Transformations fonctionnelles homolytiques d’aldéhydes

Par le passé, la chimie radicalaire a été négligée dans les synthèses car elle correspondait pour beaucoup de chimistes à un ensemble de réactions sans grand intérêt, nécessitant des températures allant jusqu’à 150-200°C, et donnant de très mauvaises sélectivités. Ce n’est que très récemment, avec la détermination des constantes de vitesse de nombreuses réactions homolytiques élémentaires, qu’il est apparu possible de “domestiquer les radicaux” comme le signalait Barton. De nouvelles réactions aux conditions opératoires douces et sans protection de fonction particulière ont ainsi pu être mises au point. Les transformations fonctionnelles ont, pour leur part, pris une importance croissante avec les travaux de Barton et de ses collaborateurs.

Pour bien appréhender ces phénomènes, nous présenterons dans un premier temps, les travaux effectués sur les radicaux acyle RCO. , alkyle R. et sur les facteurs contrôlant la décarbonylation RCO. → R. + CO. Une fois ces données acquises, nous tenterons de définir les conditions expérimentales optimales permettant dans un premier temps d’obtenir sélectivement le composé RCOX, A et dans un deuxième temps le composé RX, B. Devant la difficulté de réaliser la décarbonylation fonctionnalisante directe des aldéhydes, nous nous sommes orientés vers une voie indirecte, basée sur la décomposition induite de peroxyacétals insaturés. La dernière partie de ce mémoire sera donc consacrée à cette étude. Après la présentation de la chimie des peroxyacétals, nous décrirons un certain nombre de transformations fonctionnelles d’aldéhydes en utilisant cette méthodologie.

Quelques caractéristiques des radicaux acyle

Les radicaux acyle appartiennent à la classe des radicaux sigma. Des études R.P.E.(1) portant sur le radical formyle ont montré que l’électron non apparié était principalement localisé dans une orbitale sp2 du carbone. La valeur de l’angle R-C=O a été déterminée : 125° pour le radical formyle(1, 2) et 129° pour le radical acétyle(3) . Les différents substituants que l’on peut trouver en α de la fonction aldéhyde n’ont pas d’influence sur l’énergie de la liaison carbone sp2 -hydrogène qui est voisine de 364 kJ/mol(4) , ce qui n’est pas le cas des substituants en α d’une liaison C-H d’un alcane .

Généralités sur les radicaux acyle 

Avec un excès d’hydrure métallique et pour un faible avancement de la réaction, on obtient l’expression suivante : k1 / kMH = [RH] . [R’3MH]0 / [RCHO]. La constante de vitesse ainsi que les paramètres d’Arrhénius de la décarbonylation du radical propanoyle sont connus en phase gazeuse. Chatgilialoglu et coll.(22) ont posé deux hypothèses :
– Les valeurs connues en phase gazeuse pour le radical propanoyle sont applicables en phase liquide pour les radicaux acyle contenant un groupe alkyle R primaire.
– La réaction d’un hydrure métallique sur un radical acyle est indépendante de la structure du groupe R. Dans ces conditions, il est possible d’en déduire kMH à partir de la relation décrite plus haut. Cette constante de vitesse étant connue, les paramètres d’Arrhénius et les constantes de vitesse de décarbonylation des radicaux acyle α-substitués et α,α-disubstitués sont accessibles (tableau I-4). Les résultats confirment que plus le radical alkyle R. est substitué, plus la décarbonylation est rapide. Les aldéhydes sont aussi facilement transformés en leur composé d’hydrodécarbonylation par voie photochimique en présence d’une quantité catalytique de cétone servant de photosensibilisateur et d’un thiol(27a) .

A + R’SH → AH + R’S

R’S + RCHO → R’SH + RCO

RCO → R + CO

R + R’SH →  RH + R’S

Les réactions de réduction ont toutefois été utilisées pour réaliser l’élimination d’un hétéroatome lié au groupe carbonyle dans des dérivés d’acides et ainsi permettre la transformation en aldéhyde. Elles font appel aux réactions des radicaux acyles avec des composés donneurs d’atomes d’hydrogène, dans des conditions où la décarbonylation est lente. La relativement faible énergie de la liaison carbonyle sp2  hydrogène des aldéhydes et le caractère nucléophile des radicaux acyle(27b) font que l’arrachement d’hydrogène à un substrat est généralement une réaction limitée. Toutefois, les hydrures organométalliques se sont avérés efficaces dans ce genre de réactions(20, 22). Cette réaction n’est pas toujours sélective puisque dans certains cas, l’aldéhyde et l’alcane sont obtenus en même temps.

Dans un autre type de réaction, les formylations radicalaires ont été mises au point au cours de ces dernières années(28) permettant de transformer un dérivé halogéné en aldéhyde.

GENERALITES SUR LES RADICAUX ALKYLE 

Les radicaux alkyle étant des intermédiaires réactionnels intervenant très souvent dans ce travail, nous avons voulu décrire sommairement dans ce chapitre leurs caractéristiques, leurs modes de création et leurs réactions principales.

