Le même auteur [1] a par ailleurs rapporté que ce même moustique a été testé comme étant un bon vecteur pour les souches de W. bancrofti venant des Comores, des Seychelles et des pays d’Afrique de l’Est. La découverte de notre cas nous incite à alerter les cliniciens de l’existence de filariose lymphatique dans la ville d’Antananarivo et susciter des recherches sur l’évolution de cette pathologie sur les hautes terres de Madagascar. A cette fin, nous allons rapporter les observations relatives à notre cas, discuter s’il s’agit là d’un cas importé de l’extérieur d’Antananarivo ville, ou avancer des hypothèses éventuelles causes de l’implantation de W. bancrofti dans la ville. uchereria bancrofti est un filaire lymphatique. Trois types sont observés chez l’homme dont deux espèces majeures :
– Wuchereria bancrofti (Cobbold, 1877)
– Brugia malayi (Brug, 1927)
– Et une espèce mineure plus récemment individualisée: Brugia timori .
RAPPEL
CLASSIFICATION
Wuchereria bancrofti fait partie de la famille d’Onchoceridae, de l’ordre de Spirurida, de la classe des Nématodes vivipares, sous embranchement des Némathélminthes et embranchement des Hélminthes.
DESCRIPTION MORPHOLOGIQUE
Les filaires lymphatiques humaines adultes (FA), vers rond, filiformes, blancs et plus ou moins translucides, à la cuticule lisse bien que finement striée, sont morphologiquement proches. En pratique médicale courante, ce sont les caractéristiques morphologiques des microfilaires, observées sur des étalements de sang colorés, qui seront utilisées pour reconnaître et différencier les espèces de filaires lymphatiques entre elles.
BIOLOGIE ET DEVELOPPEMENT
Les FA sont situés dans les voies lymphatiques, principalement au niveau des réseaux lymphatiques du scrotum et du cordon spermatique, des réseaux abdominaux profonds ainsi que des relais ganglionnaires du système de drainage lymphatique superficiel des membres, membres inférieurs surtout. Les vers s’y trouvent souvent agglomérés en amas inextricables en amont ou au sein d’un ganglion qu’ils peuvent ainsi obstruer. Ils se nourrissent de lymphe. Leur longévité est importante : 10 à 20 ans, voire plus. La reproduction est sexuée : après fécondation, les œufs arrivés à maturité (taille de 40μm sur 25μm) se transforment dans l’utérus en larves ou microfilaires qui sont expulsés dans la lymphe. De là, elles gagneront la circulation sanguine où leur durée de vie peut atteindre 1an [5]. Les microfilaires se tiennent principalement au niveau des capillaires pulmonaires sans périodicité particulière à ce niveau. C’est le passage au niveau du sang périphérique qui est périodique [6]. Le développement des microfilaires implique leur absorption par un vecteur adapté. Au sein de celui-ci, après avoir perdu sa gaine, la larve filarienne va subir deux mues successives avant de devenir infectieuse (Larve de stade 3), c’est à dire capable, une fois inoculée à l’homme, de poursuivre après une nouvelle mue son évolution jusqu’au stade adulte.
RESERVOIR DE PARASITES
Pour W. bancrofti aucune infection naturelle n’a été observée en dehors des cas humains même si des infections simiènnes expérimentales ont pu être réalisées.
VECTEURS
Les filarioses lymphatiques se singularisent par l’extrême diversité de ses vecteurs : une centaine d’espèces a pu être dénombrée appartenant aux genres Culex sp, Anopheles sp, Aedes sp et Mansonia sp. Ils varient selon les espèces de filaires, leur périodicité, la région et le type urbain ou rural, de l’endémie [7]. Pour la bancroftose urbaine et quelque soit le continent, Culex quinquefasciatus est le principal vecteur en région tropicale. Pour la bancroftose rurale, la transmission est avant tout assurée par différentes espèces d’Anopheles, plus accessoirement par des Aedes ainsi que par Mansonia uniformis.
CYCLE PARASITAIRE
Le parasite est transmis d’un sujet infecté à un autre sujet par les moustiques vecteurs jouant le rôle d’hôte intermédiaire. La durée du cycle chez le vecteur varie selon l’espèce de moustique et de filaire et selon la température ambiante. Il est en moyenne de 10 à 14 jours pour W bancrofti. A l’occasion d’un repas sanguin , les microfilaires sont ingurgitées par le moustique. Elles vont traverser la paroi stomacale du moustique, migrer au niveau des muscles du thorax et se développer en se transformant, après deus mues, en larves de stade 3 (L3) ou larves infectantes. Lorsque le moustique devenu infectant pique pour prendre un nouveau repas de sang, un tiers environ des larves infectantes vont s’échapper du labium au niveau de son extrémité distale. Elles tombent à proximité de la zone d’effraction cutanée où elles restent activent. Elles rampent et peuvent pénétrer dans l’organisme de l’hôte définitif par le trou de piqûre. Chez l’homme, on évalue à 10% le nombre de L3 qui arriveront à poursuivre leur évolution dans les voies lymphatiques où une nouvelle mue à lieu après 2 à 3 semaines. Ces L4 se transforment après 3 à 6 mois en adultes. La période de prépatence est plus longue, habituellement supérieures à 6 mois, et s’achève au moment de l’apparition de la microfilarémie.
