Troubles psychiatriques chez les auteurs de violences sexuelles

Les violences sexuelles constituent un enjeu de sociรฉtรฉ majeur depuis la seconde moitiรฉ du XXรจme siรจcle. La prise en charge des auteurs est devenue un thรจme rรฉcurrent dans les mรฉdias, et la psychiatrie comme la justice sont rรฉguliรจrement interpellรฉes ร  ce sujet, le plus souvent ร  l’occasion de faits divers. Mais ร  travers les interrogations sur la prise en charge des auteurs de violences sexuelles, c’est avant tout la question de la rรฉcidive et de sa prรฉvention qui est posรฉe aux mรฉdecins, aux magistrats, aux services sociaux…

Les auteurs de violences sexuelles

Selon l’Observatoire National de la Dรฉlinquance et des Rรฉponses Pรฉnales, le nombre de condamnations pour agressions sexuelles est estimรฉ ร  10 000 par an en France [1]. Cependant, la population formรฉe par les auteurs d’agressions sexuelles n’est pas homogรจne et il est donc nรฉcessaire d’en connaรฎtre de la maniรจre la plus prรฉcise possible les caractรฉristiques, afin de proposer une prise en charge adaptรฉe ร  chaque auteur (mรฉdicale, psychologique, รฉducative, etc.). Il convient รฉgalement de diffรฉrencier les sujets prรฉsentant une problรฉmatique sexuelle avรฉrรฉe de ceux dont la problรฉmatique relรจve de violences plus โ€œordinairesโ€.

Chiffres-clรฉs concernant les violences sexuelles

Il est difficile d’apprรฉhender les violences sexuelles dans leur ensemble du fait de la faible proportion d’actes d’agressions sexuelles faisant l’objet d’une plainte. Les donnรฉes statistiques issues des institutions judiciaires ou des services de police ne permettent donc que d’รฉvaluer de maniรจre approximative et partielle ce phรฉnomรจne.

Il existe en effet de fortes divergences entre les chiffres provenant des pouvoirs publics et ceux issus d’รฉtudes ou de sondages en population gรฉnรฉrale. Selon l’รฉtude Contexte de la Sexualitรฉ en France (CSF) menรฉe en France en 2006 sur 12 364 personnes, 16 % des femmes et 5 % des hommes interrogรฉs ont dรฉclarรฉ au moins un rapport sexuel forcรฉ ou une tentative au cours de leur vie. Parmi ces victimes de violences sexuelles, 59 % des femmes et 67 % des hommes dรฉclaraient que le premier รฉpisode de violence sexuelle s’รฉtait produit alors qu’ils รฉtaient encore mineurs [2]. Les agressions sexuelles sur mineurs constituent la majoritรฉ des violences sexuelles. Une รฉtude menรฉe en France en 2014 par l’association Mรฉmoire Traumatique et Victimologie avance le chiffre de 81 % des agressions sexuelles commises qui le seraient ร  l’รฉgard de mineurs [3]. Par ailleurs, une รฉtude menรฉe entre 2010 et 2012 a montrรฉ que 83 % des femmes victimes de viols ou de tentatives de viol connaissaient leur agresseur. Dans 31 % des cas, l’auteur รฉtait le conjoint de la victime [4], [5]. Enfin, les derniรจres donnรฉes statistiques sont en faveur dโ€™une proportion croissante dโ€™adolescents parmi les auteurs de violences sexuelles. En effet, dโ€™aprรจs lโ€™Observatoire national de la dรฉlinquance, environ 25% des auteurs de violences sexuelles seraient actuellement des mineurs [1], [4]. Ce chiffre serait en forte augmentation (+70% entre 1996 et 2003) selon cette mรชme รฉtude.

Troubles psychiatriques chez les auteurs de violences sexuelles

La recherche systรฉmatique d’une pathologie psychiatrique chez les auteurs de violences sexuelles est corollaire ร  une prise en charge thรฉrapeutique adaptรฉe, car l’existence d’un diagnostic psychiatrique prรฉcis conditionne la mise en place d’un traitement individualisรฉ [9]. Le mรฉdecin s’attachera plus particuliรจrement ร  rechercher une paraphilie, une pathologie psychiatrique caractรฉrisรฉe, un retard mental ou un trouble de la personnalitรฉ.