Caractéristiques des radicaux alkyle

Les radicaux alkyle sont de géométrie plane ou pyramidale. Leur stabilité dépend d’aspects thermodynamiques et cinétiques.

Stabilité thermodynamique :
L’énergie de stabilisation Es d’un radical R. , par rapport au radical CH3 . , peut être définie par la relation suivante :

Es(R.) = EDL(CH3-H) – EDL(R-H)

où Es(R.) représente la différence entre l’énergie de dissociation d’une liaison C-H du méthane choisie en référence et arbitrairement fixée à 0 et celle de la liaison R-H.

Les facteurs qui stabilisent le radical et donc affaiblissent la liaison R-H sont de plusieurs types :
– L’hyperconjugaison est responsable de la séquence de stabilité suivante :

(CH3)3C. > (CH3)2CH. > CH3CH2. > CH3.

– La mésomérie entraîne une stabilisation par résonance. Elle concerne notamment les radicaux conjugués avec des systèmes insaturés.

– L’effet captodatif traduit la présence simultanée sur le carbone radicalaire d’un substituant électroattracteur et d’un substituant électrodonneur. L’énergie de stabilisation supplémentaire
ΔE est calculée par l’expression suivante :
ΔE = [Es(X-R.-H) + Es(Y-R.-H)] – Es(X-R.-Y) où X est un substituant électrodonneur et Y un substituant électroattracteur. Cet effet produit une stabilisation supérieure à celle correspondant à la somme des effets apportés par chacun des substituants pris indépendamment (ΔE<0).

La réaction d’un aldéhyde avec un chlorure d’acide(4) catalysée par un acide de Lewis conduit à la formation d’un ester de chloroalkyle avec de bons rendements. Afin de voir si une telle réaction de condensation pouvait être responsable de l’obtention de l’heptanoate de 1- chloroheptyle 5 nous avons porté à 80°C, pendant 12 heures, un mélange équimolaire de chlorure d’heptanoyle et d’heptanal, dans le tétrachlorométhane en absence de peroxyde. L’identification de cet ester chloré après réaction avec un rendement de l’ordre de 10% s’accorde avec l’origine majoritairement ionique de ce produit dans la réaction radicalaire de l’aldéhyde avec le tétrachlorométhane. La réaction du chlorure d’acide et de l’aldéhyde ne se faisant pas rapidement à basse température nous avons envisagé de réaliser la réaction d’halogénation homolytique de l’aldéhyde à l’aide du tétrachlorométhane en utilisant le système BEt3 / O2 pour l’amorçage (voir page 127). Un tel amorçage s’est avéré inefficace. Dès lors, il paraissait vain de chercher d’autres conditions de réaction pour empêcher sa formation. Néanmoins, l’hydrolyse basique des produits de réaction après élimination du tétrachlorométhane devrait permettre de récupérer tout l’acide dodécanoïque issu de l’halogénation de l’aldéhyde.

Après extraction de l’aldéhyde et du 1-chloroundécane 7 du milieu d’hydrolyse basique, l’acidification permettra de régénérer l’acide de son sel et ainsi de l’obtenir avec un bon rendement. Nous allons donc maintenant étudier la transformation RCHO→ RCO2H via la formation d’un chlorure d’acide en suivant le protocole expérimental décrit ci-dessous :
1) halogénation de l’aldéhyde par chauffage 12 heures à 80°C d’une solution de peroxyde de lauroyle et d’aldéhyde dans le tétrachlorométhane (rapports molaires respectifs 0,1/1/10).
2) hydrolyse basique après élimination du solvant, extraction des produits insolubles par l’éther (1-chloroundécane 7, aldéhyde résiduel).
3) acidification et extraction au chloroforme de l’acide.

