Un album codé s’inscrivant dans une démarche pédagogique de projet
En organisant les apprentissages liés à la représentation spatiale autour d’un projet commun, je souhaite motiver l’attention de mes élèves en leur donnant un objectif final précis à atteindre. En effet, je leur ai expliqué dès le départ l’aboutissement de la séquence qui consiste à la réalisation commune d’un album codé. Cette finalité, rendant le projet plus concret, donne du sens aux apprentissages puisqu’elle constituera la trace écrite des élèves. De plus plusieurs disciplines permettront de réinvestir les apprentissages dans d’autres domaines.
Un projet répondant aux attentes du cadre référentiel
L’album codé se constitue sous la forme d’une histoire dont les illustrations prennent des formes géométriques simples. C’est à travers la reconnaissance du code établi et la compréhension de l’organisation des entités entre elles et dans l’espace que la dimension spatiale est travaillée. Ainsi, ce projet s’inscrit au cœur du domaine «Explorer le monde » des programmes de maternelle de 2015 (B.O 2015).
Un album codé s’inscrivant dans un espace vécu
J’ai choisi de réaliser un album codé traitant des jeux de la cour de récréation. Celle-ci est considérée comme un espace vécu car les élèves la pratiquent de manière quotidienne et répétée. Elle s’inscrit donc dans les habitudes des élèves depuis trois ans pour la plupart d’entre eux, c’est-àdire depuis leur entrée à l’école maternelle. L’espace vécu, tel que décrit par Armand Frémont, « comprend l’espace des pratiques quotidiennes (l’espace de vie) et l’espace des interrelations sociales (l’espace social) en tant qu’objets de la perception et de la représentation mentale qu’un individu ou un groupe puisse se construire (Géoconfluences, 2012) ».
Selon Guy Di Méo, « les entrecroisements des rapports sociaux et spatiaux définissent donc une grande variété de combinaisons géographiques orchestrées par la vie sociale, son histoire et son présent. […] Ces combinaisons qui façonnent l’espace social sont des productions matérielles et paysagères imprégnées de significations idéelles. […] Ces combinaisons s’inscrivent dans les imaginaires (images mentales), dans la sensibilité (émotions, sensations), dans l’affect (inclinations, sentiments), renvoient à la raison (jugement) des individus qui les produisent et les pratiquent, qui se les représentent » (Di Méo, 2016).
Il est conseillé en maternelle, pour respecter le rythme du développement de l’enfant, de focaliser l’étude de l’espace à l’espace proche vécu. En effet, après deux ans : « l’enfant commence à élaborer une représentation de l’espace en transposant au niveau de la pensée ses activités spatiales vécues » (Sauvy, 1979).
Des compétences spatiales mobilisées correspondant aux attendus des programmes
Ainsi plusieurs compétences spatiales sont sollicitées, l’élève doit dans un premier temps mener une observation attentive sur les lieux qui l’entourent, ce qui lui permet d’avoir un autre regard sur son espace vécu. En effet, un enfant pratique son espace de vie quotidiennement sans véritablement se questionner sur celui-ci ou sans prendre conscience de toutes les entités qui le constituent. Par ailleurs, une réflexion plus poussée est initiée à travers ce projet en cherchant à représenter cet espace vécu par un dessin puis par un code commun. Ainsi, l’élève sera amené à se poser des questions sur la façon la plus adéquate pour représenter de manière plane un espace réel en trois dimensions.
Les attendus des programmes ciblés, dans le cadre du domaine « Explorer le monde», sont : « – Situer des objets par rapport à soi, entre eux, par rapport à des objets repères
– Se situer par rapport à d’autres, par rapport à des objets repères
– Élaborer des premiers essais de représentation plane, communicables (construction d’un code commun)
– Utiliser des marqueurs spatiaux adaptés (devant, derrière, droite, gauche, dessus, dessous…) dans des récits, descriptions ou explications » (B.O. 2015).
Une transversalité donnant du sens aux apprentissages
Ce projet pédagogique est transdisciplinaire car il permet implicitement de travailler plusieurs objectifs liés à d’autres domaines du programme de maternelle. En effet, tout d’abord, un domaine fondamental au cœur des programmes est abordé : le langage. À travers la communication et l’enrichissement du vocabulaire, le langage oral mais aussi écrit sont développés. Certains objectifs d’apprentissage du domaine « Le langage dans toutes ses dimensions » sont ciblés tels que : « oser entrer en communication, comprendre et apprendre, échanger et réfléchir avec les autres, découvrir la fonction de l’écrit, commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement ». De cette manière, plusieurs attendus de fin de cycle peuvent être visés : « communiquer avec les adultes et avec les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre, s’exprimer dans un langage syntaxiquement correct et précis. Reformuler pour se faire mieux comprendre, pratiquer divers usages du langage oral: raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue, participer verbalement à la production d’un écrit. Savoir qu’on n’écrit pas comme on parle » (B.O. 2015). Par ailleurs, les nombreux échanges oraux en groupes nécessitent de développer des compétences de coopération entre les élèves, d’écoute et d’entraide. Ces derniers points sont essentiels pour la cohésion du groupe classe mais aussi pour l’intégration de chaque élève au sein d’un groupe en tant qu’individu. De plus, en exprimant son opinion et en justifiant ses choix chaque élève peut progressivement prendre confiance en soi afin de mieux s’affirmer dans le groupe classe. Ces compétences initient au domaine « la formation de la personne et du citoyen » du socle commun qui sera évalué à l’école élémentaire. D’autre part, de manière connexe, à travers la réalisation de représentations codées, les formes géométriques simples sont utilisées. Celles-ci avaient déjà été apprises dans les périodes précédentes mais leur remobilisation dans un contexte différent permet d’ancrer leur mémorisation. Ainsi, j’ai favorisé les liens entre les domaines « le langage dans toutes ses dimensions », « explorer le monde », « construire les premiers outils pour structurer la pensée », et initier les compétences du socle commun retrouvées dans le domaine « la formation de la personne et du citoyen », afin de donner du sens aux apprentissages. C’est pourquoi, afin de renforcer l’intérêt des élèves et de les mobiliser personnellement dans leur travail, j’ai choisi de me concentrer sur la réalisation d’un projet de leur cour de récréation, espace qu’ils affectionnent particulièrement.
Approche pédagogique et didactique choisie
Tous les apprentissages spatiaux de ma séquence sont orientés autour de mon projet d’album codé. En effet, en partant d’un espace vécu par mes élèves, mon ambition est de modéliser les représentations codées planes grâce à cet album codé pour que mes élèves soient ensuite capables de réutiliser un code dans la représentation plane d’un espace vécu moins connu. L’album codé en lui-même constitue l’outil clé de remédiation pour améliorer la représentation spatiale de mes élèves. En effet, celui-ci est réalisé en grande partie en collectif en groupe classe ou en petits groupes de 6 à 7 élèves. Mon objectif est de m’assurer que le vocabulaire spatial ainsi que sa transposition plane soient bien compris par tous les élèves. Ainsi, par leur réflexion collective, ce sont les élèves qui font émerger les notions, toutefois, je reformule et formalise les savoirs. C’est pourquoi, dans un premier temps les travaux sont dirigés par moi-même pour ensuite aboutir à une autonomie de l’élève dans la réalisation de sa représentation plane à la fin de la séquence lors des évaluations sommatives. Néanmoins, tous les choix opérés dans la réalisation de l’album codé reposent sur les élèves et sur leurs représentations initiales, je m’appuie constamment sur leurs observations et propositions.
La réalisation de cet album pouvant être assez laborieuse et longue, j’ai donc décidé de répartir le travail de chaque élève. Ils n’ont pas tous réalisé les mêmes étapes, toutefois ils ont tous participé à une étape de la production. De plus, de nombreux moments préalables de synthèses, de préparations, d’explications, ainsi que des bilans en aval, se sont déroulés en collectif. Pour cela, il était d’abord important d’assurer la maîtrise du vocabulaire des marqueurs spatiaux afin de pouvoir les utiliser dans ce projet pour se repérer dans l’espace.
