Observation de particules sub-millimétriques
Au cours des années 1950, l’ingénieur et homme d’affaires Wallace H. Coulter (1913-1998) met au point le compteur qui portera son nom. Cet instrument, breveté en 1953 [4], sert à analyser des objets en solution. Il permet d’observer de très petites particules, comme des cellules humaines par exemple, de manière individuelle. Il se perfectionnera par la suite, et trouvera sa principale application en médecine. En 1960, des scientifiques utilisent déjà le compteur de Coulter de manière automatisée an d’analyser les cellules du sang [5]. Le principe de fonctionnement est présenté sur la figure 1.4. Une solution conductrice immerge deux compartiments reliés par un petit trou. Deux électrodes sont placées de chaque côté. Elles sont reliées à un générateur de tension continue et à un appareil de mesure de l’intensité électrique. On peut ainsi mesurer le courant électrique traversant le petit trou. Ce courant est dû aux ions de la solution conductrice. On étudie ses variations dans le temps. Dans le premier cas, en l’absence de particules, le courant électrique possède une valeur i0, constante. Si une particule, comme une cellule sanguine par exemple, de taille comparable aux dimensions du trou, passe au travers du trou, elle va gêner le passage des ions. Ainsi, durant son passage dans le trou, on observe une chute de l’intensité électrique vers la valeur i1. Une fois la particule passée, le courant reprend sa valeur initiale i0. Comme la chute de courant est directement liée à la particule qui traverse le pore, l’évolution du courant électrique peut être interprétée comme une signature. Les caractéristiques suivantes vont influer sur le signal enregistré : La taille de la particule. Plus la particule est grosse, plus elle va gêner le passage des ions dans le trou, et plus le saut d’intensité, ∆i, sera grand (cf. figure 1.5, cas (a) et (b)). La forme de la particule. Plus la particule est longue, plus elle va gêner longtemps le passage des ions dans le trou, et plus la durée du saut d’intensité, ∆tp, sera longue (cf. figure 1.5, cas (c)). La concentration en particules. Plus les particules sont concentrées, plus les sauts d’intensité sont fréquents, et plus le temps intermédiaire entre deux sauts, ∆ti , aura une moyenne courte (cf. figure 1.6). Bien sûr, d’autres facteurs entrent en jeu, comme par exemple les interactions entre les particules et les parois du trou, et la force motrice des particules. Tout cela complexifie le signal observé.
La translocation en biologie
Le terme « translocation » désigne le passage séquentiel d’une molécule linéaire au travers d’un nanopore, situé au sein d’une membrane séparant deux milieux. En biologie, les macromolécules linéaires présentes dans les cellules sont l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique), l’ARN (Acide RiboNucléique) et les protéines. La translocation de l’ADN n’est pas un processus naturel pour une cellule eucaryote, car cette molécule reste à l’intérieur du noyau. En revanche, certains virus infectent leur cellules cibles par injection d’un brin d’ADN, ceci se fait par translocation. L’ARN messager résulte de la transcription de l’ADN dans le noyau. C’est lui qui communique la séquence génétique au réticulum endoplasmique, situé en dehors du noyau, pour y permettre la synthèse des protéines. Ainsi, l’ARN messager est l’objet d’une translocation à travers la membrane nucléaire. Les protéines, quant à elles, peuvent subir de nombreuses translocations avant d’acquérir leur structure tertiaire. En effet, leur site de destination peut être très éloigné du réticulum endoplasmique, là où la plupart sont synthétisées. Le cas de la mitochondrie est un exemple particulièrement intéressant. Il s’agit d’une organelle gérant les apports énergétiques de la cellule. Elle est située dans le cytoplasme de la cellule. Elle possède son propre ADN, appelé ADN mitochondrial. Pourtant, 99 % des protéines qu’elle possède proviennent du réticulum endoplasmique [19]. Une protéine utilisée dans le lumen de la mitochondrie a donc subi des translocations successives à travers la paroi du réticulum endoplasmique, ainsi qu’à travers des parois externes et internes de la mitochondrie. Le schéma général de la translocation d’une protéine dans une cellule, procaryote ou eucaryote, est schématisé sur la figure 1.9. La protéine est conduite jusqu’à la membrane, où elle se lie à un récepteur. Elles sont transférées à un translocon inséré dans la membrane. Elles sont relâchées soit latéralement dans la membrane, soit complètement à travers la membrane avec l’aide de chaperones situées sur la surface de l’autre côté de la membrane.
