Transistors à nanotubes de carbone pour la détection sélective de gaz

Détection des gaz d’attaque en milieu urbain

   Depuis l’attaque terroriste de la secte Aum Shirinko, le 20 mars 1995, dans une station de métro de Tokyo au Japon, les autorités ont pris conscience du danger de ce type de gaz d’attaque pour la population civile en milieu urbain [1]. En effet, cet attentat au gaz Sarin a fait 12 morts et provoqué l’hospitalisation de 5700 personnes. L’enquête qui a suivi souligne que la gestion de l’événement a été  défaillante par manque de moyens de détection rapides et mobiles de l’attaque : le premier diagnostic des équipes de pompiers, parvenu deux heures après la catastrophe, faisait état de présence d’acetonitrile alors que l’identification effective du gaz sarin n’a eu lieu qu’une heure plus tard, engendrant de nombreuses complications chez les victimes. Cet attentat souligne le potentiel de nuisance des attaques terroristes utilisant des armes chimiques. En effet, des tonnes d’agents chimiques sont nécessaires pour les attaques militaires de grande ampleur (armes de destruction massive) ; en milieu urbain, seuls quelques litres d’agents chimiques suffisent à entraîner de nombreux décès parmi la population civile. Par exemple, lors de l’attentat de Aum à Tokyo, seuls 6 litres de Sarin, dissimulés dans un sac à dos, ont été utilisés. Des quantités plus faibles auraient pu faire des dégâts plus importants si la méthode de dispersion dans l’air du liquide avait été plus efficace. Le Sarin, ainsi que le Tabun, est considéré comme étant l’agent le plus susceptible d’être utilisé pour des attaques chimiques [2] ; il est en effet facilement synthétisable à partir de produits accessibles dans le commerce et présente une forte létalité à faible exposition ainsi qu’ une volatilité importante.Considérant que lors de l’attentat de Tokyo la chaîne de détection avait été défaillante, les autorités ont donc cherché à mettre en place des outils et des stratégies de détection précoce et de sécurisation. La détection d’un agent chimique comprend ainsi trois étapes complémentaires l’alerte, le contrôle et l’analyse :
• La détection d’alerte permet de signaler la présence d’un toxique chimique le plus tôt possible. Elle fait souvent appel à des techniques sensibles, simples et rapides mais avec une sélectivité faible et un taux de fausse alarme important.
• La détection de contrôle permet à l’aide de méthodes plus spécifiques l’identification de la famille chimique du toxique et d’en évaluer sa concentration. Des mesures, réparties dans l’espace, permettent de délimiter la zone contaminée et ainsi de baliser la zone d’exclusion et la zone de contrôle, puis de vérifier l’efficacité des mesures de décontamination et d’autoriser l’arrêt des mesures de protection.
• L’identification se déroule dans un laboratoire de toxicologie ou de chimie analytique et permet la reconnaissance exacte des espèces prélevées sur site ainsi que leur concentration afin d’évaluer l’impact sur les victimes et les traitements médicaux à prévoir en conséquence. Les protocoles d’identification donnent actuellement satisfaction puisqu’ils permettent d’évaluer de manière très précise et en un temps raisonnable (quelques heures) la concentration et la nature du gaz d’attaque. Il n’en est pas de même des dispositifs de détection d’alerte et de contrôle. Ainsi le rapport, signé par l’ancien Premier ministre, Dominique de Villepin, intitulé La France face au Terrorisme – Livre blanc du Gouvernement sur la sécurité intérieure face au terrorisme [3] précise :« Dans le domaine chimique, les besoins portent plus particulièrement sur l’acquisition et l’adaptation de techniques existantes à un contexte civil : détection fiable en continu, levée de doute ou confirmation et alerte automatisée en cas de détection positive. Les points communs de tous ces domaines sont le développement de capteurs miniaturisés et automatisés, à court délai de détection, et l’élargissement de la gamme de détection à l’ensemble des toxiques susceptibles d’être utilisés par les terroristes. » Or, la plupart des techniques actuelles ne sont pas en mesure de répondre à l’ensemble de ces critères, en particulier celui de la miniaturisation et du coût. L’autre enjeu souligné dans ce rapport « est la détection par un réseau de capteurs de substances biologiques, radiologiques et chimiques. Il s’agit de limiter le contact de la population avec ces matières ou ces agents [..]. La détection [par un réseau de capteurs] permet aussi de circonscrire précisément la zone contaminée et de procéder à sa décontamination». La création de réseaux nécessite des capteurs peu chers, puisque destinés à être installés en grand nombre, avec une durée de vie importante et capables de communiquer de manière fiable et efficace. Le capteur idéal pour la détection de gaz d’attaque serait donc un capteur miniature, communiquant, peu cher à fabriquer, capable de réaliser les étapes de détection et d’identification, fonctionnant en continu et donc peu consommateur en énergie. Celui-ci serait capable de détecter des concentrations allant de 1 particule par milliard (ppb) à une particule par millier (ppk) avec des temps de réponse de quelques dizaines de secondes et un temps de remise à zéro de l’ordre de la minute [4]. Les nanocapteurs sont, nous le verrons, de bons candidats pour ce type d’application car ils répondent à la plupart de ces critères. De la même manière, étudions les besoins en détection d’explosifs.

