Types de maltraitance
La négligence se définit par l’incapacité d’un parent à répondre aux besoins fondamentaux d’un enfant aux plans physique (alimentation, habillement, hygiène, logement et soins médicaux), moral ou éducationnel (exposition à des activités criminelles, scolarisation défaillante ou absente) et au niveau de la supervision (laisser l’enfant seul ou avec des adultes dangereux, exposition à des armes à feu) (Cicchetti & Rogosch, 2001; Gouvernement du Québec, 2013). La négligence ou le risque sérieux de négligence représente 35,5 % des signalements retenus par la direction de la protection de la jeunesse (DPJ) lors de l’année 2014-2015 au Québec, soit 12321 allégations (ACJQ,2015).
L’abus physique consiste à infliger des blessures physiques à un enfant de manière intentionnelle ou à user de méthodes éducatives déraisonnables alors que les parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour faire cesser la situation de compromission (Gouvernement du Québec, 2013). Les blessures infligées à l’enfant peuvent être mineures et temporaires ou peuvent causer des séquelles permanentes. Brûler, étouffer, fracturer des os et battre l’enfant jusqu’à lui causer des ecchymoses sont des exemples de comportements considérés comme étant de l’abus physique (Cicchetti & Rogosch, 2001). Lors de l’année 2014-2015 au Québec, les cas d’abus physique ou de risque sérieux d’abus physique représentaient 30,2 % des signalements retenus par la DPJ, soit 10 466 allégations (ACJQ, 2015).
L’abus sexuel se produit lorsqu’un adulte tente un contact sexuel ou a un contact sexuel avec un enfant afin de se satisfaire sexuellement ou de retirer un bénéfice financier de ce contact. Dans de telles situations, les parents de cet enfant ne prennent pas les moyens nécessaires pour faire cesser la situation de compromission (Gouvernement du Québec, 2013). Les actions considérées comme un abus sexuel comportent l’exposition à du matériel pornographique ou à une relation sexuelle entre deux adultes, toucher ou caresser les organes génitaux de l’enfant, tenter une pénétration, forcer des rapports sexuels et encourager l’enfant à pratiquer des activités de prostitution (Cicchetti & Rogosch, 2001). Lors de l’année 2014-2015 au Québec, les cas d’abus sexuel ou de risque sérieux d’abus sexuel représentaient 9,7 % des signalements retenus par la DPJ, soit 3378 dénonciations (ACJQ, 2015).
La maltraitance émotionnelle survient lorsqu’un parent ou toute autre personne contrecarre considérablement les besoins émotionnels de base d’un enfant qui lui permettent de se sentir en sécurité, de développer une estime de soi positive et de développer son autonomie (Cicchetti & Rogosch, 2001). De plus, lorsqu’ il est question de maltraitance émotionnelle, les parents ne prennent pas les moyens qu’ il faut pour faire cesser la situation de compromission. Des exemples de comportements représentant de la maltraitance émotionnelle envers un enfant incluent le dénigrer ou le ridiculiser, le réprimander de manière inappropriée, l’enfermer dans un endroit clos, lui parler de suicide ou d’ homicide et le rejeter affectivement (Gouvernement du Québec, 2013). La maltraitance émotionnelle, lors de l’année 2014-2015 au Québec, représentait 14,5 % des signalements retenus, soit 5016 allégations (ACJQ, 2015).
Le placement de l’enfant en famille d’accueil
Au Québec, il y a trois types de familles d’ accueil. Une famille d’accueil dite régulière est une personne ou un couple qui accepte de s’ engager auprès d’un enfant lui étant confié par la DPJ afin d’ assurer son hébergement, sa sécurité, ses soins, son éducation et son entretien pour une durée allant de quelques semaines à plusieurs années (Centre jeunesse de la Montérégie, 2005; Dubois-Comtois, Cyr, Vandal, & Moss, 2012).
Une famille d’accueil banque mixte, de son côté, se voit confiée un enfant potentiellement adoptable puisqu’il est jugé par les intervenants sociaux à haut risque d’ abandon par ses parents biologiques (Dubois-Comtois et al., 2012). Finalement, une famille d’accueil de proximité est une personne ou un couple de l’entourage de l’enfant qui accepte d’agir à titre de famille d’accueil pour cet enfant (Dubois-Comtois et al.,2012). En 2014-2015, 6313 (30 %) enfants ont été placés en famille d’accueil régulière ou banque mixte et 2146 (10,2 %) enfants ont été confiés à un tiers significatif ou à une famille d’ accueil de proximité (ACJQ, 2015).
