Types d’élevage de poule pondeuses et structure des bâtiments d’élevages en Europe et en France

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La complexité des interactions trophiques et la structure des réseaux trophiques dans les agroécosystèmes

Dans un écosystème, les consommateurs et leur ressource alimentaire sont liés par des interactions trophiques. Les interactions trophiques liant tous les organismes dans un écosystème représentent ce que l’on appelle le réseau trophique (Moore and de Ruiter, 2012; Paine, 1980). Les réseaux trophiques représentent une structure complexe qui contrôle les dynamiques et la stabilité des communautés dans l’écosystème. Au sein d’un réseau trophique, les différents organismes sont organisés dans différents niveaux trophiques qui commencent par les producteurs primaires en passant par différents niveaux de consommateurs et se terminant avec les consommateurs supérieurs qui ne sont pas précédés par d’autres (Dunne et al., 2002). Les niveaux trophiques peuvent être contrôlés par l’effet des ressources alimentaires sur l’abondance de leurs consommateurs (régulation bottom-up) ou par l’impact des consommateurs sur leurs ressources (régulation top-down) (Leroux and Loreau, 2015).
La structure de réseaux trophique a été traditionnellement définie comme une chaîne trophique, cette chaîne commence par les producteurs primaires et se termine par les consommateurs supérieurs (Hairston et al., 1960). L’effet d’un prédateur supérieur sur ses ressources peut se propager à travers la chaîne trophique entrainant un contrôle de type top-down sur les niveaux trophiques inférieurs successifs jusqu’aux producteurs primaires. Ce phénomène est connu sous le terme de ‘cascade trophique’ (Paine, 1980). En effet, favoriser les populations d’ennemis naturels pour réduire les populations de bioagresseurs peut entrainer un effet ‘top-down’ positif sur la productivité des organismes de rente (ie plantes cultivées et animaux d’élevages) (Ripple et al., 2016). Cela est un principe fondamental dans la lutte biologique contre les bioagresseurs (Hawkins and Cornell, 1999). Le concept de chaîne trophique est une simplification utile pour comprendre le fonctionnement de réseaux trophiques simples et isolés (Polis and Strong, 1996).
En effet, les réseaux trophiques dans tous les écosystèmes se constituent d’interactions trophiques complexes, même dans les agroécosystèmes les plus simplifiés (ie les systèmes de monoculture) (González-Chang et al., 2016; Polis, 1991). Les consommateurs généralistes (tels que les arthropodes prédateurs qui se nourrissent de plusieurs types de proies) sont répandus dans la majorité des écosystèmes. Ces consommateurs connectent les différentes chaînes trophiques dans un écosystème à travers des interactions trophiques à différents niveaux trophiques (Polis and Strong, 1996; Rooney and McCann, 2012). Ces interactions incluent les interactions de prédation de type prédateur-proie et prédateur-prédateur (e.g. prédation intraguilde entre les prédateurs qui consomment les mêmes ressources) (Rosenheim et al., 1995, 1993). Cela implique aussi des interactions indirectes entre les différentes espèces, ces interactions peuvent avoir lieu non seulement entre différents niveaux trophiques (sou forme des effets bottom-up et top-down) mais aussi au sein d’un même niveau trophique (interaction entre les proies via leurs prédateurs partagés) (Chailleux et al., 2014; Holt, 1977).
