L’enjeu de cette partie est de montrer en quoi la chimie faite sur le scandium, l’yttrium et le lutécium peut être comparée voire étendue à celle des autres lanthanides, et quelles sont les limites de la validité de cette comparaison.
Atomistique
Configurations électroniques
Le groupe des terres rares comprend les lanthanides (La-Yb) et les éléments du groupe 3, c’est-à-dire le premier groupe des éléments du bloc d.
Les éléments du groupe 3 ont une configuration électronique qui respecte les règles de Klechkowski-Madelung, de telle sorte que l’appartenance du lutécium au bloc d est assez claire, en particulier si on compare sa configuration électronique à celle des autres éléments de la troisième série du bloc d : [Xe] 5s24f143dn.
On trouve trois exceptions aux règles de Klechkowski-Madelung dans le sous groupe des lanthanides : une irrégularité en faveur d’une configuration faisant apparaître une couche f à moitié complète pour le gadolinium, ([Xe] 6s24f75d1), une autre pour le cérium, pour lequel l’écart énergétique entre la couche 4f et la couche 5d est inférieur à l’énergie d’appariement de deux électrons dans la couche f : Ce [Xe]6s24f15d1, et une pour le lanthane, pour lequel la couche d est d’énergie inférieure à la couche f. Cette dernière exception a été à l’origine d’une contestation de la place du lanthane dans le bloc f : ayant son « électron différenciant » dans une orbitale de symétrie d, il a d’abord été placé dans le groupe des éléments d. Il a fallu la mise en évidence de la continuité de diverses propriétés physiques en passant du scandium à l’yttrium et au lutécium que l’on perd avec le lanthane, (évolution du rayon atomique, somme des deux premières énergies d’ionisation, électronégativité, structure de la bande de conduction analogue à celle du bloc d, absence de super conductivité contrairement au lanthane) pour reclasser le lutécium dans le groupe 3, et le lanthane dans le groupe des lanthanides.
Les différences et similarités entre lanthanides et éléments du groupe 3 se trouvent dans l’évolution des propriétés électroniques en augmentant le nombre quantique principal, noté n, dans le groupe 3 et en augmentant le nombre d’électrons dans la sous-couche f en parcourant la série des lanthanides.
Orbitales de valence du groupe 3
De même que pour les autres éléments du bloc d, les orbitales de valence du groupe 3 sont de type ns et (n-1)d, n étant supérieur ou égal à 4. Comme on peut le voir en Figure 1, l’écart d’extension spatiale entre orbitales de cœur et orbitales (n 1)d augmente avec n ; pour n=4 les orbitales 3d ont une taille très proche de celle des dernières orbitales de cœur. Pour n=6, l’écart est le fait de la contraction lanthanidique (cf. paragraphe II.1.3). D’autre part, l’écart entre les rayons correspondant à la valeur maximale de la densité pour les orbitales ns et (n-1)d est particulièrement important pour n=4, ce qui fait qu’une éventuelle hybridation sd sera moins aisée pour la troisième série.
D’un point de vue énergétique (Figure 2), l’écart entre les orbitales ns et (n-1)d est relativement faible en début de série, et est plus petit pour n=5 ou n=6 que pour n=4. Ceci est expliqué par une répulsion inter-électronique plus importante des électrons 4d et 5d par les électrons de cœur, dont certains ont le même nombre quantique secondaire l=2 cette répulsion par les électrons de cœur augmente l’énergie des orbitales 4d et 5d et les rapproche des orbitales 5s et 6s respectivement. La proximité énergétique des orbitales 5s et 4d, 6s et 5d, ainsi que leurs extensions spatiales proches relativement à celle des orbitales 4s et 3d suggèrent que le comportement de l’yttrium et du lutécium sera différent de celui du scandium, de la même manière que l’évolution de la forme et la position énergétique des orbitales ns et np différencient les éléments des premières séries du groupe principal des éléments plus lourds.
Pour les éléments du groupe 3, les orbitales de valence sont donc de symétrie sphérique ou d, et développées à l’extérieur des orbitales de cœur. Elles restent cependant relativement hautes en énergie, les orbitales 3d du scandium étant les plus basses dans le groupe, (l’écart entre les orbitales d et 4d est quasiment le double de celui entre les orbitales 4d et 5d), et légèrement plus basses que celles du chrome. L’implication des orbitales np est également classiquement prise en compte pour la description des interactions entre ligands et centre métallique, mais est discutée dans la littérature. Ces orbitales np seraient cependant particulièrement importantes pour les premiers métaux du bloc d pour lesquelles elles sont énergétiquement plus proches des orbitales ns et (n-1)d.
Passant du scandium à l’yttrium et au lutécium, on s’attend donc à une hybridation de plus en plus importante des orbitales s et d dans l’interaction avec le champ des ligands. L’augmentation de l’énergie des orbitales d du scandium au lutécium va cependant dans le sens d’une diminution de la covalence pour cette interaction.
Orbitales de valence des lanthanides : orbitales f
Les électrons des orbitales f sont décrits par un nombre quantique secondaire l=3 la représentation des fonctions d’ondes de l’hydrogène pour cette valeur dans une description non relativiste montre un plan nodal supplémentaire (par rapport aux orbitales d) introduit par la partie angulaire de la fonction d’onde mono électronique. D’autre part, la partie radiale atteint son maximum pour une valeur du rayon très proche du noyau, à une valeur rmax 4f plus petite que les valeurs rmax 5s et rmax 5p du cœur Xénon .
La « forme » des fonctions d’onde décrivant les orbitales f ont plusieurs conséquences.
