Formation de l’ADN viral et intégration dans le génome
Une fois dans le cytoplasme, la capside est partiellement désassemblée afin de libérer l’ARN viral et les protéines nécessaires à sa réplication. Cette étape implique la phosphorylation des protéines CA et MA ainsi que l’action de plusieurs autres protéines virales et cellulaires dont la cyclophiline A (CypA). Cette dernière s’attache à la capside virale afin de réguler la décapsidation et contrôler l’infectivité du virion. Avec l’aide de micro-filaments d’actine venant stabiliser l’ARN du virus, le complexe de transcriptase inverse (RT) transforme l’ARN en ADN bicaténaire.
La sous-unité p66 de la RT contient les sites actifs, soit une polymérase ARN/ADN dépendante ainsi qu’une RNAse H qui sont responsables, respectivement, de la synthèse du brin d’ADN et de la dégradation du brin d’ARN [39]. Cet ADN double brin nouvellement synthétisé est toujours associée avec des protéines virales (IN, RT, MA, Vpr) ainsi que des protéines de la cellule hôte comme la barrier-to-autointegration factor 1 (BAF 1), les high-mobility group proteins (HMGs) et la lens-epithelium-derived growth factor (LEDGF/p75) pour former le complexe de préintégration (PIC) [40-43]. Le PIC utilise alors le réseau de microtubules pour se diriger vers le noyau avec l’aide de signaux de localisation nucléaire (NLS) provenant de la MA, de l’IN de la Vpr et du rabattement (flap) d’ADN qui est formé lors de l’étape de RT. Ces signaux sont reconnus par les importines qui vont permettre l’import direct du PIC dans le noyau au travers des pores nucléaires.
Le NLS de la protéine Vpr permet notamment d’infecter les cellules quiescentes et pleinement différenciées comme les macrophages et les lyT mémoires [44]. Une fois dans le noyau, l’ADN viral doit être intégré dans le génome de la cellule hôte afin de pouvoir se répliquer. L’intégrase virale est responsable de cliver un dinucléotide à chaque extrémité 3’ afin de permettre cette étape. Elle est également responsable de lier l’ADN viral à l’ADN génomique [40]. Une fois l’ADN intégré, la cellule répare rapidement le brin contenant le provirus par des mécanismes de réparation de l’ADN. Lorsqu’il n’y a pas d’intégration, les deux extrémités de l’ADN viral peuvent se joindre pour former des cercles LTR par recombinaisons homologues ou bien s’intégrer sur soi-même et former des ADN circulaires tronqués (autointégration). Ces formes ne sont pas infectieuses, mais elles peuvent produire des protéines Tat et Nef.
Les phases de l’infection virale
L’infection par le VIH-1 peut être divisée en trois grandes phases. La première est la phase aiguë dans laquelle il y a infection et montée rapide de la charge virale. Suivant la transmission du virus, ce dernier entre en contact avec des cellules dendritiques (DC), des lyT CD4+ et des macrophages qui sont présents dans les muqueuses. Ce contact favorise la phagocytose des particules virales par des cellules présentatrices d’antigènes (APC) qui présenteront des peptides antigéniques à leur surface via le complexe majeur d’histocompatibilité de classe II (CMH-II) [70]. Cela active l’immunité innée, ce qui mène au recrutement de nouvelles cellules T et B, initiant un processus d’inflammation et la production d’anticorps contre le virus (séroconversion).
Une période appelée d’une dizaine de jours (phase éclipse) est nécessaire afin que le virus soit détectable dans le plasma sanguin. À la fin de cette dernière, un processus favorisé par les DC via la lectine de type C DC-SIGN amène les cellules infectées et le virus vers les ganglions lymphatiques. À cet endroit, elles vont rencontrer des lyT CD4+ mémoires activés exprimant CCR5 et susceptibles à l’infection [71]. S’en suit alors d’une dissémination rapide du virus dans l’organisme et dans les autres tissus lymphoïdes dont le tissu associé au tube digestif (GALT). Cela va causer une activation et la mort d’environ 80% des lyT CD4+ présents dans le GALT due au relargage de TNF, Fas ligand et de microparticules apoptotiques par les lyT CD4+ infectés.