Conséquences de la maltraitance
La maltraitance envers les enfants, laquelle est généralement à l’origine du placement, a de nombreux effets préjudiciables à long terme (Dozier & Rutter, 2008).
En effet, le contexte dans lequel se déroule la maltraitance ne permet pas à l’enfant de développer une sécurité affective alors que son pourvoyeur de soins est à la fois source de détresse et de réconfort (Cyr, Euser, Bakermans-Kranenburg, & van IJzendoom, 2010). Afin de décrire l’exposition à des événements traumatiques interpersonnels et l’ensemble des conséquences développementales associées, le terme trauma complexe est utilisé par plusieurs auteurs (Becker-Weidman, 2009; Cook, Blaustein, Spinazzola, & van der Kolk, 2003; Milot et al., 2010; Wamser-Nanney & Vandenberg, 2013). Le trauma complexe se définit comme étant l’exposition à divers traumatismes interpersonnels au sein de la relation avec le pourvoyeur de soin et comme étant l’ensemble des symptômes associés à une telle exposition (Cook et al., 2003). Ces symptômes se présentent sous la forme de déficits au niveau biologique, psychologique, comportemental, relationnel, social et cognitif (Becker-Weidman, 2009). L’ensemble de ces effets sont décrits subséquemment.
Au niveau biologique, la maltraitance a plusieurs effets sur les structures cérébrales et les patrons de sécrétion hormonale. Au niveau cérébral, le trauma conséquent à une situation de maltraitance chronique est associé à une diminution du volume de l’hippocampe, structure essentielle à la mémoire et à la régulation de l’axe hypothalamo-pituito-surrénalien (HPA) (Arnold & Fisch, 2011; Becker-Weidman, 2009; Heim, Newport, Mletzko, Miller, & Nemeroff, 2008). Les dommages à l’hippocampe sont divers, particulièrement au niveau de la sécrétion d’ hormones de stress.
La théorie de l’attachement
L’attachement fait référence au lien affectif que développe l’enfant à l’ égard de son pourvoyeur de soins (Bowlby, 1978). Le concept d’attachement est un besoin universel chez l’être humain et renvoie à la nécessité que l’enfant soit sécurisé et rassuré par sa figure parentale lors d’un danger auquel il ne pourrait faire face seul et qui mettrait sa survie en péril (Carlson et al., 2003; Marvin & Britner, 2008). Malgré que l’attachement ait majoritairement été étudié chez les très jeunes enfants, ce besoin de proximité et de réconfort en cas de danger ou de blessure est une réponse attendue tout au long de la vie (Carlson et al., 2003 ; Wallin, 2007).
Tel que stipulé par Bowlby (1978), le système d’attachement vise la survie et la reproduction de l’être humain. En effet, la fonction biologique du système d’attachement est le sentiment de protection. Les comportements associés au système d’attachement ont pour objectif d’ assurer la proximité entre l’enfant et son pourvoyeur de soin (Sroufe & Waters, 1977). Deux réponses comportementales associées au système d’attachement caractérisent les êtres humains. Premièrement, lorsqu’un danger est perçu, l’enfant va tenter de maintenir un lien de proximité avec sa figure d’ attachement afin d’y trouver du réconfort. Contrairement aux animaux, les êtres humains ne ressentent pas un sentiment de sécurité à un endroit précis, mais plutôt aux côtés d’une personne qui est vue comme étant plus résistante. Pour maintenir ce lien, l’enfant peut pleurer, crier, ramper ou s’accrocher à sa figure d’attachement (Bowlby, 1978; Wall in, 2007). Deuxièmement, l’enfant utilise sa figure d’ attachement comme base de sécurité. En effet, l’enfant a le désir d’ explorer son environnement, ce qui lui permet d’ apprendre. Lorsqu’ il sent que sa figure d’ attachement est disponible et qu’ il peut s’y référer en cas de besoin, cela lui donne la liberté d’explorer son environnement (Wall in, 2007). En fonction de la qualité des interactions précoces avec son pourvoyeur de soin, ces comportements d’ attachement peuvent varier.