Détection d’explosifs

   Comme pour les gaz d’attaque, le contexte d’instabilité actuelle de certaines régions du globe ainsi que la démocratisation et l’accès commercial d’une large gamme de produits chimiques, entraîne une augmentation des actions terroristes impliquant des explosifs artisanaux [5]. Or, à l’instar du Sarin ou du Tabun pour les armes chimiques, le peroxyde d’acétone (TATP) et l’ hexaméthylène triperoxyde diamine (HMTD) sont les agents explosifs et les détonateurs les plus couramment utilisés dans les engins explosifs improvisés (Improvised Explosive Device (IED)). Par exemple, le TATP et le HMTD ont été les explosifs utilisés pour les attaques du métro de Londres au cours de l’année 2005. Plus récemment, et avec des effets moins importants, le groupe FNAR produisait et utilisait, afin de détruire les radars automatiques en Ile-de-France en 2008, du TATP obtenu grâce à des produits vendus couramment dans le commerce tels que l’acétone, l’eau oxygénée et l’acide sulfurique (issus par exemple des batteries des voitures). Ces deux types d’attaque révèlent la diversité des possibilités de nuisance des terroristes à différentes échelles. Pour réduire les risques de ce type d’action, « il faut [d’après le Livre Blanc] pouvoir détecter les produits explosifs dans des lieux de passage de personnes ou de véhicules sans perturber les flux de circulation. À cet effet, doivent être mis au point et développés des capteurs automatiques, utilisables en postes fixes ou en stations mobiles ». Or, actuellement, « ils sont détectés par des chiens spécialisés. Il faut développer et fiabiliser les appareils de détection de traces. » En effet, plus que la détection des produits eux-mêmes, ce sont le plus souvent les traces laissées sur les emballages par les personnes les ayant préparés qui peuvent être détectées; les quantités, en suspension dans l’air, sont de l’ordre du µg/m3 soit plusieurs centaines de particules par million (ppm) (autour de 600ppm à 25°C pour le TATP[6][7]). En remplacement des chiens, un détecteur peu cher et performant est donc recherché. La problématique est assez similaire pour les stupéfiants.

Détection de stupéfiants

  Troisième marché économique mondial d’après l’organisation mondiale de la santé [8], les stupéfiants sont devenus une préoccupation globale pour l’ensemble des institutions, tant l’ampleur des trafics et les sources de production se sont diversifiés. Les contrôles aux frontières ne permettent pas actuellement d’enrayer cette spirale. En particulier, les drogues de synthèse, comme l’héroïne, l’extasie ou les amphétamines sont très difficiles à contrôler: les laboratoires peuvent être mobiles et discrets ce qui simplifie les étapes logistiques, les quantités à fournir sont moins importantes qu’avec des drogues comme le cannabis, et enfin la barrière d’entrée pour de nouveaux trafiquants est faible car cela ne nécessite pas d’achat important de matières premières ni de matériel lourd. Pour contrer les cartels, les instances internationales (règlement (CE) n° 273/2004 du 11 février 2004) ont fait le choix de contrôler la production, le stockage et les échanges des produits utilisés pour la synthèse. Parmi les principaux précurseurs de drogues, certains sont très volatils comme: L’Anhydride Acétique ((CH3CO)2O (précurseur d’héroïne) : vapeur saturante à 25°C, 6000ppm[9]. L’Héliotropine (C8H6O3, précurseur d’extasie) : vapeur saturante à 25°C, 1200ppm. La Phenylacetone (C9H10O) et l’acide Phenylacetique (C8H8O2) (précurseur de stimulant Amphétaminique) : vapeur saturante à 25°C, respectivement 240ppm et 1200ppm. Ils se retrouvent en quantité importante dans le produit final. Ainsi, la capacité à détecter ces analytes permettrait non seulement de déceler les échanges illégaux de ces matières mais aussi la présence des drogues dont ils sont les précurseurs. Des capteurs de gaz, sensibles à ce type d’analytes, présentant une bonne sélectivité et peu chers à produire, permettraient, à l’instar des besoins en détection d’explosifs, de se substituer aux chiens. Des réseaux de capteurs multipoint à moindre coût, compacts et fiables, capables de détecter des traces de ces éléments et d’équiper les patrouilles que ce soit dans les contrôles de routine, au passage de frontière ou directement dans des containers sont également nécessaires. Des gammes de détection de quelques ppm à quelques ppk, qui représentent les tensions de vapeur saturante à température ambiante de ces composés, sont ainsi recherchées.