Au fil du temps, la charge virale diminue progressivement pour devenir stable après 12 à 20 semaines. Vient alors une phase de latence qui est asymptomatique. Cette dernière peut durer jusqu’à 10 ans grâce au système immunitaire qui réussit à contrôler la charge virale. Cependant, au fil du temps, la mort programmée induite par une activation excessive des cellules (AICD) diminue le nombre de lyT CD4+. Cette dernière est provoquée par les interactions entre Fas et Fas ligand, présent à la surface des lymphocytes. Comme les cellules matures sont en quantité limitée dans l’organisme, leur mort provoque l’épuisement des réservoirs cellulaires, présents en grande quantité dans le GALT.
Tout au long de l’infection, le virus subit une série de mutations et de recombinaisons qui fait changer le tropisme R5 d’environ 50% des lyT CD4+ vers un tropisme X4. Ce changement permettrait au virus de mieux infecter les cellules, particulièrement les lyT CD4+, plus susceptible au VIH-1. Cela favoriserait donc une réduction plus rapide de leur nombre dans l’organisme et une évolution plus rapide de la maladie.
Le folate, vitamine essentielle à l’organisme
Le folate (acide folique, vitamine B9) est une vitamine qui est nécessaire dans plusieurs réactions biologiques. Elle participe notamment au one carbon metabolism qui effectue le transfert de molécules carbonées via le tétrahydrofolate (THF), forme métaboliquement active de la vitamine. Cela mène entre autres à la formation d’acides aminés (méthionine, glycine, sérine) qui sont essentiels à la croissance, la division et la survie cellulaire. Contrairement aux plantes et aux bactéries, les humains ne peuvent pas synthétiser du folate de novo, car ils ne possèdent pas les capacités enzymatiques nécessaires pour former cette molécule.
L’homme doit plutôt acquérir le folate par une alimentation saine et équilibrée. La principale source de vitamine B9 se retrouve dans les légumes verts, les fruits, dans certaines fèves ainsi que dans le foie de certains animaux. La quantité recommandée est d’environ 400 μg par jour chez l’adulte, mais peut augmenter jusqu’à 600 μg chez la femme enceinte ou en période d’allaitement [120]. En cas de déficience en acide folique, plusieurs effets secondaires peuvent survenir comme de la fatigue extrême, des troubles de croissance ou des problèmes intestinaux. Chez les femmes enceintes, une déficience de cette vitamine peut causer des retards de croissance chez le bébé ou des troubles du tube neural menant au spina-bifida ou à l’anencéphalie.
Depuis que l’on connait ces effets sur la santé, de nombreux pays ont adopté une stratégie nationale de supplémentation en acide folique pour les femmes enceintes ou prévoyant l’être. Une stratégie de la sorte a été adoptée au Canada. Depuis son implantation, une diminution des accouchements prématurés a été remarquée.
