Transport électronique sous champ magnétique intense dans des gaz d’électrons bidimensionnels

Au cours des dernières décades, l’essor des nanosciences et des nano-technologies a permis d’observer et d’étudier des systèmes de plus en plus petits, aux propriétés physiques et électroniques parfois étonnantes. La réalisation d’un petit objet implique, pour notre sens commun, de réduire au maximum les dimensions d’un objet macroscopique jusqu’à atteindre les limites ultimes, typiquement quelques nanomètres en longueur, largeur et hauteur. C’est ainsi que l’on décrit les « quantum dots », dans lesquels le confinement des fonctions d’onde décrivant les électrons constitue le siège de phénomènes quantiques sans équivalent dans notre monde macroscopique. Il n’est toutefois pas nécessaire de réduire les trois dimensions d’un objet pour observer ces phénomènes spectaculaires : les objets à deux dimensions (2D) possèdent des caractéristiques électroniques propres à la fois inattendues et extraordinaires. En ce sens, l’étude des systèmes électroniques 2D constitue un domaine d’étude à part entière, un terrain de jeu de prédilection pour le physicien. Une étape importante dans la physique des systèmes conducteurs bidimensionnels a été franchie, dans les années 1980, avec la réalisation de gaz d’électron 2D de haute mobilité et la découverte de l’effet Hall quantique. Afin de contraindre le déplacement des électrons selon une direction de l’espace, la fabrication maîtrisée à l’échelle atomique d’hétéro-jonctions semiconductrices fut nécessaire. Elle permit le confinement des électrons à l’interface entre deux semi-conducteurs, créant ainsi un espace exclusivement 2D dans lequel les charges sont susceptibles d’évoluer. Lorsque ces dernières sont, de plus, soumises à un champ magnétique perpendiculaire, leur description semi-classique fait apparaître la présence de canaux de conduction balistiques (absence de diffusion) par les bords de l’échantillon. Au laboratoire, ce régime (dit d’effet Hall quantique) est observé à travers la présence d’une résistance longitudinale nulle, et une résistance de Hall exactement quantifiée à des multiples de h/e2 : il constitue la signature expérimentale indiscutable d’un système électronique bidimensionnel. Les propriétés électroniques remarquables des gaz d’électron 2D ont suscité de nombreuses recherches. Un regain d’intérêt considérable fut observé en 2004 avec la découverte du graphène. Les scientifiques réalisaient alors que les gaz d’électron 2D ne sont pas seulement présents à l’interface entre deux semi conducteurs, mais peuvent aussi se manifester dans un plan atomique d’atomes de carbone. De plus, l’hybridation sp2 des atomes de carbone et la présence d’un réseau cristallin en nid d’abeilles confère aux électrons une dynamique particulière (on parle de fermions de Dirac) à l’origine de propriétés électroniques inédites et différentes de celles observées dans les hétéro-jonctions semionductrices. Les gaz d’électron 2D peuvent aussi apparaître, de manière inattendue, à l’interface entre deux isolants de bande. C’est le cas des composés LaSrTiO3 et LaAlO3 où une accumulation de charges très mobiles est constatée à l’interface lorsque cette dernière est parfaitement maîtrisée (plane) à l’échelle atomique. Actuellement, l’effet Hall quantique n’a toujours pas été observé dans ces systèmes mais il y a fort à parier qu’il ne s’agit que d’une question de temps… Finalement, la physique des gaz d’électron 2D intervient aussi dans la recherche sur les isolants topologiques. Cette nouvelle classe de matériaux est caractérisé par un état isolant dans leurs coeurs, tandis que leurs surfaces sont susceptibles d’héberger des états conducteurs 2D aux propriétés exceptionnelles. Tel qu’indiqué précédemment, l’application d’un champ magnétique perpendiculaire à une surface de l’échantillon permet d’obtenir le régime d’effet Hall quantique caractéristique des systèmes électroniques bidimensionnels. Cependant, d’autres conditions sont requises. En premier lieu, la mobilité des porteurs de charges doit être suffisamment élevée. Celle-ci dépend de la température (en général, plus la température diminue, plus la mobilité est élevée) ainsi que de la qualité (absence de désordre) des échantillons. Par ailleurs, il est toujours préférable de travailler avec de faibles densités de porteurs de charge, surtout lorsque le gaz d’électron n’est pas parfaitement 2D et fait intervenir plusieurs sous-bandes électriques. Lorsque les conditions évoquées ci-dessus ne sont pas satisfaites, d’autres études de magnéto-transport peuvent se substituer à l’effet Hall quantique. Par exemple, l’observation de l’évolution des oscillations de Shubnikov-de Haas (précurseur de l’effet Hall quantique) en fonction de la température ou de l’angle formé entre l’échantillon et le champ magnétique est susceptible d’apporter de précieuses informations. Dans la majorité des cas, l’utilisation d’un champ magnétique intense, associé à de très basses températures, permet d’augmenter considérablement la visibilité des effets recherchés. Il s’agit de la spécialité du Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses, permettant d’accéder à des champs d’intensité supérieure à 90T (soit 1 million de fois le champ magnétique terrestre). C’est dans ce contexte que s’inscrit cette thèse, dédiée à l’étude des propriétés électroniques des gaz d’électrons bidimensionnels par magnetotransport sous champ magnétique intense.

Techniques expérimentales 

Exfoliation mécanique

Certains matériaux, dits lamellaires, sont constitués d’un empilement successif de plans atomiques peu liés les uns aux autres. Tandis que la cohésion des atomes dans le plan est assurée par des liaisons covalentes fortes, les plans atomiques sont maintenus les uns contre les autres via des forces de Van der Waals relativement faibles. Ces matériaux sont donc très friables : à l’échelle atomique, les plans peuvent aisément se séparer les uns des autres sous l’action d’une contrainte mécanique même modeste. Cette propriété peut être exploitée afin d’isoler et d’étudier un seul plan atomique, de manière à confiner les électrons dans un espace à deux dimensions seulement. Parmi les matériaux exfoliables d’intérêts, nous pouvons citer le graphite [Novoselov et al., 2005], le nitrure de bore (BN) [Golberg et al., 2010], les tétradimytes Bi2Te3,Bi2Se3 [Teweldebrhan et al., 2010] ou bien encore les dichalcogénures de métaux de transition du groupe IV (MoS2, MoSe2…) [Mak et al., 2010]. La technique d’exfoliation consiste à peler de très nombreuses fois le matériaux à l’aide d’un ruban adhésif spécial. Une fois cette opération terminée, le ruban adhésif est simplement pressé sur un substrat adapté. Une partie des éléments présents sur le ruban adhésif adhère au substrat qui est alors recouvert d’une myriade de flocons d’épaisseurs diverses. Au microscope optique, la couleur de ces flocons est très sensible à leur épaisseur et il est aisé de repérer les plus fins, c’est-à-dire ceux constitués d’un seul plan atomique .

Substrat Si/SiO2

Les substrats utilisés proviennent d’une plaquette 6 pouces de silicium fortement dopé (n ≈ 10²¹ cm−3) recouvert d’une couche d’oxyde de silicium SiO2 d’épaisseur nominale d=300nm. La couche d’oxyde isolante permet de découpler l’échantillon à mesurer du silicium conducteur, mais également de moduler la densité de porteurs de charge par couplage capacitif en appliquant une tension (dite de grille) entre l’échantillon et la couche de silicium. Dans cette géométrie, l’échantillon ainsi que la couche de silicium dopé peuvent être considérés comme les armatures d’un condensateur plan de capacité C = εSiO2 ε0S/ed dans lequel l’oxyde de silicium joue le rôle de diélectrique. ε0 et εSiO2 représentent respectivement la permittivité diélectrique du vide et la permittivité relative de l’oxyde de silicium (εSiO2=3.9), e est la charge électrique élémentaire tandis que S représente la surface du flocon de graphène.