Pour tirer profit du rôle régulateur des ennemis naturels et de leur impact sur les populations d’arthropodes bioagresseurs dans les agroécosystèmes, nous avons besoin de comprendre les interactions interspécifiques directes et indirect entre ces prédateurs et leurs proies. Cela implique la compréhension de la structure des réseaux trophiques dans ces agroécosystèmes (Dunne et al., 2002; González-Chang et al., 2016; Janssen et al., 1999; Shennan, 2008).
Au cours des dernières années, un nombre croissant de travaux ont étudié les interactions trophiques au sein des communautés natives d’arthropodes dans un contexte de lutte biologique (par exemple en identifiant les relations proies-prédateurs) (González-Chang et al., 2016). Les arthropodes bioagresseurs sont généralement impliqués dans des interaction proie-prédateur multiples (i.e. chaque espèce de proie est consommée par plusieurs espèces de prédateurs) (Abram et al., 2017; Schmitz, 2007; Sih et al., 1998). Plusieurs études ont exploré l’effet de multiples prédateurs sur la régulation des arthropodes bioagresseurs (Finke and Denno, 2005; Mansfield, 2019; Rosenheim and Harmon, 2006). Les interactions prédateurs-prédateurs comme la prédation intraguilde et la compétition sont les facteurs primaires qui déterminent la structure et le fonctionnement de la communauté d’arthropodes (Finke and Denno, 2005; Holt and Polis, 1997; Sih et al., 1998). L’effet de la diversité et la multitude des arthropodes prédateurs peut avoir des retombées positives ou négatives sur la régulation des populations de bioagresseurs (Straub et al., 2008). Cet effet peut être négatif quand les interactions entre prédateurs diminuent le risque de prédation sur la proie cible (Eubanks et al., 2002; Vance-Chalcraft and Soluk, 2005) et positif quand les habitudes alimentaires de ces prédateurs et leurs niches écologiques sont complémentaires et conduisent à l’augmentation du risque de prédation sur la proie cible (Snyder et al., 2006).
Les interactions spécifiques indirectes entre les espèces des proies peuvent avoir lieu à cause de la compétition sur la ressource alimentaire ou à travers leurs prédateurs partagés (Holt, 1977). Les interactions indirectes entre les proies via leurs prédateurs partagés peuvent avoir plusieurs formes dépendant de leurs densités relatives et leur qualité nutritionnelle pour les prédateurs. (Chailleux et al., 2014). Dans un agroécosystème, les interactions indirectes entre les proies alternatives et la proie cible (bioagresseur) via leurs prédateurs partagés peuvent affecter l’impact de ces prédateurs sur la proie cible et la régulation de sa population.
La proie alternative peut augmenter ou diminuer la prédation sur la proie cible selon la densité relative de ces proies et leur qualité pour les prédateurs. La prédation sur la proie alternative peut stimuler la population de prédateur qui va répondre numériquement et consommer plus d’individu de la proie cible (Liu et al., 2006). A l’inverse, la prédation sur la proie alternative peut diminuer la prédation sur la proie cible quand la proie alternative peut détourner la pression de prédation en fonction des préférences de prédateurs (Desneux and O’Neil, 2008). Déterminer la contribution des prédateurs natifs à la mortalité de la proie cible (bioagresseur) et les préférences alimentaires de ces prédateurs vis-à-vis d’autres espèces de proies alternatives dans un agrosystème est une étape essentielle pour évaluer le potentiel de ces prédateurs pour la régulation des populations de bioagresseurs (Holt and Lawton, 1994)