La faible valeur du rayon associé au maximum de densité électronique fait que le recouvrement avec les orbitales moléculaires d’éventuels ligands est nécessairement faible, et le champ des ligands devient négligeable (ou du moins de l’ordre d’une perturbation) devant d’autres phénomènes tels le couplage spin-orbite. Le fait que ce rayon associé à la densité maximale pour les orbitales f soit plus faible que celui des orbitales s et p signifie que l’écrantage par ces dernières orbitales est très faible, et les électrons f ressentent donc particulièrement l’attraction du noyau et se contractent. Des liaisons doubles avec des éléments du groupe principal sont également réputées impossibles.
Cette contraction est encore augmentée par le fait que les électrons de la couche 4f ont eux-mêmes les uns envers les autres un écrantage très faible. Par ailleurs, les électrons 5s et 5p, dont le maximum de densité est à un rayon plus grand que celui des orbitales f, se contractent également avec l’augmentation de la charge nucléaire, à cause du faible écrantage f mais aussi de l’effet relativiste direct. Les rayons atomiques et ioniques des lanthanides décroissent ainsi régulièrement avec l’augmentation du numéro atomique. % à 5% de cette contraction serait dû aux effets relativistes.
Ainsi la spécificité du bloc f est fondée sur deux propriétés des lanthanides : la valeur l=3 de leurs orbitales hautes occupées et la valeur de leur numéro atomique supérieure à 5 . Ces deux propriétés fondamentales sont à l’origine de la progressivité des propriétés au sein du groupe des lanthanides, par l’intermédiaire des constantes d’écran plus faibles que pour les autres valeurs du nombre quantique secondaire, et ce entre couches et au sein de la même couche, et des effets relativistes directs et indirects qui modifient l’extension radiale mais surtout les énergies des orbitales atomiques. n peut également citer l’équilibre particulier entre l’énergie d’échange et les effets relativistes indirects qui se compensent dans des calculs relativistes utilisant le modèle de Slater pour l’énergie d’échange. Les couplages spin-orbites sont également plus importants pour les couches f que s, p, et d.
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Table des matières
I. Cadre de cette thèse
II. Abréviations
Sommaire
Chapitre I. Introduction
I Les carbènes
I.1 Définitions
I.1.1 Carbènes libres
I.1.2 Les carbènes en chimie organométallique
I.2 Synthèses
I.2.1 Transformation d’un ligand dans la sphère de coordination d’un métal
I.2.2 Transformation d’un précurseur carbénique par réaction avec un
complexe métallique
I.2.3 Transmétallation
I.3 Réactivités
I.3.1 Réaction de la liaison M=C avec une liaison simple
I.3.2 Réactions de la liaison M=C avec une liaison double
I.3.3 Réactions de la liaison M=C avec des liaisons triples
II Scandium, Yttrium, Lutécium et les lanthanides : Définition et propriétés
du groupe des terres rares
II.1 Atomistique
II.1.1 Configurations électroniques
II.1.2 Orbitales de valence du groupe 3
II.1.3 Orbitales de valence des lanthanides : orbitales f
II.2 Propriétés à considérer en chimie de coordination
II.2.1 Énergies d’ionisations
II.2.2 Rayon ionique
II.2.3 Orbitales de valence
II.3 Chimie de coordination des terres rares au degré d’oxydation III
II.3.1 Coordination et voies de synthèse
II.3.2 Réactivité des complexes organométalliques de terres rares
III Carbènes phosphorés
III.1 Utilité du phosphore pour la stabilisation de carbènes
III.2 Synthèse et réactivité de complexes porteurs d’un dianion stabilisé par deux phosphores hypervalents
III.2.1 Déprotonation dans la sphère de coordination d’un métal
III.2.2 Métathèse de sels
III.2.3 A partir d’un carbénoïde
III.3 Propriétés des complexes résultants
IV Nature du projet
V Bibliographie
Chapitre II. Carbènes de Scandium
I Introduction
II Etude d’interactions carbone-scandium à caractère multiple
II.1 Synthèses
II.1.1 Complexe monocarbénique
II.1.2 Complexe bis-carbénique
II.1.3 Comparaison entre les interactions scandium-dianion et scandiummonoanion.
II.2 Structures électroniques des complexes de scandium
II.2.1 Diagrammes orbitalaires
II.2.2 Analyse de la population naturelle (NPA) et décomposition dans la base des « orbitales de liaison naturelles » (NBO)
III Conclusion
IV Bibliographie
Chapitre III. Un complexe carbénique de scandium aux applications variées
I Réactivité d’un carbène de Schrock
I.1 Introduction
I.2 Application au scandium
I.3 Conclusion
II Un carbène nucléophile comme ligand ancillaire 102
II.1 Synthèses
II.1.1 Synthèse d’un complexe porteur d’un phosphure
II.1.2 Synthèse d’un complexe porteur d’un amidure
II.2 Facteurs influençant la géométrie du complexe et caractère carbénique des interactions carbone-scandium
II.2.1 Thermodynamique du changement de géométrie
II.2.2 Analyse NBO
II.2.3 Diagrammes orbitalaires
II.2.4 Conclusion
II.3 Premiers éléments sur la réactivité du complexe 10
III Transmétallation
III.1 Introduction
III.2 Validation du concept
III.2.1 Prérequis pour une transmétallation efficace
III.2.2 Premiers essais
III.3 Application au fer (II)
III.4 Conclusion
IV Conclusion sur la réactivité du complexe [(DPPMS2)ScCl(Py)2]
V Bibliographie
Chapitre IV. Conclusion
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