Paraphilies

Le terme paraphilie dรฉrive du Grec ancien โ€œparaโ€ qui signifie autour ou ร  cรดtรฉ et โ€œphiliaโ€ qui se traduit par aimer. C’est ร  Benjamin Karpman qu’est attribuรฉe la premiรจre utilisation de ce mot pour dรฉsigner un comportement sexuel en marge de ceux qui sont communรฉment admis par la sociรฉtรฉ. La troisiรจme version du DSM introduit lโ€™expression โ€œtroubles psychosexuelsโ€ et dรฉcrit dรฉjร  huit paraphilies spรฉcifiques. Auparavant, les dรฉviances sexuelles ou โ€œperversions sexuellesโ€ รฉtaient classรฉes dans le trouble de la personnalitรฉ psychopathique .

Le DSM-V dรฉfinit la paraphilie comme un trouble du comportement sexuel se caractรฉrisant par une excitation sexuelle survenant de faรงon rรฉpรฉtรฉe et intense impliquant d’autres โ€œobjetsโ€ que des รชtres humains consentants, matures et phรฉnotypiquement normaux, s’รฉtendant sur une pรฉriode d’au moins 6 mois. Ces troubles doivent รชtre ร  l’origine d’une souffrance psychique chez le sujet, ou d’un retentissement sur le plan social, professionnel, ou dans tout autre domaine important, pour le sujet ou pour autrui .

La CIM-10 [12] et le DSM-V [11] recensent et dรฉfinissent huit paraphilies spรฉcifiques principales :
โ— Lโ€™exhibitionnisme, qui consiste ร  exposer ses parties gรฉnitales ร  d’autres personnes ou ร  agir sexuellement en public.
โ— Le voyeurisme, qui implique le fait d’observer une personne nue, en train de se dรฉshabiller ou en train d’avoir un rapport sexuel.
โ— Le frotteurisme, qui dรฉsigne l’acte de toucher ou de se frotter contre une personne non consentante.
โ— Le masochisme, qui implique des actes sexuels (rรฉels) dans lequel le sujet est humiliรฉ, battu, attachรฉ, ou livrรฉ ร  la souffrance par d’autres moyens.
โ— Le fรฉtichisme, dรฉfini par l’utilisation d’objets inanimรฉs pour obtenir une excitation sexuelle. Les objets fรฉtiches ne sont alors pas uniquement des instruments utilisรฉs pour le travestissement ou la stimulation sexuelle.
โ— La pรฉdophilie, qui se caractรฉrise par une prรฉfรฉrence sexuelle pour les enfants prรฉpubรจres chez un sujet รขgรฉ de plus de 16 ans. Il convient de spรฉcifier s’il s’agit d’un pรฉdophile exclusif (attirรฉ uniquement par les enfants) ou non, si celui-ci prรฉsente une attirance pour les garรงons, les filles ou les deux sexes, et si le trouble se limite ร  l’inceste.
โ— Le sadisme, dรฉfini par le recours ร  des actes impliquant la souffrance psychologique ou physique dโ€™autrui (y compris son humiliation) pour dรฉclencher une excitation sexuelle chez le sujet.
โ— Le transvestisme-fรฉtichisme, qui se caractรฉrise par la prรฉsence chez un homme hรฉtรฉrosexuel de fantasmes, dรฉsirs ou comportements sexuels impliquant l’utilisation de vรชtements fรฉminins. Il convient par ailleurs de prรฉciser si ce trouble est associรฉ ร  une dysphorie du genre.

D’autres paraphilies, telles que la zoophilie ou la nรฉcrophilie, ne sont pas individualisรฉes et sont classรฉes dans un groupe dรฉnommรฉ โ€œparaphilies non spรฉcifiรฉesโ€. En tout, plus de cinquante paraphilies auraient รฉtรฉ dรฉcrites dans la littรฉrature [13], [14]. Une รฉtude menรฉe par Tesson et al. a estimรฉ ร  19 % les patients sous injonction de soins qui prรฉsentaient une paraphilie rรฉpondant aux critรจres du DSM-IV [15]. La prรฉvalence des paraphilies en population gรฉnรฉrale est trรจs difficile ร  รฉvaluer, mais il semblerait que le voyeurisme et lโ€™exhibitionnisme soient les paraphilies les plus frรฉquentes. Une รฉtude menรฉe en Suรจde en 1996 sur 2 450 hommes รขgรฉs de 18 ร  60 ans a trouvรฉ les rรฉsultats suivants : 3,1 % des sujets ont dรฉclarรฉ au moins un รฉpisode d’exhibitionnisme et 7,7 % ont dรฉclarรฉ avoir dรฉjร  รฉtรฉ excitรฉ en observant une autre personne avoir un rapport sexuel .

