Transformations des matières organiques dans le sol

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Transformations des matières organiques dans le sol

 Acteurs des biotransformations physiques et chimiques : faune et micro-organismes
On a souvent séparé l’action de la faune du sol, essentiellement mécanique, de l’action prépondérante des microorganismes, de nature biochimique. En réalité, les travaux récents montrent l’étroite complémentarité de tous les organismes vivants pour effectuer les transformations des MO dans les sols.
La macrofaune (vers de terre, fourmis…) exerce une action mécanique, de fragmentation des MO et d’incorporation au sol de la litière, mais aussi une action de nature biochimique. Ingérant à la fois des MO et des minéraux, les vers de terre soumettent les MO à une digestion sélective qui modifie leurs propriétés, remanient les particules minérales, favorisent la mise en contact entre microbes et MO, et excrètent des mélanges organo-minéraux enrichis en mucus qui contribuent à la stabilité des agrégats organo-minéraux. Ils mélangent annuellement plusieurs dizaines de tonnes de terre par hectare, et il a été montré que la présence de vers de terre peut augmenter de 30% le stock de C dans un sol. De nombreux autres groupes de la macrofaune sont aussi reconnus comme stimulant l’activité des microorganismes et la biodégradation des MOS sur le court terme. Les méso- et micro-faunes (acariens, collemboles, nématodes, protozoaires…) semblent intervenir principalement par la prédation qu’elles exercent sur les microorganismes décomposeurs.
Les réactions biochimiques qui se produisent lors de la décomposition des MO sont réalisées principalement par les micro-organismes (champignons et bactéries), qu’ils soient libres dans le sol ou associés à la faune. Ces microorganismes représentent la composante vivante du sol la plus diversifiée, tant d’un point de vue taxonomique que fonctionnel. La biomasse microbienne* s’élève généralement à quelques centaines de grammes de matière sèche par mètre carré de sol, mais la majorité des microbes sont en dormance ou à très faible activité. La rhizosphère (zone du sol proche des racines) concentre une forte proportion de l’activité microbienne des sols. La biomasse microbienne est plus faible dans les sols cultivés que sous prairies et forêts.

Transferts des matières organiques au sein du profil de sol

Les matières organiques sont transférées dans le profil de sol sous formes particulaire, colloïdale, ou dissoute.
Dans les sols non travaillés, le mélange des couches de terre est principalement lié à une action biologique (bioturbation). La faune du sol (vers de terre, fourmis, termites, campagnols, taupes…) enfouit les résidus végétaux, mélange la terre de proche en proche, ou ramène à la surface du matériau plutôt minéral depuis les horizons profonds. Les vers de terre sont des acteurs essentiels de la bioturbation. Le processus de mélange décroît rapidement avec la profondeur, pour devenir négligeable en dessous de 50 cm à l’échelle des décennies. La bioturbation est notoirement plus importante et plus profonde en prairies permanentes ou en agriculture de conservation que sous les cultures conventionnelles.
L’eau qui circule dans l’espace poral du sol est aussi un vecteur du transport vertical des MO dans le sol. Ce transfert est dénommé lessivage pour les particules solides, qui vont migrer depuis les horizons d’éluviation vers les horizons d’illuviation dans lesquelles elles sont immobilisées, et lixiviation pour les éléments solubles, qui peuvent être entrainés au-delà du profil de sol par les eaux d’infiltration. Il peut s’agir de matières organiques libres, adsorbées sur des minéraux, coprécipitées avec des oxy-hydroxides, ou complexées avec des métaux. Les MO dissoutes (MOD) sont en fait préférentiellement des molécules de petite taille (< 100 kDa) pour lesquelles les mécanismes de diffusion et de dispersion sont favorisés. L’eau drainant les horizons supérieurs des sols (horizons organiques et horizons minéraux de surface) peut être riche en MOD alors que l’eau drainant les sols en profondeur est plutôt appauvrie en MOD. Les concentrations en MOD sont souvent corrélées à la texture du sol, les sols sableux présentant souvent des solutions de sol plus riches en MOD que les sols argileux (à climat équivalent). En conséquence, les nappes dont le toit est proche de la surface du sol (zones humides, zones de bas de versant) présentent des concentrations en MOD notables et alimentent les cours d’eau en MOD.

