Troubles du comportement dans la Maladie d’Alzheimer
Les Fonctions Exรฉcutives & la Maladie d’Alzheimer
Proposรฉe par Lezak (1982), la notion de fonctions exรฉcutives dรฉfinit un ensemble de processus permettant aux individus de s’adapter aux situations nouvelles nรฉcessitant des processus de contrรดle. Le concept de fonctions exรฉcutives remonte ร la thรฉorisation de Luria (1966) sur les lobes frontaux. Cette approche spรฉcifie que les lobes frontaux ont comme fonction la programmation, la rรฉgulation et la vรฉrification des activitรฉs en rรฉponses aux stimuli internes et externes (Burgess & Shallice, 1991). Cette notion de contrรดle et de rรฉgulation de l’activitรฉ est รฉgalement prรฉsente dans le modรจle de Norman et Shallice (1980).
Il s’agit ici du Systรจme Attentionnel Superviseur qui intervient en situation non routiniรจre et qui a comme rรดle la mise en oeuvre d’un programme de pensรฉe et/ou d’action. Plus rรฉcemment, Allain et ses collaborateurs (2013) dรฉfinissent les fonctions exรฉcutives comme des ยซ processus de haut niveau permettant une รฉvolution souple de la pensรฉe et du comportement en rรฉponse ร une modification du contexte cognitif ou environnemental. ยป. Il existe un consensus pour considรฉrer que les fonctions exรฉcutives, ne sont pas un processus unitaire mais qu’elles recouvrent un ensemble de composantes (Bherer et al., 2004, Chan et al., 2008, Marshall et al., 2011).
Les fonctions exรฉcutives renvoient ร deux grands aspects : cognitif et affectif. L’aspect cognitif, รฉgalement appelรฉ versant ยซ cold ยป, couvre des processus relativement logiques sans implication รฉmotionnelle. L’aspect affectif, รฉgalement appelรฉ versant ยซ hot ยป, engage des processus impliquant les รฉmotions dans une prise de dรฉcision ou dans la rรฉgulation de son propre comportement social (Chan et al., 2008). Les fonctions exรฉcutives ont fait l’objet de nombreuses modรฉlisations. En 1980, Norman et Shallice exposent leur modรจle du contrรดle attentionnel. Cette approche naรฎt sous l’influence des travaux de Luria sur les lobes frontaux et sur les recherches concernant l’intelligence artificielle.
Ce modรจle comprend trois composantes: les schรฉmas qui sont des unitรฉs de connaissances contrรดlant des sรฉquences d’action ou de pensรฉe sur-apprises, le gestionnaire de conflit qui assure la coordination des schรฉmas et le systรจme attentionnel de supervision qui intervient en situation non-routiniรจre en รฉlaborant des stratรฉgies et en planifiant des actions. L’idรฉe principale de ce modรจle est un rehaussement du contrรดle attentionnel en inhibant ou activant des schรฉmas d’actions et/ou de pensรฉes pour adopter un comportement adaptรฉ.
Baddeley et Hitch (1974, 1986) dรฉveloppent un modรจle sur la mรฉmoire de travail. Selon ces auteurs, la mรฉmoire de travail est un systรจme ร capacitรฉ limitรฉe qui maintient et stocke temporairement des informations requises pour l’accomplissement d’une tรขche cognitive. Cette mรฉmoire est une interface entre la perception, la mรฉmoire ร long terme et l’action. La mรฉmoire de travail serait sous-tendue par trois composantes en interaction : le calepin visuo-spatial permettant le stockage temporaire des informations visuo-spatiales, la boucle phonologique permettant le stockage temporaire des informations verbales et l’administrateur central qui est le systรจme de contrรดle attentionnel. En 1986, Baddeley mentionne une analogie fonctionnelle entre l’administrateur central, gestionnaire des ressources de la mรฉmoire de travail et le systรจme de supervision attentionnelle de Norman et Shallice (1980).