L’รขge de dรฉbut des troubles se situe le plus souvent ร  l’adolescence ou autour de 18 ans : 13,6 ans pour le transvestisme-fรฉtichisme, 17,4 ans pour le voyeurisme et 21,1 ans pour les cas de pรฉdophilie hรฉtรฉrosexuelle non incestueuse [17]. ร€ l’exception du masochisme, les paraphilies touchent les hommes de maniรจre quasi exclusive. Les sujets atteints de paraphilie prรฉsentent souvent plusieurs types de dรฉviances sexuelles associรฉes [18], [19]. L’รฉtude de Hall et Hall en 2007 retrouve par exemple une proportion de 50 ร  70 % de pรฉdophiles prรฉsentant au moins une autre paraphilie .

Il existe cependant une diffรฉrence notable entre les chiffres issus des รฉtudes mรฉdicales et judiciaires. En effet, les dรฉfinitions du DSM-V ou de la CIM-10 sont basรฉes sur des pensรฉes, sans nรฉcessitรฉ de passage ร  lโ€™acte. ร€ lโ€™opposรฉ, les statistiques judiciaires sโ€™intรฉressent essentiellement aux actes, sans nรฉcessitรฉ de critรจre mรฉdical associรฉ. Cette divergence de point de vue explique en partie la variabilitรฉ des statistiques autour des auteurs de violences sexuelles.

Pathologies psychiatriques caractรฉrisรฉesย 

En 2008, l’รฉtude de Senon a estimรฉ la prรฉvalence de pathologies psychiatriques caractรฉrisรฉes dans la population des auteurs d’agressions sexuelles entre 1 % et 5 %. Cette รฉtude incluait la recherche d’un รฉpisode dรฉpressif majeur, d’un trouble anxieux, d’un trouble bipolaire et ou d’une schizophrรฉnie .

Des rรฉsultats un peu plus รฉlevรฉs ont รฉtรฉ mis en รฉvidence par la revue de la littรฉrature de Marshall en 2006, qui a estimรฉ la prรฉvalence des troubles psychotiques entre 1,7 % et 16 % chez des patients prรฉsentant au moins une paraphilie [22]. Une รฉtude menรฉe en 2009 sur 72 hommes dรฉtenus en Maison d’Arrรชt pour agression sexuelle a retrouvรฉ des chiffres comparables avec une prรฉvalence d’รฉpisodes psychotiques sur la vie entiรจre de 8,3% [23]. Dans un faible nombre de cas, la paraphilie peut รชtre โ€œsecondaireโ€ ร  la schizophrรฉnie et disparaรฎt (ou est significativement rรฉduite) lorsque cette derniรจre fait lโ€™objet dโ€™un traitement efficace. Cependant, dans une grande majoritรฉ des cas, il n’y a pas de lien entre psychose et paraphilie, et cette derniรจre nรฉcessite d’รชtre traitรฉe indรฉpendamment [24]. Les donnรฉes estimant la prรฉvalence d’un รฉpisode dรฉpressif majeur sont extrรชmement variables d’une รฉtude ร  l’autre, allant de 3 % ร  95 % [25]. L’รฉtude de Raymond a par exemple retrouvรฉ, au sein d’un รฉchantillon de 45 pรฉdophiles, une proportion de 20 % de patients prรฉsentant un รฉpisode dรฉpressif majeur [25]. Les rรฉsultats de McElroy mettent en รฉvidence des chiffres plus รฉlevรฉs avec 61 % de patients prรฉsentant un รฉpisode dรฉpressif majeur dont 36 % s’intรฉgrant dans le cadre d’un trouble bipolaire [26]. L’รฉtude de Kafka et Hennen en 2002 a quant ร  elle retrouvรฉ le chiffre de 39,1 % parmi un รฉchantillon de 120 sujets prรฉsentant une paraphilieย  .