Structure secondaire de l’ADN
Ce paragraphe présente des expériences réalisées avec des nanopores sur support silicium avec des tailles de plus en plus grandes, pour étudier différentes conformations de l’ADN. L’équipe de Heng [47] a utilisé des pores de rayon 0,3 à 0,7 nm dans Si3N4, pour y faire passer des brins d’ADN simple et double brin. Par électrophorèse sur gel, il est possible de vérifier si l’ADN introduit d’un côté de la membrane est passé de l’autre côté. La conclusion est la suivante : pour un pore de rayon inférieur à 0,5 nm, l’ADN double brin ne passe pas, alors que l’ADN simple brin peut encore passer à travers. Avec un pore de cette taille, une autre équipe s’est intéressée au dépliement de structures en épingle à cheveux sur des molécules d’ADN simple brin [48]. La figure 1.16 montre les signaux obtenus et les histogrammes de durée de passage correspondants, pour différentes structures de brins d’ADN. Pour la structure en épingle à cheveux, l’auteur interprète les événements courts comme des collisions sur le pore, et les événements longs comme des translocations et dépliements des brins. L’étude se poursuit en faisant varier la longueur du brin, sa séquence, ainsi que la température
Taille et forme des pores
La trace latente correspond à la trace rectiligne de l’ion lourd qui a irradié la cible. La forme et la taille finale du pore est déterminée par l’étape de révélation de la trace. Une attaque asymétrique, comme décrite sur la figure 1.21, donne une forme générale conique. La conicité du pore est directement liée au rapport entre les vitesses d’attaque dans la trace et dans le volume, c’est à-dire dans le polymère non irradié. Une attaque symétrique de trace peut également produire un pore, donnant une géométrie de type biconique, avec une conicité donnée par le même rapport. L’ajout d’un tensio-actif permet d’obtenir des formes modifiées par rapport aux cônes. Y. Apel et son équipe ont notamment créé des nanopores en forme de tête d’obus [67]. La figure 1.22 montre des images MEB de tels pores : (a) et (b), coupes transversales, (c) vue du gros côté, (d) vue du petit côté.
Grand rayon des pores coniques dans le polyimide
Au cours de cette thèse, toutes les traces latentes dans le polyimide ont subi une attaque asymétrique, an d’obtenir des pores coniques avec un faible rayon du côté de la solution de la neutralisation. Ce type de pore est plus apte à la translocation de macromolécules, car il est possible d’obtenir des rayons de l’ordre du nanomètre, contrairement aux pores symétriques où un arrêt rapide de l’attaque pose beaucoup plus de problèmes pratiques. Il est donc souhaitable de caractériser le rayon le plus faible des pores coniques. Cela ne peut se faire par une observation directe au FESEM, ce rayon étant inférieur à la résolution de l’appareil. Mais il est néanmoins possible d’obtenir la valeur du petit rayon par conductimétrie, si celle du grand rayon est connue. C’est donc pour cela que la grande ouverture du pore est observée au FESEM.
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Table des matières
Introduction
1 Historique et état de l’art
1.1 Historique de la détection de molécule unique
1.2 Le nanopore naturel α-hémolysine
1.3 Les nanopores sur support silicium
1.4 Les nanopores à trace attaquée
2 Préparation et caractérisation
2.1 Méthode de l’attaque de traces
2.2 Caractérisation de la géométrie
2.3 Caractérisation de la paroi du pore
3 Transport des ions
3.1 Rectification
3.2 Effets de confinement
3.3 Bruit de conduction électrique
4 Translocation et transport d’objets
4.1 Translocation de la luciféras
4.2 Tentatives de transport
Conclusion générale
Bibliographie
Index
Table des figures et des tableaux
Table des sigles et abbréviations
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