Schématisation du capteur

  De façon générale, un capteur de gaz à l’état solide est un dispositif, constitué d’une couche sensible, qui sert d’interface avec le gaz à détecter, et d’un transducteur, qui transforme une grandeur physique en une autre (le plus souvent un signal électrique), qui est ensuite traitée et exploitée en aval par un opérateur ou ordinateur [10][11]. L’architecture générale est représentée schématiquement à la Figure 1 Figure 1. Schéma de principe d’un capteur de gaz
Détaillons chacun des éléments de cette représentation : L’Analyte cible (X) : il peut être un gaz pur, un mélange complexe de gaz ou un élément de ce mélange. Le Capteur de gaz est composé de : Une Couche Sensible(S) : c’est l’élément physique ou chimique qui va interagir avec l’analyte pour faire varier une grandeur physique ou chimique de cette couche. Le mécanisme de détection peut être très varié et c’est lui qui conditionne les spécificités du capteur. La couche sensible n’est pas forcément matérielle et peut être une onde électromagnétique, mécanique aussi bien qu’un composé chimique ou une interface fonctionnalisée ou non. Un Transducteur : c’est l’élément qui permet de transformer la grandeur physique ou chimique captée par la couche sensible en une grandeur physique, le plus souvent en un signal électrique. Ce signal peut ensuite être traité ou interprété par un opérateur ou un système de traitement du signal. En aval de ce transducteur, on peut trouver des dispositifs de conditionnement du signal, qu’ils soient analogiques ou numériques assurant l’acquisition, l’amplification et le traitement du signal. Afin de comprendre ce qui se déroule entre l’analyte et le capteur de gaz à l’état solide, nous décrivons, dans le paragraphe suivant, les interactions gaz-solide pouvant intervenir au niveau de la couche sensible.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
INTRODUCTION GENERALE
I. DETECTEUR DE GAZ : DEFINITION ET ETAT DE L’ART
I.1. INTRODUCTION A LA DETECTION GAZEUSE
I.2. LES APPLICATIONS A LA SECURITE
I.3. GENERALITES SUR LES CAPTEURS
I.4. DIFFERENTES TECHNIQUES DE TRANSDUCTION
I.5. BILAN SUR LES CAPTEURS
I.6. MULTICAPTEUR INTELLIGENT ET « NEZ ELECTRONIQUE »
I.7. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
II. STRUCTURE ELECTRONIQUE DES NANOTUBES DE CARBONE
II.1. INTRODUCTION SUR LES NANOTUBES DE CARBONE
II.2. STRUCTURE CRISTALLINE DES NANOTUBES DE CARBONE
II.3. CARACTERISTIQUES ELECTRONIQUES DE NANOTUBES DE CARBONE
II.4. TECHNIQUES DE SYNTHESE DES NANOTUBES DE CARBONE
II.5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
III. TRANSISTOR A NANOTUBE UNIQUE
III.1. LE DISPOSITIF DE TRANSISTOR A NANOTUBES DE CARBONE
III.2. CNTFET : TRANSISTOR A BARRIERE SCHOTTKY
III.3. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
IV. TRANSISTORS A TAPIS DE NANOTUBES
IV.1. LES TAPIS DE NANOTUBES DE CARBONE
IV.2. METHODES DE REALISATION DE TAPIS DE NANOTUBES DE CARBONE
IV.3. DEPOT PAR AEROGRAPHE ROBOTISE POUR APPLICATION GRANDE SURFACE 
IV.4. CARACTERISTIQUES ELECTRIQUES DES TRANSISTORS
IV.5. MODELISATION SEMI-ANALYTIQUE DES CARACTERISTIQUES DES TRANSISTORS
IV.6. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
V. DETECTION DE GAZ
V.1. TRANSISTORS A TAPIS DE NANOTUBES DE CARBONE POUR LA DETECTION D’ANALYTES
V.2. TECHNIQUES POUR ADRESSER LA SELECTIVITE
V.3. MATRICE DE TRANSISTORS INTEGRES ET PLATEFORME DE TEST 
V.4. MESURES SIMULTANEES SUR UNE MATRICE DE TRANSISTORS
V.5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION GENERALE
PERSPECTIVES
ANNEXE A

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