Transition extra-tropicale d’un cyclone tropical

Les cyclones tropicaux font l’objet d’un intérêt de longue date en raison de leur potentiel destructeur et meurtrier. Des alertes sont par exemple émises depuis la fin du XIXe siècle pour les ouragans de l’Atlantique Nord. La responsabilité de la prévision de ces ouragans incombe actuellement au NHC (National Hurricane Center) à Miami. Malgré l’éloignement du Canada des tropiques, le CCPO (Centre Canadien de Prévision des Ouragans) s’est ouvert en 1986, suite au passage de l’ouragan Gloria en 1985 sur la Nouvelle-Écosse et sur l’île de Terre-Neuve. Les conséquences de cet ouragan au Canada avaient été sur-estimées en raison de la seule disponibilité des bulletins du NHC, qui relataient des destructions majeures aux États-Unis. Ceux-ci avaient fait redouter d’importants dégâts, qui ont finalement été mineurs au Canada.

La création du CCPO reflète l’intérêt croissant pour la transition extra-tropicale des cyclones tropicaux, c’est-à-dire leur transformation en cyclones extra-tropicaux lors de leur migration vers les latitudes moyennes. Des cyclones en transition extratropicale sont responsables de vents violents et d’inondations catastrophiques par des précipitations parfois plus importantes que pendant leur phase tropicale. La transition extra-tropicale et l’intérêt qu’elle suscite ne se limitent pas au seul Atlantique Nord mais existent dans d’autres bassins océaniques. Dans le Pacifique Nord-Ouest en particulier, les services météorologiques japonais sont préoccupés par l’approche des typhons autant en transition extra-tropicale qu’en phase tropicale. La transition extra-tropicale reste cependant moins bien comprise que les phases tropicale et extratropicale. Les caractéristiques hybrides des deux phases compliquent sa compréhension et sa prévision.

En 1999, un effort international de recherche sur la transition extra-tropicale s’est traduit par la tenue d’un premier atelier de l’OMM (Organisation Météorologique Mondiale) sur le sujet. Celui-ci a permis de coordonner la recherche dans différents bassins océaniques et a débouché sur la publication d’un article de revue sur la compréhension des phénomènes impliqués et des défis à la prévision (Jones et al., 2003). En 2008, l’étude de l’évolution de la structure d’un cyclone en transition extra tropicale a bénéficié de la campagne de mesures T-PARC (Thorpex Pacific Asian Regional Campaign) sur le Pacifique Nord-Ouest. Pour la première fois, le cycle de vie complet d’un cyclone tropical a été observé de manière intensive depuis sa genèse jusqu’à sa dissipation aux latitudes moyennes. Les avancées récentes de la recherche sur la transition extra-tropicale feront l’objet d’un nouvel article de revue, suite à la tenue du quatrième atelier IWET (International Workshop on Extratropical Transition) de l’OMM au printemps 2012.

Transition extra-tropicale d’un cyclone tropical

Généralités 

Les cyclones tropicaux se distinguent des cyclones extra-tropicaux par leur structure et leur mécanisme d’intensification. Les premiers montrent une couverture nuageuse symétrique et possèdent un cœur chaud, grâce au dégagement de chaleur latente maintenu par des flux de surface importants sur l’océan tropical. Les seconds possèdent une structure frontale et tirent leur énergie de leur environnement barocline des latitudes moyennes. La transition extra-tropicale est la transformation d’un cyclone tropical en un cyclone extra-tropical. Elle intervient lorsqu’un cyclone tropical quitte son environnement favorable, avec notamment une température élevée de l’océan et un cisaillement vertical faible, pour affronter un environnement qui lui est hostile. Sa dynamique se transforme en conséquence, et le cyclone peut soit se dissiper soit se réintensifier en tant que cyclone extra-tropical. Dans un cadre opérationnel, la transition extra-tropicale est définie en suivant l’évolution de la structure du cyclone à l’aide d’observations satellite et de prévisions numériques. La perte de symétrie de la couverture nuageuse et le développement d’une structure frontale marquent le début de la transition extra-tropicale. Diverses métriques ont été proposées pour définir le début de la transition extra-tropicale d’un cyclone tropical et pour anticiper sa réintensification possible en tant que cyclone extratropical (Kofron et al., 2010a,b). Toutefois, une définition univoque de la transition extratropicale fait encore défaut. La transition extra-tropicale existe dans tous les bassins océaniques traversés par des cyclones tropicaux. Le Pacifique Nord-Ouest connaît la plus haute fréquence de transitions extra-tropicales, avec en moyenne 6 cas par année soit 27% des cyclones tropicaux du bassin, appelés typhons (Klein et al., 2000). Un tiers des cyclones tropicaux du Pacifique Sud-Ouest subit également une transition extra tropicale, soit en moyenne 3 cas par année (Sinclair, 2002). L’Atlantique Nord connaît quant à lui la plus forte proportion de cyclones tropicaux, appelés ouragans, subissant une transition extra-tropicale, avec 46% des cyclones soit 4 à 5 cas par année (Hart and Evans, 2001). La fréquence de transitions extra-tropicales sur le Pacifique Nord-Est et sur le sud de l’océan Indien reste encore à documenter. En Atlantique Nord, le réchauffement de l’océan et l’extension vers le sud de la zone barocline modulent la zone propice à la transition extra-tropicale. Elle oscille entre 30- 35◦N en début et fin de saison, et 40-50◦N au pic d’activité cyclonique de la saison. La convergence des deux facteurs favorise la transition extra-tropicale, dont la proportion augmente en fin de saison pour atteindre 50% en octobre (Hart and Evans, 2001). Les cyclones résultants peuvent toucher directement les côtes de l’Amérique du Nord (1 à 2 cas par année) ou de l’Europe (un cas tous les 1 à 2 ans).