Système d’étude : L’acarien parasite Dermanyssus gallinae et les arthropodes prédateurs natifs dans les bâtiments d’élevages de poules pondeuses.

L’agroécosystème « bâtiment d’élevage de poules pondeuses »

La production d’oeufs en Europe et en France

En 2018, la production mondiale de l’oeuf de poule de consommation a été estimée à 70.9 millions de tonnes équivalent oeuf coquille. Cette production est issue de l’élevage d’environ 74 milliards de poules pondeuses. La Chine était le premier producteur mondial. Elle représentait à elle seule 32% de la production mondiale, suivie par l’Amérique du Nord (13%) puis L’Union européenne (9,8%). La France était le premier pays producteur d’oeufs en Europe et elle représentait 13% de la production européenne, suivie par l’Allemagne et le Royaume-Uni. La production européenne est stable globalement dans le temps, avec des perturbations liées à la transition progressive vers les systèmes d’élevages alternatifs aux élevages en cage dans les différents pays européens (ITAVI, 2020).

Types d’élevage de poule pondeuses et structure des bâtiments d’élevages en Europe et en France.

La production des poussins destinés à devenir des poules pondeuses se passe dans des couvoirs où l’on sélectionne les femelles (sexage). Les poussins sélectionnés sont par la suite élevés dans des poussinières jusqu’à l’âge de 16-17 semaines. On rentre ensuite dans la phase de ponte, les poulettes âgées de 16-17 semaines sont transportées dans les bâtiments d’élevages de poules pondeuse (les fermes de ponte) où elles pondent durant environ une année (période de ponte optimale). Une bande de poule pondeuses est définie comme étant un lot de poules de même âge introduites dans un même bâtiment au sein d’une ferme de ponte. Chaque bande est encadrée dans le temps par deux périodes de vide sanitaire de l’unité d’élevage. Le vide sanitaire est une période obligatoire (selon les réglementations sanitaires dans les élevages de volailles en Europe) a pour objectif de permettre une réduction de la pression de contamination avec des pathogenes et des bioagresseurs entre deux bandes successives. Ce vide intervient après les opérations de nettoyage et désinfection de l’unité d’élevage. Le vide sanitaire devrait durer idéalement deux semaines (www.itavi.asso.fr).
Actuellement, les fermes de ponte en Europe et en France sont réparties dans deux grands types d’élevages de poules pondeuses: l’élevage conventionnel (en cages aménagés) et l’élevage alternatif (hors cages). Le système d’élevage conventionnel permet de concentrer jusqu’à deux fois plus de poules au m2 que les systèmes alternatifs. Dès les années 2000, les systèmes de reproduction en Europe ont évolué vers des modes de production hors cages. Cela avait pour objectif de correspondre à la réglementation Européenne (Directive 1999/74/CE) concernant l’interdiction totale de production en cage classique (« batteries »). Cette dernière a été complétement interdite depuis 2012. Les dispositions de cette directive concernent les principaux problèmes de bien-être qui étaient rencontrés dans les cages traditionnelles de batterie (Appleby, 2003). Il existe plusieurs types de systèmes d’élevage alternatifs de poules pondeuses : « au sol » (sols conventionnels, plein-air, biologique) et volières. Les élevages « au sol » reposent sur des bâtiments permettant l’usage d’une surface unique par l’ensemble de la bande. Les volières représentent un système d’élevage intermédiaire entre cages et sol en ce sens qu’elles offrent aussi une surface unique à l’ensemble de la bande (absence de compartimentation dans le bâtiments), mais hébergent des densités d’animaux au sol bien supérieures (des perchoirs répartis sur plusieurs niveaux verticaux permettent de maximiser l’usage du volume du bâtiment). En 2018, 50% des élevages européens sont en systèmes alternatifs. En Allemagne, Pays-Bas, Suède, 93%, 91%, 84% (respectivement) des poules pondeuses sont en élevages alternatifs. En France, 58% des poules pondeuses étaient toujours en cages aménagés (ITAVI, 2020).

La structure des bâtiments d’élevages dans les systèmes d’élevage alternatifs (au sol)

Les travaux réalisés dans cette thèse ainsi que les travaux préalables se sont focalisés sur les caractéristiques écologiques de l’agroécosystème des bâtiments d’élevages de poules pondeuses en système alternatif « au sol ». C’est pourquoi, on présente ici seulement la structure des bâtiments d’élevages de poules pondeuses dans le système « au sol ». Dans ce système, les poules évoluent toutes sur un même niveau. Le bâtiment d’élevage constitue une zone hors sol, qui peut être entouré ou non d’un parcours extérieur (selon le type). Cette zone des infrastructures (a) permet de maintenir séparées les fientes des poules (fosse à fumier dans la zone équipée de caillebotis), (b) offre aux poules des cabanons pour y pondre et des perchoirs pour s’y reposer, (c) fournit aux poules l’aliment et la boisson (Figure 1). Les poules ont un espace suffisant pour évoluer dans un environnement favorable à leurs activités (e.g. température et aération) (Figure 2). La zone de vie des poules est constituée d’une zone de caillebotis surélevée (env. 1 m) pour l’accumulation du fumier (Figure 3) et d’une zone dite « gisoir » (litière sèche). Les nids (cabanons de ponte), les lignes d’abreuvoirs et d’alimentation sont situées sur les caillebotis. Il y a plusieurs types de gestions des bâtiments d’élevage au sol, conventionnel, plein air et biologique. Selon le type de gestion, la réglementation de la gestion des bioagresseurs et le type d’aliment autorisé pour les poules sont différents. La présence d’un parcours extérieur est obligatoire en élevage plein-air et biologiques.