Sorties de carbone

La minéralisation désigne les processus de transformation, dans le sol, de différentes molécules organiques en composés minéraux : principalement CO2, H2O, NH4+, HPO42- et SO42-. La minéralisation résulte de la respiration et de l’excrétion des organismes du sol. C’est le processus de la destruction des matières organiques, et le processus majeur de sortie du carbone du sol. D’un point de vue quantitatif, les sols émettent à l’échelle globale 10 fois plus de CO2 provenant de la respiration autotrophe (racines) et hétérotrophe (microorganismes et faune) que les activités humaines (IPCC 2013).
Les autres postes sont la perte de carbone organique dissout (COD), et les transferts liés à l’érosion des sols. Les exportations de C par flux de COD mesurés varient selon les sites de 2 à 50 kgC/ha/an, avec une tendance à l’augmentation. Dans beaucoup de situations de la zone tempérée, où l’érosion est modérée, les pertes de C dissout sont plus importantes que les pertes par érosion. A l’échelle globale, ces pertes représentent un ordre de grandeur de 0,7 Gt/an. L’érosion, principalement hydrique sous nos climats, est le facteur majeur de dégradation des sols, particulièrement en grandes cultures. Dans les systèmes naturels non perturbés, la perte de matériau par érosion est approximativement compensée par la pédogenèse. L’usage agricole, en supprimant la végétation naturelle et réduisant les taux de MO de surface, multiplie les vitesses d’érosion par cent. La grande variabilité spatiale et temporelle de l’érosion des sols est ainsi associée à l’historique de l’utilisation et de la gestion des terres. L’érosion des sols a éliminé une quantité considérable d’horizons de surface. A l’échelle globale, la quantité de C des sols exportée par érosion latérale est estimée entre 0,3 et 1 GtC/an.
L’omission de la contribution de l’érosion aux bilans de flux de C reste une source d’erreurs significatives dans l’interprétation des sorties de modèles de dynamique du C des sols. Si le C transféré latéralement par érosion est perdu à l’échelle du sol considéré, l’intégration des processus à l’échelle des bassins versants (détachement, transport, sédimentation, enfouissement dans les zones en dépression, transfert de nappe) aboutit à des bilans de C qui font débat entre puits et source de C.

Cinétique de décomposition des matières organiques et temps moyen de résidence du carbone

Age du carbone et vitesse de renouvellement à l’échelle du profil de sol

L’âge d’un atome de carbone du sol est défini comme le temps écoulé entre son arrivée dans le sol et l’observation. La datation au carbone 14C et le traçage naturel par le 13C montrent que l’âge médian du carbone à un mètre de profondeur est supérieur à 1000 ans (Figure 2-4). Le renouvellement est 7 à 10 fois plus lent pour la couche 30-100 cm que pour 0-30 cm. Le carbone profond n’est cependant pas inerte : la couche 30-100 cm contient en moyenne un quart du stock de carbone « jeune » (de moins de 50 ans) de la couche 0-100 cm en sols cultivés, et un cinquième en prairies permanentes (Figure 2-5).
Plusieurs travaux rapportent des effets significatifs de changements d’utilisation des terres ou de pratiques agricoles sur le carbone profond des sols, notamment une diminution par la mise en culture de prairies ou de forêts, une augmentation lors de la conversion de forêts en prairies, ou par l’introduction de légumineuses.
Dans les systèmes dynamiques en régime stationnaire, le temps de turnover* (ou temps moyen de transit*) est égal à l’âge moyen des éléments qui quittent le système (exprimé en général en années). Il est égal au rapport du stock au flux entrant. Le temps moyen de résidence* (TMR) est défini dans la présente étude comme le temps moyen de transit7.
Compartiments cinétiques, carbone stable. Les atomes de carbone du sol ont des temps de turnover hétérogènes, de quelques heures à plusieurs millénaires. La plupart des modélisations distinguent des compartiments : sous-ensembles discrets, interagissant entre eux, chacun étant homogène et défini par un temps de turnover caractéristique. Il est recommandé de réserver le terme « carbone stable » au compartiment dont le renouvellement est très faible, voire nul, à l’échelle du siècle (temps de turnover supérieur à plusieurs siècles).