Ces deux approches prennent en compte l’aspect du contrรดle attentionnel et de la gestion des ressources mis en jeu dans les fonctions exรฉcutives, cependant, elles ne considรจrent pas leur systรจme exรฉcutif central (systรจme supervision attentionnelle et administrateur central) comme des modules fractionnรฉs. Rรฉcemment des รฉtudes ont รฉtรฉ menรฉes (Myakรฉ et al., 2000) pour tenter de dรฉmontrer que les fonctions exรฉcutives seraient sous-tendues par une multiplicitรฉ de processus et non pas par un mรฉcanisme unitaire.
Le groupe de Myakรฉ a tentรฉ d’isoler trois types de fonctions exรฉcutives qui sont la flexibilitรฉ mentale, la mise ร jour d’information et l’inhibition de rรฉponse dominante. L’analyse des facteurs permet de montrer qu’il existe des corrรฉlations modรฉrรฉes entre eux, ce qui peut faire รฉvoquer l’idรฉe d’un facteur commun aux trois processus. Pour autant, cette รฉtude montre qu’ils sont clairement sรฉparables. Les fonctions exรฉcutives ne reprรฉsenteraient donc pas un processus unitaire mais bien un ensemble de facteurs diffรฉrents. Miyakรฉ et ses collaborateurs (2000) รฉmettent deux hypothรจses concernant la nature du facteur commun ร ces trois processus. L’une qui propose que ces fonctions sont toutes reliรฉes aux capacitรฉs de contrรดle attentionnel, 2.2) Fonction de l’inhibition cognitive L’inhibition, comme nous l’avons vu prรฉcรฉdemment, est donc prรฉsentรฉe comme une composante principale des fonctions exรฉcutives (Miyakรฉ et al., 2000, Meulemans et al., 2008).
Le terme d’inhibition vient du latin inhibire qui signifie l’arrรชt d’un objet en mouvement (Fournet et al., 2007). Elle est dรฉfinie comme un processus permettant la suppression de contenus cognitifs rรฉcemment activรฉs, la compensation des actions non pertinentes et la rรฉsistance aux interfรฉrences provoquรฉes par des stimuli distracteurs (Amieva et al., 2004). De faรงon plus gรฉnรฉrale, l’inhibition est la capacitรฉ ร limiter l’activation ร l’information la plus pertinente pour atteindre l’objectif (Lustig et al., 2007). Selon Charlot et Feyereisen (2005), ce processus peut porter sur des sources de distraction provenant de l’environnement, sur des รฉlรฉments intrusifs en mรฉmoire ou sur des rรฉponses motrices.
L’inhibition est souvent confondue avec le terme d’interfรฉrence.
Une distinction est donc nรฉcessaire ร รฉtablir entre ces deux expressions. L’interfรฉrence concerne l’effet nรฉgatif que produit un รฉlรฉment perturbateur par comparaison ร un contexte non perturbateur (Charlot et al., 2005). Selon Dempster & Corkill (1999), l’interfรฉrence correspond ร un traitement cognitif en situation de concurrence entre stimuli, processus ou rรฉponses, sans qu’il n’en comporte nรฉcessairement la suppression des contenus cognitifs. L’inhibition correspond au traitement cognitif qui nรฉcessitera, par la suite, la suppression des รฉlรฉments non pertinents (Harnishfeger & Bjorklund, 1994). Des corrรฉlations nรฉgatives significatives ont รฉtรฉ observรฉes entre les tรขches รฉvaluant ces deux processus (Amieva et al., 2004). Depuis Luria (Amieva et al., 2004), les auteurs semblent s’accorder sur le fait que l’inhibition joue un rรดle dans la cognition (Amieva et al., 2002, Fournet et al., 2007, Stawarczyk et al., 2010).
Conception Lustig, Hasher & Zacks (2007)
Ces auteurs extraient trois fonctions principales : accรจs, suppression et blocage. Ces trois composantes de l’inhibition sont semblables ร la proposition d’Hasher et collaborateurs (1999). La fonction d’accรจs est le contrรดle de l’entrรฉe des informations en mรฉmoire de travail par focalisation de l’attention, la fonction de suppression permet d’abroger les informations devenues non pertinentes dans le milieu attentionnel et de la mรฉmoire de travail, enfin la troisiรจme fonction de blocage permet la suppression des rรฉactions prรฉpondรฉrantes.
