Transport électronique dépendant en spin dans les métaux
Bases du transport électronique dépendant en spin
Spin et transport diffusif
Modèle de Drude
La propagation électronique dépend principalement des différents processus de diffusion. Ceux-ci peuvent être dus à des interactions électrons-phonons, ou à la présence de défauts dans la structure cristalline, comme des lacunes, dislocations ou impuretés. Dans le modèle de Drude, l’impulsion d’un électron de conduction subit ainsi ponctuellement des évènements de diffusion via un échange de quantité de mouvement.
Mécanismes élémentaires de diffusions
Le régime diffusif peut être dû à plusieurs interactions, notamment avec des phonons , des magnons (dans les matériaux ferromagnétiques) ou des impuretés. Le mécanisme de relaxation d’Elliot Yafet décrit le renversement de spin d’un électron dans les matériaux à faibles couplage spin-orbite.
Au-delà du modèle diffusif par collision ponctuelle, les longueurs caractéristiques du transport, et notamment la longueur de diffusion de spin, peuvent être soumises à d’autres mécanismes de relaxation. Ceci est principalement vrai dans les matériaux à fort couplage spin-orbite où le transport de spin est sujet à des mécanismes de relaxation tel que décrit par D’yakonov– Perel . Au cours de cette thèse la majeure partie des matériaux ne présentent pas (Cu, Al) ou peu (CoFe) de couplages spin-orbite. Certains matériaux tels que Pt ou Ta (étudié lors du Chapitre III) requièrent néanmoins la prise en compte des mécanismes de diffusion supplémentaire dû à de forts couplages spin-orbite. Dans le cadre de notre étude, le transport au sein de l’ensemble des matériaux utilisés sera décrit à l’aide de leurs longueurs effectives de diffusion et de leurs conductivités .
Certains mécanismes de diffusion (tels que les interactions électrons-magnons), engendrent des effets magnétorésistifs qui seront observés au cours de cette thèse. Les contributions de la magnétorésistance anisotrope et magnétorésistance de magnons seront notamment pris en compte lors de l’analyse des mesures réalisées.
Transport électrique dans un matériau ferromagnétique
Dans le cas d’un matériau ferromagnétique, comme les métaux de transition 3d, les électrons d voient leurs spins soumis à un couplage inter-électron . Ce couplage favorise un alignement de leurs spins via l’énergie d’échange Ed-d. Il mène à l’apparition d’une aimantation non-nulle pour une température inférieure à la température de Curie, ce qui correspond à la présence d’une population d’électrons d de spin majoritaire. Ces électrons participent peu au transport électronique, disposant d’une masse effective conséquente. Néanmoins, l’aimantation d’un matériau influe fortement sur le transport électronique. L’influence de celle-ci est présentée au cours de cette sous-sous-section, s’appuyant sur le modèle proposé par N. Mott et exploité par A. Fert et I.A. Campbell en 1967 pour le cas de la magnétorésistance géante.
Présentation du modèle à deux courants
Le caractère ferromagnétique d’un matériau influe fortement sur le transport électronique via l’hybridation des états s et d. Au cours de cette thèse, les électrons participant au transport électronique seront usuellement dénotés comme étant les électrons s. Néanmoins, les états et bandes électroniques participant à la conduction correspondent à des hybridations entre les orbitales s et d . Une conséquence notable de la présence de l’aimantation consiste en l’apparition de deux orientations de spins prédominantes dans les populations d’électrons conducteurs. En effet, comme démontré expérimentalement par I.A. Campbell et al.88 dans le cas du fer, la conduction électronique peut être ramenée à deux canaux de conduction, pour lesquels les électrons disposent d’une orientation de spin colinéaire à l’aimantation. Ainsi le modèle de conduction qui en découle, appelé aujourd’hui modèle de Mott , se base sur l’existence de seules deux populations d’électrons de conduction : les électrons s de spin majoritaires (de spin parallèle à l’aimantation, noté ↑) et minoritaires (de spin antiparallèle à l’aimantation, noté ↓).
Hétérostructures F/N : la méthode des résistances de spin
Au final, une structure composée de différents nanofils ferromagnétiques et non-magnétiques permet, via l’injection de courant, de générer des courants polarisés ainsi que des purs courants de spin, de détecter ces courants, ou d’absorber les courants de spin obtenus. Les tensions détectées par ces méthodes dépendent fortement des aimantations relatives des différentes électrodes ferromagnétiques. Diverses géométries et configurations de mesure peuvent être envisagées, menant à des amplitudes de tension détectée différentes. Afin de déterminer ces amplitudes de manière relativement rapide, W. Savero-Torres et al. ont développé une méthode basée sur l’assimilation de la structure à un réseau de résistances comprenant les propriétés de transport de charge et de spin. Cette méthode s’appuie sur la solution générale des équations de transport de spin, présentée Équation 16, et recherche uniquement les préfacteurs de cette solution à partir des conditions aux limites, par un calcul matriciel. La méthode des résistances de spin est explicitement détaillée en Annexe II, et sera utilisée pour déterminer les signaux de spin attendus dans les limites du transport de spin colinéaire 1D.