Représentation de la dynamique du carbone dans le sol

Les modèles dynamiques dits mécanistes basés sur une représentation des biotransformations du COS sont nombreux et divers, et ont fait l’objet de plusieurs revues de la littérature. Cette importante diversité s’explique principalement par le fait que les mécanismes contrôlant l’évolution des stocks de C du sol sont eux-mêmes très divers, et pas nécessairement tous représentés explicitement dans les modèles.
Les modèles diffèrent par les mécanismes de contrôle de la stabilité du COS qu’ils considèrent (interactions avec la matrice minérale, récalcitrance chimique ou protection physique au sein d’agrégats de tailles diverses) et par leur prise en compte de l’action des microorganismes. Ils se distinguent aussi par l’échelle spatiale considérée, qui va de l’agrégat à la planète entière, ce qui oriente la structure du modèle et les processus représentés.

Formalismes utilisés dans les modèles

Bien que les MOS soient aujourd’hui reconnues comme constituées d’un continuum de composés organiques à différents stades de biotransformation (voir section 2.1), elles sont représentées dans la plupart des modèles existants comme un ensemble de compartiments distincts, caractérisés chacun par un temps moyen de résidence du C spécifique, et reliés entre eux par des flux de matière. La plupart de ces modèles à compartiments utilisent pour représenter les flux de décomposition de la MOS des cinétiques dites d’ordre 1 (c’est-à-dire où la vitesse de décomposition est proportionnelle à la quantité de C présent dans le sol).
 La cinétique de décomposition des MO dans les modèles de dynamique du carbone
Dans chaque compartiment, la dégradation de la MOS (c’est-à-dire la perte de masse au cours du temps) est décrite par une équation différentielle du type :
dC/dt = I(t) – k.C(t) avec dC la variation de la quantité de carbone dans le compartiment pendant l’intervalle de temps dt, I(t) l’entrée de C dans le compartiment au temps t, k la constante de décomposition du compartiment (correspondant à 1/temps moyen de résidence), et C(t) la quantité de C contenue dans le compartiment au temps t.
La constante de décomposition k correspond à la proportion de C décomposée dans le compartiment par unité de temps. Dans cette représentation par une cinétique d’ordre 1, la quantité de C perdue par le compartiment par unité de temps, k.C(t), est reliée de façon linéaire à la quantité de C présente dans le compartiment. La constante de décomposition k est indépendante de la quantité de C présente dans le compartiment C(t) et de la quantité de C entrant I(t). Une fraction de ce flux de décomposition est minéralisée, et le reste contribue à l’entrée de C dans les autres compartiments à temps moyen de résidence plus long.
L’impact de facteurs tels que le climat du sol (température, teneur en eau) ou ses propriétés (pH, texture, teneur en CaCO3) sur les temps moyens de résidence du C dans le sol, est représenté par une modulation de la constante de décomposition k, en faisant souvent l’hypothèse que les effets des facteurs sont indépendants et donc multiplicatifs : k = k0.f(T).f(W).f(…) avec k0 la constante de décomposition spécifique du compartiment, f(T) la modulation de la constante de décomposition liée à la température du sol, f(W) la modulation de la constante de décomposition liée à l’humidité du sol, f(…) les modulations liées à d’autres facteurs biotiques ou abiotiques.
Tous les modèles prennent en compte l’influence de la température et de la teneur en eau du sol, mais les formes des fonctions de modulation varient. Quelques modèles prennent également en compte les effets de l’acidité du sol, de son aération ou de sa teneur en calcaire. Pour un modèle donné, les fonctions de modulation des vitesses de décomposition sont les mêmes pour tous les compartiments.
