Les tumeurs intra crâniennes sont des néoformations ou masses se développant à l’intérieur de la boite crânienne [1]. Elles regroupent toutes les tumeurs primitives et secondaires. Autrement dit, les tumeurs siégeant sur les hémisphères cérébraux, le cervelet, le tronc cérébral, les nerfs crâniens et les méninges. Actuellement, les données américaines et européennes rapportent une incidence dans les pays occidentaux d’environ 18/100 000 habitants par année [2]. Le cancer était à l’origine considéré comme une maladie des pays développés, mais des estimations récentes indiquent que c’est aussi un fardeau de santé majeur dans les pays à ressources limitées [3]. Elles demeurent un réel problème de santé car elles représentent une pathologie fréquente dans le service de neurochirurgie. Les processus expansifs intracrâniens (PEIC) constituent depuis plusieurs années une part non négligeable de la pathologie nerveuse du Noir au Sénégal [4]. La faible accessibilité géographique, financière et culturelle aux soins et l’insuffisance de la connaissance des facteurs de risque et le diagnostic à un stade avancé de la maladie constituent toujours un défi dans la prise en charge de cette pathologie. Actuellement, leur fréquence a beaucoup augmenté avec l’apparition de l’imagerie cérébrale. L’imagerie est actuellement la plaque tournante du diagnostic des tumeurs intracrâniennes. Ces dernières années, l’apparition d’une part de nouvelles techniques d’imagerie telle que l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a permis d’en affiner encore davantage l’exploration et de parvenir à approcher le diagnostic de nature dans un nombre croissant de cas [5]. Les efforts remarquables de la génétique et la biologie moléculaire dans les tumeurs cérébrales ont permis quant à eux de mieux comprendre la physiopathologie et l’anatomie pathologie. La prise en charge des affections neurochirurgicales en particuliers des tumeurs cérébrales a énormément évolué ces dernières années du fait des progrès de la neuro-imagerie et de la microchirurgie et de même que l’avènement de la neuronavigation. Cependant, la mortalité reste encore importante et la qualité de vie reste encore très moyenne. Les tumeurs cérébrales posent un problème de prise en charge, surtout les tumeurs cérébrales malignes. La prise en charge est très complexe et multidisciplinaire, impliquant le neurochirurgien, le radiologue, le neurologue, le médecin généraliste et l’anatomo-pathologiste et l’oncologue. L’apparition de nouvelles méthodes opératoires, coagulation bipolaire, microscope opératoire, surveillance en réanimation et l’évolution de la cancérologie ont permis de s’attaquer aux lésions de plus en plus profondes et de plus en plus cachées. Leur pronostic s’est considérablement amélioré à mesure de l’amélioration du plateau technique dans nos régions et principalement au Sénégal. Cependant, nous notons toujours peu d’études. Ce taux est essentiellement lié à l’insuffisance des ressources humaines et au manque de registre des tumeurs. Bien que le fardeau des pathologies oncologiques en Afrique de l’Ouest augmente rapidement, les tumeurs cérébrales restent souvent négligées. La recherche sur les tumeurs cérébrales devrait recevoir plus d’attention dans cette région [6], ce qui justifie notre choix pour ce sujet. Afin de rapporter notre expérience sur cette pathologie, nous avons mené cette étude rétrospective et prospective portant sur 682 patients présentant de tumeurs intracrâniennes et prises en charge dans le service de Neurochirurgie du Centre Hospitalier National Universitaire de Fann entre janvier 2010 et juin 2017. L’objectif général de cette étude est de décrire le profil épidémiologique et d’analyser les aspects diagnostiques, thérapeutiques et évolutifs des tumeurs intracrâniennes dans notre contexte.
Historique
William Mac Ewen (1848-1924), neurochirurgien écossais fut le premier à décrire une tumeur cérébrale. En 1879, il opéra avec succès la première tumeur : une tumeur du cerveau qui faisait saillie à travers l’os frontal, vraisemblablement une tumeur méningée [7]. Dans le premier livre américain de neurologie publié en 1881, William Hammond (1828-1900) avait décrit les symptômes associés aux tumeurs cérébelleuses à savoir les céphalées, les vomissements, les troubles de la marche et les convulsions [8,9]. On peut admettre que la première opération neurochirurgicale vraie date du 23 novembre 1884 : Sir Rickmann Godlee, enleva avec succès une tumeur cérébrale diagnostiquée par le neurologiste Hughes Bennet. Pour la première fois, une tumeur du cerveau fut diagnostiquée et localisée sans le secours des yeux, par les seuls signes tirés de l’interrogatoire et de l’examen neurologique du malade : la neurochirurgie venait de naître. Le malade mourût d’infection : ainsi que le souligne Wertheimer, la localisation neurologique était en avance sur l’asepsie. En 1889, Von Bergmann colligeait dans le monde seulement sept (7) cas de tumeurs cérébrales diagnostiquées et enlevées [7] : 4 patients moururent immédiatement ou avant le 3e mois ; trois (3) furent temporairement guéris ; en fait, un seul, débarrassé d’un méningiome par Keen, fut réellement guéri. Même en 1906, l’américain Allen Starr notait que 5 % seulement des tumeurs cérébrales étaient enlevées avec succès et que le cinquième des épileptiques focaux opérés avait tiré bénéfice de l’intervention. En 1893, Charles McBurney, un chirurgien américain, avait rapporté la première exérèse réussie d’une tumeur cérébelleuse [8,10]. Ceci suscita un engouement dans le monde. « Hélas ! le dit Clovis Vincent, le succès ne répondit pas aux espérances… Et presque tous les malades mouraient… », L’américain Harvey Cushing (1869-1939), l’incontestable fondateur de la discipline nouvelle en 1931 pouvait faire état avec son équipe de deux mille cas de tumeurs cérébrales opérées. Après Cushing, fut certainement Dandy (1886-1946), l’élève en même temps que l’« antipode » de son maître, d’une habileté technique prodigieuse, a été le premier à tenter et réussir, pour des tumeurs malignes et infiltrantes du cerveau, l’ablation complète de l’hémisphère atteint.
Données fondamentales
Embryologie
Le système nerveux est l’ensemble des structures qui assurent la réception, l’intégration, la formation et la transmission des informations. Il se divise en système nerveux périphérique récepteur et effecteur (nerf) et le système nerveux central intégrateur (cerveau et moelle) qui dérive de l’ectoderme jusqu’à l’adolescence. Chez l’homme, le développement du cerveau commence dès les premières semaines après la conception et se poursuit jusqu’à l’adolescence et se déroule en plusieurs étapes.
La neurulation
Elle est la transformation de l’ectoderme médian en tube neural (à l’origine du SNC) flanquée de crêtes neurales. Elle dure trois à quatre semaines (3e et 4e semaine de la vie intra-utérine).
❖ Neurulation primaire : elle se déroule en trois étapes.
La plaque neurale : La chorde dorsale induit dans l’ectoblaste sus-jacent un épaississement formant la plaque neurale ou neuroéctoblaste au 18ème jour (chez un embryon de 1,5mm).
a- La gouttière neurale : au début de la 4e semaine d’aménorrhée la plaque neurale s’invagine vers le mésoderme et donne lieu à la gouttière neurale.
b- Tube neural : chez l’embryon de 21 ou 22 jours de développement, la plaque neurale et son sillon médian s’épaississent et commencent à s’élever de chaque côté, si bien que les deux bords latéraux se soulèvent et fusionnent sur la ligne médiane pour former le tube neural. Le canal central, futur système ventriculaire, constitue le centre du tube neural.
c- Les rebords de la gouttière se rapprochent puis fusionnent dans la région cervicale. Cette fusion progresse en direction crâniale et caudale pour ne plus laisser que les neuropores antérieur et postérieur qui se fermeront ultérieurement. Puis le tube neural se referme d’abord au niveau cervical et le neuropore crânial au 24e jour et le neuropore caudal au 26e jour.
❖ Neurulation secondaire : L’éminence caudale vestige de la tige primitive, se creuse et d’unit avec le tube neural à la quatrième et septième semaine de la vie intra-utérine.
La diverticulation
La croissance des différentes régions du tube neural n’est pas homogène : il en résulte des courbures qui séparent le tube neural en compartiments caudal et rostral. La courbure cervicale (caudale) et la courbure céphalique (rostrale) sont le résultat d’une expansion particulière. Trois régions de prolifération cellulaire importante se développent : un cerveau antérieur (prosencéphale) au niveau rostral, le cerveau moyen (mésencéphale) et le cerveau postérieur (rhombencéphale) au niveau caudal. Le système ventriculaire se recourbe et s’élargit pour s’adapter à l’intensification de la croissance neurale. La région caudale du prosencéphale s’invagine à partir du futur diencéphale pour former la vésicule optique, précurseur de la rétine et de ses relais nerveux. Au 36e jour de développement, le prosencéphale commence sa phase d’expansion rapide et donne naissance aux ébauches du diencéphale (thalamus et l’hypothalamus) et du télencéphale (noyaux gris centraux ou ganglions de la base, système limbique, système olfactif et cortex cérébral). Cette croissance rapide est concomitante de la formation du 3e ventricule, relativement étroit (au niveau du diencéphale), et des ventricules latéraux en forme de « C » issus de l’extrémité rostrale du canal central originel pour le télencéphale. Le rhombencéphale (qui deviendra le pont et le cervelet) et le myélencéphale (future moelle allongée, ou bulbe). Plusieurs nerfs spinaux et crâniens commencent à se former, tandis que les neurones sensoriels et moteurs se différencient et se connectent à leurs cibles périphériques 6e mois (figure 1) : à cet âge de développement, le T.C s’est différencié en donnant naissance à la moelle allongée (ou bulbe), au pont et au mésencéphale. Le cervelet recouvre ces structures sur l’arrière. Bien que le diencéphale se développe rapidement, le télencéphale qui le recouvre présente une croissance importante dans le sens rostral puis caudal, vers le bas et l’avant dans le lobe temporal. Du 6e au 9e mois, les circonvolutions caractéristiques, avec les gyri et sillons, se forment dans le cortex cérébral, et les foliations cérébelleuses se développent dans le cortex cérébelleux. Dans le cerveau antérieur, les composants principaux de ganglions de la base (noyaux gris centraux), les structures limbiques (par exemple, l’amygdale et l’hippocampe), le système olfactif et le cortex cérébral se développent rapidement. La majeure partie des neurones est présente à la naissance, à l’exception d’une fraction de la population des cellules granulaires du cervelet, du gyrus dentatus de l’hippocampe et du cortex cérébral, qui se forme après la naissance en réponse aux stimuli provenant de l’environnement. L’environnement intra-utérin post-natal joue un rôle majeur dans le développement et les fonctions de neurone.