Diffรฉrentes รฉtudes ont mis en รฉvidence une prรฉvalence importante des comorbiditรฉs addictives parmi les auteurs de violences sexuelles ou chez les patients prรฉsentant une paraphilie. L’รฉtude de McElroy en 1999 a par exemple retrouvรฉ un abus de substances psychoactives chez 83 % des sujets รฉtudiรฉs [21] ; l’รฉtude de Harsch avance quant ร  elle le chiffre de 60,8 % [28] et l’รฉtude de Kafka en 2002 a mis en รฉvidence une prรฉvalence des troubles addictifs de 40,8 %. L’alcool est la substance la plus souvent retrouvรฉe (30 % des sujets). 19,1 % des sujets prรฉsentaient une polytoxicomanie .

Enfin, les troubles anxieux sont particuliรจrement frรฉquents chez les auteurs de violences sexuelles comme chez les patients prรฉsentant une authentique paraphilie. L’รฉtude de Raymond en 1999, rรฉalisรฉe auprรจs de 45 patients pรฉdophiles auteurs de violences sexuelles, a estimรฉ ร  53,3% la prรฉvalence des troubles anxieux. Parmi ceux-ci, la phobie sociale รฉtait le trouble le plus reprรฉsentรฉ (31,1 %) [25]. L’รฉtude de McElroy retrouve un chiffre un peu plus faible (36,6 %) concernant les troubles anxieux .

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Table des matiรจres

INTRODUCTION
PARTIE I : DONNร‰ES ACTUELLES SUR LA PRISE EN CHARGE THร‰RAPEUTIQUE DES AUTEURS DE VIOLENCES SEXUELLES
I. Les auteurs de violences sexuelles
A. Chiffres-clรฉs concernant les violences sexuelles
B. Troubles psychiatriques chez les auteurs de violences sexuelles
i. Paraphilies
ii. Pathologies psychiatriques caractรฉrisรฉes
iii. Dรฉficience mentale
iv. Troubles de la personnalitรฉ dรฉcrits
C. Cadre juridique
i. Soins libres et incitation aux soins en dรฉtention
ii. Obligation de soins et injonction de soins en ambulatoire
D. Rรฉcidive et facteurs de risque
i. Facteurs de risque statiques
ii. Facteurs de risque dynamiques stables
iii. Facteurs de risque dynamiques aigus
E. Outils d’รฉvaluation expรฉrimentรฉs autour des auteurs de violences sexuelles
II.Prise en charge non mรฉdicamenteuse des auteurs de violences sexuelles
A. Prise en charge psychothรฉrapeutique
B. Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR)
III. Moyens thรฉrapeutiques pharmacologiques
A. Synthรจse, rรฉgulation et mรฉtabolisme de la testostรฉrone chez l’homme
B. Les inhibiteurs sรฉlectifs de la recapture de la sรฉrotonine
C. L’acรฉtate de cyprotรฉrone
i. Mรฉcanismes d’action
ii. Efficacitรฉ
iii. Effets indรฉsirables et contre-indications
D. Les agonistes de la GnRH
i. Mรฉcanismes d’action
ii. Efficacitรฉ
iii. Effets indรฉsirables et contre-indications
E. Reprรฉsentation schรฉmatique
F. Bilan biologique initial minimal et surveillance biologique
IV. Stratรฉgie thรฉrapeutique
A. Dรฉlai d’action et durรฉe de prescription
B. Stratรฉgie thรฉrapeutique
PARTIE II : CRร‰ATION DE L’OUTIL
I. Modalitรฉs de crรฉation du questionnaire
A. ร‰laboration de l’outil
B. Population visรฉe par l’outil
II. Prรฉsentation du questionnaire
A. Premiรจre partie : informations autour du patient
i. Donnรฉes biographiques et mรฉdicales
ii. Donnรฉes judiciaires
iii. Nature des actes / des pensรฉes
iv. Score FDCS au temps zรฉro
B. Deuxiรจme partie : questionnaire patient
i. Perception de l’acte
ii. Investigation de la personnalitรฉ
iii. ร‰lรฉments de vie relationnelle
iv. Vรฉcu / reprรฉsentation de la maladie et du traitement androgรจne
C. Troisiรจme partie : vรฉcu de l’investigateur
III.Grille de cotation et arbre dรฉcisionnel
A. Score individuel
B. Score FDCS initial
C. Score dynamique
D. Grille de cotation
E. Arbre dรฉcisionnel
IV. Modalitรฉs de passation du questionnaire et design du suivi
A. Au temps zรฉro
B. Suivi des patients
PARTIE III : DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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