La dynamique et l’efficacité de la transmission varient selon les rapports filaires-vecteurs et filaires-réservoir de parasite [8]. Pour W bancrofti, les Anopheles seraient plus efficaces que les Aedes et Culex [9].
EXPOSITION, INFECTION ET REPONSE IMMUNITAIRE
L’évolution de l’infection dépend de l’espèce filarienne, de l’intensité de la transmission mais également de la réceptivité des sujets exposés [10,11], de l’ancienneté de l’exposition individuelle avec des réponses plus marquées chez les immigrés récents [12]. Ainsi que l’ancienneté du foyer. Les femmes sont moins souvent et moins intensément infectées [13], tout au moins pour celle en âge de procréer [14]. Quatre types de réponses immunitaires au sein d’une même population exposée à l’infection ont été décrits :
-R1 : faible réponse ou état de tolérance (sujets microfilarémiques, fréquemment asymptomatiques avec prédominance d’anticorps antifilariens IgG4) ;
-R2 : réponse appropriée ou favorable (sujets immuns, ni porteurs de microfilaire, ni malades) ;
-R3 : réponse inappropriée ou défavorable (sujets malades avec pathologie lymphatique classique produisant préférentiellement des anticorps spécifiques IgG3);
-R4 : forte réponse dirigée essentiellement contre les microfilaires avec une présentation atypique au cours de laquelle on retrouve des taux d’anticorps spécifiques, IgE totales et d’éosinophilies particulièrement élevés dans le sang mais aussi au niveau du tractus pulmonaire.
SYMPTOMATOLOGIE
Les symptômes différent quelque peu d’une région d’endémie à une autre et, pour une même région, selon la réceptivité de la population ; les immigrés récents faisant des manifestations plus marquées. Quoiqu’il en soit, on distingue des infections asymptomatiques, des formes symptomatiques classiques avec des manifestations aiguës et des complications chroniques, ainsi que des formes atypiques. La forme asymptomatique est fréquente que le sujet soit ou non microfilarémique. La forme symptomatique classique est constituée par la lymphopathie filarienne. Le stade d’invasion, témoignant de l’installation des filaires adultes, peut être révélé par des signes d’inflammation a minima des vaisseaux et ganglions lymphatiques à types de prurit, d’éruptions cutanées, d’œdèmes fugaces ou d’une simple sensation de tension localisée au niveau d’un territoire lymphatique. A un stade plus avancé, le blocage lymphatique deviendra plus franc et se traduira par des épisodes aigus. Ils ont la particularité d’être récidivants et d’évolution capricieuse. Typiquement, il s’agira d’accès fébriles accompagnant une poussée inflammatoire d’un vaisseau et/ou d’un ganglion lymphatique. Après une à deux décennies du début des signes cliniques surviennent les lésions chroniques conséquence de l’obstruction des voies lymphatiques. Elles sont surtout dominées par les lymphoedèmes et éléphantiasis des membres. Les manifestations cliniques moins classiques sont à types de nodules filariens, d’hématurie et de protéinurie par atteinte rénale et de poumon éosinophile filarien.
REPARTITION GEOGRAPHIQUE
Les filaires lymphatiques sévissent en foyers répartis dans les régions intertropicales (entre le trentième parallèle Sud et trentième parallèle Nord). Dans les régions d’endémie, le retentissement de l’infection est d’autant plus marqué qu’il s’agit de populations de faible niveau socioéconomique à la fois du fait d’une plus grande exposition et d’une moindre possibilité de prévention et de traitement [15]. L’espèce dominante est W. bancrofti. Selon les données fournies 1992 [16], elle toucherait 73 Millions de personnes.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : RAPPEL
I‐ Classification
II‐ Description morphologique
III‐ Biologie et développement
IV‐ Réservoir de parasites
V‐ Vecteurs
VI‐ Cycle parasitaire
VII‐ Exposition, infection et réponse immunitaire
VIII‐ Symptomatologie
IX‐ Répartition géographique
Deuxième partie : OBSERVATIONS
Troisième partie : COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIES