Récupération d’hydrocarbures
La réponse à la future demande mondiale en énergie est un enjeu politique et économique majeur. Avec la croissance démographique et l’émergence technologique de nombreux pays, la demande énergétique est croissante, et s’accompagne de restrictions imposées par la nécessité de réduire la production de gaz à effet de serre (CO2). On estime que cette demande augmentera d’un facteur 2 à l’horizon 2050. Or plus de 80 % des besoins énergétiques mondiaux (voir Figure 1.1) sont aujourd’hui couverts par les combustibles fossiles [9]. Les énergies renouvelables seules ne présentent pas à l’heure actuelle une alternative suffisante pour remédier à ces besoins croissants. C’est pourquoi la récupération des hydrocarbures reste un enjeu crucial. On appelle hydrocarbures des pétroles et des gaz issus de la transformation de la matière organique contenue dans une roche. Cette roche est appelée roche mère. Au cours des temps géologiques la matière organique subit une augmentation de la pression et de la température qui conduit à sa transformation en hydrocarbures.
Ces hydrocarbures peuvent ensuite être en partie expulsés, et ainsi migrer vers la surface terrestre. Cette progression vers la surface peut être stoppée par une roche imperméable, ou roche de couverturen, ce qui favorise l’accumulation dans les pores d’une roche réservoir. Il y a alors formation d’un gisement. L’industrie pétrolière exploite les roches réservoirs les plus perméables en y forant des puits par lesquels les hydrocarbures vont remonter à la surface.
Les techniques employées sont dite « conventionnelles » et, par extension, les hydrocarbures ainsi extraits sont appelés « hydrocarbure conventionnels ».
Il existe une autre catégorie d’hydrocarbures : les hydrocarbures non-conventionnels, qui sont piégés dans des bassins géologiques complexes et ne sont pas récupérables par simple forage. La méthode utilisée pour les extraire est donc dite non-conventionnelle. La fracturation hydraulique est la principale technique utilisée actuellement pour la récupération de ces hydrocarbures (voir Figure 1.2). Cela consiste en l’injection sous haute pression de fluides afin de provoquer des fissures de quelques millimètres qui vont s’étendre sur plusieurs mètres. Ces fissures artificielles permettront aux hydrocarbures de se déplacer de la porosité naturelle de la roche en direction du puits de production. Les produits issus de cette technique sont appelés pétroles et gaz de schistes.
La fracturation hydraulique permet un bon drainage de la roche. Les fluides de fracturation sont composés essentiellement d’eau (95 %), de sable (4 %) et d’additifs chimiques (1 %). Le sable permet de maintenir les microfissures ouvertes et la migration des hydrocarbures. Les additifs chimiques doivent quant à eux avoir différentes propriétés comme une forte viscosité pour la fracturation et le transport des espèces d’intérêt, une grande stabilité dans les conditions de pression et de température dans lesquelles ils sont utilisés. Cependant, pour l’injection dans les tubings (tubes de production), la viscosité des fluides doit être faible pour une bonne circulation, et surtout pour faciliter leur élimination lors du dégorgement. Une part importante des recherches actuelles vise à améliorer les performances des fluides de fracturation.
Aujourd’hui, il est même possible d’imaginer le mariage de ces techniques de fracturation avec la récupération assistée du pétrole (Enhanced Oil Recovery). La récupération assistée du pétrole, et des gaz par extension, est un terme qui regroupe différentes techniques utilisées pour augmenter la quantité d’hydrocarbures récupérée dans un gisement. Il existe trois méthodes principales : la récupération thermique, l’injection de gaz et l’injection chimique. Cette dernière est particulièrement intéressante, puisqu’elle peut être adaptée à différents réservoirs, différentes profondeurs et différents minéraux. La plupart du temps, il est possible d’injecter des fluides pour pousser les hydrocarbures présents dans le résevoir. Mais, il est par exemple possible, à une profondeur supérieure à 600 m, d’injecter du dioxyde de carbone supercritique, soluble dans les pétroles légers, pour les faire gonfler et réduire leur viscosité, rendant alors l’extraction plus efficace.
La récupération des hydrocarbures, conventionnelle ou non-conventionnelle, est un processus complexe, mettant en jeu un milieu solide dont la description se fait sur plusieurs échelles de porosité (voir Paragraphe 1.4), et qui peut être chargé, et différents fluides de nature chimique très variée. Dans ce cadre, il est nécessaire de comprendre le transport des fluides confinés dans ces bassins, en particulier des hydrocarbures et des fluides injectés (eau salée, dioxyde de carbone supercritique, chaînes carbonées). L’objectif final est d’optimiser le rendement des puits de production et d’utiliser de façon efficace les fluides de fracturation et mousses existants, ou encore de développer de nouveaux outils d’extraction plus performants et dont on contrôle mieux les effets afin de limiter les risques de pollutions.
