Dans le cadre d’une étude menée par le Michigan State University (by Thomas Reardon, Eric Crawford,Valery Kelly,Bocar Diagana),sur la façon de promouvoir l’investissement agricole pour assurer une intensification durable de l’agriculture africaine, il ressort des enquêtes et recherches sur le terrain que les incitations à l’investissement et les capacité d’investir dans les techniques de production intensives se sont réduites dans la dernière décennie. Ceux-ci pourront être les conséquences de la suppression des subventions et des incitations à l’emploi de semences améliorées, d’engrais et de traction animale, du manque de profitabilité des producteurs dans les pratiques de culture à forte intensité de main d’œuvre et à la réduction de crédit limitant les capacités d’investissement.
Il ressort de l’étude que les paysans sont plus portés à l’investissement en matière de productivité et protection des sols dans le cadre des cultures de rentes, où ils disposent d’un ensemble de conditions de réussite avec un marché d’écoulement garanti, des crédits disponibles, des paiements rapides en espèces, un appui soutenu en vulgarisation et des bénéfices directs ou indirects en matière de production alimentaire.
TYPES D’OUTILS ET DE MECANISMES ADAPTES A LA DEMANDE DE FINANCEMENT RURAL
Les services financiers en milieu rural
Les différentes catégories d’organisation qui fournissent des services financiers en milieu rural utilisent des stratégies et des outils différents pour faire face aux différentes contraintes probables.
Les banques commerciales
Les plus souvent, ils utilisent en milieu rural les même outils qu’en milieu urbain : services fournis au guichet, dans des localités rassemblant une population déjà relativement importante, produits financiers standardisés, garanties matérielles, appréciation de la solvabilité du client en fonction de ces actifs, analyse individuelle du projet économique qui fait l’objet de la demande de financement. Ces outils sont peu adaptés dans de nombreux milieux ruraux, ce qui explique le faible développement des banques commerciales dans ces zones. Elles peuvent cependant progresser à mesure que les milieux ruraux se développent.
Certaines d’entre elles tentent d’étendre leur portefeuille de crédit rural en adoptant les principes et techniques de la micro finance.
Exemple : BTM-BOA Madagascar.
Les projets de développement
Ce sont ceux qui ont souvent intégré des « composants crédits ». Le crédit est utilisé pour soutenir l’action du projet telles que l’introduction de techniques de production ou d’activités nouvelles…Il est géré par la structure de projet, le plus souvent sans référence à des principes bancaires, et par des agents qui n’ont pas de compétences spécifiques de gestion financière.
Ces composantes crédits des projets de développement ont connu de nombreux échecs comme impayés, mauvaise gestion … et les services financiers fournis ne sont pas durables: quand le projet s’achève, le service financier disparaît avec lui. Certaines de ces composantes crédits de projet ont tenté de se transformer en véritable institution de financement, mais les changements à opérer sont si profonds que ces expériences aboutissent rarement à des réussites durables.
Le financement informel
Ce type de service financier existe dans presque tous les milieux ruraux. Il peut prendre différentes formes : tontines, crédits des prêteurs privés qui est souvent appelé « crédit usuraire » parce que les taux d’intérêts pratiqués sont élevés, mais aussi épargne informelle confiée à des banquiers ambulants par exemple. Ces formes de financement informel font face aux contraintes du milieu rural s’appuyant sur la proximité avec l’emprunteur et les pratiques sociales locales. De ce fait, ces systèmes de financement ont en règle générale une portée limitée à l’échelle locale. Le financement informel a longtemps été considéré comme une pratique marginale qui disparaît à mesure que la finance formelle se développe.
La micro finance ou secteur intermédiaire
C’est un service financier entre finance informelle et formelle ou « systèmes financiers décentralisés » a développé des principes et des pratiques innovantes pour faire face aux défis du monde rural. Pour cela, les principes communs à tous les micros finances sont:
➤ la proximité avec le monde rural c’est à dire une proximité géographique, siège en milieu rural, agents qui se déplacent auprès de la population, cette proximité est aussi économique et sociale telles que les IMF tentent de développer une offre de service adapté aux besoins et aux contraintes des populations locales s’appuyant sur une inter connaissance forte…
➤ la participation des bénéficiaires: elle est mobilisée pour favoriser l’adéquation de l’offre à la demande réelle des ménages, réduire les coûts de transactions, gérer le risque et sécuriser les services financiers, faire du système financier un outil au service des stratégies de développement des populations, un outil d’apprentissage de modes de gestion participatives, démocratiques, permettant l’intégration progressive des catégories de populations exclues des formes de gouvernances traditionnelles (femmes, jeunes …)et le renforcement de l’équité sociale. La participation est par conséquent un levier de changement social.
