Tutorat et gestion de l’hétérogénéité

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

De l’aide au tutorat

Alors que l’entraide repose sur une « forme symétrique » de coopération c’est-à-dire qu’elle prend place entre élèves de niveau relativement homogène, l’aide et le tutorat sont fondées sur des « formes asymétriques »10. Autrement dit, un élève aide un autre élève lorsque celui-ci est en difficulté par rapport au niveau de l’aidant sur une compétence précise 11. Le tutorat repose sur une formalisation des initiatives d’aide instaurées en classe. La compétence de tutorat doit être reconnue, faire l’objet d’une formation des élèves et être institutionnalisée par des outils dans la classe.

Le tutorat en classe : définition

Le tutorat ne doit pas être confondu avec le monitorat. Les tuteurs ont « un rôle d’assistant, d’auxiliaire et peuvent agir plus librement »12 alors que les moniteurs sont considérés dans « une sorte de hiérarchie et sont sous contrôle du maitre »13. Dès lors le premier dispositif repose sur une organisation fonctionnelle alors que l’organisation du deuxième est hiérarchique.
Selon le Larousse, le tuteur se définit comme une « personne qui sert d’appui, de soutien, de protection »14. Le tutorat comme dispositif repose sur une relation institutionnalisée entre un tuteur et un tutoré au sein de laquelle la réciprocité est nécessaire. En classe, le tuteur n’est pas forcément un expert dans le domaine étudié ou une personne référente, ce qui permet à chaque élève d’être à la fois tuteur et tutoré. La classe doit demeurer « une communauté de recherches pour favoriser les apprentissages de tous »15 où chaque élève est à un moment donné un appui pour un autre élève. Selon la classification de Sylvain Connac, le tutorat est une « relation asymétrique dans un cadre formel »16. C’est un dispositif qui va permettre à deux élèves n’ayant pas atteint le même seuil de compétences de coopérer dans certaines situations choisies par l’enseignant.

Lorsque le tuteur a achevé un exercice, il est capable d’accompagner un autre élève en difficulté sur la compétence ou dans la compréhension de la consigne. Il soutient son camarade, l’incite à aller dans telle ou telle direction vers la réponse correcte, l’aide à la reformulation. Autrement dit, le tuteur procède à une sorte d’étayage, processus défini par Jérôme Bruner. Selon lui, l’étayage repose sur « des interactions d’assistance de [l’adulte] permettant à l’enfant d’apprendre à organiser ses conduites afin de pouvoir résoudre seul un problème qu’il ne savait pas résoudre au départ »17. A la différence d’une relation adulte-enfant, le tutorat a lieu entre pairs, lorsque le climat de classe y est favorable.
Ralph J. Melaragno distingue quatre formes de tutorat dans son étude sur des écoles mexicaines : « intergrade tutoring » (le tutorat inter-niveau), « interschool tutoring » (le tutorat inter-école), « intraclass tutoring »18 (le tutorat inter-classe) et le tutorat informel plus proche de l’entraide. Le tutorat interclasse qui repose sur un dispositif entre élèves d’une même classe, est celui qui a été choisi pour cette étude du fait de l’hétérogénéité déjà présente en classe. Toutefois, le tutorat inter-niveau peut également s’opérer dans la mesure où certains élèves de CE2 travaillent parfois sur des compétences de CP ou de CE1 et font l’objet d’un tutorat avec des CM1.

En reprenant la classification des différents types de tutorat d’Alain Baudrit, le tutorat choisi pour la classe de CE2 – CM1 se veut « réciproque » et « volontaire ». Le « tutorat réciproque »19 permet au tutoré de devenir tuteur et d’inverser cette relation dans un autre domaine ou pour une nouvelle compétence étudiée. Il évite le biais des relations de hiérarchie ou de domination qui pourrait s’opérer et permet à chaque élève de prendre part au dispositif. Par ailleurs, le tutorat proposé est volontaire dans la mesure où être tuteur nécessite des compétences développées dans la partie à suivre ainsi que la motivation et la disponibilité totale de l’élève.

Le tutorat interculturel pourrait également être instauré au sein de la classe du fait de la présence d’une élève allophone en CE2 et de trois élèves ne maitrisant pas correctement le français et ayant des difficultés importantes en décodage, lecture-compréhension, lexique et résolution de problèmes. Apparu dans les années 60, le tutorat interculturel consiste à « mettre ensemble des élèves de cultures différentes (culture d’accueil et culture d’origine) ou  se situant à des niveaux différents. Les uns (les tuteurs) étant chargés d’apporter aux autres (les tutorés) ce dont ils ont besoin ». 20 Les différences culturelles présentes en classe sont à l’origine de l’entraide des élèves : les difficultés de compréhension dues à la barrière de la langue ont généré un élan de solidarité au sein de la classe.