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Table des matières
Chapitre 1 : Introduction
1.1. Origine du virus et de l’épidémie
1.1.1. Les premiers cas répertoriés
1.1.2. Épidémiologie
1.1.3. Les origines du VIH-1
1.2. Génome et structure du VIH-1
1.2.1. Génome viral
1.2.2. Structure du virion
1.3. Cycle de réplication du VIH-1
1.3.1. Les premières étapes de l’infection
1.3.2. Formation de l’ADN viral et intégration dans le génome
1.3.3. Production des protéines virales et maturation du virion
1.3.4. Les facteurs de restriction viraux
1.4. Immunopathogénèse du virus
1.4.1. Les modes de transmission du VIH-1
1.4.2. Les phases de l’infection virale
1.4.3. Antirétroviraux
1.4.4. Réservoirs et sanctuaires viraux
1.5. Macrophages
1.5.1. Origine des macrophages
1.5.2. Types de macrophages et leurs fonctions dans l’organisme
1.5.2.1. Macrophages tissulaires
1.5.2.2. Macrophages dérivés de monocytes
1.5.3. Polarisation des macrophages
1.6. Le VIH-1 et les macrophages
1.6.1. Le cycle viral du VIH-1 chez les MDM
1.6.2. Impact des macrophages de l’intestin sur la barrière épithéliale
1.7. Le folate, vitamine essentielle à l’organisme
1.7.1. Structure du folate
1.7.2. Le cycle du folate
1.7.2.1. L’absorption du folate et son entrée dans la cellule
1.7.2.2. Le contrôle du niveau de folate intracellulaire
1.7.2.3. La sortie de la cellule
1.7.3. Les analogues du folate
1.7.3.1. Méthotrexate
1.7.3.2. Raltitrexed
Chapitre 2 : Hypothèse et objectifs
Chapitre 3 : Matériel et Méthodes
3.1. Production de particules virales
3.1.1. Modèles viraux
3.1.2. Culture de cellules HEK293T
3.1.3. Transfection du plasmide viral
3.1.4. Récolte de la production virale
3.1.5. Dosage de la production virale
3.1.5.1. ELISA p24
3.1.5.2. TCID50 sur lignée de cellules TZM-BL
3.2. Production de macrophages dérivés de monocytes à partir de sang périphérique de donneurs sains
3.2.1. Isolement des macrophages dérivés de monocytes (MDM)
3.3. Modifications dans le cycle du folate
3.3.1. Utilisation de petits ARN interférents
3.3.2. Utilisation d’un inhibiteur chimique
3.3.2.1. Méthotrexate
3.3.2.2. Raltitrexed
3.3.3. Effet de l’acide folique sur la réplication virale.
3.4. Infection des macrophages
3.5. Analyse des données
3.5.1. Cytométrie en flux
3.5.2. ELISA p24
3.6. Validation de l’efficacité des ARN interférents
3.6.1. Extraction de l’ARN
3.6.2. PCR quantitative
3.7. Étude du mécanisme d’action du Raltitrexed chez les MDM
3.7.1. Préparation des cellules
3.7.2. Extraction de l’ADN
3.7.3. PCR en temps réel pour l’ADN intégré
3.8. Statistiques
Chapitre 4 : Résultats
4.1. Validation de la diminution des ARNm de protéines impliquées dans le métabolisme du folate par des siRNA
4.2. La réduction des ARNm d’enzymes essentielles impliquées dans le cycle du folate a un impact sur la réplication du VIH-1
4.3. La réduction des ARNm d’enzymes essentielles impliquées dans le cycle du folate a un impact sur la production de nouveaux virions
4.4. La suppression du folate dans la culture des MDM n’a pas d’impact à court terme sur la réplication virale du VIH-1
4.5. Le MTX n’a pas d’effet significatif sur la réplication virale, malgré une diminution de l’activité métabolique
4.6. Le RTX diminue le nombre de MDM productivement infectés, mais augmente la transcription virale dans ces cellules
4.7. Le RTX influence la susceptibilité des MDM à l’infection
4.8. Le RTX n’influence pas l’intégration virale dans les MDM
Chapitre 5 : Discussion
5.1. Sélection des gènes d’intérêt et impact sur l’infection des MDM par le VIH-1
5.1.1. Gamma-Glutamyl Hydrolase (GGH)
5.1.2. Folylpolyglutamate Synthase (FPGS)
5.1.3. Méthylènetétrahydrofolate Réductase (MTHFR)
5.1.4. Dihydrofolate Réductase (DHFR)
5.2. En réponse à l’infection, le folate serait exporté de la cellule afin de nuire à la réplication virale
5.3. À court terme, une diminution du niveau d’acide folique n’a pas d’effet significatif sur la réplication virale.
5.4. Le MTX n’affecterait pas la susceptibilité des MDM à l’infection
5.5. Le RTX diminue le nombre de cellules productivement infectées
5.6. Le RTX diminuerait la susceptibilité des MDM à l’infection par le VIH-1
5.7. Le RTX n’affecterait pas l’intégration virale dans les MDM
Chapitre 6 : Conclusion et perspectives
Chapitre 7 : Bibliographie
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