Prérequis travaillés en amont
En septembre, une première approche des indicateurs spatiaux a été abordée autour d’un jeu collectif organisé lors des rituels. Dans un premier temps, l’imagier de la mascotte occupant diverses positions par rapport à un tabouret a été présenté aux élèves. L’objectif lors de cette découverte était pour les élèves de remobiliser et se remémorer le vocabulaire nécessaire pour situer la mascotte de la classe. Il s’agissait de marqueurs spatiaux simples déjà abordés en moyenne section et utilisés au quotidien. La plupart des élèves ont su les nommer, à l’exception de la gauche et de la droite qu’il faudra retravailler ultérieurement dans une autre séquence. Ainsi, à la place de la gauche et de la droite, j’ai choisi d’opter pour l’indicateur « à côté ». Ensuite, les règles du jeu proposé étaient les suivantes: un élève piochait au hasard une carte image (annexe 5 p.38), il la regardait en cachette et indiquait oralement à un deuxième élève où positionner la mascotte par rapport à une chaise (située devant le tableau du coin regroupement), ensuite les autres élèves validaient ou non la position de la mascotte et proposaient une correction si cela était nécessaire. Ce jeu a permis aux élèves à la fois de verbaliser le vocabulaire spatial abordé au cours de la séance précédente mais aussi de manipuler la disposition spatiale associée à ce vocabulaire dans un espace réduit. Ce dispositif nécessitait donc à la fois la reconnaissance visuelle d’une organisation spatiale afin de l’associer au vocabulaire adéquat mais aussi la transposition d’un vocabulaire entendu à travers une organisation spatiale réelle. De plus, les élèves pouvaient procéder à plusieurs types d’autocorrection. En effet, celui qui énonçait pouvait vérifier son vocabulaire en regardant la réalisation de son camarade, tandis que son camarade pouvait valider sa réalisation grâce au 1er élève détenant l’image de l’organisation spatiale mais aussi grâce à l’accord de tout le groupe classe. Au cours de cette séance, j’ai pu constater que la majorité de mes élèves maîtrisaient les transpositions spatiales de ces indicateurs.
Toutefois, pour assurer un ancrage des apprentissages et pratiquer l’espace avec le corps comme conseillé dans les programmes de maternelle, une séance de motricité a été organisée ultérieurement. J’ai donc imaginé un jeu collectif mobilisant le vocabulaire des indicateurs spatiaux. J’avais disposé des bancs, des cerceaux et des plots, l’objectif pour les élèves étaient de se positionner à certains endroits en fonction de ces objets (exemples : derrière un plot, dans un cerceau, sur un banc, etc.). Cette séance s’est aussi très bien déroulée montrant la maîtrise de ce vocabulaire par tous mes élèves. Ainsi, un travail plus complexe pouvait être engagé. Par ailleurs, l’album codé mobilisant des formes géométriques, j’ai donc établi un projet en amont pour assimiler le vocabulaire et les caractéristiques de chacune d’entre elles. En salle de motricité, les enfants ont été amenés à s’organiser entre eux pour former des carrés, des rectangles, des ronds et des triangles. Puis les formes ont ensuite été dessinées en classe à partir des photos prises en salle de motricité. En parallèle, plusieurs jeux de reconnaissance des formes ont été réalisés, comme le « sac à toucher », permettant ainsi d’identifier par le toucher une forme en expliquant ses caractéristiques. Ces entraînements ont permis à mes élèves de manipuler diverses formes géométriques simples et d’assimiler leurs caractéristiques afin de pouvoir se décentrer de l’apparence exacte de l’objet réel et aboutir à l’abstraction attendue dans l’album codé.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Un album codé s’inscrivant dans une démarche pédagogique de projet
1.1. Un projet répondant aux attentes du cadre référentiel
1.2. Approche pédagogique et didactique choisie
2. Un projet se rapprochant des caractéristiques de structuration spatiale de l’enfant
2.1. La cour de récréation, un espace connu et apprécié des élèves
2.2. Construction d’un repérage spatial développant la maîtrise de l’espace
2.3. Recueil des représentations initiales de mes élèves
3. Élaboration d’un code commun pour une représentation spatiale compréhensible par tous
3.1. Analyse collective de la cour de récréation
3.2. Réalisation de l’album codé « Dans la cour de notre école »
3.3. Apprentissages visés à travers cet album codé remobilisant le vocabulaire des marqueurs spatiaux
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
RÉSUMÉS