Un composite unidirectionnel carbone/epoxy et prédiction de durée de vie

Généralités sur l’Emission Acoustique

   La norme NF A 09-350 [2] définit l’émission acoustique comme « un phénomène de libération d’énergie sous forme d’ondes élastiques transitoires au sein d’un matériau soumis à sollicitation ». Cette libération d’énergie résulte de modifications microstructurales par un réarrangement de la matière. De cette définition, découlent les principales caractéristiques de la méthode :
• c’est une méthode passive d’enregistrement volumique d’une forme de réponse d’un matériau face à une sollicitation mécanique ;
• la technique est non directionnelle, les sources émissives irradient leur énergie dans toutes les directions ;
• l’émission acoustique est sensible à la croissance et à la multiplication des défauts et aux changements dans le matériau plutôt qu’à la présence de défauts statiques : la détection ne peut se faire qu’au moment même où s’effectue le relâchement de contraintes donnant naissance à l’émission.
La technique de l’émission acoustique consiste à détecter ces ondes pour en extraire des informations en temps réel sur le comportement du matériau. On distingue communément l’émission acoustique continue de l’émission acoustique discrète par salves (ou pulses). L’émission discrète est constituée de signaux transitoires aléatoires de fortes énergies et de courte durée. L’émission continue correspond à l’augmentation ponctuelle d’un bruit de fond qui s’apparente, par exemple, aux mouvements des dislocations dans un métal. Dans le cas des matériaux composites unidirectionnels soumis à une sollicitation, chaque mécanisme d’endommagement (décohésion, fissuration intralaminaire, rupture de fibres (Figure 2.3)) est source d’une onde d’émission acoustique de type discret. Chacun de ces phénomènes est reconnu comme brutal, c’està-dire que son apparition et sa propagation complète sont deux phénomènes quasi-confondus. Il est commun d’assimiler la salve détectée à un mécanisme d’endommagement du composite. La salve est convertie en signal électrique par l’intermédiaire d’un capteur piézoélectrique situé en peau du matériau. A partir d’un tel signal sont définis différents paramètres permettant de classer les pulses par famille (Figure 4.1). Ils peuvent, à condition de pouvoir isoler chaque mécanisme d’endommagement, devenir unesignature du mécanisme considéré. Cependant, l’altération de l’onde initiale au cours de son parcours dans le matériau (franchissement des innombrables interfaces du milieu hétérogène et anisotrope du composite) rend la séparation et la reconnaissance des mécanismes d’endommagement très délicates. A ce titre, les travaux de recherche sur l’émission acoustique peuvent être classés en deux catégories distinctes :
• une première catégorie d’études s’est attachée à l’aspect qualitatif des phénomènes et s’est donc concentrée sur la reconnaissance des mécanismes d’endommagement à l’origine de l’émission par l’analyse des paramètres de la salve ;
• une seconde catégorie d’études s’est attachée à l’aspect quantitatif des phénomènes et s’est donc concentrée sur la recherche d’un moyen de détection de l’endommagement ayant pour objectif de le quantifier dans sa globalité.

La fibre de carbone

   La fibre de carbone, utilisé comme renfort pour reprendre les efforts est très appréciée pour son comportement élastique linéaire. Les fibres de carbone sont classées en deux groupes, selon leurs caractéristiques mécaniques qui découlent directement de leur mode d’élaboration :
• le groupe des fibres à hauts modules (fibres de carbone HM) ayant typiquement un module compris entre 300 à 600 GPa pour une résistance à la rupture comprise entre 3500 et 5000 MPa ;
• le groupe des fibres à hautes résistances ou ténacités (fibre de carbone HR ou HT) ayant typiquement une résistance comprise entre 3000 et 7500 MPa pour un module compris entre 200 et 300 GPa.
La fibre de carbone présente la particularité de ne pas posséder une unique valeur à rupture. En réalité, elle présente une grande dispersion et la résistance à rupture moyenne tend à diminuer avec la longueur de la fibre. Ce comportement résulte de la distribution de défauts le long de la fibre, ceci explique que plus la longueur de la fibre est importante et plus il y a de chance que la fibre contienne un défaut qui l’affaiblisse. La rupture de la fibre est par conséquent contrôlée par la distribution aléatoire de défauts et son analyse nécessite un traitement statistique. L’effet d’une distribution aléatoire d’un seul type de défaut sur la résistance d’un solide a été décrit par Weibull [1] qui a comparé la rupture d’un solide à la rupture d’une chaîne dans lequel le maillon le plus faible est déterminant. L’expérimentation sur fibres unitaires est donc nécessaire pour connaître précisément la fonction de distribution de défauts. La fibre de carbone utilisée ici est la fibre Torayca T600S – 24000, appartenant au groupe des fibres à hautes résistances. Les propriétés physiques et les caractéristiques mécaniques moyennes (données fabricant) de ce type de fibre sont présentées dans le Tableau 6.1. La fibre a été fournie sous la forme d’une bobine constituée d’une mèche de 24000 filaments, d’une longueur d’environ 600 mètres (Figure 6.1). Comme nous souhaitons justifier l’accumulation de ruptures de fibres dans le composite sous diverses sollicitations, il est indispensable de définir précisément la statistique de rupture de la fibre. Nous avons pour cela réalisé des essais de traction sur fibre unitaire

Les caractéristiques de la fibre de carbone T600S

   La première étape a été de déterminer les caractéristiques mécaniques moyennes de la fibre à partir des essais de traction sur fibre unitaire de différentes longueurs de jauge. Pour ce faire, nous rappelons qu’avant chaque essai de traction, trois mesures de diamètres sur la longueur de jauge de la fibre ont été systématiquement réalisées de manière à pouvoir tracer les diagrammes de contraintes/déformations et d’en déduire la contrainte de rupture (la contraction du diamètre de la fibre en cours de traction étant négligée). L’obtention de ces caractéristiques a nécessité au préalable la détermination de la complaisance de la machine, estimée à 0.0021 mm/g. Le module d’Young de la fibre (Figure 7.1) est obtenu par la mesure de la pente à l’origine de la courbe de contraintes/déformations, noté E0. A ce titre, nous avons pu constater un raidissement de la fibre en court de déformation qui peut être caractérisé par deux segments linéaires de pente voisine, le module d’élasticité noté E0 de la fibre étant la moyenne des ces deux pentes. La confrontation des résultats expérimentaux aux données constructeurs (Tableau 7.1) montre une bonne correspondance en ce qui concerne l’estimation du module d’Young longitudinal de la fibre, par contre pour les autres caractéristiques mécaniques moyennes de la fibre, un écart non négligeable est constaté. Cet écart peut être justifié par le mode opératoire utilisé pour accéder à ces valeurs, dans la mesure où les résultats sont issus d’essais sur mèche qui sont sources d’approximations sur la géométrie réelle des échantillons testés.