La régulation naturelle de D. gallinae dans l’agroécosystème « bâtiment d’élevages de poule pondeuse »

L’impact des arthropodes prédateurs natifs sur D. gallinae

Les inventaires de la faune native d’arthropodes dans les bâtiments d’élevages commerciaux ont montré la présence d’une diversité relativement élevée d’arthropodes prédateurs dans cet agroécosystème temporaire (Axtell and Arends, 1990; Brady, 1970a; Faleiro et al., 2015; Lesna et al., 2009; Maurer et al., 1993; Roy et al., 2017; Silva et al., 2013). Cependant, l’effet des prédateurs natifs sur D. gallinae n’a été évalué que pour quelques espèces seulement. En outre, cet effet a été évalué par mesurer la présence et/ou abondance de D. gallinae et ses prédateurs ou en mesurant in-vitro la mortalité directe de D. gallinae par ces prédateurs, sans mettre en évidence la capacité de ces prédateurs à réduire le développement des populations de D. gallinae.
Les coléoptères prédateurs Alphitobius diaperinus (Panzer) et Carcinops pumilio (Erichson) ont consommé D. gallinae en conditions de laboratoire et ils ont montré une préférence pour la prédation sur les stades non adultes (oeufs et larves) (Kozlov, 1970; Stockton, 2004). Deux acariens prédateurs de la famille des Cheyletidae ; C. eruditus et Cheyletus malaccensis Oudemans ont été capables de compléter leurs cycles de vie et de se reproduire en se nourrissant uniquement sur D. gallinae (Maurer, 1993; Toldi et al., 2017). Tandis que C. eruditus a montré une préférence pour les larves de D. gallinae (Maurer, 1993), C. malaccensis était capable de se nourrir de tous les stades de développement (Toldi et al., 2017). Lesna et al. (2009) ont montré que l’acarien prédateur A. casalis consommait les juvéniles et les femelles adultes de D. gallinae en conditions de laboratoire (2,5 individus par jour). Les deux acariens prédateurs Garolaelaps aculeifer (Canestrini) et S. simitus ont également montré une capacité importante à se nourrir de D. gallinae (in-vitro) (Ali et al., 2012; Lesna et al., 2009). La présence de ces deux acariens prédateurs est rare dans les élevages de pondeuses et ils sont occasionnellement retrouvés dans les nids d’oiseaux. Gaeolaelaps aculeifer et S. simitus sont déjà commercialisés pour la lutte contre plusieurs arthropodes ravageurs dans les serres (Van Lenteren, 2012). Bien que la mesure de la mortalité directe de proie in-vitro permette de comparer les capacités de prédation entre espèces différentes et aient apporté des informations importantes sur la capacité de certains prédateurs natifs à consommer D. gallinae et de leur préférence pour le stade de proie, la simplicité de l’environnement in vitro favorise les évènements de prédations. Les prédateurs ne trouvent pas leurs proies avec la même facilité dans l’environnement complexe de l’écosystème.
En se basant sur les données de présence et d’abondance de D. gallinae et des arthropodes prédateurs, il a été suggéré que plusieurs espèces de prédateurs pourraient être associées à D. gallinae dans les bâtiments d’élevage de poules pondeuse et dans les nids d’oiseaux: C. malaccensis, C. eruditus, Chortoglyphus arcuatus (Troupeau) et Acaropsis sp. Moquin-Tandon 1863, Blattisocius spp. (Keegan), A. casalis, G. aculeifer, Macrocheles muscaedomesticae (Scopoli), Uropodidae et le pseudoscorpion (Faleiro et al., 2015; Lesna et al., 2009; Maurer et al., 1993; Silva et al., 2013). Cette association a été inférée par la présence de ces prédateurs dans des pièges spécifiques de D. gallinae (des pièges qui miment les refuges recherchés par D. gallinae dans les bâtiments d’élevage) ou par la corrélation de l’abondance de D. gallinae et de ces prédateurs. Bien que certaines espèces de ces prédateurs soient connues pour être des prédateurs