Types de récoltes forestières
La biomasse forestière est définie par le :Ministère des Ressources naturelles, dans son plan d’action (MRNF 2008) «comme étant des arbres ou parties d’arbre comptabilisés dans la possibilité forestière qui ne font pas l’objet d’une attribution ou d’une réservation ainsi que les arbres, arbustes, cimes, branches et feuillages ne faisant pas partie de la possibilité forestière». Les souches et les racines sont exclues de cette définition dans le cadre du programme d’attribution de la biomasse forestière. Selon le degré de transformation que subit l’arbre au moment de la coupe, on distingue deux types principaux de coupes au Québec; la récolte par arbres entiers et la récolte par troncs seulement.
Au cours de la récolte par arbres entiers, l’arbre est transporté avec ses branches jusqu’au chemin forestier où l’arbre est ébranché. Comme son nom l’indique, ce type de coupe se caractérise par l’enlèvement de la biomasse aérienne entière de l’arbre hors du parterre de coupe. Dans le cas de la récolte par troncs seulement, seul le tronc est débardé après la coupe de l’arbre. Les résidus issus de l’ébranchage et l’écimage sont laissés sur le parterre de coupe (MRNF 2006). En 2004-2005 dans les forêts publiques du Québec, le procédé de récolte par arbres entiers représentait 49% du volume récolté contre 51 % de la récolte par troncs seulement (MRNF 2006).
Sources et pertes des nutriments dans les écosystèmes forestiers
Dans les écosystèmes forestiers naturels, les principales sources d’éléments nutritifs sont les précipitations, la fixation biologique et l’altération de la roche mère. Les pertes se font essentiellement dans les eaux de drainage et sous forme gazeuse lors des feux (Attiwil1993).
Les dépôts atmosphériques secs et humides peuvent apporter entre 1 et 20 kg/ha annuellement (Binkley 1986) d’azote – l’élément le plus limitant pour la production des 4 écosystèmes terrestres. La fixation biologique de N2 demeure la source d’azote dominante pour plusieurs écosystèmes naturels, dont la forêt boréale (Lagerstrom et al. 2007) et implique des bactéries et des actinomycètes qui sont capables de fixer le N2 atmosphérique en NH3 (Binkley 1986). L’altération de la roche mère représente la source des nutriments la plus importante pour les cations basiques et le phosphore. Dans la forêt boréale du Québec, sur des sols couverts par des tills sableux, Duchesne et al. (2006) ont estimé que ce phénomène pouvait mettre annuellement à la disposition de la zone racinaire jusqu’à 7.0, 60, 19 kg ha-1 du K, Ca et Mg, respectivement. L’étude des sols argileux et sableux de l’Abitibi, Courchesne et al. (2002), ont mis en évidence une estimation de l’intensité du taux absolu d’altération des éléments majeurs (mole ha-1 an-1) qui se classe comme suite Si >> P > Al> Na > Ca > Mg > K > Fe >Ti > Mn. Sur une période de 8000 ans, les bilans élémentaires annuels correspondent à -13.93, -4.38, -2.12 et -1.975 kgha·1 an·1 pour P, Ca, Mg et K respectivement (Courchesne et al. 2002). Cependant, les auteurs ont suggéré que ces taux d’altération historiques peuvent être non identiques aux actuels, en l’absence d’une comparaison entre les deux périodes.
Dans les forêts des feuillus au sud du Québec, Bélanger et al. (2002) ont estimé le taux des cations basiques libérés par l’altération à 1,8 kmolc ha-1 an-1 en 2000.
Pertes de nutriments par lessivage
L’enlèvement du couvert forestier suite à la récolte entraine l’ augmentation de la température du sol et la diminution de l’évapotranspiration par la végétation, en raison des changements du bilan des radiations solaires à la surface du sol (Ballard 2000). Ces conditions peuvent entrainer une augmentation de la minéralisation de la matière organique du sol et possiblement du lessivage (Piatek et Allen, 1999; Burns et Murdoch 2005). Parmi les facteurs influençant le taux de minéralisation figurent la qualité de la matière organique, l’essence forestière et les caractéristiques des sites (Prescott et al. 2000). La diminution de l ‘épaisseur de la matière organique après récolte peut aussi favoriser la minéralisation (Brais et al. 2002). L’augmentation de la disponibilité des nutriments, la diminution du prélèvement par la végétation et l’augmentation du flux eau-sol peuvent ainsi favoriser le lessivage au-delà de la zone racinaire (Strahm et al. 2005).
Dans les forêts de conifères, l’immobilisation est considérée comme le processus le plus important qui agit contre les pertes d’azote par lessivage (Vitousek et Matson 1985; Wall 2008). L’immobilisation peut être soit un processus abiotique (rétention cationique) ou biotique par le prélèvement végétal ou par les microorganismes qui utilisent les ressources en carbone du sol (Davidson et al. 2003). La récolte forestière, en modifiant la quantité et la qualité de la matière organique du sol ainsi que l’activité microbienne (Hazlett et al. 2007), peut réduire l’immobilisation microbienne du N (Hassett et Zak 2005) conduisant parfois à une augmentation du lessivage. Un surplus d’ammonium dans le sol favorise son oxydation en nitrate par la microflore du sol dans certaines conditions. Les protons découlant de cette oxydation causent le lessivage des cations basiques de l’écosystème (Likens et al. 1969) et la diminution du pH.