Cette formalisation mathématique simple de la biotransformation de la MOS, proposée dès les premiers développements, s’est imposée et est aujourd’hui à la base de la plupart des modèles.
 Représentations de la biomasse microbienne.
Dans les modèles classiques, la biomasse microbienne (BM) est généralement considérée comme l’un des compartiments de COS, avec une vitesse de décomposition spécifique. La décomposition de la MOS n’est limitée que par la disponibilité du substrat, et les microorganismes ne sont pas représentés de façon explicite.
Le formalisme dominant fait donc l’hypothèse implicite que l’activité microbienne n’est jamais un facteur limitant de la décomposition. Il permet mal de rendre compte des processus d’adaptation des microorganismes à de nouvelles conditions ou aux stress environnementaux. Les connaissances récentes ont conduit à développer de nouveaux modèles qui représentent explicitement les communautés microbiennes et leur activité, et permettent par exemple de représenter le priming effect*. La limite de ces modèles est qu’ils sont principalement dédiés à des échelles fines (agrégats, rhizosphère), et qu’ils restent essentiellement théoriques, faute en particulier de jeux de données pour renseigner les nombreux paramètres.
 Autres limites des modèles classiques à compartiments et formalismes alternatifs
L’avancée des connaissances sur la nature et la dynamique des MOS d’une part, et l’utilisation de ces modèles pour des évaluations prospectives de l’impact du changement climatique ou de transitions agroécologiques sur les stocks de COS d’autre part, mettent en évidence plusieurs limites de cette représentation, et suscitent le développement de formalismes alternatifs.
Limite de saturation en carbone des sols. Par construction, il existe dans les modèles représentant la dynamique des MOS par un système d’équations différentielles d’ordre 1, une relation linéaire entre le stock de MO dans le sol et les entrées de MO lorsque le système est à l’équilibre I(t) = kC(t), si bien que le stock de COS à l’équilibre augmente de façon linéaire avec les entrées de C, sans limite. Or des travaux montrent qu’il existerait une quantité maximale de C que le sol peut stocker, correspondant à la saturation des fractions minérales fines, et que ce seuil est contrôlé par les propriétés physiques des sols (minéralogie, texture) et par les concentrations en MOS elles-mêmes. Les modèles classiques pourraient donc surestimer l’évolution des stocks de MO dans des sols proches de la saturation. D’autres formes de modélisation émergent, qui définissent des compartiments de MOS au regard de leur association aux particules minérales du sol et de leur inclusion dans des agrégats ; elles permettent de représenter la saturation du sol en MO. Une formalisation conceptuelle a ainsi été proposée, mais elle est actuellement implémentée dans peu de modèles, et peu de données expérimentales ou d’observations sont disponibles pour paramétrer le seuil de saturation dans une diversité de sols.
Prise en compte de la disponibilité en azote et rapport C/N/P. Certains modèles (AMG, RothC…) ne représentent pas la dynamique de l’azote et ne considèrent donc pas sa disponibilité comme un facteur potentiellement limitant de la décomposition de la MOS. Cette hypothèse est tenable en situation de fertilisation azotée non limitante, mais l’est moins pour des systèmes agroécologiques ou « bas intrants ». A l’inverse, les modèles STICS et PaSim utilisés dans cette étude représentent explicitement les interactions C-N (Figure 2-8).