Transformation RCHO → RCOOH 

L’étude bibliographique de la réactivité des radicaux acyle RCO. a montré que la nature du groupe alkyle R primaire, secondaire ou tertiaire était le paramètre important gérant leur capacité à la décarbonylation(5). Nous étudierons donc la décomposition du peroxyde de lauroyle dans une solution de tétrachlorométhane pour chacun de ces types d’aldéhydes, dans les conditions décrites plus haut. Le tableau II-1 rassemble les rendements en acide RCOOH isolé. La première remarque est relative à l’amélioration du rendement obtenu en halogénure d’acide avec le remplacement du peroxyde de benzoyle par le peroxyde de lauroyle pour la réaction effectuée avec le dodécanal (passage de 50% à 60%). Le changement d’amorceur permet une plus grande pureté de l’acide formé après le traitement basique. Nous devons aussi noter que lorsque R est primaire ou secondaire les rendements en acide sont toujours supérieurs à 60% alors que lorsque R est tertiaire ils sont inférieurs à 10%. Par contre, on identifie une quantité importante de 2-chloro 2-méthyl-1-phénylpropane 8 pour le 2,2- diméthyl-3-phénylpropanal 9. En ce qui concerne le 3-chloro-2,2-diméthylpropanal 10, le 1,2- dichoro-2-méthylpropane 11 n’a pas pu être identifié en raison de l’évolution du radical alkyle  .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I
GENERALITES SUR LES RADICAUX ACYLE
1. Quelques caractéristiques des radicaux acyle
2. Sources de radicaux acyle
2.1. Aldéhydes
2.2. Photolyse de cétones et de dérivés d’acides carboxyliques
2.3. Réaction de radicaux organométalliques sur des dérivés d’acides
2.4. Carbonylation de radicaux alkyle
3. Réactions des radicaux acyle
3.1. Décarbonylation
3.2. Oxydation
3.3. Addition à des doubles et triples liaisons
4. Conclusion
GENERALITES SUR LES RADICAUX ALKYLE
1. Caractéristiques des radicaux alkyle
1.1. Stabilité thermodynamique
1.2. Stabilité cinétique
2. Sources de radicaux alkyle
3. Réaction des radicaux alkyle
3.1. Réactivité des radicaux alkyle
3.2. Réaction de substitution d’atomes monovalents
3.3. Réaction de substitution d’atomes multivalents
3.4. Réactions d’addition radicalaire
4. Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
PARTIE II
Introduction de la seconde partie
REACTIONS RADICALAIRES D’ALDEHYDES
TRANSFORMATIONS FONCTIONNELLES : RCHO RCOX
1. Aldéhydes non fonctionnels
1.1. Etude de la réaction décrite dans les conditions de Winstein : définition des
conditions de travail
1.2. Transformation RCHO RCOOH
2. Aldéhydes fonctionnels
2.1. Réaction de l’hex-5-énal
2.2. Réaction d’halogénation du 5-bromopentanal et du 5-méthoxypentanal
3. Conclusion
REACTIONS RADICALAIRES D’ALDEHYDES
TRANSFORMATIONS FONCTIONNELLES : RCHO RX
1. RCHO RCl ou RBr
2. RCHO RH
3. Conclusion
TENTATIVE DE TRANSFORMATIONS FONCTIONNELLES
RCHO RCOZ OU RZ
1. RCHO RS(C=S)OCH3 et / ou RCOS(C=S)OCH3
2. RCHO RCH2C(=CH2)CO2C2H5 et / ou RCOCH2C(=CH2)CO2C2H5
3. RCHO RCN et / ou RCOCN
4. RCHO RR’C=CR’’Cl et / ou RCOR’C=CR’’Cl
5. Conclusion
Conclusion de la seconde partie
PARTIE EXPERIMENTALE
1. Techniques générales
1.1. Chromatographie en phase gazeuse
1.2. Chromatographie en phase liquide
1.2.1. Chromatographie sur couche mince
1.2.2. Chromatographie sur colonne
1.3. RMN 1H
1.4. RMN 13C
1.5. Points de fusion
1.6. Microdistillation
1.7. Dosage des hydroperoxydes
1.8. Microanalyse
1.9. Spectrométrie infrarouge
2. Partie expérimentale
2.1. Synthèse des aldéhydes
2.2. Synthèse des produits de référence
2.2.1. Halogénoalcanes
2.2.2. Esters halogénés
2.2.3. 2-Halogénométhylcyclopentanone
2.2.4. Esters fonctionnalisés
2.3. Etude de la réaction de formation d’halogénures d’acides
2.3.1. Chlorures d’acides
2.3.2. Acides
2.3.3. Esters de méthyle
2.4. Formation d’halogénoalcanes
2.4.1. Par l’intermédiaire des aldéhydes
2.4.2. Par l’intermédiaire d’esters thiohydroxamiques
2.5. Décarbonylation d’aldéhydes
2.6. Autres essais de fonctionnalisation d’aldéhydes
2.6.1. Réactifs
2.6.2. Réactions
BIBLIOGRAPHIE
PARTIE III
Introduction de la troisième partie
GENERALITES SUR LES PEROXYACETALS
1. Synthèse
1.1. Synthèse par réaction d’un hydroperoxyde avec un acétal
1.2. Synthèse par addition d’un hydroperoxyde à un éther d’énol
2. Réactivité
2.1. Décomposition spontanée
2.2. Décompositions induites
3. Applications synthétiques de la décomposition induite par addition-substitution
homolytique intramoléculaire
4. Conclusion
ETUDE DES DECOMPOSITIONS HOMOLYTIQUES INDUITES DE
PEROXYACETALS INSATURES EN VUE DE TRANSFORMATIONS
FONCTIONNELLES D’ALDEHYDES
1. Conditions de réaction
1.1. Rapports molaires des réactifs et nature de la double liaison du peroxyacétal
insaturé
1.2. Choix de l’hydroperoxyde pour la synthèse des peroxyacétals insaturés
1.3. Choix de l’amorceur
2. Conclusion
TRANSFORMATIONS FONCTIONNELLES RCHORX PAR DECOMPOSITIONS
INDUITES DE PEROXYACETALS INSATURES
1. RCHORCl
2. RCHORBr
3. RCHORI
4. RCHORH
5. RCHORSC(=S)OC2H5
6. RCHORCH2-C(=CH2)CO2C2H5
7. RCHORCN
8. RCHORR’C=CClR’’
9. RCHORC CC6H5
10. Conclusion
CONCLUSION GENERALE

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