● Le système ventriculaire
Le canal au sein du tube neural va donner au niveau du télencéphale : les ventricules latéraux droit et gauche, au niveau du diencéphale le troisième ventricule, le mésencéphale : l’aqueduc de Sylvius et le métencéphale : le quatrième ventricule, une ouverture médiane de Magendie et deux ouvertures latérales de Luschka.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Historique
2 Données fondamentales
2.1 Embryologie
2.1.1 La neurulation
2.1.2 La diverticulation
2.2 Anatomie descriptive
2.2.1.1 Cuir chevelu
2.2.2 Ostéologie du crâne
2.2.3 Muscles du crâne
2.2.4 Méninges
2.2.5 Vascularisation
2.2.5.1 Vascularisation artérielle
2.2.5.2 Vascularisation veineuse
2.3 Physiopathologie
2.3.1 Mode de croissance tumorale
2.3.2 Conséquences intracrâniennes
2.4 Classification histologique
2.4.1 Méningiomes
2.4.2 Hemangioblastomes
2.4.3 Médulloblastome
2.4.4 Astrocytomes
2.4.5 Oligodendrogliomes
2.4.6 Glioblastomes
2.4.7 Ependymomes
2.4.8 Neurocytome central
2.4.9 Papillomes des plexus choroïdes
2.4.10 Schwanome
2.4.11 Neurofibromes
2.4.12 Adénomes hypophysaires
2.4.13 Craniopharyngiomes
2.4.14 Chordomes
2.4.15 Tumeurs de la région pinéale
2.4.16 Lymphomes primitifs
2.4.17 L’hémangiopericytome
2.5 Les tumeurs secondaires ou métastases
3 DIAGNOSTIC
3.1 Diagnostic positif
3.1.1 Signes cliniques
3.1.2 Examens complémentaires
3.1.2.1 Tomodensitométrie cérébrale
3.1.2.2 Imagerie par Résonnance Magnétique
3.1.2.3 Radiographie simple du crâne
3.1.2.4 Angiographie cérébrale
3.1.2.5 Scintigraphie cérébrale
3.1.2.6 Tomographie d’émission à positions
3.1.2.7 Tomographie informatisée
3.1.2.8 Electroencéphalogramme
3.1.2.9 Echographie transfontanellaire
3.1.3 Bilan d’extension
3.2 Diagnostic différentiel
3.2.1 PEIC infectieux
3.2.1.1 Tuberculomes cérébraux
3.2.1.2 Abcès cérébraux
3.2.1.3 Toxoplasmose
3.2.1.4 Neurocysticercose
3.2.1.5 Kyste hydatique encéphalique
3.2.2 PEIC vasculaires
3.2.2.1 Accidents vasculaires cérébraux
3.2.2.2 Cavernomes
3.3 Les facteurs de risque des tumeurs intracrâniennes
3.3.1 Facteurs de certitude
3.3.2 Facteurs incertains
4 TRAITEMENT
4.1 Buts
4.2 Moyens
4.2.1 Anesthésie-réanimation
4.2.2 Médicaments
4.2.3 Hormonothérapie : surtout pour les méningiomes
4.2.4 Psychothérapie
4.2.5 Radiothérapie
4.2.6 Chimiothérapie
4.2.7 Immunothérapie
4.2.8 La brachythérapie interstitielle (IBT) stéréotaxique
4.2.9 Autres méthodes
4.3 Indications
4.4 Facteurs pronostiques
5 Complications de la chirugie
5.1 Complications préopératoires
5.2 Complications postopératoires
5.2.1 Hémorragie per-opératoire
5.2.2 Autres
5.3 Complications postopératoires
5.3.1 Complications postopératoires précoces
CONCLUSION