➤ la recherche de la durabilité de service financier. Il doit ainsi assurer son autonomie et sa pérennité financière c’est à dire avoir des ressources financières stables et suffisantes; avoir un taux d’intérêt permettant de couvrir le coût de crédit sans pour autant réduire la capacité de production des paysans; la pérennité technique: un personnel compétent, des systèmes de gestion et de contrôle bien organisés et efficaces; la viabilité sociale c’est à dire bien appropriée par les populations.
Sur la base des principes communs, la micro finance rurale s’est développée sous des formes organisationnelles très diverses parmi les quelles on cite : le crédit à caution solidaire, les mutuelles d’épargne et de crédit, les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Autogérés (CVECA). Très brièvement, le crédit à caution solidaire est fondé sur l’idée que même les populations très pauvres peuvent valoriser et gérer un crédit.
Le crédit, qui peut être d’un très petit montant, est donné à un groupe d’emprunteurs qui sont solidaires pour son remboursement. Ce type de micro finance s’est développé avec succès dans de nombreuses zones rurales à forte densité de population. Concernant les mutuelles d’épargne et de crédit, elles sont des coopératives gérées par leurs membres, exemple: Caisse d’épargne de Madagascar (CEM). Chaque membre est propriétaire de la structure et a un droit égal. La gestion technique est assurée par des salariés. Ces mutuelles privilégient la collecte de l’épargne, le crédit est réalisé sur les ressources d’épargne et l’épargne constitue une partie de la garantie demandée à l’emprunteur. Des garanties matérielles sur les biens de l’emprunteur, comme la terre, complètent le dispositif de gestion de risques. Face à la difficulté de mobiliser l’épargne rurale, de nombreuses adaptations du principe de base de l’épargne préalable sont observées aujourd’hui au sein des mutuelles. La priorité donnée à l’épargne tend à orienter les mutuelles vers les populations ayant une capacité d’épargne c’est-à-dire celles à revenu moyen, agriculteurs moyens à aisés, commerçants … en excluant dans une certaine mesure les populations moins aisées (femmes, jeunes…).
Exemple: OTIV, TIAVO.
Les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Autogérés (CVECA)
Les CVECA sont fondées sur le principe de mobilisation de la cohésion sociale au niveau le plus décentralisé, le plus souvent le village. La caisse villageoise appartient à la communauté de ses membres qui la gère. Le crédit est donné d’abord sur la base des ressources de la collecte de l’épargne afin de responsabiliser davantage les emprunteurs. Quand la CVECA a fait les preuves de sa capacité de gestion et de son sérieux, elle peut accéder à un système de refinancement sur le marché financier qui permet alors de développer plus fortement la fonction de crédit. Les CVECA se différencient des mutuelles par la gestion technique qui est effectuée, non par des salariés, mais par un personnel villageois désigné par les membres et formé par un service d’appui technique extérieur au réseau des CVECA ainsi que par la volonté de préserver la décentralisation: les CVECA se regroupent en Union et en Association d’Unions qui ne dépassent jamais le niveau régional. Ce model de micro finance a été développé dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et de Madagascar, exemple: AECA-CECAM-AdéFI.
