Un agencement de logiques, de politiques et de pratiques divergentes 

INTRODUCTION

L’HUILE DE PALME : UN MARCHE INTERNATIONAL TRES CONTROVERSE

De 1975 à 2010, la consommation moyenne de corps gras par individu est passée de 11kg à près de 25 kg, et de 2005 à 2015, la demande globale d’huile végétale alimentaire a quasiment doublée(Rival et Levang, 2013). L’huile de palme, grâce aux nombreux avantages qu’elle présente: résistante à l’oxydation et aux températures élevées, sa consistance solide et neutre en goût est devenue la graisse végétale la moins chère au monde et leader du marché, occupant 30% du volume d’huile végétale globale. Sa part de marché devrait encore augmenter au vu des prévisions de croissance de la consommation d’huile végétale à l’échelle mondiale dans la décennie à venir (jusqu’à 18kg/personne/an) (Dufour, 2014).80% de l’huile de palme est utilisée dans le secteur agroalimentaire, 10% dans l’industrie pharmaceutique et cosmétique, et 10% pour la composition d’agro-carburants. Selon l’USDA, la production mondiale d’huile de palme a quintuplé de 1990 à 2012, pour atteindre 53 millions de tonnes en 2013, et celle de palmiste 2 à 6 millions de tonnes, sur une surface cumulée de production de palmiers d’environ 15 millions d’hectares. Bien que les producteurs historiques d’huile de palme soient l’Indonésie (51% de volume de production) et la Malaisie (36%), d’autres pays tropicaux offrent de grands potentiels de production, notamment en Afrique et en Amérique. Rappelons que dans cette filière agricole, 60% des plantations sont gérées par des groupes industriels et 40% par des petits exploitants (Dufour, 2014).
Bien que l’huile de palme représente plus du tiers de la production d’huile végétale mondiale, elle n’occupe que 5 % des sols utilisés pour la culture des oléagineux. Sa culture serait moins gourmande en intrants, tout en présentant divers avantages sociaux : emplois, revenus locaux, réduction de la pauvreté, diminution de l’occupation des sols (Dufour, 2014). Néanmoins, la filière est sujette à différentes polémiques. En effet, qu’il s’agisse de déforestation, de perte de biodiversité ou encore d’extermination de certaines espèces, la filière de l’huile de palme a été stigmatisée autant par les filières concurrentes, que par de grandes ONG internationales (Shimizu et Desrochers, 2012). Cependant, les enjeux socioéconomiques et environnementaux des plantations de palmier à huile ne sont-ils pas à questionner et à considérer au regard du territoire dans lequel se présente la production et des individus qui la côtoient au quotidien ? La région sudpacifique du Costa Rica a été retenue comme terrain d’étude pour ses spécificités atypiques.

LES ENJEUX SOCIO-ECONOMICO-ENVIRONNEMENTAUX ACTUELS

Les enjeux socio-économico-environnementaux actuels liés aux plantations de palmiers à huile au sud-pacifique du Costa Rica y sont d’autant plus divers qu’ils résultent de jeux d’acteurs aux intérêts et aux logiques d’actio ns divergents. En effet, la population locale dépend considérablement des activités productives comme l’agriculture, l’élevage, la sylviculture et, dans une moindre mesure, d’un éco-tourisme saisonnier et élitiste. La culture de palmier à huile représente un des principaux systèmes productifs agricoles autour du Golfo Dulce, avec plusieurs milliers d’employés et de bénéficiaires indirects (enquête avril-mai 2016). Depuis les politiques de développement rural facilitant l’accès à la terre pour les familles d’ouvriers agricoles, de nombreux petits et moyens producteurs sont apparus dans le secteur, en produisant de manière « indépendante », semi-indépendante, ou encore sous forme de coopérative (Clare 2012). L’espace est également marqué par une intervention étatique notable en faveur de la conservation (PN Corcovado et autres espaces protégés d’initiatives gouvernementales), mais aussi par la présence d’organisations environnementales non-étatiques nationales et internationales (associations et ONG entre autres). Les politiques et actions de ces derniers tendent parfois à limiter, réguler, voire dans certains cas à s’opposer à la culture de palmiers à huile dans la péninsule de Osa et autour du Golfo Dulce(enquête avril-mai 2016).
La première controverse territoriale locale est avant tout d’ordre environnemental et concerne la perte de biodiversité et la pollution associée à la production grandissante agro -industrielle des palmiers à huile en monoculture, entraînant dans certains cas une déforestation illégale , mais surtout un changement dans l’utilisation des sols. Une des réponses gouvernementales à ces inquiétudes environnementales réside dans la promotion de bonnes pratiques agricoles (BPA), ainsi que des mesures de contrôle des pratiques existantes.
Au-delà des enjeux écologiques, s’ajoutent d’autres inégalités socioéconomiques concernant les différences de revenus entre les habitants de la Péninsule, mais également au vu de l’écart de profitabilité du secteur palmiste. De fait, alors que l’agriculture costaricaine repos e essentiellement sur le travail de petits et moyens producteurs, le secteur lié à la production d’huile de palme s’appuie sur d’importantes concessions territoriales étatiques et historiques qui sont administrées par de grandes entreprises multinationales. Ces dernières, étant les principales propriétaires terriens, maîtresses du capital génétique ainsi que des industries de production de l’huile de palme et ses produits dérivés, jouissent donc d’une situation monopolistique face aux petits et moyens producteurs (Clare, 2012).

LES HYPOTHESES FORMULEES

Une première hypothèse attestera que la culture du palmier à huile est unanimement considérée comme une nécessité au développement socioéconomique de la région sud-pacifique du Costa Rica. Dans ce cas, les producteurs dépendent fortement de la filière d’huile de palme et la défendent surtout pour les bénéfices économiques qu’elle leur apporte, en n’envisageant changer ni de type de productions, ni de pratiques agricoles. De l’autre côté, les organisations publiques et privées liées à la filière, mais aussi à la conservation de la nature dans la région sud-pacifique du Costa Rica reconnaissent l’utilité socioéconomique de l’activité. De plus certains acteurs entrevoient dans les palmeraies des opportunités de connectivités environnementales.
Une seconde hypothèse affirmera qu’il y a une opposition entre, d’une part des institutions publiques et les producteurs en faveurs des plantations, notamment au niveau social, et d’autre part, les organisations environnementales et les non-producteurs plus critiques. De plus, d’un côté les producteurs minimisent les impacts environnementaux liés à ce système agricole, et d’un autre côté, les écologistes exagèrent les impacts environnementaux de cette culture en la stigmatisant de
diverses conséquences négatives sur l’environnement. Alors que les communautés et les producteurs voient l’activité comme une source de revenus appréciables, les ONG environnementalistes la considèrent surtout comme un facteur d’appauvrissement de la biodiversité et des traditions locales (Rival et Levang, p. 11).
Une troisième hypothèse déclare que face à la situation actuelle de crise de la filière de production d’huile de palme dans la zone d’étude, il existe une nécessité selon les enquêtés à changer les pratiques actuelles à l’intérieur des palmeraies pour des raisons tantôt socioéconomiques qu’environnementales. Dans ce cas de figure, les enquêtés envisagent des alternatives à la production, qui pourraient dans certains cas bénéficier à la durabilité générale.

Une filière costaricaine inégale

La production monopolistique contrainte à concurrence

Les plantations de palmiers à huile au Costa Rica ont été entreprises par la United Fruit Company (UFCo), ex Boston Fruit Company, présente dans la partie caraïbe du pays dès les années 1870 pour la production de bananes. Au début du XXème siècle, ses bananeraies ont été attaquées par la maladie du « mal de Panama ». L’entreprise a alors déplacé ses zones de production sur la côte Pacifique Costaricaine (voir figure n°11), mais la maladie rattrapa les nouvelles plantations et l’entreprise dut chercher de nouvelles terres arables. Afin d’établir ses bananeraies dans la région sud-pacifique, la UFCo a transformé des zones de forêts vierges en terres arables. Face à l’apparition d’une nouvelle maladie, la Sigatoka, la UFCo appliqua d’importantes quantités de sulfate de cuivre qui saturèrent très vite les sols. L’entreprise décida alors d’utiliser ces terres inadaptées à la culture bananière pour planter des pa lmiers à huile tolérants aux hautes teneurs en cuivre des sols. Le développement de l’activité palmiste dans la ré gion Sud-Pacifique du pays est aussi le résultat d’autres facteurs comme l’intérêt de diversification de l’entreprise afin de répondre aux fluctuations du marché après la seconde guerre mondiale, ai nsi que l’investissement en recherche et développement sur différentes variétés de palmiers (Clare, 2012).

Des plantations intensives revisitées

Afin d’aboutir à une meilleure compréhension de l’organisation territoriale de la filière de production d’huile de palme dans la zone étudiée, nous avons procédé à une confrontation de l’implantation géographique et paysagère des principales zones de production autours du Golfo Dulce (voir figure n°11). L’analyse s’appuie sur la réalisation de « portraits de palmiers » qui se veulent des outils de lecture territoriale associant image satellite et photographie, pour illustrer l’emprise territoriale ainsi que les impacts spatiaux et paysagers des principales zones agricoles retenues comme terrain d’étude. Au-delà des descriptions apportées s’appuyant sur l’enquête réalisée entre avril et mai 2016, ainsi que sur les visites de palmeraies, l’étudiant invite également le lecteur à observer ces portraits d’un regard critique pour en tirer ses propres conclusions.
Cette approche par portraits de palmiers se voulant synthétique, nous avons retenu cinq grands ensembles spatiaux qui se démarquent par leurs caractéristiques singulières. Trois d’entre eux, situés au nord du Golfo Dulce, se démarquent par leur implantation historique et par la prépondérance d’activités agro-industrielles. Les deux derniers « portraits de palmiers » seront présentés en partie 2.2.2. Ils se distinguent par la présence de palmeraies plus récentes, principalement gérées selon le modèle d’agriculture familiale et se situent sur la Péninsule de Osa, soit au sud du Golfo Dulce. Avant la présentation des trois premiers portraits de palmiers, nous dresserons un tableau explicatif de notre choix de découpage, afin de guider le lecteur vers la compréhension de cet agencement entre l’espace étudié et les pratiques agricoles utilisées localement. La présentation s’effectue d’est en ouest, du nord au sud du Golfo Dulce : Table n° 3 : Présentation des portraits de palmiers en fonction de leur milieu et des pratiques agricoles

Les défis de durabilité de la filière locale

Une conjoncture générale difficile : « c’est la crise » !

Comme nous l’avons vu en partie 1.1, la filière d’huile de palme au Costa Rica se situe dans un marché global et se retrouve vouée à la fluctuation des cours de l’huile de palme fixés par la bourse d’Amsterdam. L’ensemble des enquêtés de la filière productive d’huile de palme dans la région sud-pacifique costaricaine déclare avoir souffert d’une chute des prix ces dernières années, que ce soit des fruits ou encore de l’huile .Afin de contextualiser cet effet de crise actuelle des prix, regardons comment se présente l’évolution des cours mondiaux de l’huile de palme sur des échelles de temps différentes.

CONCLUSION

Suite à cette enquête, il apparaît que les producteurs et les organisations publiques et privées liées à la filière d’huile de palme dans la région sud-pacifique du Costa Rica se positionnent de manières différentes face aux plantations de palmiers à huile, et ce à plusieurs égards.
Premièrement, le positionnement est inégal d’un point de vue productif et commercial, à cause d’un héritage historique clivant, bien que la filière se soit ensuite progressivement ouverte aux petits producteurs, elle reste encore dominée par le monopole de Palma Tica et Coopeagropal.
Deuxièmement, les divers statuts juridiques, les différences de capitaux (génétiques, techniques, technologiques, fonciers…) dont disposent ou non les acteurs, conditionnent leur positionnement sur la chaîne de production tout comme sur le marché local, centroaméricain et global. Cependant, la filière est un des premiers employeurs de la région sud -pacifique et l’ensemble des acteurs enquêtés reconnaît les apports socioéconomiques pour les habitants locaux, ou encore est conscient de la crise actuelle du secteur. De plus, malgré de nombreux préjugés exprimés envers la filière concernant les impacts environnementaux des palmeraies et de la production d’huile de palme, certains enquêtés issus d’organisations environnementalistes entrevoient des fonctions de connectivités écosystémiques aux palmeraies , ce qui a d’ailleurs été corroboré par les expériences in-situ. L a première hypothèse se trouve donc vérifiée.
Toutefois, face à une réalité territoriale et sociale moins manichéenne que présumée, la seconde hypothèse se voit infirmée. En effet, les entretiens révèlent que certains producteurs de palmiers à huile remettent en question leur activité et ses bienfaits sociaux et environnementaux. Loin de minimiser les conséquences de leurs pratiques sur les différents écosystèmes, les producteurs les prennent très au sérieux et travaillent à la réduction des impacts écologique s. L es collaborations entre producteurs, universitaires et ONG , l’application des BPA, et l’adaptation des pratiques pour la certification CSPO attestent de réelles considérations environnementales. De même, bien que certains orgnanismes environnementalistes semblent grossir les impacts sur l’environnement des palmeraies, réitérant parfois des arguments issus des grandes campagnes anti -huile de palme d’ONG internationales, d’autres enquêtés cherchent des terrains d’entente vers davantage de complémentarités locales entre conservation et production.
Concernant la troisième hypothèse, elle est à la fois vérifiée et contredite par les résultats de l’enquête. De fait, face à la crise de la filière de production d’huile de palme dans la zone d’étude, il existe une nécessité selon les enquêtés à changer les pratiques, mais surtout pour des raisons socioéconomiques. Les alternatives appliquées ou envisagées peuvent se révéler, bien que parfois involontairement, plus durables au niveau environnemental, comme dans le cas de la traction animale et humaine au lieu de la traction mécanique, ou encore la mise en place de système s en polyculture.
Aux termes de ce travail nous avons souhaité mettre en exergue ce point important évoqué par les producteurs. Il s’avère qu’un des principaux facteurs déterminants les positionnements des enquêtés vis-à-vis des palmeraies, ainsi que la résilience des agriculteurs de palmiers face à la crise, tient principalement de l’opposition systémique entre deux modes d’agricultures, incarnés par le modèle intensif agroindustriel en monoculture et les parcelles agricoles en polyculture.

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Table des matières
INTRODUCTION 
PARTIE 1 : UN AGENCEMENT DE LOGIQUES, DE POLITIQUES ET DE PRATIQUES DIVERGENTES 
1.1 L’ACCESSIBILITE INEGALE AUX MARCHES, DU GLOBAL AU LOCAL
1.1.1 Une commodité vouée à différents marchés
1.1.2 Les producteurs Centroaméricains face à un marché Monde
1.2 UNE FILIERE COSTARICAINE INEGALE
1.2.1 La production monopolistique contrainte à concurrence
1.2.2 Des plantations intensives revisitées
PARTIE 2 : UNE REMISE EN QUESTION GENERALE VERS UNE DURABILITE CONSENSUELLE 
2.1 LES PLANTATIONS DE PALMIERS A HUILE POUR LA BIODIVERSITE ?
2.1.1 Discours alarmistes, situations douteuses et réalités territoriales
2.1.2 Des efforts généraux en réponse aux critiques
2.2 LES DEFIS DE DURABILITE DE LA FILIERE LOCALE
2.2.1 Une conjoncture générale difficile : « c’est la crise » !
2.2.2 Les alternatives vertueuses
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
SITOGRAPHIE 
TABLE DES ILLUSTRATIONS 
TABLE DES ANNEXES 
ANNEXES 
TABLE DES MATIERES 
DECLARATION ANTI-PLAGIAT 
RESUMÉ 
MOTS-CLES

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