Les limites nutritionnelles des sites en fonction de la texture du sol
La texture du sol joue un rôle clé dans le stockage du C dans le sol des écosystèmes forestiers et influence fortement la disponibilité et la rétention des nutriments ( Silver et al. 2000). Par l’intermédiaire des mécanismes de protections physiques et biogéochimiques, la matière organique du sol augmente proportionnellement avec la teneur en argile (Schimel et al. 1994; Côté et al. 2000). L’argile peut former des complexes et agrégats avec la matière organique nouvellement synthétisée, les métabolites extracellulaires, ainsi que le matériel cellulaire (Sorensen 1981; Oades 1984; Six et al. 2002). Les cellules microbiennes, les sécrétions, les exsudats racinaires et le mucus faunique agissent comme agents de cimentation et sont, en même temps, inclus dans ces agrégats (Oades 1984; Lützow et al. 2006).
La stabilisation de la matière organique dans les microstructures d’argile et la formation d’agrégats sont des processus pertinents pour les premières phases de décomposition (Lützow et al. 2006; McCarthy et al. 2008). Cette stabilisation peut être due aux propriétés intrinsèques de la structure de la matière organique (formation des liaisons C-C, en partie dans les structures macromoléculaires), à l’hydrophobie, ou à une association intime avec les surfaces des minéraux argileux (Lützow et al. 2006). L’accès des microorganismes décomposeurs à cette matière organique est variable selon la nature du dépôt de surface. Dans un sol sableux, 15 % de la porosité du sol est inaccessible aux microorganismes alors que dans un sol argileux l’inaccessibilité concerne 52% des pores, vu leurs diamètres inférieurs à 0,2 µm (Chenu et Stotzky 2002), cependant dans un loam sableux ce pourcentage est de 95% (Van Veen et Kuikman 1990).
Impacts de la récolte sur la nutrition forestière
En agriculture, afin de maintenir la productivité des sols, les nutriments exportés par la récolte doivent être remplacés (Mackensen et al. 2003). Or dans les forêts aménagées, le maintien de l’équilibre des nutriments au cours des rotations suivantes dépend essentiellement des apports après récolte. Ainsi, comme nous l’avons vu précédemment, les principales sources de ces apports sont : la dégradation de la roche mère, les dépôts atmosphériques et la fixation biologique. Les pertes d’azote sont normalement compensées par les dépôts atmosphériques et la fixation biologique, cependant ceci est lié à la richesse du site (Borjesson 2000). Dans les écosystèmes forestiers suédois à titre d’exemple, la compensation des pertes causées par la récolte des macronutriments (Ca, K, Mg et P) nécessiterait l’équivalent de 0,7 à 2,0 t de cendre, du bois, par hectare par période de rotation selon la région et la fertilité du sol (Borjesson 2000).
La minéralogie, les caractéristiques des sols et l’espèce peuvent affecter l’équilibre nutritif de l’écosystème. Par exemple dans les sols argileux de l ‘Abitibi, les apports en calcium ont été estimés à 4,4 kg ha-1 par année (Paré et al. 2002). Cependant, la croissance du tremble sur ce type de sol peut entrainer un prélèvement de l’ordre de 11,4 kg ha-1 par année (Paré et Bergeron 1996). Une exploitation intensive des arbres (récolte par arbres entiers) est ainsi non recommandée dans ce type de sites.
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Table des matières
CHAPITRE 1 :INTRODUCTION
CHAPITRE2 :ÉTAT DE CONNAISSANCE
2.1 Types de récolte forestière
2.2 Sources et pertes des nutriments dans les écosystèmes forestiers
2.3 Impacts du procédé de récolte sur les réserves du sol
2.4 Pertes de nutriments par lessivage
2.5 Les limites nutritionnelles des sites en fonction de la texture du sol
2.6 Impacts de la récolte sur la nutrition forestière
2.7 Impacts sur la croissance
CHAPITRE3 :OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES
3.1 Objectifs
3.2 Hypothèses
CHAPITRE 4 :MATÉRIEL ET MÉTHODE
4.1 Sites d’étude
4.2 Dispositif de mesure
4.3 Échantillonnage du sol
4.4 Mesures de croissance
4.5 Collecte des aiguilles
4.6 Analyses du sol et des feuilles
4.7 Analyses statistiques
CHAPITRE 5 :RÉSULTATS ET DISCUSSION
5 .1 Résultats
5.1.1 Caractéristiques des sites d’échantillonnage
5.1.2 Effets du procédé de coupe sur le poids sec de la couverture morte
5.1.3 Effets du procédé de coupe sur les caractéristiques de la couverture morte
5.1.4 Effets du procédé de coupe sur les concentrations en cations basiques, le phosphore et le rapport (Ca + Mg+ K)/ Al de la couverture morte
5.1.5 Effets du procédé sur les réserves en Cet N totaux et en cations basiques dans la couverture morte
5.1.6 Effets du procédé de coupe sur les caractéristiques du sol minéral
5.1. 7 Effets du procédé de coupe sur les concentrations en cations basiques et de phosphore dans le sol minéral
5.1.8 Effets du procédé de récolte sur la nutrition de l’épinette noire et du pin gris
5.1.9 Effets du procédé de récolte sur la croissance en hauteur de l’épinette noire et du pin gris après récolte
5.1.10 Résumé des principaux résultats
5.2 Discussion
CHAPITRE6 :CONCLUSION
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