Dépôt localisé

Contrairement à la technique d’exfoliation classique, où les flocons sont dispersés de manière aléatoire sur le substrat, la méthode dite de dépôt localisé permet de définir exactement la position du dépôt d’un flocon unique. A terme, son enjeu consiste à pouvoir créer des empilements de flocons aux propriétés électroniques particulières. Par exemple, en déposant un flocon de graphène sur un flocon de nitrure de bore (BN) il a été montré que la mobilité du graphène pouvait être améliorée d’un à deux ordres de grandeur [Yankowitz et al., 2014]. En effet, la présence d’impuretés chargées à la surface de l’oxyde de silicium (adatomes, vacances, absorption de particules chargées) ainsi que les divers défauts structuraux de la surface du flocon (plis, déformations) limitent fortement la mobilité électronique du graphène à µ ≈ 10⁴ cm2/Vs [Chen et al., 2008]. Le nitrure de bore est un matériau exfoliable. Il est isolant aussi bien à l’état massif que sous la forme d’une mono-couche atomique (bande interdire ∼ 6 eV). Chaque plan 2D de nitrure de bore est un réseau hexagonal d’atomes B et N dont le paramètre de maille est proche de celui du graphène (1.8% supérieur) [Yankowitz et al., 2014]. De plus, les flocons exfoliés à partir de monocristaux de BN présentent une surface atomiquement plane. Les éventuelles contraintes et déformations que peut subir un flocon de graphène sur un substrat de BN sont donc limitées par rapport à un dépôt sur SiO2 amorphe. Le constante diélectrique élevée de BN permet également un écrantage efficace des impuretés chargées présentes à la surface du SiO2. Le dépôt localisé d’un flocon de graphène sur un autre flocon de BN permet ainsi d’atteindre des mobilités de l’ordre de µ ∼ 10⁶ cm2/Vs et l’observation de phénomènes quantiques nouveaux [Yankowitz et al., 2014].

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Table des matières

1 Introduction
2 Techniques expérimentales
2.1 Exfoliation mécanique
2.2 Substrat Si/SiO2
2.3 Dépôt localisé
2.4 Procédés de salle blanche
2.4.1 Lithographie électronique
2.4.2 Métallisation et gravure
2.5 Production de champ magnétique intense
2.6 Cryogénie
2.6.1 Cryogénie 4He
2.6.2 Cryogénie 3He
2.6.3 Variable Temperature Insert (VTI)
2.7 Transport sous champ magnétique intense
2.7.1 Porte-substrat
2.7.2 Canne de transport
2.7.3 Mesures en champ magnétique intense
3 Hétérointerface conductrice LaAlO3/SrTiO3
3.1 Généralités
3.2 Origine du gaz électronique à l’interface LAO/STO
3.2.1 Origine électrostatique
3.2.2 Mécanismes complémentaires à l’origine du gaz électronique à l’interface
3.2.3 Interfaces (011) et (111)
3.3 Etats électroniques à l’interface LAO/STO
3.3.1 Effets du champ cristallin
3.3.2 Confinement quantique à l’interface
3.3.3 Couplage spin-orbite et distorsion structurelle
3.4 Magnétotransport
3.4.1 Systèmes étudiés
3.4.2 Evolution de la magnétorésistance
3.5 Oscillations quantiques
3.5.1 Modèle de Lifshitz-Kosevitch
3.6 Densité de porteurs associée aux oscillations quantiques
3.6.1 Détermination de la masse effective
3.6.2 Etats électroniques à l’interface
3.6.3 Conclusion
3.7 Oscillations quantiques – série B (avec grille)
3.7.1 Modulation de la densité de porteur par effet de grille
3.7.2 Oscillations de SdH à tension de grille nulle
3.7.3 Modulation de la densité de porteurs
3.8 Conclusion et perspectives
4 Graphene
4.1 Généralités
4.1.1 Le matériau miracle
4.1.2 Méthodes de production
4.2 Structure de bande
4.2.1 Réseau cristallin
4.2.2 Relation de dispersion
4.2.3 Fermions de Dirac
4.2.4 Chiralité
4.2.5 Paramètres de second ordre
4.3 Graphène sous champ magnétique
4.4 Graphène bicouche
4.4.1 Structure de bande
4.4.2 Bicouche en champ magnétique
4.5 Graphène mutlicouche
4.6 Propriétés électroniques d’un film de graphène CVD en champ magnétique intense
4.6.1 Procédés de fabrication
4.6.2 Caractérisations préliminaires
4.6.3 Magnétotransport dans un film de graphène multigrain désordonné
4.6.4 Localisation faible
4.7 Transport dans un film de graphène CVD ultra-désordonné : conduction par saut d’électron à distance variable
4.8 Caractéristiques I(V)-Modèle de Middleton et Wingreen
4.8.1 Magnétotransport
4.9 Conclusion
5 Isolants topologiques
6 Conclusion

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