potentiels de D. gallinae, leur rôle dans la régulation des populations de D. gallinae ne peut pas être évaluée seulement à travers leurs abondances relatives. Les abondances de certains taxa peuvent différer selon la technique d’échantillonnage. En outre les espèces de prédateurs les plus abondants ne sont pas forcément celles qui ont l’effet le plus important dans la dynamique des populations de leurs proies (Abram et al., 2017; Macfadyen et al., 2015). Toutefois, l’impact des prédateurs natifs sur les populations de D. gallinae a été exploré à l’échelle du bâtiment d’élevage, mais cet effet n’a pas été quantifié. Stockton (2004) a suivi la fluctuation des populations de D. gallinae, A. diaperinus et Ca. pumilio durant deux saisons dans deux types d’élevage de pondeuses en cage et au sol en Grande Bretagne. Une corrélation négative faible a été trouvée entre le nombre de D. gallinae capturé au niveau de la zone ‘des poules’ et le nombre des adultes de A. diaperinus dans la fosse à fumier, tandis que cette corrélation était positive et faible entre D. gallinae et Ca. Pumilio. Stockton a suggéré que l’extrême polyphagie de A. diaperinus ne laissait pas s’attendre à une corrélation forte avec un seul type de proie. Elle a aussi suggéré que Ca. pumilio n’est pas un facteur important dans la mortalité de D. gallinae et que la préférence de ce prédateur pour les larves de mouche comme proie peut affaiblir son impact sur D. gallinae (Stockton, 2004). Lesna et al. (2009) ont mesuré une corrélation entre l’abondance de A. casalis et D. gallinae dans les nids des oiseaux (étourneau). Comme cette corrélation n’était pas détectée dans les nids occupés récemment, les auteurs ont considéré que la présence de A. casalis dans les vieux nids a permis une diminution plus importante de la population de D. gallinae en comparaison avec les nids récemment occupés colonisés progressive par A. casalis. Wolfs et al. (2012) ont évalué l’effet de la présence de D. gallinae et A. casalis dans les nids d’étourneau sur le développement des oisillons. Ils ont montré que l’augmentation de la densité de D. gallinae a été suivie par une augmentation importante dans la densité de A. casalis. Bien que ces études aient suggéré une corrélation potentielle entre les dynamiques de population de D. gallinae et de ses prédateurs, elles n’ont pas mesuré l’impact de ces prédateurs sur la croissance des populations de D. gallinae.
Jusqu’à présent l’effet de prédateurs natifs sur le développement des populations de D. gallinae n’a été démontré que pour deux espèces d’acariens prédateurs (A. casalis et S. scimitus) (Lesna et al., 2012). Lesna et al. (2012) ont testé dans des cages de poules (3 poules par cages) en laboratoire, l’effet de deux acariens prédateurs A. casalis et S. scimitus (séparément) sur le développement de populations de D. gallinae. Ils ont montré une réduction significative de la population de D. gallinae par les deux prédateurs. Androlaelaps casalis et S. scimitus ont diminué la population de D. gallinae d’un facteur de 55 et 29 respectivement. A. casalis et S. scimitus sont connus pour être généralistes, capables de consommer plusieurs espèces de proies alternatives tels que les acariens astigmates (Barker, 1968; Freire and De Moraes, 2007). Les auteurs n’ont pas contrôlé la contamination des cages avec d’autre arthropodes tels les acariens détritivore (Acaridae) et prédateurs (Macrochelidae et Cheyletidae). Les auteurs ont indiqué que la prédation sur D. gallinae a pu être diminuée par la présence des proies alternatives (acariens détritivore) (Lesna et al., 2012). Cependant des interactions de prédation différentes entre D. gallinae, A. casalis et S. scimitus et les prédateurs contaminants auraient pu avoir lieu également.