Spatialisation des modèles de dynamique du carbone

 Echelles spatiales et choix des formalismes de modélisation spatiale
Les applications des modèles de dynamique du C à des espaces au-delà de la placette ou de la parcelle sont de plus en plus nombreuses : elles concernent les échelles du paysage, voire les échelles nationales ou globales dans le cadre des inventaires et des politiques publiques de lutte contre le changement climatique. La modélisation à ces échelles est réalisée soit par simple juxtaposition de résultats obtenus à l’échelle de la parcelle (c’est ce qui est fait dans la partie simulations de cette étude), soit en prenant en compte les interactions entre espaces cultivés et structures paysagères (friches, bois, haies, zones humides ripariennes, bandes enherbées), soit encore en utilisant des modèles d’écosystèmes développés pour des étendues spatiales larges. Pour nombre de ces modèles globaux de l’écosystème terrestre, le module « carbone » reste basé sur des modèles compartimentaux à équations cinétiques d’ordre 1 (le plus souvent Century ou RothC), qui sont couplés à des modèles de dynamique de la végétation et de transferts de nutriments, et à des scénarios de changements d’usage des sols.
 Modélisation des transferts de C en surface
La spatialisation pose la question de la prise en compte des transferts de C, sous forme particulaire (en lien avec l’érosion) ou dissoute, et de leurs conséquences sur la dynamique du C. L’érosion peut en effet générer des flux de carbone et d’azote du même ordre de grandeur que les flux liés à la fertilisation et à l’exportation de biomasse à la récolte. L’érosion est de plus en plus prise en compte dans les modélisations des cycles biogéochimiques à l’échelle globale. L’importance des flux sous forme de carbone organique dissout (COD), notamment dans les écosystèmes naturels et semi-naturels, est aussi largement reconnue, et ces transferts sont de plus en plus considérés.
A l’échelle du paysage, des couplages de modèles de dynamique du C avec des modèles mécanistes de simulation de l’érosion, hydrique ou liée au travail du sol, ont été utilisés. Ils permettent de simuler l’hétérogénéité spatiale des stocks de COS, voire les interactions avec la dynamique du C des particules érodées ou déposées. Cette dimension n’a pas été modélisée dans le cadre de cette étude.
 Prise en compte de la diversité des éléments du paysage
Les structures paysagères ont un impact significatif sur le stockage et la dynamique du C à l’échelle du paysage : les haies peuvent contribuer à hauteur de 13 à 38% du stock de carbone, les zones humides ripariennes peuvent temporairement être sources de C par la lixiviation de COD vers le réseau hydrographique. Il est d’autant plus pertinent de prendre en compte ces structures paysagères dans la modélisation que les politiques de préservation de la biodiversité ou de la qualité de l’eau promeuvent l’introduction ou la préservation de ces éléments dans le paysage.
Ces structures sont peu prises en compte dans les modèles globaux, dont la résolution spatiale est supérieure à l’emprise de ces éléments de paysage ; elles le sont dans certaines études à l’échelle du paysage, mais cela suppose un paramétrage spécifique des modèles, par exemple pour les zones humides.

Sols sous prairies permanentes

Les prairies permanentes occupent actuellement 9,3 millions d’hectares soit 17% du territoire métropolitain. La part de la SAU française occupée par des surfaces toujours en herbe (STH) est passée de 41 à 28% entre 1970 et 2015. En moyenne, les stocks de COS dans les sols de prairies permanentes sont de 85 tC/ha sur les 30 premiers centimètres de sol (tableau de la Figure 2-10), valeur très proche des stocks des sols forestiers. Ramené à la surface de STH en France métropolitaine, le stock total de COS sous prairies est de 0,79 GtC.
Les quantités de COS stockées dans les sols de prairie sont variables. Le type de sol, le climat (incluant l’altitude) et la gestion sont des facteurs importants de cette variabilité. De manière générale, le stock de COS est plus important dans des prairies de montagne gérées plus extensivement que dans des prairies de plaine gérées plus intensivement. Des teneurs élevées en COS peuvent être également liées aux faibles températures et fortes précipitations, à la minéralogie des sols issus de matériaux volcaniques, ainsi qu’à des épandages importants d’effluents d’élevage. Les pratiques (fauche, pâturage, fertilisation) affectent aussi les stocks de COS. Pour des sols identiques d’un point de vue géomorphologique et climatique, les stocks mesurés sous prairies (de plus de 3 ans et permanentes) sont toujours plus élevés que sous cultures.