En ce qui concerne l’รฉvaluation neuropsychologique de ces fonctions, les chercheurs ont utilisรฉ la tรขche de lecture avec distracteurs (Connelly et al., 1991) pour la fonction d’accรจs. Pour รฉvaluer la fonction de suppression, les auteurs ont utilisรฉs une tรขche d’oubli dirigรฉ (Charlot et al., 2005). La fonction de blocage a รฉtรฉ expertisรฉe via la tรขche de Hayling (Charlot et al., 2005). Selon certains auteurs (Charlot et al., 2005), ces trois fonctions sont affectรฉes au cours du vieillissement. Ces donnรฉes restent ร confirmer puisque les รฉtudes n’ont pas รฉtรฉ effectuรฉes sur les mรชmes groupes d’individus, ceci pouvant introduire un biais dans l’interprรฉtation des rรฉsultats. Selon Lustig et collaborateurs (2007), l’interdรฉpendance de ces trois fonctionnalitรฉs composant l’inhibition reste ร รฉtablir de faรงon empirique. En effet, une grande majoritรฉ des รฉtudes sur l’inhibition se focalise sur l’รฉvaluation de la fonction de blocage sans prendre en compte les deux autres (accรจs et suppression).
Des รฉtudes ont รฉtรฉ effectuรฉes dans le domaine de la neuroimagerie. La majoritรฉ d’entre elles montre l’activation d’un rรฉseau cรฉrรฉbral commun lorsque le sujet effectue diffรฉrentes tรขches d’inhibition (Lustig et al., 2003, Sylvester et al., 2003). Ce rรฉseau commun comprend le cortex prรฉfrontal dorsolatรฉral, le cortex pariรฉtal postรฉrieur et antรฉrieur. Par ailleurs, Sylvester et collaborateurs (2003) montrent des activations cรฉrรฉbrales supplรฉmentaires au rรฉseau d’activation commun qui diffรจrent selon les tรขches d’inhibition proposรฉes. Ils dรฉmontrent que dans une tรขche d’inhibition mettant en jeu la fonction de suppression, il y a une activation supplรฉmentaire du cortex pariรฉtal gauche et du cortex prรฉfrontal gauche. Alors qu’avec une tรขche d’inhibition mettant en jeu la fonction de blocage, il y a une activation supplรฉmentaire des rรฉgions sous-corticales et du cortex frontal orbitaire (polaire). Cette รฉtude montre que l’inhibition est composรฉe de plusieurs fonctionnalitรฉs qui sont sous-tendues par un rรฉseau cรฉrรฉbral commun mais aussi par des rรฉgions cรฉrรฉbrales diffรฉrentes.
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Table des matiรจres
- I) INTRODUCTION
II) PARTIE THEORIQUE
2.1) Fonctions exรฉcutives et Maladie d’Alzheimer
2.2) Fonctions de l’inhibition cognitive
2.3) Conception Lustig, Hasher et Zacks
2.4) Inhibition cognitive et Maladie d’Alzheimer
2.5) Trouble du comportement et Maladie d’Alzheimer
III) PROBLEMATIQUE
IV) OBJECTIF & HYPOTHESES
4.1) Capacitรฉ d’inhibition cognitive
4.2) Capacitรฉ d’inhibition comportementale
V) METHODOLOGIE
5.1) Population
5.2) Matรฉriel et procรฉdure
5.2.1) Tests prรฉalables
5.2.2) Protocole expรฉrimental
VI) RESULTATS
6.1) Caractรฉristiques de la population
6.2) Analyse des rรฉsultats aux รฉpreuves d’inhibition
6.3) Analyse des rรฉsultats ร l’รฉchelle comportementale d’inhibition (BRIEF-
6.4) Analyses corrรฉlationnelles
6.5) Analyse de profils
6.6) Analyse complรฉmentaire
VII) DISCUSSION
VIII) CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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