Transition économique et transition comptable

La ré-orientation vers une économie de marché a engendré des changements importants dans la comptabilité des pays en transition. Les études sur ce sujet ont été affirmatives, la réforme comptable est un des chantiers indispensables pour l‟économie de marché et celle-ci a fait l‟objet d‟un grand nombre de travaux de recherche entre 1992 (deux ans après l‟effondrement du bloc communiste qui a déclenché dans la plupart des pays concernés le phénomène qualifié de transition économique) et 1997 – période féconde sur la comptabilité communiste et la réforme comptable post-communiste dans les pays en transition avec une vision géographique large levant le rideau sur des pays difficilement accessibles tels que l‟Albanie (Sudar and Pitt 2004), la Bulgarie (Richard 1997), la Chine (Gervais and Wang 1992; Gervais and Zheng 1994; Rask, Chu et al. 1998; Wang and Chang 1998; Xiang 1998; Ding 2000; Evraert and Ding 2000; Tang and Lau 2000; Ding 2001; Eyraud 2003), la Hongrie (Borda and McLeay 1996; Illés, Weetman et al. 1996; Mackevicius, Aliukonis et al. 1996; Richard 1997), la Lituanie (Mackevicius, Aliukonis et al. 1996), la Pologne (Kamela-Sowinska 1995; Krzywda, Bailey et al. 1995; Krzywda, Bailey et al. 1996; Richard 1997; Krzywda, Bailey et al. 1998; Craner, Krzywda et al. 2000; Kosmala-MacLullich 2003), la République Tchèque (Schroll 1995; Seal, Sucher et al. 1995; Zelenka, Seal et al. 1996; Richard 1997), la RDA (Young 1999), la Roumanie (Feleaga 1992; Dutia 1995; Richard 1995; Richard 1997; King, Beattie et al. 2001), la Russie (Richard 1995; Richard 1997; Richard 2000), la Slovenie (Turk and Garrod 1996), la Yougoslavie (Petrovic and Turk 1995) etc. La liste ne saurait être exhaustive car le phénomène de la transition économique reste aujourd‟hui un sujet d‟actualité auprès des organisations internationales et au sein du monde académique. De plus, les changements au quotidien dans ces sociétés soulèvent encore de multiples interrogations. La transition et les problématiques sous-jacentes sur le plan économique, juridique, social, et plus spécifiquement comptable et fiscal ont monopolisé plus d‟une conférence nationale ou internationale mais les travaux qui y étaient présentés n‟étaient pas tous édités. Les articles étudiés dans le cadre de notre travail sont en grande partie des travaux de recherche publiés dans les revues académiques ou dans les ouvrages spécialisés sur ce thème regroupant les études réalisées par les chercheurs français et internationaux (Bailey 1988; Garrod and McLeay 1996) .

La transition économique et la transition comptable : analyses et relations 

L‟expression économie de marché unanimement admise et implicitement rapprochée au capitalisme sous-entend l‟alternative comptabilité „capitaliste‟ en vigueur dans les pays occidentaux pour les raisons énumérées par Niculae Feleaga (1992), parlant du cas de la Roumanie, qui semblent être celles de la plupart des pays en transition.  » A défaut de spécialistes qui maîtrisent les « règles du jeu » de la comptabilité dans une telle économie ( économie de marché selon l‟auteur ) , à défaut d’une profession comptable qui aurait pu être mise à jour avec ce qui se passe au-delà du rideau de fer, à défaut d’une réalité économique qui permette de vérifier les hypothèses que l’on se pose, à défaut d’un enseignement ou l’étude des systèmes de comptes comparés soit absolument nécessaire, il faut  franchement dire que la seule solution était d’importer « un produit comptable » qui tienne compte le mieux des conditions, des particularités et des traditions de la Roumanie. » (p. 227) Il serait trop simpliste de penser que le mot importation est synonyme de substitution. Les difficultés non négligeables dans le choix d‟un «produit comptable» qui tient compte à la fois des conditions spécifiques du pays et des exigences des utilisateurs potentiels locaux et étrangers ne rend pas la tâche facile aux responsables de la réforme comptable.