Vannes de spin latérales
Vannes de spin latérales en spintronique
Les vannes de spin latérales (VSLs) sont constituées de deux électrodes ferromagnétiques connectées par un nanofil non-magnétique transverse . Ces structures ont joué un rôle majeur dans l’étude du transport de spin au cours des dix dernières années . Les principales mesures de magnétorésistances exploitées sur les VSLs sont les mesures de magnétorésistance géante (GMR) et les mesures dites non-locales . il est possible d’injecter le courant à travers une succession d’éléments ferromagnétique/non-magnétique/ferromagnétique, permettant ainsi de réaliser des mesures de GMR. La mesure de tension est ici partiellement découplée du circuit de courant (il s’agit d’une mesure 4 points) ce qui permet de s’affranchir des résistances d’amenées et des bruits résistifs correspondants, ainsi que de leurs effets de magnétorésistance.
Lorsque l’aimantation de l’électrode servant à l’injection s’inverse, l’AS change elle aussi de signe. De même, lorsque l’aimantation de l’électrode de détection se retourne, la mesure des potentiels électrochimiques des populations de spin up et down est intervertie. Le signal de spin mesuré change donc de signe selon que les deux électrodes ont leurs aimantations parallèles ou antiparallèles .
Les accumulations de spin s’atténuent lors de la diffusion électronique, leur observation nécessitant des structures de dimensions réduites. Les structures multicouches permettent de mesurer des effets magnétorésistifs, mais ces mesures s’accompagnent également des résistances intrinsèques des différents matériaux et de leurs interfaces. Les mesures non locales dans les VSLs sont libres de telles contraintes, faisant d’elles l’un des principaux outils d’étude de l’injection et du transport de spin dans des matériaux non magnétiques. En effet, cette configuration de mesure permet de découpler totalement la boucle de courant et la zone de mesure de tension. Abstraction faite de possibles courants de fuite et d’effets thermoélectriques, le signal obtenu n’est que le produit du transport de spin. De même, les effets magnétorésistifs des électrodes ferromagnétiques, tels que la magnétorésistance anisotrope ou la magnétorésistance de magnons , n’apparaissent pas dans le signal, rendant ce type de mesure libre de toute autre contribution.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I : Transport électronique dépendant en spin dans les métaux
1. Bases du transport électronique dépendant en spin
1.1 Spin et transport diffusif
1.1.1 Modèle de Drude
1.1.2 Mécanismes élémentaires de diffusions
1.1.3 Conduction électrique dans le modèle de Drude
1.2 Transport électrique dans un matériau ferromagnétique
1.2.1 Présentation du modèle à deux courants
1.2.2 Obtention des équations du transport
2. Génération et détection de courants de spin dans des hétérostructures F/N
2.1 Injection d’un courant de spin à l’aide d’un matériau ferromagnétique
2.2 Mesure de magnétorésistance géante
2.3 Génération de purs courants de spin par une interface F/N
2.4 Mesure non-locale
2.5 Hétérostructures F/N : la méthode des résistances de spin
3. Transport de spin non-colinéaire
3.1 Courant de charge et courant de spin
3.2 Conduction au travers d’un matériau ferromagnétique
3.2.1 Description des équations
3.2.2 Profil d’une accumulation de spin générée
4. Conclusion
Chapitre II : Etude des propriétés de transport de spin par des méthodes de mesure non-locale
1. Vannes de spin latérales
1.1 Vannes de spin latérales en spintronique
1.2 Choix du matériau ferromagnétique
1.2.1 Permalloy (NiFe)
1.2.2 Autres candidats
1.2.3 CoFe
2. Méthode expérimentale
2.1 Nanostructures utilisées
2.2 Mesures non-locales
3. Dépendance du signal de spin avec la distance inter-électrode
3.1 Présentation du modèle analytique
3.2 Méthode d’extraction des propriétés de transport
3.2.1 Confrontation du modèle à l’expérience
3.2.2 Vérification par simulation numérique
3.3 Apports et limites de l’étude de la mesure non-locale
3.3.1 Analyse ultérieure des résultats
3.3.2 Paramètres de transport du matériau ferromagnétique