Développement du lien d’attachement
Dès la naissance, les nourrissons ont une tendance naturelle biologique à vouloir entrer en relation avec ceux qui les entourent (Bowlby, 1978). À mesure que l’ adulte interagit avec l’enfant durant ses premières années de vie, ce dernier organise son comportement en fonction de ces interactions (Carlson et al., 2003; Sroufe & Waters,1977). Les travaux d’Ainsworth ont pu montrer que malgré que le développement du système d’attachement soit biologiquement programmé, celui-ci est malléable et les comportements d’attachement des enfants dépendent des comportements de leur figure d’ attachement (Grossmann, 1995). En effet, en fonction des réponses parentales lors de situations de détresse, l’ enfant utilise un répertoire de comportements qui permettra de favoriser la proximité physique au parent (Tarabulsy, Larose, Pederson, & Moran, 2000). Les comportements d’attachement peuvent généralement s’observer selon quatre patrons distincts : l’attachement sécurisant, l’attachement in sécurisant-ambivalent, l’attachement insécurisant-évitant et l’ attachement insécurisant-désorganisé (Ainsworth, Blehar, Waters, & Wall, 1978; Main & Solomon, 1986). Une revue méta-analytique montre que dans la population générale, 62 % des enfants ont un attachement sécurisant, 15 % ont un attachement évitant, 9 % ont un attachement ambivalent et 15 % ont un attachement désorganisé (van IJzendoorn et al., 1999).
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
La maltraitance
Types de maltraitance
Mesures de protection
Le placement de l’enfant en famille d’accueil
Caractéristiques des enfants placés
Conséquences de la maltraitance
La théorie de l’ attachement
Développement du lien d’attachement
La sécurité d’attachement
Les attachements insécurisants
Le développement de l’attachement insécurisant-évitant
Le développement de l’attachement insécurisant-ambivalent
La désorganisation de l’attachement
Origines des comportements de désorganisation de l’ enfant
Les représentations d’attachement
L’ évaluation des représentations d’attachement
Attachement et maltraitance
Les comportements d’attachement d’enfants maltraités
Les comportements d’attachement des enfants placés en famille d’accueil
Les représentations d’attachement d’enfants maltraités
Les représentations d’attachement des enfants placés en famille d’accueil
Trouble de l’attachement
Définition du DSM-IV-TR
Définition du DSM-5
Trouble réactionnel de l’attachement
Trouble de l’engagement social désinhibé
Le trouble de l’attachement chez l’enfant maltraité
Le trouble de l’attachement chez les enfants placés
Objectifs
Méthode
Participants
Déroulement
Instruments de mesure
Comportements d’attachement
Représentations d’attachement
Comportements sociaux désinhibés
Données sur le placement
Résultats
Fréquence des comportements et représentations d’attachement
Les patrons d’ attachement comportementaux
Les représentations d’attachement
Lien entre les représentations d’attachement et les comportements d’attachement
Les comportements sociaux désinhibés
Lien entre les comportements sociaux désinhibés et les patrons d’attachement comportementaux
Lien entre les comportements sociaux désinhibés et les représentations d’attachement
Lien entre l’attachement et le type de maltraitance
Attachement et variables liées au placement
Attachement et âge au moment du placement actuel
Attachement et temps de placement actuel
Attachement et nombre de placements
Discussion
Évaluation des comportements et représentations d’ attachement
Les patrons d’ attachement comportementaux
Les représentations d’attachement
Comparaison entre les représentations d’attachement et les comportements d’attachement
L’attachement et les caractéristiques de l’enfant et de son placement
Attachement et types de maltraitance vécus
Attachement et variables liées au placement
L’âge au moment du placement actuel
Le temps de placement
Le nombre de placements vécus
Les comportements sociaux désinhibés de l’enfant
Comportements sociaux désinhibés et mesures d’attachement
Les comportements sociaux désinhibés et les caractéristiques de l’enfant et du placement
Les comportements sociaux désinhibés et les expériences de maltraitance
Les comportements sociaux désinhibés et les variables liées au placement
Limites et contributions
Conclusion
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