La mise en application du nouveau produit comptable est d‟autant plus difficile que ce produit soit doté d‟une composante „dure‟ tangible maîtrisable, la technique d‟enregistrement, les méthodes de calcul et d‟une composante „molle‟ plus difficilement définissable qualifiée de signature économique, de mentalité calculatoire (Bryer 1993, 1994), de rationalité économique (Bailey 1995), de rationalité économique, d‟esprit du capitalisme (Weber, 1964, 1971, 1991). La comptabilité est aussi considérée comme un système de conventions utilisées par les membres évoluant au sein d‟une même sphère économique (Amblard 1998), un système de codification, un langage. Suite aux changements politico-économiques, la comptabilité doit changer. Telle est l‟affirmation introductive récurrente dans les études sur la réforme comptable dans les pays en transition. Rask et al. (1998), critiquant la façon de mesurer le concept de profit de la comptabilité communiste a écrit que la réforme comptable est „au cœur même du processus de transition‟. . En effet, la concordance entre système économique et système comptable a été déjà établie par les auteurs en comptabilité internationale. Le critère « système économique » est l‟un des critères principaux utilisés par ces auteurs dans leur classification des comptabilités nationales. Or appliquer cette règle de correspondance aux pays en transition suppose une spéculation sur le système économique post communiste. Pour le moment, les hypothèses sont loin d‟être explicites, une économie de marché selon le discours officiel des pays concernés, une économie capitaliste d‟après les observateurs internationaux. Ce lien invisible entre l‟économie et la comptabilité a fait déjà couler beaucoup d‟encre quand Werner Sombart (1902 ; version traduction anglaise1930 ; version traduction française 1992) l‟a évoqué au début du siècle dernier au moment de l‟avènement de l‟ordre économique nommé capitalisme. Aujourd‟hui le débat sur les liens indissociables entre le capitalisme et la comptabilité resurgit plus polémique mais plus intéressant grâce aux paramètres nouveaux et complexes qu‟apporte le contexte de la transition : la découverte de la comptabilité « en parties doubles » communiste ; la reconquête du capitalisme sur le communisme pour certains cas ; l‟initiation et l‟intégration au capitalisme pour d‟autres.

La transition économique

Selon Kornai (2000), économiste hongrois spécialiste des pays en transition, la différence fondamentale entre le capitalisme et le communisme réside dans la propriété privée, la naissance et le développement du secteur privé dans l‟économie nationale. Mais la propriété privée ne peut pas à elle seule être l‟instigatrice de la réforme comptable. En effet, l‟introduction de la notion de propriété privée évoque des réformes économiques de taille qui rendent caducs la comptabilité communiste comme le processus de privatisation, l‟entrée en jeu d‟autres acteurs économiques comme les marchés de capitaux nationaux et internationaux (Winkle, Huss, et al. 1994). Ding (2000) explique que la reconnaissance de la propriété privée impliquera la naissance de nouvelles formes d‟organisation privées qui va remettre en cause le rôle de l‟Etat dans la sphère économique qui devrait renoncer au contrôle direct sur l‟économie nationale pour ne plus assurer qu‟un contrôle indirect. L‟ouverture économique signifie implicitement une ouverture à l‟international d‟où l‟impératif de se mettre sur la même longueur d‟onde que les partenaires commerciaux internationaux qui exercent une forme de pulsion sur le processus de réforme économique et comptable (Bailey 1995).

La propriété privée versus la propriété collective 

L‟explication fondamentale avancée par la littérature économique ((Lavigne 1985; Kornai 1990; Kornai 1992; Andreff 1993; Kornai 2000) et comptable de la transition des anciens pays communistes réside dans la différence fondamentale entre les deux systèmes économiques qu‟est la propriété privée qui fut totalement abolie dans le système communiste et qui s‟imposera comme la condition sine qua none du passage vers l‟économie de marché. La reconnaissance de la propriété privée, la diversité de l‟actionnariat et l‟émergence de nouvelles formes d‟organisation privées (comme les sociétés par actions, les S.A.R.L, les entreprises familiales, le groupe, le holding) entraîne des changements profonds dans la comptabilité d‟entreprise et dévoilent des problèmes comptables étrangers en économie communiste tels que les normes comptables internationales, le concept de groupe et la consolidation des comptes pour les groupes (Garrod and McLeay 1996; Craner, Krzywda et al. 2000), l‟audit „externe‟ comptable et financier (Bailey 1995; Krzywda, Bailey et al. 1998; King, Beattie et al. 2001).

Le prix de marché versus le prix bureaucratique

Le mécanisme d‟élaboration du prix (montant monétaire d‟échange) entre le système économique dirigé relevant exclusivement des instances bureaucratiques, gouvernementales et celui du système capitaliste résultant de l‟offre et de la demande, dicté par le marché est au carrefour des changements économiques et des changements de la comptabilité d‟entreprise. Dans sa critique du système de prix communiste déterminé artificiellement hors marché, Bailey a évoqué un argument de Stiglitz sur la relation entre le prix et la comptabilité (1994 : 202) « Il existe une relation symbiotique entre la comptabilité et les marchés, relation qui est exprimée à travers les prix. Cette relation existe parce que le mécanisme de prix est la composante fondamentale d‟un système de comptabilité. Par conséquent, la qualité des prix sur le marché a un impact direct sur la qualité de l‟information fournie par le système comptable. » (notre traduction, extrait de Bailey (1995a) p. 601) Cette relation soulevée par Stiglitz semble trouver dans le processus de mise en vente des entreprises d‟Etat l‟illustration la plus éloquente. En effet, la remise en cause du mécanisme de prix a fait basculer tout le système d‟évaluation et donc le système de comptabilisation communiste ainsi que les concepts comptables qui le composent.

Bailey (1988, 1995), en analysant les caractéristiques des processus de comptabilisation communistes basés sur un concept de prix artificiellement fixé par les autorités centrales dont l‟expression en valeur monétaire n‟est qu‟un simple moyen d‟agrégation des chiffres en vue d‟assurer un suivi et un contrôle de l‟Etat sur l‟utilisation des ressources collectives allouées aux entreprises détenues et dirigées par l‟Etat, est amené à dire que le système de comptabilisation intégré communiste ne pourrait pas être qualifié de comptabilité («accounting») comme on l‟entend dans les pays occidentaux et que le mot le plus exact pour le décrire est «la tenue des livres comptables» («clerical-bookkeeping») car celui-ci est démuni de contenu économique et n‟a qu‟un seul rôle, la préservation des ressources octroyées par l‟Etat. L‟auteur a souligné qu‟il est donc impossible dans ce cas de parler de documents comptables et financiers (« financial statements ») en dépit des ressemblances rhétoriques car les documents et les informations fournis par «la tenue des livres communiste » ne pourraient pas être exploités ni analysés pour en tirer des interprétations économiques en vue de prise de décision par les gestionnaires (Bailey 1995).

D’une vision macroéconomique vers une vision microéconomique de l’entreprise 

Si les différences entre la comptabilité capitaliste et la comptabilité communiste font le consensus entre les chercheurs des deux mondes, l‟analyse et les appréciations concernant la comptabilité au service du Plan restent mitigées ainsi que l‟approche des changements comptables post communistes. La comptabilité adoptée par la plupart des pays communistes avait vu le jour en ex URSS au début du siècle dernier d‟où son appellation comptabilité soviétique mais n‟a été réellement connue que récemment. Il nous semble important de souligner que la distinction entre la comptabilité d‟entreprise et la comptabilité nationale (ou comptabilité d‟Etat) dans les économies capitalistes n‟existait pas comme telle en économie communiste car qui dit comptabilité communiste, dit un système global intégrant trois formes de comptabilisation dont la forme de comptabilisation pour les entreprises considérée comme la plus importante et la source d‟alimentation principale du système d‟information comptable nationale, a été conçue pour assurer le rôle de contrôle au service des autorités suprêmes sur l‟économie nationale. La comptabilité soviétique vise donc à constituer un système d‟intégration des comptes depuis les lieux de travail dans l‟entreprise jusqu‟aux comptes nationaux et au plan de l‟économie nationale (Meyer, 1990, p. 94). C‟est le principe de « l‟unité du calcul socialiste » énoncé par Makarov, théoricien de comptabilité soviétique (1966, p.26), (cité par Richard 1997). Ceci explique la moindre importance apparente ou le manque de contenu économique, selon Bailey, accordée aux données comptables individuelles des entreprises communistes qui seront par la suite agrégées au niveau national et constituent les agrégats macro-économiques – indicateurs fondamentaux à partir desquels se décidera le Plan de production national qui déterminera la politique d‟allocation des ressources et la répartition de la richesse du système économique communiste. Il nous semblerait évident que la tâche de prendre des décisions stratégiques ne figurait pas dans la description de poste du gestionnaire communiste car tout était préalablement pensé au niveau central. Pourtant la remontée des données comptables de son entreprise qui est stipulée comme une obligation administrative, est considérée aussi comme une preuve de la bonne utilisation des ressources du peuple allouées à l‟entreprise envers les instances de tutelle qui va lui permettre d‟en recevoir de nouvelles en vue de la continuité de son activité industrielle et surtout de payer son personnel. Dans cet esprit, la comptabilité d‟entreprise communiste contient une recherche de rationalité économique qui est celle de l‟économie centralisée et planifiée, la mesure du niveau d‟achèvement des objectifs du Plan, indicateur de mesure de performance de l‟entreprise compte tenu de la définition et des objectifs attribués à une entreprise communiste. L‟information comptable des entreprises n‟est pas destinée à la gestion de l‟entreprise mais elle est indispensable pour le système d‟allocation des ressources de financement aux entreprises au niveau national (Schroll 1995).

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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