4. Conclusion
Chapitre III : Méthode de caractérisation des matériaux ferromagnétiques et matériaux à fort couplage spin-orbite via les mesures d’absorption de spin
Section I : mesures d’absorption de spin en régime colinéaire
1. Méthode de caractérisation des paramètres de transport de spin
1.1 Méthodes de caractérisation de la longueur de diffusion de spin
1.2 Intérêt de la mesure d’absorption de spin
1.2.1 Présentation de la mesure d’absorption de spin au travers de VSLs
1.2.2 Présentation des nanostructures
1.2.3 Résultats expérimentaux des mesures d’absorption de spin
2. Analyse de l’absorption de spin
2.1 Modèles analytiques
2.2 Détails du modèle utilisé
2.3 Confrontation du modèle aux résultats expérimentaux
2.4 Comparaison avec la littérature
3. Conclusion
Section II : anisotropie de l’absorption de spin d’un matériau ferromagnétique
1. Etudes expérimentales du transport de spin en régime non-colinéaire
2. Absorption de spin transverse dans un nanodisque de CoFe
2.1 Mesures d’absorption sous champ colinéaire
2.2 Mesures d’absorption sous champ non-colinéaire
2.3 Caractérisation de la composante de spin transverse
3. Contributions de l’Effet Hanle
4. Longueur d’absorption transverse
4.1 Détermination de la longueur effective d’absorption transverse
4.2 Interprétation de comparaison a la littérature
5. Conclusion
Chapitre IV : Effet Hanle observé dans des mesures de magnétorésistance géante
1. Magnétorésistance géante
1.1 Mesure conventionnelle de la magnétorésistance géante
1.2 Mesures de GMR sous champ transverse
1.2.1 Détails expérimentaux
1.2.2 Un effet surprenant
2. Effet Hanle
2.1 Mesure conventionnelle de l’effet Hanle dans une vanne de spin latérale
2.2 Description du transport sous l’influence d’un champ transverse
2.3 Observation d’effets Hanle lors de mesures GMR
2.4 Hausse de résistance à fort champ
3. Analyse des signaux obtenus
3.1 Expression analytique du signal de spin
3.2 Contributions additionnelles aux signaux Hanle GMR
3.3 Expression analytique du signal Hanle conventionnel
3.4 Analyse des mesures expérimentales
4. Conclusion
4.1 Conclusion du Chapitre
4.2 Différentes études du transport de spin
Chapitre V : Fortes amplitudes de signal de spin dans des structures latérales en vue de dispositifs fonctionnels
Section I : signal de spin des structures spintroniques
1. Signaux de spin obtenus pour différentes structures clefs de la spintronique
1.1 Développement historique des structures spintroniques et revue des signaux mesurés
1.2 Limitation des structures latérales
2. Comparaison des signaux de GMR
2.1 GMR de 10% obtenue sur une structure latérale
2.2 Répercussion de la miniaturisation sur les amplitudes de signaux
2.3 GMR des structures latérales et des empilements multicouches
Section II : avantages des structures latérales
1. Contrôle de la géométrie de l’espaceur
2. Contrôle des propriétés magnétiques des électrodes et adaptation du circuit
3. Utilisation des différents degrés de liberté du spin dans une structure latérale
4. Conclusion
Chapitre VI : Magnétorésistance d’accumulation de spin SAMR mesurée dans des jonctions tunnel magnétiques
Section I : présentation de la SAMR
1. Magnétorésistances et jonctions tunnel
2. Modèle analytique de la SAMR
2.1 Cas d’un nanopilier F/N
2.2 Cas d’un nanopilier F/B/N
2.3 Cas d’un nanopilier F/B/N/B
3. Comparaison des simulations et du modèle analytique
3.1 Description des simulations
3.2 Analyse des signaux de spin attendus dans différentes géométries
3.3 Les limites du modèle 1D
Section II : mesure expérimentale de la SAMR
1. Description des empilements utilisés
2. Piliers à section circulaire
3. Pilier à section en flèche
Section III : Confrontation des modèles et simulations aux résultats expérimentaux
1. Amplitudes de signal observées
2. Artefacts et effets magnétorésistifs
2.1 Différentes contributions magnétorésistives
2.2 Magnétorésistance tunnel anisotrope
2.2.1 Présentation de la TAMR
2.2.2 TAMR au sein des structures SAMR
3. Perspectives et choix des matériaux
3.1 Seconde campagne de nanofabrication
3.2 SAMR, de forts signaux possibles ?
Conclusion