Sols cultivés

Les terres arables (grandes cultures, prairies temporaires et artificielles, maraîchage) occupent 18,4 millions d’hectares soit 34% du territoire métropolitain. Elles représentent 64% de la surface agricole utile ; les cultures pérennes (vergers, vignes, pépinières ligneuses) couvrent 1,0 million d’hectares. Les stocks moyens sur une profondeur de 0-30 cm sont de 51,6 tC/ha sous cultures annuelles, 46,5 tC/ha sous vergers, et 34,3 tC/ha sous vigne. Le stock correspondant pour les terres arables est de 0,95 GtC.
Les quantités de C organique stockées dans les sols cultivés sont variables. Elles dépendent du climat (la pluviométrie et la température expliquent pour partie les stocks élevés en Bretagne et faibles en région méditerranéenne, par exemple) et du type de sol (stocks relativement plus élevés en sol argileux du Marais Poitevin, sol argileux et climat froid sur la bordure Est du Bassin parisien, et stocks plus faibles en sols limoneux du Bassin parisien ou du Toulousain…). Les sols de vignes sont souvent localisés dans des régions de climat chaud (Languedoc Roussillon par exemple), sur des sols caillouteux, ce qui, avec les faibles restitutions organiques de la vigne expliquent leurs stocks faibles, quoique associés à une forte variabilité. Les stocks dépendent également de l’historique d’occupation des sols et des systèmes de culture mis en place (choix des cultures et pratiques agricoles). Ainsi, les stocks élevés des sols cultivés en Bretagne et Charente s’expliquent aussi par des usages antérieurs en prairie.

Répartition des stocks de C selon le mode d’occupation des sols en France métropolitaine

Les estimations des stocks de C totaux pour les différents modes d’occupation des sols en France peuvent différer selon les données utilisées pour estimer d’une part les surfaces correspondant à ces différents usages (les typologies d’occupations des terres varient selon les sources), et d’autre part les stocks moyens par usage. Considérant que le réseau RMQS est représentatif des différents grands types d’occupation des terres observés sur le territoire métropolitain et des stocks de carbone associés, il est possible d’utiliser ces données pour estimer les stocks de carbone totaux par grand type d’occupation (Figure 2-11). Il apparait que les terres arables (incluant les grandes cultures et prairies temporaires) représentent un stock total de l’ordre de 0,95 GtC et que les prairies permanentes représentent un stock de 0,79 GtC, soit 26,5 et 22%, respectivement, pour un total de 48,5% du stock total de C des sols français (3,58 GtC, hors surfaces artificialisées). Malgré un stock par unité de surface moindre, les sols des terres arables représentent un stock un peu supérieur à celui des prairies permanentes du fait d’une surface concernée plus importante. Le stock des sols forestiers représente 1,37 GtC, soit 38% du total, du fait à la fois d’une surface concernée élevée et d’un stock par unité de surface important.

Tendance actuelle d’évolution des stocks de COS sous différents modes d’occupation des sols en France métropolitaine

Quand elle est non nulle, l’évolution tendancielle des stocks traduit le fait que le stock de C n’est pas à l’équilibre. Cela peut résulter de l’historique des parcelles, avec des arrière-effets de changements d’occupation du sol parfois anciens, de modifications de pratiques, ou encore être la conséquence des changements globaux (augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère, dépôts azotés). Ces évolutions tendancielles sont difficiles à mesurer car elles sont souvent faibles (sauf changement d’occupation du sol récent). Du fait de la variabilité spatiale des stocks, l’estimation de l’évolution tendancielle suppose des mesures répétées spatialement et sur de longues périodes. Les résultats varient avec les méthodes de mesure (variations de stocks mesurées par prélèvements successifs ou mesures des échanges gazeux par tour à flux). L’interprétation de ces mesures donne souvent lieu à des erreurs. Il est par exemple possible d’attribuer à un mode d’occupation actuel du sol une évolution observée des stocks, alors que celle-ci résulte, en fait, d’un changement d’occupation du sol antérieur.

