine Olier
LA DEMOISELEOLIER ET SES COLLABORATEURS 
Etude des marques d’imprimeurs
Une collaboration avec Faucheux
Des collaborations parisiennes ?
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
OUVRAGES DU CORPUS CLASSÉS PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE
BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE LYON
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES ANNEXES 

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