Stockage de CO2
Par ailleurs, le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère n’a jamais augmenté aussi rapidement que pendant ces dernières décennies. Ces émissions sont d’origine anthropique, causées par la consommation énergétique grandissante. En améliorant l’efficacité énergétique ou en augmentant l’usage d’énergies non fossiles, il est possible de diminuer drastiquement les émissions de CO2. Cependant, la transition vers les sources d’énergies renouvelables prendra des années. C’est pourquoi, de nouvelles idées ont été proposées pour la capture et le stockage de CO2. Il n’est pas question de piéger le CO2 déjà présent dans l’atmosphère, mais plutôt de le récolter en sortie de production (centrale électrique, usines, etc.). Ce CO2 serait ensuite transporté et stocké dans le sol. Le stockage géologique pourrait par exemple être effectué soit dans un réservoir à hydrocarbures déjà vide, soit dans des aquifères salins profonds. Ces aquifères sont des réservoirs d’eau non potable puisque la concentration en sel y est très élevée. Nous nous intéressons particulièrement à cette possibilité de stockage dans les aquifères salins. Lors du stockage du CO2, celui-ci est injecté sous haute pression en tant que fluide supercritique dans une nappe d’eau salée située en profondeur qui est recouverte d’une roche de couverture généralement constituée d’argile. Le CO2, moins dense que l’eau salée, et non miscible, va être entrainé au-dessus de la couche d’eau et être piégé par la roche couverture. Il est donc nécessaire de pouvoir prédire le transport éventuel de CO2 supercritique qui remonterait à travers la roche couverture depuis la formation où il a été injecté.
Nanomatériaux
Un autre domaine impliquant des fluides nanoconfinés et ayant connu récemment un essor considérable est celui des nanomatériaux. Ces nanomatériaux sont développés pour différentes applications en particulier le stockage de l’électricité, mais on peut également citer les accumulateurs, les piles à combustibles, les membranes, les tamis moléculaires ou encore les catalyseurs. Les investigations fondamentales menées à l’heure actuelle portent sur le transport au sein de ces matériaux pour mieux comprendre leurs propriétés. Les nanotubes de carbone sont par exemple largement étudiés pour leur application dans le stockage de l’hydrogène (par absorption) dans les piles à combustible ou comme membranes avances pour la production « d’énergie blue » [10, 11]. On sait également créer des structures régulières de solides poreux multifonctionnels qui présentent à la fois une charpente en trois dimensions et des cavités internes à taille nanométrique contrôlée. La nature des cations extra-charpente contrôle les propriétés physiques et acido-basiques. Les caractéristiques et la géométrie des pores déterminent la capacité de stockage ainsi que la sélectivité en séparation de molécules. La surface interne des pores et les fonctions qui y sont présentes, naturellement ou par greffage, déterminent en grande partie les propriétés catalytiques. Les zéolithes par exemple, de géométrie variée, présentent des propriétés très intéressantes pour la catalyse dans l’industrie pétrolière ou encore de tamis moléculaire [12]. On retrouve également dans les nanomatériaux les supercondensateurs, qui permettent un stockage de charge rapide, réversible [13].
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Table des matières
1 Introduction générale
1.1 Contexte
1.1.1 Récupération d’hydrocarbures
1.1.2 Stockage de CO2
1.1.3 Nanomatériaux
1.2 Transport dans des matériaux très peu perméables
1.3 Modélisation du transport dans les milieux nanoporeux
1.3.1 Systèmes modèles
1.3.2 Kérogène
1.3.2.1 Définition et structure
1.3.2.2 Transport
1.4 Modélisation du transport dans les minéraux argileux
1.4.1 Définition
1.4.2 Structure cristalline
1.4.3 Structure multi-échelle
1.4.4 Transport
1.4.5 Systèmes diphasiques
1.5 Objectifs de la thèse
2 Méthode
2.1 Dynamique Moléculaire
2.1.1 Espace des phases et propriétés observables
2.1.1.1 Moyenne temporelle
2.1.1.2 Moyenne d’ensemble
2.1.2 Principe
2.1.3 Intégration des équations du mouvement : Algorithme de Verlet
2.1.3.1 Algorithme de Verlet
2.1.3.2 Choix du pas de temps
2.1.4 Ensembles thermodynamiques
2.1.4.1 Ensemble micro-canonique (NVE)
2.1.4.2 Ensemble canonique (NVT)
2.1.4.3 Ensemble isotherme-isobare (NPT)
2.1.5 Dynamique moléculaire hors équilibre
2.2 Calcul des interactions
2.2.1 Champ de force
2.2.2 Conditons aux limites périodiques
2.2.3 Rayon de coupure
2.2.4 Interactions électrostatiques
2.2.4.1 Ewald
2.2.4.2 Particle Particle Particle Mesh
2.3 Systèmes simulés
2.3.1 Lennard-Jones
2.3.2 Les argiles
2.4 Calcul des propriétés
2.4.1 Profils de densité
2.4.2 Coefficient d’autodiffusion
2.4.3 Viscosité, glissement, friction
2.4.3.1 Ecoulement de Poiseuille
2.4.3.2 Viscosité
2.4.3.3 Longueur de glissement
2.5 Conclusion
3 Thermostats en Dynamique Moléculaire
3.1 Introduction
3.1.1 A l’équilibre
3.1.2 Hors-équilibre
3.2 Algorithmes de dynamique moléculaire dans l’ensemble NVT
3.2.1 Nosé-Hoover
3.2.2 Langevin
3.2.3 Mur thermique, particules virtuelles
3.2.4 Calcul de la température
3.2.4.1 Dans tout le système
3.2.4.2 Profil de température
3.3 Résultats : A l’équilibre
3.3.1 Thermostat par les Particules Virtuelles (PV)
3.3.1.1 Graphène – eau
3.3.1.2 Argile-eau
3.3.2 Thermostat par les bords
3.3.3 Protocole d’équilibration
3.4 Résultats : Hors équilibre
3.4.1 Thermostat classique sur le fluide
3.4.2 Thermostat par les Particules Virtuelles (PV)
3.4.2.1 Graphène – eau
3.4.2.2 Argile – eau
3.4.3 Thermostat par les bords
3.4.3.1 Système monophasique : eau
3.4.3.2 Système diphasique : eau et dioxyde de carbone
4 Conclusion générale
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