Évolution tendancielle des stocks de COS en forêt

Des résultats de changement de stocks de COS issus de mesures (par ré-échantillonnage des mêmes sites) provenant des inventaires forestiers nationaux ont progressivement été publiés en Europe depuis 2005. En 2008, une évaluation critique des données disponibles sur les taux de stockage de COS dans les sols forestiers, constatant les résultats contradictoires d’études pourtant réalisées dans un même pays, a considéré qu’il était impossible de conclure clairement à la fonction de puits ou de source de C des sols forestiers en Europe. A partir de données d’inventaires et de différents modèles, une étude de 2010 a estimé que les sols forestiers européens (25 pays) représentaient un puits de carbone hétérogène, en moyenne de 200 (± 100) kgC/ha/an, soit environ 29% (± 15%) du puits de carbone total des forêts européennes (incluant végétation, litière et horizons minéraux du sol).
En France, le ré-échantillonnage du réseau RENECOFOR (en 2007-2012, soit environ 15 ans après le premier inventaire de 1993-1995) a montré que les sols (couche de litière + sol 0-1 m) du réseau ont été un puits de carbone sur la période, avec un stockage moyen de 350 kgC/ha/an. L’étude INRA-IGN « Forêt et atténuation du changement climatique » (2016) a retenu, comme valeur moyenne nationale de stockage de C dans les sols forestiers, le tiers de la valeur observée par RENECOFOR, car elle a fait l’hypothèse d’une diminution du taux de stockage en forêt avec le changement climatique, et considéré que le réseau sous-représente des écosystèmes à faible pouvoir de séquestration comme les forêts méditerranéennes.
L’évolution des stocks de COS dépend fortement de l’histoire de l’occupation des sols forestiers. Il est ainsi bien établi que les forêts implantées sur d’anciennes terres cultivées stockent du COS de manière soutenue (cf. Afforestation). L’évolution des stocks de COS des forêts « anciennes » (plus de 150 ans) et exploitées est moins bien connue que celle des surfaces boisées plus récemment. Il semble néanmoins que des forêts domaniales, et donc « anciennes », continuent à accumuler du carbone dans leur sol minéral. Certaines forêts « anciennes » qui ont été plus ou moins surexploitées et perturbées au cours du 20e siècle pourraient présenter aujourd’hui une capacité non nulle de stockage de COS du fait de ces perturbations passées. Au contraire, les forêts anciennes exploitées de manière peu intensive auraient actuellement un stock de COS probablement proche de l’équilibre ; il s’agit toutefois d’une hypothèse fondée sur un nombre réduit d’études.
La modélisation a également été utilisée pour étudier les changements de stocks de COS en forêt. Un premier exercice (2002) a estimé, pour la France métropolitaine, que les sols forestiers (litière + couche 0-20 cm de sol minéral) représentaient un puits de carbone de 330 kgC/ha/an en 1990, soit 37% du puits de carbone total des forêts ; cette étude pointait l’influence du climat sur le taux de stockage, qui s’avère plus faible dans les forêts méditerranéennes. Une étude ultérieure (2009), modélisant (par deux méthodes différentes) le stockage de COS pour 192 placettes de surveillance des écosystèmes forestiers situées dans le Nord-Ouest de l’Europe, a conclu à un taux de séquestration de COS positif (valeurs médianes de 60 et 180 kgC/ha/an selon la méthode utilisée), plus élevé pour les forêts les plus septentrionales.
Un calcul d’ordre de grandeur, considérant les surfaces relatives et les valeurs de stockage tendanciel pour cinq catégories de forêt se distinguant par leur ancienneté conduit à une valeur de l’ordre de +240 kgC/ha/an, variant entre +130 (hypothèse basse) et +420 (hypothèse haute).