Problématique de la thèse

Jusqu’à présent, un corpus important d’études s’est intéressé à l’impact des arthropodes natifs dans les bâtiments d’élevage de poules pondeuses sur D. gallinae et au potentiel de ces prédateurs dans la lutte biologique contre ce bioagresseur. Cependant, la relation entre la prédation sur D. gallinae par les prédateurs natifs et la régulation de ses populations n’était toujours pas mise en évidence. En effet, on peut considérer un prédateur comme étant un facteur suppresseur de la population d’un ravageur quand : 1) il est capable de consommer le ravageur cible régulièrement et 2) il peut avoir un impact sur la population de ce ravageur en entraînant une mortalité générationnelle importante (Furlong and Zalucki, 2010). La majorité des études qui ont exploré le potentiel des prédateurs natifs sur D. gallinae se sont focalisées sur la capacité des prédateurs natifs à consommer D. gallinae, tandis que l’impact de ces prédateurs sur la population de D. gallinae a été très rarement mis en évidence ou quantifié expérimentalement. En outre, alors que la diversité de la communauté d’arthropodes prédateurs natifs est relativement élevée en élevage de pondeuses, les informations sur la capacité des prédateurs natifs à se nourrir de D. gallinae sont restreintes à un sous-groupe d’espèces d’acariens et d’insectes prédateurs.
Pour mettre la régulation naturelle de D. gallinae au profit de la lutte biologique de ce bioagresseur, nous avons besoin d’évaluer l’impact des prédateurs natifs sur D. gallinae à l’échelle de la communauté d’arthropodes (Abram et al., 2017; Macfadyen et al., 2015). En effet, plusieurs aspects essentiels dans l’évaluation du rôle de la communauté native d’arthropodes n’ont pas été explorés : 1) l’impact de prédateurs sur la croissance des populations de D. gallinae 2) l’influence des autres espèces d’arthropodes dans la communauté native (prédateurs et proies) sur l’interaction entre D. gallinae et ses prédateurs.

Objectifs de la thèse et approches méthodologiques mises en place

Objectifs

Bien que les ennemis naturels jouent un rôle essentiel dans la régulation naturelle des populations d’arthropodes tels que les espèces ravageuses des cultures, le rôle des ennemis naturels dans la régulation naturelle des populations de D. gallinae est toujours méconnu. Cela représente un obstacle dans le développement de la gestion durable de ces infestations dans l’agroécosystème « bâtiments d’élevage de poules pondeuses ». Au travers de cette étude, nous avons cherché à développer notre connaissance quant au rôle des arthropodes prédateurs dans la régulation naturelle de ces populations. Cet objectif principal inclut trois objectifs spécifiques :
1) Identifier les liens trophiques impliquant D. gallinae dans les réseaux trophiques des arthropodes spontanés des bâtiments d’élevage (Chapitre 1).
2) Explorer l’effet de la communauté native d’arthropodes sur les populations de D. gallinae (Chapitre 2).
3) Evaluer quel est l’effet de l’utilisation des acariens prédateurs lâchés en masse pour la lutte biologique contre D. gallinae sur la communauté native d’arthropodes dans les élevages de poules pondeuses (Chapitre 3).

Approches méthodologiques

Pour atteindre nos objectifs, nos stratégies exploratoires ont consisté à identifier les interactions trophiques antagonistes entre les arthropodes spontanés dans les bâtiments d’élevage (qui mange qui ?) et à évaluer à l’échelle de la communauté l’effet de ces interactions sur les dynamiques réciproques des populations d’arthropodes spontanés (différents assemblages de proies et de prédateurs).