La prévision d’une transition extra-tropicale reste un défi pour les modèles de prévision du temps. La prévision de l’intensité et de la trajectoire du cyclone sont sujets à une incertitude qui prend son origine dans l’interaction complexe entre le cyclone tropical et la circulation atmosphérique des latitudes moyennes. Cette incertitude touche également la prévision en aval du cyclone et réduit en particulier la prévisibilité d’événements extrêmes. Les processus de la transition extra-tropicale et leur impact sur la circulation des latitudes moyennes sont passés en revue ici.

Processus

Évolution de la structure du cyclone

Le cycle de vie d’un cyclone peut être décrit de manière synthétique par un diagramme de phase basé sur la distinction entre l’anomalie chaude ou froide de son cœur et sur l’asymétrie de son environnement (Hart, 2003). Un tel diagramme montre l’évolution classique d’un cyclone tropical symétrique à cœur chaud profond ou celle d’un cyclone extra-tropical asymétrique à cœur froid. Il révèle également des scénarios alternatifs de cyclones hybrides qui se distinguent des classiques cyclones tropicaux et extra-tropicaux . Une transition extra-tropicale type est illustrée par le diagramme de phase de l’ouragan Floyd (1999) (Figure 1.1). L’ouragan a perdu son cœur chaud en hautes puis en basses couches tout en augmentant son asymétrie, pour acquérir les caractéristiques d’un cyclone des latitudes moyennes. Un diagramme de phase révèle également une transition tropicale. A l’inverse d’une transition extra-tropicale, un cyclone des latitudes moyennes peut acquérir une structure tropicale, symétrique et à cœur chaud, si sa convection s’organise suffisamment. La transition tropicale est importante pour la formation de cyclones tropicaux (Davis and Bosart, 2004). Elle peut également se produire en Méditerranée quand la température élevée de la mer génère des flux de surface importants (Chaboureau et al., 2012).

Un modèle conceptuel de la transition extra-tropicale a été construit à partir d’une climatologie du Pacifique Nord-Ouest (Klein et al., 2000). Ce modèle distingue une première phase de transformation, au cours de laquelle le cyclone troque ses caractéristiques tropicales pour des caractéristiques extra-tropicales, d’une possible phase de réintensification qui, si elle a lieu, voit le cyclone se réintensifier en tant que cyclone extra-tropical. La phase de transformation est elle-même décomposée en trois étapes, reconnaissables dans des analyses et des observations satellites (Figure 1.2). Une asymétrie progressive du cyclone est provoquée par l’interaction de sa circulation avec la zone barocline pré-existante. L’advection d’air froid et sec depuis le nord (numérotée 1) inhibe la convection profonde (numérotée 2), d’abord à l’ouest à l’étape 1, puis au sud du cyclone aux étapes 2 et 3. A l’opposé, l’advection d’air tropical chaud et humide (numérotée 3) maintient la convection profonde à l’est du cyclone aux étapes 1 et 2. Elle force ensuite des ascendances de grande échelle sur des surfaces isentropes inclinées, ou convection oblique (numérotées 4), associées à la zone barocline à l’entrée d’un courant-jet aux étapes 2 et 3. Le cyclone perd ainsi ses caractéristiques tropicales pour se transformer en structure frontale.

Les caractéristiques des transitions extra-tropicales sur le Pacifique Nord-Ouest du modèle de Klein et al. (2000) se retrouvent dans d’autres bassins océaniques. Un autre modèle conceptuel basé sur une climatologie du Pacifique Sud-Ouest présente des caractéristiques similaires (Sinclair, 2002). Le développement d’un front chaud sur le flanc est du cyclone, couplé à l’entrée d’un courant-jet, y force également des ascendances de grande échelle. En Atlantique Nord, la transition extra-tropicale de l’ouragan Floyd (1999) (Atallah and Bosart, 2003) a aussi montré une bonne correspondance avec le modèle conceptuel de la phase de transformation de Klein et al. (2000). De fortes précipitations frontales sur la gauche de la trajectoire de l’ouragan, forcées par un thalweg en amont, ont engendré des inondations lors de l’accostage de l’ouragan en Amérique du Nord. Ces précipitations, mal prévues, ont gonflé une dorsale et renforcé un courant-jet en aval, qui à son tour a favorisé les précipitations. Toutes les transitions extra-tropicales ne correspondent pourtant pas au modèle conceptuel de Klein et al. (2000). C’est le cas par exemple des ouragans Félix et Iris en 1995 en Atlantique Nord, qui ont été comparés par Thorncroft and Jones (2000). Iris a conservé son cœur chaud grâce à des flux de surface importants et elle s’est fortement inclinée dans un environnement de fort cisaillement vertical. Au contraire, Félix a perdu son cœur chaud sur un océan plus froid et il est resté droit dans un environnement de faible cisaillement vertical. Finalement, les deux ouragans ont interagi avec un thalweg d’altitude. Celui-ci a déferlé de manière cyclonique dans le cas d’Iris alors qu’il a déferlé de manière plutôt anticyclonique dans le cas de Félix. Ces différences ont amené Iris à se réintensifier et Félix à se dissiper en phase extra-tropicale.

Un modèle conceptuel de ces différences a été proposée par McTaggart-Cowan et al. (2003), qui ont comparé les ouragans Danielle et Earl (1998). Ces ouragans se sont succédés dans leur transition extra-tropicale en Atlantique Nord, avec une réintensification simultanée. Une distinction importante a été établie entre le mode barocline d’Earl, caractérisé par des fronts marqués à l’est et l’ouest du cyclone, et le mode tropical de Danielle, caractérisé par l’advection d’air chaud et humide jusqu’au nord du cyclone. La distinction entre les deux modes a été attribuée à la position en sortie gauche d’un courant-jet en mode tropical et en entrée droite d’un courant-jet en mode barocline (Figure 1.3). Le modèle conceptuel de Klein et al. (2000) décrit alors le mode barocline. Avec cette distinction, la transition extra-tropicale des ouragans Félix et Iris comparée par Thorncroft and Jones (2000) correspond respectivement à un mode barocline et à un mode tropical.

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Table des matières

Introduction
1 Transition extra-tropicale d’un cyclone tropical
1.1 Généralités
1.2 Processus
1.2.1 Évolution de la structure du cyclone
1.2.2 Interaction avec un thalweg d’altitude
1.2.3 Rôle du cyclone dans sa propre réintensification
1.3 Impact sur la circulation des latitudes moyennes
1.3.1 Développement en aval
1.3.2 Importance des processus dynamiques et diabatiques
1.3.3 Perte de prévisibilité
1.4 Objectifs de la thèse
2 Cas d’étude et outils de travail
2.1 Événements de septembre 2006 en Atlantique Nord et en Europe
2.1.1 Impact de trois ouragans successifs sur l’Europe
2.1.2 Précipitations intenses en Méditerranée en aval de Florence
2.1.3 Développement d’un méditerragan en aval d’Hélène
2.2 Outils de simulation numérique et d’analyse
2.2.1 Modèle Méso-NH
2.2.2 Méthodes d’attribution
2.2.3 Observations satellite
2.2.4 Prévisions d’ensemble
3 Transition extra-tropicale d’Hélène
3.1 Présentation de l’article
3.2 On the role of a Rossby wave train
4 Transition extra-tropicale de Florence
4.1 Motivation
4.2 Description de la transition extra-tropicale
4.3 Évolution de Florence dans les simulations
4.4 Interaction avec la circulation des latitudes moyennes
4.5 Discussion
5 Prévisibilité d’un méditerragan en aval d’Hélène
5.1 Présentation de l’article
5.2 Predictability of a Mediterranean tropical-like storm
Conclusions

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