De l’organisation à l’institutionnalisation du tutorat

Le tutorat au sein d’une classe implique la mise en place d’un fonctionnement conçu le plus possible avec le groupe classe et réajusté au fur et à mesure de l’année. Pour ce faire, des outils ainsi que des aménagements dans l’emploi du temps sont nécessaires au déploiement de ce dispositif.
Durant les deux à trois semaines précédant la pratique du tutorat, des temps ont été dédiés à l’introduction de la notion, la formation des élèves et la responsabilisation de chacun. Bien que cette pratique découle d’un climat de classe déjà structuré autour d’initiatives spontanées d’aide et d’entraide, la décision d’organiser et d’institutionnaliser le tutorat relève de l’enseignante. Dès lors, les élèves ont dû s’approprier cet outil tout en ayant un temps de parole pour échanger autour du dispositif. Plus qu’une acception du tutorat par les élèves, il s’agit de systématiser des temps de dialogue afin de prendre en compte leurs demandes, suggestions et problèmes. Ces échanges ont été intégrés dès l’introduction de la notion à travers trois temps.

1) Une phase de diagnostic avec la réalisation d’un questionnaire à choix multiples sur la coopération, le tutorat et le travail de groupe.
Puisque la coopération faisait déjà l’objet d’un travail en classe, les élèves ont été interrogés sur ces trois notions afin d’avoir un aperçu de leurs prérequis développés dans la partie II/ 1) de l’écrit réflexif.
2) Un brevet du tutorat à visée formative..
Plusieurs questions à choix multiples ont fait l’objet d’une recherche individuelle par chaque élève puis d’une correction en classe entière. La correction a permis d’échanger sur les postures du tuteur et du tutoré.
Cette formation est également liée à un projet plus global sur la coopération scolaire. Les élèves doivent comprendre la déontologie du tutorat en appliquant les principes de base de la coopération à savoir « on est plus compétents à plusieurs que seul, on devient plus performant en étant soutenu que critiqué, on apprend mieux si on se construit soi-même ses réponses »..
3) Une charte du tuteur23 pour institutionnaliser et responsabiliser.
Après plusieurs phases d’échange et de discussion, une charte du tuteur a été lue en classe puis signée par les élèves et l’enseignante. Cette charte permet de structurer l’adhésion au dispositif et d’expliciter l’accord au dispositif.
Ces trois temps dédiés à la mise en place du tutorat reprennent globalement les différentes étapes qui structurent les apprentissages autour d’une notion : l’évaluation diagnostique avec la phase recherche, l’entrainement puis l’institutionnalisation. De fait, le tutorat est un dispositif qui nécessite une prise en mains par le groupe classe.
Plusieurs outils24 ont été créés afin de faciliter l’expérience du tutorat en classe :
• Un passeport HELP rappelant les consignes à suivre avant de faire appel à un tuteur.
• Deux logos de communication pour chaque tuteur : l’un indiquant qu’il est occupé, l’autre signalant qu’il a terminé son travail et qu’il est disponible pour aider. Ces logos remplacent le tétra ’aide parfois utilisé pour ce dispositif.
• Un tableau sur lequel est indiqué le nom du tuteur et celui du tutoré afin d’avoir un suivi sur ces échanges, de garantir une répartition équitable du travail entre chaque tuteur ou de déceler des binômes réguliers.
• Pour systématiser les temps dédiés à cette pratique et permettre aux élèves de situer les actions de tutorat à l’échelle de la journée, les phases de tutorat ont été indiquées sur l’emploi du temps affiché au tableau. La lettre T entourée en orange était le signe de la possibilité de faire du tutorat même si, à la demande des élèves, le dispositif était parfois déployé sans que cette marque ne soit formalisée au tableau.
• Pour échanger sur la pratique en classe entière et permettre des ajustements au dispositif, un temps de prise de parole sur le tutorat est intégré une fois par semaine sur l’emploi du temps. Les élèves sont alors invités à proposer des éléments d’amélioration du dispositif et à donner leur avis.
Le tutorat est un outil coopératif qui exige une co-construction par les élèves et l’enseignante ainsi que des réajustements au fil du temps afin d’être efficient. Après une pratique de deux mois et demi, quels sont les résultats perceptibles du dispositif dans la gestion de l’hétérogénéité ?

Recueil de données : le tutorat

Le dispositif du tutorat a été déployé dès la semaine de rentrée de la période 3 et observable jusqu’à la période 4 grâce à différents outils qui ont permis de recueillir des données analysables. En périodes 1 et 2, un fonctionnement de classe était déjà à l’œuvre et structuré autour de la notion de coopération.

Le constat en classe en périodes 1 et 2

Avec trois non-lecteurs et deux faibles lecteurs dont une élève allophone, des dispositifs de différenciation ont été instaurés dès le début d’année. La disparité des degrés d’autonomisation des élèves était telle que des initiatives d’aide et d’entraide sont rapidement apparues :
– Lorsque l’enseignante était présente avec le groupe de travail des élèves moins autonomes, certains élèves s’aidaient (coopération symétrique) ou s’entraidaient (coopération asymétrique) systématiquement parmi les CE2 et CM1.

