La synthèse des recherches réalisées par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation Nationale présente les performances des élèves de CM2 en les répartissant en six groupes dont la composition est fortement corrélée à leur appartenance sociale. À la fin de la scolarité primaire, 40 % des élèves (groupes 0, 1 et 2), montrent des performances médiocres en lecture. Par ailleurs, Jean-Michel Blanquer (à l’époque directeur général de l’enseignement scolaire), en 2011, indiquait que les résultats des évaluations nationales faisaient apparaître « une bonne maîtrise de l’identification des mots par les élèves mais que très peu parvenaient à une compréhension fine des textes, à exprimer et à justifier une interprétation. Il concluait : « la lecture d’un texte suivi de questions ne suffit pas».
Les élèves ont en effet tendance à confondre la compréhension et la recherche (le prélèvement) d’informations ciblées dans un texte. Ce phénomène est lié à l’utilisation trop fréquente dans les classes de questionnaires après la découverte d’un texte , ce qui a pour conséquence de limiter les réponses à une expression, ou à un mot précis. Les questions posées par les questionnaires sont souvent les mêmes : qui, quoi, où, quand ? Les élèves parviennent à y répondre en repérant les noms propres, mais ne cernent pas pour autant les relations entre les personnages, les changements de lieu et la chronologie des événements, or c’est en cela que réside la compréhension des textes. Par ailleurs, certains élèves s’adaptent à cette pédagogie et arrivent à se focaliser sur l’endroit où figure la réponse. Ils se dispensent de la lecture du texte en entier .
C’est en réponse à ces constats que Roland Goigoux et Sylvie Cèbe ont conçu un nouvel outil didactique pour soutenir l’action des enseignants dans le domaine de la compréhension (Lectorino et Lectorinette, apprendre à comprendre des textes narratifs). Ce livre a pour finalité, à travers différents modules, d’apprendre aux élèves à comprendre des textes narratifs, de rendre explicite l’enseignement de la compréhension. Il s’agit d’un dispositif de formation continue qui s’efforce d’être le meilleur compromis possible entre la recherche (le « souhaitable ») et les exigences du métier (le « raisonnable »). D’ailleurs, la version actuelle de Lectorino et Lectorinette n’est autre que la troisième, Roland Goigoux et Sylvie Cèbe ayant modifié à deux reprises leur travail en ayant pris en compte les remarques d’enseignants ayant testé les différents modules.
L’ouvrage des deux auteurs s’accorde avec les enjeux mentionnés dans les nouveaux programmes du cycle 2 de 2018 . En effet, ils stipulent que « la compréhension est la finalité de toutes les lectures ». Les élèves sont amenés à identifier les processus à mettre en œuvre et à les travailler de manière explicite.
Professeure des Écoles à l’École Élémentaire Publique Pré Seigneur à Villennes sur Seine (sept classes) dans une classe de CE2 de 24 élèves, j’ai commencé à utiliser Lectorino et Lectorinette de Roland Goigoux et Sylvie Cèbe après les vacances de la Toussaint. Ayant réalisé avec mes élèves le deuxième module du dispositif s’intitulant apprendre à suivre le fil de l’intrigue pour mémoriser et raconter un récit long (module portant sur Le Joueur de flute de Hamelin, d’après Prosper Mérimée), j’ai voulu transposer cette séquence à un album de jeunesse étudié en classe.
Je me suis toujours intéressée aux problématiques liées à l’apprentissage du français (ayant notamment fait une licence en sciences du langage), qu’il s’agisse de l’étude de la langue ou de la compréhension de textes. La lecture est un moyen de s’évader, de s’instruire, de développer son imaginaire, son vocabulaire. Il me semble primordial que les élèves comprennent ce qu’ils lisent. C’est pourquoi j’ai souhaité me baser sur un ouvrage reconnu pour qu’ils puissent « apprendre à comprendre ». J’aimerais par ailleurs que les élèves réinvestissent les stratégies du dispositif pour s’imprégner d’autres ouvrages.
Nous allons tenter de définir ce qu’est une inférence. Michel Fayol évoque des « mises en relation qui ne sont pas explicites ». Jean-Emile Gombert et M. Fayol expliquent que la signification des inférences n’est pas donnée par le texte, elle est construite par le lecteur . Roland Goigoux et Sylvie Cèbe affirment que produire des inférences consiste à tirer des conclusions qui ne sont pas explicitement écrites dans le texte. Cela suppose que le lecteur mette en relation les informations présentes dans le texte (inférences de liaison) et qu’il lie ces dernières avec sa base de connaissances (inférences pragmatiques).
Dans leur article, Fanny De la Haye et d’autres auteurs attirent notre intention sur un point particulier : Michel Fayol et ses collaborateurs constatent que devant un texte d’une quinzaine de lignes, 90 % des élèves sont capables de prélever une information figurant littéralement dans le texte. Dès que le prélèvement direct d’informations ne suffit plus pour répondre, les performances chutent. Ainsi, élaborer des inférences est une opération délicate . Ils ajoutent que, comprendre un texte, c’est bien identifier les informations explicites, mais aussi les liens implicites entre ces informations. Ils mentionnent que Cain, Oakhill, Barnes et Bryant expliquent que les bons « compreneurs » réalisent les inférences. En revanche, ceux qui ne parviennent pas à mettre en place des stratégies inférentielles ont une compréhension affectée.
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Table des matières
Introduction
1. « De la théorie à la pratique… »
1.1. L’importance de l’enseignement de l’implicite
1.1.1. L’implicite / les inférences : définitions
1.1.2. L’importance d’un enseignement explicite de la compréhension et du travail sur l’implicite
1.2. Pourquoi le choix de Baba Yaga ?
1.2.1. Baba Yaga, un album qui répond à des critères de sélection
1.2.2. Baba Yaga, un texte « résistant », selon les critères de Catherine Tauveron
– Baba Yaga, un texte réticent : la difficulté de l’identification de la nature du monde représenté
– Baba Yaga, un texte réticent : le traitement des inférences
– Baba Yaga, un texte réticent : les ellipses
1.2.3. Autres difficultés dans Baba Yaga
1.3. Les compétences mises en jeu chez l’élève dans la compréhension de la lecture, d’après Roland Goigoux et Sylvie Cèbe
1.3.1. Les compétences de décodage
1.3.2. Les compétences lexicales
1.3.3. Les compétences narratives
– Les compétences narratives en réception : apprendre à construire une représentation mentale cohérente
– Les compétences narratives en production : apprendre à raconter
1.3.4. Les compétences inférentielles
2. Analyse du dispositif réalisé en classe
2.1. Présentation du dispositif
2.2. Analyse du dispositif
2.2.1 La lecture à voix haute
2.2.2 Le vocabulaire
2.2.3. Les objectifs d’apprentissage de séance
2.2.4 Hypothèses sur la suite
2.2.5. Retour après anticipation des difficultés de compréhension
Conclusion
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