Les tests de prédation in vitro

L’identification des interactions de prédation à travers les observations directes sur le terrain est une technique inappropriée pour la majorité des arthropodes prédateurs (Symondson, 2002). A cause des modes de prédation de type ‘hit-and-run’ et du fait que certains prédateurs consomment entièrement leurs proies, il est très compliqué de déterminer qui a mangé qui une fois que la prédation a eu lieu (Memmott et al., 2000; Symondson, 2002). L’identification microscopique du contenu de tube digestif des prédateurs peut permettre d’identifier les restes de certaines proies, mais comme la majorité des arthropodes prédateurs (spécialement dans la communauté étudiée ici) se nourrissent essentiellement de liquides (araignées, punaises hémiptères et la majorité des acariens prédateurs) (Koehler, 1999), cette méthode n’est pas applicable dans notre cas. Des techniques alternatives moléculaires (détection de l’ADN de proie dans les prédateurs) sont actuellement utilisées pour identifier les interactions de prédation dans les agroécosystèmes. Mais ces techniques alternatives ne permettent pas de différencier entre les évènements de prédation effective, de consommation de proie morte (nécrophagie) et de la prédation secondaire (prédation d’un prédateur ayant ingéré la proie détectée) (Symondson, 2002). Pour ces différentes raisons, nous avons appliqué une technique simple consistant en des tests de prédation in vitro pour identifier les interactions de prédation parmi les différentes espèces de prédateurs et de proies potentielles. Cette technique nous a permis en même temps d’identifier la préférence des prédateurs pour l’espèce et le stade des proies et de quantifier la fréquence de prédation d’une manière standardisée et répétable. Dans cette thèse, nous avons ajouté un nouvel élément d’investigation par rapport à ce qui a été déjà fait précédemment. Cet élément concerne l’exploration de l’effet de l’état physiologique de D. gallinae (gorgé de sang vs à jeun) sur la probabilité de prédation. Pour avoir un nombre suffisant d’acariens en état physiologique standardisé, nous avons opté pour l’alimentation contrôlée de D. gallinae directement sur l’hôte (la poule). L’alimentation de D. gallinae in-vitro a toujours été une grande difficulté (Kirkwood, 1971) avec un succès variable et un taux très faible d’acariens se nourrissant (Arkle et al., 2010; Nunn et al., 2020). Nous avons mis en place une méthode pour alimenter des pools d’individus appartenant à D. gallinae sur une poule, qui a permis un taux élevé de nourrissage. Nous avons ainsi pu obtenir de manière contrôlée de grandes quantités d’acariens fraîchement gorgés, permettant la réalisation de nombreux réplicats de tests in vitro.

Utiliser l’approche ‘système modèle’

La méthode expérimentale la plus convaincante pour évaluer l’impact d’un prédateur est de manipuler la densité de ce prédateur dans l’agroécosystème puis mesurer le changement dans l’abondance de la population de proie (bioagresseur) et/ou les dégâts sur l’hôte en fonction de cette densité (Symondson et al., 2002). La manipulation de la densité des arthropodes prédateurs et proies à l’échelle de l’agroécosystème n’est pas toujours possible. En outre, cela devient plus compliqué quand l’objectif est d’identifier et d’analyser les interactions à l’échelle de la communauté. Il est pratiquement impossible de manipuler la diversité d’assemblages d’arthropodes dans les écosystèmes naturels ou dans les agroécosystèmes d’une façon contrôlée, répétable et éthiquement acceptable (Pascual and Dunne, 2006). Le principe de l’approche « système modèle » est de mimer l’écosystème mère le mieux possible pour que la réponse à un changement dans le modèle s’approche au maximum de celle dans l’écosystème mère (Landner et al., 1989). L’utilisation du système modèle a eu un rôle important dans la compréhension des principes fondamentaux en écologie comme la plasticité des traits d’histoire de vie, les dynamiques prédateurs-proies, les interactions multi-trophiques et les réseaux alimentaires (Benton et al., 2007). L’utilisation de l’approche ‘système modèle’ fréquente pour les microorganismes, les invertébrés comme les acariens et les insectes du sol, les interactions plante-herbivore et plante-herbivore-ennemi naturel, l’architecture de réseaux alimentaire dans les milieux aquatiques (Bonsall and Hassell, 2005). L’étude du système modèle a été rarement utilisée dans le milieu terrestre pour étudier les systèmes vertébré-ectoparasite-ennemi naturel.
Le défi méthodologique dans ce projet de recherche a été de mimer l’écosystème des bâtiments d’élevage de pondeuses à travers un système standardisé (mésocosme) permettant à la fois de mesurer le développement de D. gallinae et d’évaluer l’effet (à l’échelle des populations) de la communauté naturelle d’arthropodes sur ce parasite. Le « mésocosme de volaille » (Figure 9 et 10) est une enceinte qui permet d’héberger un poussin (avec eau et aliment ad libitum) et qui ne permet pas d’échange d’arthropodes avec le milieu extérieur. Cette unité expérimentale, construite en plusieurs dizaines d’exemplaires au laboratoire (Figure 11), a permis de relever un important défi méthodologique car il a permis :
– Un niveau de développement des populations de D. gallinae similaire au développement observé dans les bâtiments d’élevage de pondeuses.
– Un développement satisfaisant de populations de différentes espèces d’arthropodes du fumier, proche pour certaines des abondances observées dans les bâtiments d’élevages.