Essais de pressurisation interne jusqu’à rupture

  L’objectif est d’établir le comportement acoustique sous charge constante et d’estimer le nombre maximal d’événements à rupture, et ceci pour le même essai. Cet essai de pressurisation interne consiste à atteindre l’éclatement du réservoir, par palier d’une heure à 50 bar. Ces paliers intermédiaires d’une durée d’une heure sont effectués pour s’assurer d’une stabilisation de l’endommagement. La courbe du nombre d’événements en fonction de la pression interne (Figure 7.19 [A]) montre, dans les phases de montée en pression, une évolution exponentielle et dans les phases sous charge constante une évolution logarithmique (Figure 7.19 [B, C]). Par ailleurs, lors de la montée vers le palier à 400 bar, l’activité acoustique, trop intense, a nécessité d’augmenter le seuil de détection à 80 dB, fixé initialement à 40 dB, pour éviter la saturation du signal ce qui a eu pour conséquence de minimiser le nombre maximum d’événements à rupture. L’éclatement est atteint à 676 bar. Un second essai a été mené pour estimer le nombre d’événements à rupture du réservoir. Cette fois, la mise en pression est réalisée de manière continue jusqu’à 500 bar à la vitesse de 10 bar/minute. L’extrapolation de la courbe à la pression d’éclatement de 676 bar, obtenue à l’essai précédent, donne un nombre approximatif d’événements de plus de 2 millions. Si un événement correspond effectivement à une rupture de fibre alors ce chiffre peut paraître important. Cependant, il apparaît, par un calcul simple, que ce nombre ne représente, en fait, que 1.5 % du nombre total des fibres directement impliquées dans la résistance à l’effort longitudinal qu’exerce la pression interne sur les parois cylindriques du réservoir. Pour cette évaluation, le calcul a consisté à ne considérer que les plis à 90° par rapport à l’axe du cylindre de la partie cylindrique du réservoir, soit au final, une section rectangulaire de coté 6.2 x 1200 mm (6.2 mm représente la somme des épaisseurs de plis à 90° et 1200 mm la longueur de la partie cylindrique du réservoir, pour une fraction volumique de fibre prise égale à 54 %). Cette section rapportée à la section moyenne d’une fibre donne approximativement 100 millions de fibres qui participent à la reprise de l’effort dans la section considérée. Ainsi, conformément au comportement acoustique des éprouvettes de composite sous divers types de tractions uniaxiales, la cinétique d’accumulation d’événements du réservoir composite suit :
• une évolution exponentielle lors d’une augmentation régulière de la pression interne jusqu’à l’atteinte de la pression de rupture ;
• une évolution logarithmique lors d’un maintien à pression constante.
Par conséquent, il semble effectivement que la cinétique d’endommagement est régie par les mêmes mécanismes d’endommagement et que les événements peuvent être assimilés à des ruptures de fibres. L’analyse en amplitude n’a pas été appliquée dans le cas des réservoirs, en raison de la forte atténuation des ondes. L’étape suivante est de vérifier que le lissage de la courbe d’événements cumulés en fonction de la durée de maintien à charge constante permet d’anticiper le comportement en fluage des réservoirs composite. Pour ce faire, différents essais de fluage à court terme sont réalisés pour l’identification des paramètres de cette fonction de lissage.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 – PROBLEMATIQUE INDUSTRIELLE ET DEMARCHE
Chapitre 1 – La problématique industrielle 
1. Présentation de l’étude
1.1. Qu’est ce que le G.N.V. ?
1.2. Pourquoi ?
1.3. Comment?
2. Contexte industriel de l’étude?
Chapitre 2 – Généralités, vocabulaire et notations sur les matériaux composites à fibres longues et leurs endommagements 
1. Description des matériaux composites à fibres longues et de stratifiés
2. Généralités sur l’endommagement des composites
Chapitre 3 – Conception des réservoirs composites G.N.V., mode d’endommagement et proposition d’un protocole de contrôle et de qualification 
1. Conception des réservoirs
2. Mode d’endommagement principal des réservoirs composites en conditions d’utilisation
Chapitre 4 – L’Emission Acoustique 
1. Pourquoi la technique de l’Emission Acoustique
1.1. Généralités sur l’Emission Acoustique
1.2. Etudes des matériaux composites par émission acoustique
1.2.1. Aspect qualifitif
1.2.2. Aspect quantitatif
2. Principes et éléments théoriques de la méthode de contrôle par émission acoustique
2.1. Résultats fondamentaux des travaux de Laroche [20]
2.1.1. Modèle du faisceau de fibres
2.1.2. Modèle de la rupture différée
2.2. Les travaux complémentaires
2.3. Pourquoi l’émission acoustique n’est-elle pas reconnue comme le moyen incontournable pour quantifier l’endommagement des composites ?
2.4. Comment répondre ?
Chapitre 5 – Conclusion et démarche adoptée 
PARTIE 2 – ETUDE EXPERIMENTALE
Chapitre 6 – Matériaux et procédures expérimentales 
1. Matériau composite
1.1. La fibre de carbone
1.2. La matrice époxy
1.3. Le composite carbone/époxy
