Trois secteurs d’enseignement du français complémentaires : FLE FLS FLM
Enseignement du FLE (Français Langue Etrangère)
Le FLE est désigné comme une langue qui apparaît étrangère aux yeux de l’apprenant. Par extension, la didactique du FLE est une discipline qui vise l’enseignement du français à des étrangers. Pour être opératoire, cette notion doit permettre de désigner le degré d’étrangeté de la langue cible pour un individu. Il semble que cette appréciation ne peut être qu’évolutive dans le cadre d’un apprentissage. Ainsi, la première élaboration méthodologique (Un niveau Seuil) a été influencée par les caractéristiques d’un public d’adultes migrants confrontés à des problèmes de communication. La désignation FLE se pose moins comme une difficulté de définition que de délimitation. Les didacticiens s’accordent à penser que le français est langue étrangère, lorsque la langue s’acquiert tardivement, au sens où elle n’est pas apprise en bain linguistique dès l’enfance. Le FLE s’oppose alors au Français Langue Maternelle (FLM) acquis dès l’enfance et, nous le verrons ultérieurement, au Français Langue Seconde (FLS), notion plus difficile à cerner. Les représentants de la discipline considèrent que seules les personnes scolarisées dans leur pays d’origine (sans préciser jusqu’à quel niveau) relèvent du FLE. Les référentiels destinés aux enseignants FLE n’intègrent absolument pas l’existence d’un niveau inférieur au niveau A1 du cadre Commun Européen Commun de Référence (CECR). Pour Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca , le français est de façon évidente une langue étrangère pour ceux qui se l’approprient autrement que de façon native. Par conséquent, tous les étrangers non francophones relèvent potentiellement du FLE. Cette conception pourrait permettre d’aborder dans le cadre de la didactique du FLE, la question des publics non francophones et non scolarisés. La question de la désignation exacte de ce que représente le français en tant que langue étrangère se complique lorsque l’on envisage la situation de personnes qui résident sur le sol français depuis plusieurs années. On parle alors de FLS (Français Langue Seconde) ou « FLSH » (Français Langue Seconde Hôte) sans trop préciser s’il s’agit réellement d’une langue étrangère ou d’une deuxième langue.
On admet généralement que la délimitation entre le FLE et le FLS passe par le statut de la langue dans le pays où elle est enseignée et par l’utilisation que peuvent en faire les apprenants. Dans le cadre de l’alphabétisation en France, nombreux sont les apprenants, issus de l’immigration, qui ont pour origine un pays dont le français est la langue officielle ou la langue d’enseignement. Dans ce cas, ils relèvent d’un enseignement particulier du français puisqu’ils ont, au préalable, des connaissances de la langue orale, même s’ils n’ont pas été scolarisés. Ces apprenants (« Alpha-FLS») n’auront, bien sûr, pas la même approche de la langue que ceux qui sont issus de pays non francophones et qui relèvent du FLE proprement dit. La didactique du FLE, telle qu’elle est apparue au lendemain de la seconde guerre mondiale, s’inscrit dans l’internationalisation des échanges. Les apprenants étrangers des centres de FLE dans les universités, par exemple, sont le plus souvent de jeunes adultes étudiants dont certains d’entre eux participent à des échanges linguistiques à l’Université (cf. ERASMUS). Les apprenants clairement reconnus comme relevant du FLE dans les organismes de formation à visée insertion, sont également de jeunes adultes, scolarisés dans leur pays d’origine (le plus souvent au niveau secondaire) mais qui, eux, souhaitent s’installer en France.
Enseignement du FLS (Français Langue Seconde)
Le FLS est apparu dans les années 80 pour répondre à l’inadaptation des méthodologies de FLE ou de FLM pour des publics scolaires étrangers ayant besoin d’apprendre le français comme langue de communication, mais aussi de scolarisation (cf. Chantal Forestal. ). Les notions de FLM/FLE/FLS évoluent constamment. Ainsi, Maurice Druon en 1987, dans un entretien accordé à la revue l’Express, expose sa conception quant à la délimitation des divers degrés d’emploi du français. Il utilise un schéma de présentation sous la forme de trois cercles concentriques. Il présente la sphère synthétique suivante : le cercle intérieur représente le français langue maternelle en France métropolitaine, mais aussi en Suisse Romande ou au Québec. Le cercle médian inclus le FLS, il n’est la langue maternelle que d’une partie de la population. Enfin, le cercle extérieur inclut les pays qui n’ont pas eu de relation coloniale avec la France et où le français est considéré comme une langue étrangère (FLE). Eddy Roulet9, quant à lui, constate qu’en Suisse, on utilise deux termes différents selon les pays, Langue Etrangère dans un pays essentiellement monolingue comme la France, Langue Seconde dans les pays officiellement multilingues comme la Suisse et le Canada. Cette conception change avec les modifications contextuelles. Ainsi, en 1991, Jean Pierre Cuq estime que le français est considéré comme une langue seconde partout où il est langue officielle et utilisé dans l’administration, au Parlement ou à la justice (statut de bilinguisme). Il y aurait alors deux types d’apprenants qui ne feraient pas partie du champ du FLS. Les premiers seraient ceux qui apprennent le français à titre individuel dans des pays non francophones et les seconds, ceux (les migrants) qui apprennent le français en vue d’une intégration dans une communauté de FLM où ils résident. Or en 2003, le dictionnaire qu’il publie précise que l’on évoque également la notion de FLS pour les adultes migrants s’installant en France et pris en charge par divers organismes de formation pour adultes. Ceci n’est pas nécessairement contradictoire et renvoie à l’idée que certains migrants viennent de la sphère de la francophonie. La question de la désignation des publics s’est également posée lors d’un séminaire organisé à Lille les 22 et 23 janvier 2002. Ce séminaire, auquel nous avons participé, concernait la problématique de l’apprentissage de la langue du pays d’accueil par les migrants, pour l’émergence d’un droit . Anne Vicher, (directrice d’Ecrimed, et chargée de cours à l’Université de Paris III) constate alors qu’il existe une floraison de termes concernant l’enseignement de la langue. Elle s’interroge sur le fait que l’on ne sait plus, à l’heure actuelle, à quelle catégorie appartiennent les publics. Pour elle, la notion de FLE ne peut pas satisfaire tout le monde puisqu’elle concerne un public qui se trouve principalement à l’étranger. C’est la raison pour laquelle, elle estime qu’il faut accepter la notion de FLS pour un public en situation de contact avec les natifs de cette langue. Or, elle fait remarquer que l’Education Nationale use du vocable FLS spécifiquement pour les enfants de migrants (qui représentent environ 8% des effectifs scolaires).
Nous pouvons faire remarquer que cette extension peut présenter un intérêt pour aborder la didactique différemment. Notons toutefois que, par extension, il n’y aurait de FLE qu’à l’étranger. A l’heure actuelle, l’appellation FLS n’est pas encore réellement reconnue pour ces publics adultes, même si de plus en plus de chercheurs dirigent leur argumentaire dans ce sens. La « secondarisation » est un processus qui touche certaines langues lorsqu’elles prennent des positions sociopolitiques dominantes. D’un point de vue psychologique et politique, il faut considérer qu’en Afrique, par exemple, le français n’est pas perçu de façon neutre, puisque c’est la langue du « colonisateur ». En Afrique du Nord, le marocain Ahmed Akouaou propose qu’un choix clair soit fait entre les différents statuts possibles du français dans un parcours entre première langue obligatoire et langue étrangère à statut privilégié ou langue d’enseignement. Il propose l’expression suivante : “ langue de la compétition sociale et de l’intégration symbolique ou langue véhiculaire ”. Le choix d’une terminologie charrie ainsi nombre de présupposés idéologiques.
Enseignement du FLM (Français Langue Maternelle)
La didactique du FLM est une discipline spécifique qui répond directement aux besoins des élèves du système scolaire français. Les liens entre la didactique des langues étrangères, la DLC, la discipline FLE ou FLS et la didactique du FLM sont nombreux. Chacune traite de la meilleur manière d’enseigner/apprendre la langue. La formation de base a souvent su puiser dans les apports des Sciences de l’éducation et du FLM pour répondre aux multiples besoins des publics qu’elle reçoit. L’enseignement de la langue est nécessairement transdisciplinaire. En témoigne la revue Etudes de Linguistique Appliquée, revue de DLC, qui consacre un numéro aux approches du Français Langue Maternelle . Gérard Vigner précise dans la présentation de ce numéro que la dénomination FLM est assez récente pour nommer un enseignement ancien. Cette désignation résulte en grande partie du regard porté par les spécialistes du FLE qui ont souhaité distinguer leur domaine d’intervention. Le Français Langue Maternelle (FLM) est à la fois un objet d’apprentissage et un vecteur d’apprentissage d’autres savoirs ; nous avons rencontré de nombreux enseignants du secondaire se plaignant de ne pas pouvoir transmettre leur savoir du fait d’un barrage de langue pour certains élèves. Ces professeurs de géographie ou de mathématique regrettent de ne pas avoir été formés à la prise en charge spécifique d’élèves non francophones. Le français est une langue multiple selon le lieu où elle est parlée. La langue scolaire se pose dans un registre particulier et ressemble peu à la langue utilisée dans certains quartiers ou dans certaines régions. La francophonie comporte aussi des nuances (selon qu’il s’agit de l’Afrique ou du Québec) non seulement dans l’accent, mais également dans le vocabulaire et la syntaxe. La didactique du français langue maternelle, en France, concerne principalement la langue scolaire mais aussi, peutêtre, sans qu’il y soit suffisamment fait allusion, la langue sociale pour les publics adultes dits illettrés. De fait, le FLM permet la désignation d’une pratique d’enseignement sans que l’on puisse clairement définir s’il s’agit de la langue liée à la mère ou au pays qui nous a vu naître.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I. Définition Notionnelle des différents CHAMPS : points communs entre disciplines d’enseignement et concepts socio-politiques
1. Trois secteurs d’enseignement du français complémentaires : FLE FLS FLM
1.1. Enseignement du FLE (Français Langue Etrangère)
1.2. Enseignement du FLS (Français Langue Seconde)
1.3. Enseignement du FLM (Français Langue Maternelle)
2. Un secteur négligé en FLE : la formation à visée insertion et intégration
2.1. Assimilation, intégration et/ou insertion : des concepts liés à la formation de base
2.2. Alphabétisation et lutte contre l’illettrisme (intégration et/ou insertion sociale)
Chapitre II. Contexte de la formation linguistique à visée insertion-intégration
1. Données historiques, sociopolitiques et économiques des situations
1.1. Origine de la mise en place d’une formation de base
1.2. Sociopolitique actuelle de la formation de base
2. Organisation institutionnelle de la formation de base
2.1. Financements et co-financements des organismes de formation
2.2. Les organismes et leurs partenaires
2.3. Les dispositifs de la formation linguistique de base
2.4. Cadre organisationnel des actions
2.5. Précisions sur les contenus visés
Chapitre III. Diversité des publics dans l’Enseignement/apprentissage du français
1. Portrait des publics adultes reçus en formation de base
2. Profils didactiques des publics reçus en formation
2.1. Public relevant de la lutte contre l’illettrisme
2.2. Public relevant du FLE et/ou de l’alphabétisation
2.3. Public relevant du FLS et/ou de l’alphabétisation
3. Analyse critique des modes de classification des publics
Chapitre IV. La question particulière des enseignants/formateurs dans la formation de base
1. Formateur dans le secteur social, un métier évolutif
1.1. Du bénévolat à la professionnalisation
1.2. Profils actuels des formateurs du secteur social
1.3. Les compétences nécessaires à l’exercice du métier
1.4. Les besoins exprimés par les formateurs
1.5. Formateur : une contractualisation précaire
1.6. Quelques facettes du métier d’enseignant de FLE et les conditions de travail
2. L’offre de formation à destination des enseignants formateurs
2.1. Evolution des contenus des formation de formateurs
2.2. Évolution de la discipline FLE dans l’organisation de ses diplômes
2.3. Quelques diplômes de la formation continue pour enseigner le français en formation de base
CONCLUSION