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Table des matières

1 Contexte général
1.1 Le contrôle naturel des ravageurs, un service écosystémique
1.2 Le rôle des ennemis naturels dans le contrôle des ravageurs dans les agroécosystèmes
1.3 La complexité des interactions trophiques et la structure des réseaux trophiques dans les agroécosystèmes
2 Système d’étude : L’acarien parasite Dermanyssus gallinae et les arthropodes prédateurs natifs dans les bâtiments d’élevages de poules pondeuses.
2.1 L’agroécosystème « bâtiment d’élevage de poules pondeuses »
2.1.1 La production d’oeufs en Europe et en France
2.1.2 Types d’élevage de poule pondeuses et structure des bâtiments d’élevages en Europe et en France
2.1.3 La structure des bâtiments d’élevages dans les systèmes d’élevage alternatifs (au sol) 6
2.2 La communauté native d’arthropodes dans les élevages de volaille
2.2.1 Les arthropodes bioagresseurs dans les élevages de pondeuses
2.2.2 Les arthropodes détritivores et coprophages
2.2.3 Les arthropodes prédateurs et parasitoïdes
2.3 Le pou rouge de poules Dermanyssus gallinae
2.3.1 Position taxonomique, distribution géographiques et spectre d’hôte de D. gallinae 10
2.3.2 La notion de microprédateur
2.3.3 Morphologie et biologie générales de D. gallinae
2.3.4 Elément de dynamique temporelle et spatiale de D. gallinae dans les bâtiments d’élevage de poules pondeuses.
2.3.5 L’impact économique et sanitaire de D. gallinae dans les élevages de poules pondeuses et sa prévalence en Europe.
2.3.6 Méthodes de lutte actuelles contre D. gallinae dans les bâtiments d’élevage 18
3 La régulation naturelle de D. gallinae dans l’agroécosystème « bâtiment d’élevages de poule pondeuse »
3.1 L’impact des arthropodes prédateurs natifs sur D. gallinae
3.2 Problématique de la thèse
4 Objectifs de la thèse et approches méthodologiques mises en place
4.1 Objectifs
4.2 Approches méthodologiques
4.2.1 Les tests de prédation in vitro
4.2.2 Utiliser l’approche ‘système modèle’
5 Organisation de la thèse
Chapitre 1
Article1. Les interactions de prédation parmi les arthropodes naturellement présents dans les bâtiments d’élevages de poules pondeuses, avec un focus sur Dermanyssus gallinae comme proie (Pubié dans Pest Management Science)
Article 2.Évaluation du lien entre la prédation sur un ravageur et son contrôle comme un service rendu dans le monde d’acariens (Publié dans Ecology and Evolution)
Chapitre 2
Article 3. Impact des arthropodes prédateurs natifs sur le pou rouge des poules Dermanyssus gallinae à l’échelle des populations (Soumis à International Journal for Parasitology)
Chapitre 3
Article 4. Evaluation des effets des agents de lutte biologique sur la communauté native d’arthropodes dans les bâtiments d’élevage de poules pondeuses (Soumis à Biological control)
6 Discussion et Perspectives
6.1 Synthèse du travail et des résultats
6.2 Importance et interprétation des résultats obtenus
6.2.1 Progrès dans la connaissance de la structure trophique de la communauté d’arthropodes natifs et des ennemis naturels de D. gallinae dans les bâtiments d’élevage de poules pondeuses.
6.2.2 L’impact d’arthropodes prédateurs natifs dans la régulation des populations de D. gallinae
6.2.3 L’effet de l’introduction massive des acariens prédateurs de D. gallinae sur la communauté naturelle d’arthropodes
6.3 Intégration des nouvelles connaissances dans la démarche de la lutte intégrative de D. gallinae
6.3.1 Optimiser le choix de prédateurs pour la lutte biologique
6.3.2 La lutte biologique contre D. gallinae en favorisant l’activité des prédateurs natifs
7 Conclusion
8 Références

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