1.3.1 Les éprouvettes de composite carbone/époxy
1.3.2. Les réservoirs
2. Détails des essais de caractérisation et des moyens expérimentaux
2.1. Essais de traction sur fibre unitaire
2.2. Essais de traction sur résine époxy et composite carbone/époxy
2.3. Exploitation des essais de traction
2.4. Essais de pressurisation interne
2.5. L’acquisition des événements par émission acoustique
2.5.1. Matériels et procédures expérimentales
2.5.2. Etalonnage de la chaîne d’émission acoustique
Chapitre 7 – Résultats expérimentaux 
1. Les caractéristiques de la fibre de carbone T600S
2. Les caractéristiques de la matrice époxy
2.1. Les propriétés élastiques de la résine époxy
2.2. Les propriétés viscoélastiques de la résine époxy
3. Les caractéristiques du composite carbone/époxy
3.1. Exploitation des résultats
3.2. Essais de traction
3.2.1. Traction sur la séquence (0°5)
3.2.2. Traction sur la séquence (90°5)
3.2.3. Traction sur la séquence (+45°, -45°)S
3.2.4. Conclusion sur les essais de traction sur le composite carbone/époxy
4. Le réservoir composite G.N.V. de type 3
5. Caractérisation des mécanismes d’endommagement par émission acoustique
5.1. Composite carbone/époxy unidirectionnel
5.1.1. Traction sur la séquence (0°5)
5.1.2. Essais de fluage
5.1.3. Essais sous sollicitations uniaxiales cycliques
5.2. Réservoir composite
5.2.1. Essais de pressurisation interne jusqu’à rupture
5.2.2. Essais de fluage à court terme
5.2.3. Essais de sollicitations cycliques
PARTIE 3 – MODELISATION
Chapitre 8 – Analyse des micromécanismes de transfert de charge au sein d’un composite à fibres longues 
1. Introduction
2. Synthèse bibliographique et historique
3. Principe de la modélisation du phénomène de rupture des fibres et de la décohésion
3.1. Les objectifs de la modélisation
3.2. Choix du V.E.R.
3.3. Les conditions aux limites appliquées aux cellules
3.4. Modélisation du taux de fibres
3.5. Modélisation de la décohésion à l’interface fibre rompue/matrice
4. Etude de convergence des calculs
5. Modélisation du comportement de la matrice époxy
6. Les grandeurs calculées
7. Résultats et Discussions
7.1. Configuration 1 : cellule C-∞ et comportement élastique
7.1.1. Cas de la rupture sans décohésion
7.1.2. Cas de la rupture avec décohésion
7.1.3. Conclusion sur la configuration 1
7.2. Configuration 2 : cellule endommagées et comportement élastique
7.2.1. Cas de la rupture sans décohésion
7.2.2. Cas de la rupture avec décohésion
7.2.3. Conclusion sur la configuration 2
7.3. Configuration 3 : cellule endommagées et comportement viscoélastique
7.3.1. Cas de la rupture sans décohésion
7.3.2. Cas de la rupture avec décohésion
7.3.3. Conclusion sur la configuration 3
7.4. Configuration 4 : cellule endommagées et comportement élastoplastique
7.4.1. Cas de la rupture sans décohésion
7.4.2. Cas de la rupture avec décohésion
7.4.3. Conclusion sur la configuration 4
8. Conclusions et Perspectives
Chapitre 9 – Modélisation de la rupture macroscopique d’un composite unidirectionnel à 0° par un procédé multiéchelle 
1. Bibliographie
1.1. Synthèse bibliographique
1.2. Le modèle multiéchelle bidimensionnel de Baxevanakis [18]
2. Modèle multiéchelle tridimensionnel proposé
2.1. Principe général d’un procédé multiéchelle [25]
2.2. Principe général et particulier d’un calcul de structure basé sur un procédé multiéchelle
2.3. Détails de notre procédé multiéchelle
2.3.1. L’étape de représentation : choix du V.E.R. tridimensionnel
2.3.2. L’étape de localisation :lissage des résultats obtenus sur les cellules et évolution du nombre de ruptures de fibres
3. Calcul multiéchelle d’une éprouvette tridimensionnelle de composite unidirectionnel sous traction uniaxiale
3.1. Les conditions aux limites
3.2. Etude de convergence
3.3. Effet de la fonction de densité de défauts
3.4. Résultats et comparaison avec la courbe d’émission acoustique dans le cas d’une traction uniaxiale
4. Résultats et comparaison avec la courbe d’émission acoustique dans le cas du fluage sous traction uniaxiale
5. Résultats dans le cas du réservoir composite
5.1. Mise en données
5.2. Résultats de simulations
PARTIE 4 – INDUSTRIALISATION
Chapitre 10 – Proposition d’une méthode de contrôle et de qualification des réservoirs composites bobinés en carbone/époxy
1. Comment estimer la durée de vie résiduelle d’un réservoir composite ?
2. Obtention de la cinétique d’endommagement limite des réservoirs : construction du réseau de courbes maîtresses
2.1. Proposition d’un seuil de rejet
2.2. Construction du réseau de courbes maîtresses
Chapitre 11 – Mise en pratique du protocole de qualification de réservoirs carbone/époxy bobinés en service sur bus 
1. Vérification de la faisabilité du protocole dans les conditions de laboratoire
2. Faisabilité du protocole dans les conditions industrielles d’exploitation
2.1. Rappels du cahier des charges
2.2. Application du protocole de contrôle et de qualification à un bus
3. Le protocole de qualification peut-il être étendu à d’autres structures ?
CONCLUSION

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