– Lorsque l’enseignante travaillait avec un niveau (CE2 ou CM1), les élèves autonomes venaient en aide aux élèves en difficulté, notamment en intervenant auprès des non-lecteurs bien qu’ils réalisaient un travail différent, souvent de niveau CP/CE1. Cette aide permettait de relire les consignes avec eux ou de lever des obstacles de compréhension liés à une compétence.
– Des élans de solidarité face aux différences de niveau ou d’autonomie entre élèves étaient perceptibles. Par exemple, des élèves se sont spontanément mis à applaudir suite à la réussite d’un autre élève au tableau lors d’une séance de calcul mental. Cet élève perturbe pourtant souvent le groupe classe. Plusieurs encouragements ou félicitations sont régulièrement observables.
Dans cette continuité et afin de garantir des échanges pédagogiques efficients, autonomes et cadrés entre ces élèves, un travail davantage formalisé s’avérait nécessaire.
Plus globalement, d’autres dispositifs coopératifs étaient à l’œuvre depuis le début de l’année :
– Le travail de groupe lors des phrases recherche des séances (par deux ou trois élèves).
– Le travail de groupe de niveau homogène, notamment lorsque les élèves rencontraient des obstacles lors de certains apprentissages. Par exemple, deux élèves de CM1 ayant des difficultés pour la production d’écrits sont presque toujours en binôme pour réaliser la tâche. De la même manière, les élèves non-lecteurs occupent souvent une table dédiée au travail de groupe au fond de la classe afin de s’entraider.
– Le mot coopération avait été introduit lors de la période 1 en EPS pour une séquence dédiée aux jeux collectifs. Au-delà des points attribués à chaque équipe selon les règles du jeu, des points de coopération étaient également distribués et matérialisés par un thermomètre de la coopération. Une affiche sur la coopération était également présente en classe et mise au tableau lorsque les tâches demandées étaient difficiles ou que le découragement de certains élèves se faisait sentir.
– Un travail autour du statut de l’erreur a été déployé dès le début de l’année afin que les élèves n’aient pas la peur de l’échec. Lors des échanges sur le temps de vie de classe, un rappel systématique sur le rôle de l’école était fait afin que les élèves comprennent que la classe est un lieu d’apprentissage. De cette manière, des blocages fréquents étaient constatés lors des phases de recherche notamment lorsqu’il s’agissait d’introduire des nouveautés. Pour y remédier, un rappel sur le rôle de ces phases était réalisé afin que les élèves comprennent que c’était en cherchant et en faisant des erreurs que l’on retenait mieux et qu’on progressait. Au fur et à mesure de l’année, j’ai essayé de repérer des erreurs lors des travaux de groupe25 effectués en phase recherche afin qu’elles fassent l’objet d’une base des apprentissages. Cette démarche a permis de passer de « l’erreur stigmatisante » à l’ « erreur constructive et utile » aux apprentissages.

Au retour des vacances de noël, un questionnaire26 a été instauré afin d’analyser les réponses des élèves et d’évaluer leur conscientisation des dispositifs de coopération à l’œuvre dans la classe. Il précédait la mise en place du dispositif tutorat. Ce questionnaire à choix multiples avec quelques questions ouvertes portait davantage sur les notions de coopération et de travail de groupe car il constituait déjà un dispositif en place au sein de la classe et connu des élèves. Sur les 23 élèves présents lors de ce questionnaire, plusieurs réponses étaient possibles pour chaque question. Divers constat peuvent être dressés. Tout d’abord, les élèves ont assimilé la notion de coopération à celle de travail de groupe (plutôt qu’à celle de respect des autres)27. Ce résultat est probablement biaisé du fait des questions qui suivent et qui portent sur le travail de groupe. Une question ouverte aurait été probablement été préférable.
Ensuite, tous les élèves ont répondu qu’ils aimaient travailler en groupe. Bien que neuf élèves n’ont pas su écrire pourquoi, beaucoup ont justifié cette affirmation en mobilisant la notion d’ « aide » : « parce que c’est aider », « parce qu’on peut s’aider »28. Les élèves semblent avoir perçu l’intérêt du dispositif et semblent demandeurs de pratiquer du travail de groupe.
A la question à choix multiples portant sur les acteurs de l’aide en classe, « que préfères-tu ? », les élèves ont majoritairement répondu préférer « être aidé par la maitresse ».

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
I/ Partie théorique : tutorat et gestion de l’hétérogénéité
1) La gestion de l’hétérogénéité
2) Le tutorat : un dispositif coopératif
3) De l’aide au tutorat
A) Le tutorat en classe : définition
B) De l’organisation à l’institutionnalisation du tutorat
II/ Recueil de données : le tutorat
1) Le constat en classe en périodes 1 et 2
2) Les effets visibles du tutorat sur une période
A) Le fonctionnement du dispositif.
B) Le tutorat : un élément de valorisation et de différenciation.
C) Le développement de l’autonomie et de la méthodologie.
D) La « pré-disposition » des élèves à s’adapter à un autre dispositif coopératif : le travail de groupe.
3) Les limites perceptibles du tutorat dans la gestion de l’hétérogénéité
A) Les obstacles rencontrés en classe.
B) Les limites du dispositif et les pistes d’amélioration.
Conclusion
Bibliographie
Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *