Tuberculose : Aspects épidémiologiques, cliniques, bactériologiques et évolutifs

La tuberculose est une maladie contagieuse, endémo-épidémique, à transmission essentiellement interhumaine due au complexe MT (Mycobacterium tuberculosis) incluant MTH (Mycobacterium tuberculosis hominis), Mycobacterium bovis et Mycobacterium africanum. L’atteinte pulmonaire est la plus fréquente des localisations et représente la source habituelle de transmission. Mais le bacille peut atteindre d’autres organes (tuberculose extra pulmonaire).

La tuberculose est un fléau mondial en progression. Pourtant, à partir de 1952, avec l’apparition d’une chimiothérapie efficace, le déclin de la tuberculose était réel. Dans les pays industrialisés, le risque d’infection déclinait de 10 à 15% et le seuil d’éradication était fixé à 2015-2030. Dans les pays en développement, le taux de déclin était de 5 à 10% en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Afrique du nord. Il était au maximum de 3% en Afrique sub-saharienne et en Asie du sud-est, du même ordre que le taux de croissance démographique.

On a assisté, dès 1986, à une recrudescence de la tuberculose dans le monde. C’est aux Etats-Unis que l’augmentation du nombre de cas fut d’abord signalée (3% en 1986, 6% en 1990) et le rôle de l’infection à VIH/Sida est apparu très vraisemblable dans cette résurgence. En Afrique noire et en Asie du sud-est, l’importance de l’endémie tuberculeuse et la prévalence élevée de l’infection à VIH ont rendu cette situation plus fréquente qu’ailleurs. Par exemple, en République centrafricaine, la prévalence de l’infection par le VIH qui était estimée à 32% en 1988 et à 62% en 1994 a été de 82% en 1998 chez les patients tuberculeux hospitalisés à Bangui.

GENERALITES

DEFINITION

La tuberculose est une maladie infectieuse, contagieuse essentiellement humaine due à une mycobactérie, Mycobacterium tuberculosis (Bacille de Koch) dans la plupart des cas. Cette bactérie appartient au « complexe tuberculosis » qui comprend 3 variétés (hominis, africanum et bovis).Elle se propage principalement par voie aérienne. La tuberculose pulmonaire est la forme la plus fréquente de la maladie. Cependant, tous les organes peuvent être atteints.

HISTORIQUE

La tuberculose existe au moins depuis 120 siècles. Elle était reconnue par la médecine grecque, chinoise, égyptienne et indienne. Dans la ville d’Alexandrie, on savait que les migrants étaient des gens souvent malades. On a retrouvé sur des momies des séquelles de mal de Pott. Des chercheurs ont par exemple découvert des évidences leur permettant de conclure que Ramsès II était atteint et sans doute décédé de la tuberculose en l’an 1000 avant J-C. Aux temps antiques, on parlait déjà de « phtisie », et Hippocrate décrit des tubercules, des ulcérations et des pleurésies ainsi que les premiers « traitements ».

Les idées se développent vers le 18ème siècle. Il persiste une confusion nosologique mais on connait déjà l’intérêt d’éloigner les patients des villes vers la campagne. Au 19ème siècle, les connaissances sur la tuberculose évoluent grâce à Laennec, Villemin, Koch, Roentgen, Béclère, Landouzy, Calmette, Guérin, Waksman, à qui on doit respectivement les descriptions anatomo-cliniques, la découverte de la contagion interhumaine, la découverte de l’agent pathogène, la découverte des rayons X, les descriptions cliniques, le vaccin BCG et la streptomycine. A partir du début du 20ème siècle, avec l’apparition de l’hygiène dans les pays industrialisés, on voit décroitre le nombre de tuberculeux. Cette décroissance s’accélère avec la découverte de la streptomycine et des antituberculeux, laissant croire à la fin de l’endémie tuberculeuse pour les années 1880. En 1885, Ziehl et Nielsen mirent au point une méthode de coloration spécifique aux mycobactéries, basée sur leur acido alcoolo-résistance. Cette méthode de coloration est aujourd’hui utilisée dans les laboratoires d’analyse médicale pour le diagnostic biologique de la tuberculose. A partir de 1895, de nombreuses mycobactéries furent découvertes. En 1909 la tuberculine fut utilisée par C.Mantoux (1879-1947). A. Calmette (1863-1933) et C.Guérin (1872-1961) avaient constaté que l’ensemencement d’une souche virulente de Mycobacterium bovis sur milieu fait de pomme de terre, bile de bœuf et de glycérine n’altérait, en dehors de son pouvoir pathogène, aucun des caractères principaux du bacille, notamment celui d’induire une allergie. Des ensemencements répétés 230 fois entre 1906 et 1921 ont rendu la souche inoffensive. Dès 1921, la vaccination par le BCG (bacille de Calmette et Guérin) est utilisée chez l’homme. La chimiothérapie antituberculeuse est apparue à la fin de la 2ème guerre mondiale. En effet, jusqu’aux années 1950, les traitements antituberculeux furent lourds et très souvent inefficaces. En 1944, S.A. Waksman découvre le premier antibiotique actif sur le bacille tuberculeux : la streptomycine. D’autres médicaments sont découverts dans les vingt années qui ont suivi :
➤L’éthambutol en 1951 ;
➤L’isoniazide et le pyrazinamide en 1952 ;
➤L’éthionamide en 1956 ;
➤La rifampicine en 1969.

La disponibilité d’un traitement efficace a eu un impact très favorable sur l’évolution de la tuberculose. Pourtant, sa régression avait commencé avant la découverte des antibiotiques suite à l’amélioration des conditions de vie des populations. Ce fait illustre bien le caractère social de cette maladie dont l’apparition et l’évolution sont fortement liées à la pauvreté.

EPIDEMIOLOGIE

Dans le monde 

La tuberculose est une maladie cosmopolite ; elle est présente dans tous les pays de la planète. C’est la maladie infectieuse la plus fréquente dans le monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Dans les pays industrialisés la morbi-mortalité a progressivement diminué pendant plusieurs décennies .En effet, l’incidence de la tuberculose s’est stabilisée dans de nombreuses parties du monde à l’exception de l’Afrique, de l’Asie du Sud-est et la région du pacifique. Dans les pays en voie développement, l’impact de la tuberculose s’est accentué avec la propagation de l’infection à VIH et la maladie a atteint des proportions épidémiques avec un risque annuel (RAI) =2,5-5%. (Voir tableau OMS 2009).

L’incidence mondiale de la tuberculose est de 139 pour 100 000 habitants soit environ 9,27 millions de nouveaux cas par an. La prévalence était de 13,7 millions de cas. [50] En 1993, l’OMS a déclaré que la tuberculose était une urgence mondiale, il s’agit de la première maladie ainsi classée dans toute l’histoire de cette organisation.

Ainsi la tuberculose est au 4° rang mondial parmi toutes les affections avec 1 milliard 8 millions de personnes infectées dans le monde, toutes formes confondues. A l’échelle mondiale, la tuberculose est une cause importante de morbimortalité. On estime que le tiers de la population mondiale est infecté par le bacille tuberculeux. Elle est responsable de 3 millions de décès par an. [22] L’OMS, estime qu’entre 2000 et 2020 : (WHO)

– près d’un milliard de personnes contracteront la maladie
– 200 millions de personnes tomberont malades de la tuberculose. La tuberculose emportera au moins 35 millions de vies si aucune amélioration n’est apportée dans le contrôle de cette infection.

La tuberculose tue une personne toutes les 15 secondes sur la planète, ce qui en fait la maladie la plus mortelle au monde, après le SIDA. Près de deux millions de personnes en meurent chaque année. Elle est aujourd’hui la maladie infectieuse curable qui fait le plus de victimes parmi les jeunes et les adultes. Le nombre de décès par tuberculose dans le monde a été estimé à 1,77 millions en 2007, soit 26,8 décès pour 100 000 habitants. [77] L’Afrique, l’Asie du Sud-est et le Pacifique occidental ont enregistré le plus grand nombre de décès.

Environ 80% des personnes affectées sont des adultes jeunes. En fait, les jeunes paient le plus lourd tribut car on note que 75% des cas de tuberculose touchent les groupes économiquement actifs (20-40 ans) [14].Le taux de morbi-mortalité augmente avec l’âge. Dans le monde entier, le risque est plus élevé chez l’homme que chez la femme. Il y a une différence importante du taux d’incidence selon sexe : en moyenne le sex-ratio pour les cas notifiés à frottis positif en 1998 est de 3,2 dans les groupes d’âge où la majorité de cas est observée. Chez les personnes âgées, le taux est plus élevé chez l’homme que chez la femme.

En Afrique

En Afrique, la tuberculose constitue un problème majeur de santé publique. (2,8 millions de cas en 2007). [50] Le poids de la tuberculose est disproportionné. Avec 11% de population mondiale, le continent porte plus d’un quart du poids (31%) (en 2007). L’épidémie de tuberculose est encore en progression et l’Afrique est l’épicentre de l’épidémie mondiale du VIH. Selon les estimations, 9% de tous les adultes sont séropositifs et environ 35% des tuberculeux sont également infectés par le VIH. Plus de 34 pays africains ont des taux de notification d’au moins 300 cas/100000 habitants par rapport à un taux inférieur à 15 /100000 habitants dans les pays développés. Il existe des différences sous-régionales dans la charge de la tuberculose en Afrique :
➤ Afrique australe et de l’est où l’on a le poids le plus élevé pour 100 000 habitants (7 pays d’AA= 400-700 cas pour 100000 habitants).
➤ La plupart des malades sont retrouvés en Afrique sub-saharienne où l’incidence est très élevée (24% de TB toutes formes confondues et 26% de cas de TB pulmonaire contagieuse.

Dans cette région, l’incidence est de 259 nouveaux cas sur 100000 habitants. Le taux de mortalité globale atteint 23% et dépasse même 50% dans les pays les plus touchés par le VIH ; un tiers des cas survient chez des personnes infectées par le VIH.

Au Sénégal

Le taux d’incidence de la tuberculose à microscopie positive est au Sénégal estimé à 110/100 000 habitants. La notification de cas de tuberculose en 2009 a enregistré 7.883 nouveaux cas de tuberculose pulmonaire à frottis positif pour un total de 11.732 cas de tuberculose toutes formes confondues. On note que les nouveaux cas TPM+ sont en progression continue et représentent 67% du total des cas notifiés, les retraitements frottis positif (rechutes + échec + reprises après abandon) constituent les 8% et les TPM- et TEP représentent respectivement 12% et 11%.

Au Sénégal, la tuberculose touche plus les hommes (69% des TPM+) que les femmes.   Le sex-ratio, globalement, est à 2,28. Dans certains districts ce ratio se situe entre 3 et 5, et peut atteindre plus de 7. Par ailleurs, le sex-ratio varie fortement selon les tranches d’âges. Dans la tranche d’âge 10-14 ans, il est à 0,5 ; dans celle de 15-24 ans il est à 1,7. Dans ces deux périodes de la vie des femmes, le risque de tuberculose semble très élevé. Pour la classe d’âge de 25-34 ans, on note 2,7 et 2,9 dans celle de 35-44 ans. Dans ces deux tranches, le risque de tuberculose prévaut chez les hommes. Les données des patients frottis positif nouveaux cas confirment aussi que la maladie touche principalement la population active, avec 6014 cas TPM+ (76%) qui ont entre 15 et 44 ans, comme ce qui est décrit dans la plus part des pays africains.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. DEFINITION
II. HISTORIQUE
III. EPIDEMIOLOGIE
III.1 Dans le monde
III.2 En Afrique
III.3 Au Sénégal
IV. PHYSIOPATHOLOGIE
IV.1. L’agent pathogène
IV.2. Contamination et réservoir de germe
IV.2.1. Contamination et primo-infection
IV.2 .2. La tuberculose maladie
IV.3. Facteurs modifiant l’histoire naturelle de la tuberculose
IV. 3.1. Facteurs augmentant les risques de transmission
IV.3.2. Facteurs diminuant les risques de transmission
V. DIAGNOSTIC
V.1.Forme pulmonaire
V.1.1. La primo-infection tuberculeuse(PIT)
V.1.1.1. Définition
V.1.1.2.Circonstances de découverte
V.1.1.3. Diagnostic positif
V.1.1.3.1. Interrogatoire
V.1.1.3.2. Examen clinique
V.1.1.3.3. Examens paracliniques
V.1.1.4. Diagnostic différentiel
V.1.1.4.1. Clinique
V.1.1.4.2. Radiologique
V.1.1.5. Évolution et pronostic
V.1.1.5.1. Évolution favorable si traitée précocement
V.1.1.5.2. Complications
V.1.2. Tuberculose pulmonaire commune
V.1.2.1. Circonstances de découverte
V.1.2.1.1. Signes et symptômes respiratoires
V.1.2.1.2. Signes généraux
V.1.2.1.3. Découverte par recherche systématique
V.1.2.2. Diagnostic positif
V.1.2.2.1. Examen clinique
V.1.2.2.2. Examens radiologiques
V.1.2.2.3. Examen bactériologique
V.1.2.2.4. Autres examens
V.1.2.3. Diagnostics différentiels
V.1.2.4. Évolution
V.1.2.4.1. Complications
V.1.2.4.2. Évolution traitée
V.1.2.5. Pronostic
V.1.3. Tuberculose miliaire
V.1.3.1. Diagnostic positif
V.1.3.1.1. Type de description
V.1.3.1.2. Forme atypique : Le diagnostic est moins facile
V.1.3.2. Diagnostic différentiel
V.1.2.3. Évolution, pronostic
V.1.2.3.1. Favorable
V.1.2.3.2. Défavorable
V.2. Formes extra- pulmonaires
V.2.1. Pleurésie tuberculeuse
V.2.2. Péricardite tuberculeuse
V.2.3. Tuberculose ganglionnaire
V.2.4. Tuberculose uro-génitale
V.2.5. Tuberculose ostéoarticulaire
V.2.6. Tuberculose cérébro-méningée
V.2.7. Tuberculose abdominale
V.2.8. Tuberculose médiastinale
VI.TRAITEMENT
VI.1. Traitement curatif
VI.1.1. Buts du traitement
VI.1.2. Les principes du traitement
VI.1.3. les antituberculeux de première ligne
VI.1.4. les antituberculeux de seconde ligne
VI.1.5. Les autres moyens thérapeutiques
VI.1.6. Indications et conduite du traitement
VI.2. Traitement préventif
VI.2.1. Isoler et traiter les patients contagieux
VI.2.2. Dépister les sujets infectés
VI.2.3.Traiter les sujets infectés et les sujets-contact
VI.2.4. La vaccination BCG
CONCLUSION

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