Eléments de l’histoire du crédit malgache
L’emploi de prêts en nature, en travaux ou en argent et porteurs d’intérêts a été pratiqué depuis des siècles dans les campagnes malgaches. Bien que les modalités de ces prêts soient réglementées depuis le XVIIIè siècle, ils échappent encore largement aujourd’hui à tout contrôle administratif et judiciaire et relèvent pour l’essentiel de ce qu’il est convenu d’appeler « économie informelle ». Au XVIIIè siècle est apparue une première réglementation des prêts porteurs d’intérêt « zanabola » en malgache ou »enfant de l’argent » (CALLET 1908). Le grand Roi ANDRIANAMPOINIMERINA faisait obligation à ses sujets de rembourser l’argent emprunté avec les intérêts convenus sous peine de voir leurs biens confisqués voire d’être réduits en esclavage. Le taux d’intérêt ne semblait pas alors être plafonné mais l’emprunteur comme les prêteurs pouvaient faire appel à la justice du roi pour arbitrer leurs litiges. Dans le code des 305 articles, proclamé le 29 mars 1881, par RANAVALONA II , le taux maximum légal de l’intérêt est fixé à 10% par mois (THEBAULT 1960). En caractérisant les intérêts, des placements mensuels successifs pouvaient ainsi rapporter jusqu’à 214% par an. La Reine charge des gouverneurs, les « sakaizambohitra » de veiller à l’application de ces règles et d’enregistrer les contrats en prélevant un douzième des intérêts…
L’histoire du crédit aux agriculteurs à Madagascar illustre ainsi de façon caractéristique la relation exploitant – exploité basée sur l’établissement de rente de situation très courante dans la culture malgache. Très récemment, l’état des lieux tient en quelques chiffres : plus d’un tiers des ménages ruraux seraient endettés auprès des prêteurs informels, à des taux usuraires tandis que moins de 2% des agriculteurs accèdent aux services financiers formels. La production agricole 34% du PIB et 55% des recettes d’exportation en 1996 reçoit moins de 5% des concours bancaires à l’économie, dont 9% seulement sont consacrées à la culture du riz: 7,5 millions de Fmg4 en 1996 soit 0,5% des crédits à l’économie estimés à 1619 milliards en juin 1997(BCM) alors que le riz représente 42 à 45% de la valeur ajoutée du secteur agricole nationale (1996) (FRASLIN 1997). En outre, à la fin des années 1980, des projets de développement fréquemment trouvés dans des régions à forte potentialité agricole telles que la région du lac Alaotra, celle du lac Itasy ou de Marovoay ont commencé à promouvoir des groupes de crédit avec caution solidaire. Alors que les précédents projets de micro finance étaient en fait des projets de crédit agricole sans objectif de pérennisation des systèmes financiers, un nombre de programme de banque villageoise et de coopérative de crédit et d’épargne ont été introduites dans les années 90 et ultérieurement développés dans les régions de Vakinakaratra, de Fianarantsoa, du lac de Marovoay (FRASLIN 1997). En moyenne, seulement 11% des ménages participent à de telles institutions. Le temps moyens mis pour aller à l’institution bancaire la plus proche est de près de 5 heures.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : THEORIES ET GENERALITES
Chapitre I : Approche théorique et conceptuel
1- Théories de l’investissement
2- La réglementation
Chapitre II : L’économie rurale à Madagascar
1- Potentialités
2- Contraintes
3- Objectifs visés par le développement rural
DEUXIEME PARTIE : L’INVESTISSEMENT AGRICOLE ET ACCES AU CREDIT
Chapitre I : Types d’outils et de mécanismes adaptés à la demande du financement rural
1- Les services financiers en milieu rural
2- Eléments de l’histoire du crédit malgache
3- Analyse de l’accessibilité au crédit au crédit des micro finances à Madagascar
4- L’investissement dans le milieu rural
Chapitre II : Perspective actualisée du crédit rural à Madagascar
1- Emprunt et crédit des ménages ruraux
2- Les crédits des institutions de financement
3- Appuis au financement rural à Madagascar
TROISIEME PARTIE : LES IMPACTS DU FINANCEMENT RURAL
Chapitre I : Les effets des investissements sur l’agriculture et la pauvreté
1-Les effets sur l’agriculture
2- Les effets sur la pauvreté
3- Les relations de genre ou relation homme femme
4- Les modifications du niveau de vie
5- amélioration du cadre institutionnel, la participation et le renforcement et la paysannerie
Chapitre II : Analyse et suggestion sur les moyens de financement
1- Les forces et faiblesses
2-Quelle politique de financement de l’agriculture ?
CONCLUSION
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