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Table des matières

Introduction
Contexte et motivations de l’étude
Objectifs et modalités de mise en oeuvre de l’étude
Plan du document
1. Stocks et stockage de carbone dans le sol : définitions et choix méthodologiques de l’étude
1.1. Stocks de carbone dans le sol : nature, ordre de grandeur
1.1.1. Origine et composition du carbone, répartition dans le sol
1.1.2. Les stocks de carbone dans les sols métropolitains : ordre de grandeur et répartition géographique
1.2. Stock, stockage et stockage additionnel de carbone dans le sol
1.2.1. Stocks de carbone du sol
1.2.2. Stockage et stockage additionnel de carbone
1.3. Dépendance du stockage aux conditions pédoclimatiques et agronomiques
1.3.1. Estimation du potentiel de stockage additionnel : une approche basée sur la modélisation
1.3.2. Modalités de mise en oeuvre des simulations, mode d’expression des résultats et calculs des bilans GES
1.3.3. Déploiement des pratiques stockantes : notion d’assiette maximale technique
1.4. Du potentiel technique au potentiel économique de stockage
1.4.1. Les coûts de mise en oeuvre d’une pratique pour l’agriculteur
1.4.2. Détermination du niveau effectif de mise en oeuvre des différentes pratiques par l’optimisation économique
2. Analyse bibliographique
2.1. Les mécanismes à l’origine du stockage/déstockage de carbone dans les sols
2.1.1. Principaux processus
2.1.2. Cinétique de décomposition des matières organiques et temps moyen de résidence du carbone
2.1.3. Conclusion
2.2. Les modèles d’évolution des stocks de carbone dans les sols
2.2.1. Représentation de la dynamique du carbone dans le sol
2.2.2. Représentation des interactions sol-végétation dans la modélisation du carbone
2.2.3. Evaluation, incertitude et sensibilité des modèles
2.2.4. Spatialisation des modèles de dynamique du carbone
2.2.5. Conclusions
2.3. Effets de la teneur en C des sols sur le fonctionnement des agroécosystèmes
2.3.1. Propriétés, fonctions et services écosystémiques intéressant principalement les agriculteurs
2.3.2. Propriétés, fonctions et services écosystémiques intéressant principalement la société
2.3.3. Conclusion
2.4. Stocks de carbone des sols métropolitains, évolutions tendancielles et effet des changements d’occupation des sols.
2.4.1. Niveaux des stocks de C des sols sous différents modes d’occupation des sols
2.4.2. Tendance actuelle d’évolution des stocks de COS sous différents modes d’occupation des sols en France métropolitaine
2.4.3. Effets des changements d’occupation sur les stocks de carbone des sols
2.4.4. Effets du changement climatique
2.4.5. Conclusion
3. Potentiel technico-économique de stockage additionnel de carbone dans les sols français : pratiques stockantes retenues et méthodes de quantification du stockage et du coût
3.1. Les pratiques stockantes retenues
3.1.1. En forêt
3.1.2. En prairies
3.1.3. En grandes cultures et cultures pérennes
3.1.4. Conclusion
3.2. Approche globale mise en oeuvre pour l’analyse conjointe du potentiel de stockage additionnel et du coût
3.2.1. Etapes du calcul et variables calculées
3.2.2. Situation de référence et ligne de base
3.2.3. Sources de données mobilisées
3.3. Estimation du stockage additionnel de carbone lié à l’adoption de pratiques stockantes
3.3.1. Modèles utilisés (et cas hors modèles)
3.3.2. Construction d’une représentation de l’agriculture française
3.3.3. Simulations réalisées pour l’estimation du stockage additionnel – Plan de simulation
3.3.4. Sorties et présentation des résultats
3.3.5. Calculs des bilans de gaz à effet de serre
3.4. Estimation du coût technique unitaire de mise en oeuvre des pratiques stockantes
3.5. Assemblage des résultats et allocation coût-efficace de l’effort de stockage
3.5.1. Détermination de l’assiette de chaque pratique
3.5.2. Calcul de l’efficience de chaque pratique
3.5.3 Détermination de l’allocation optimale de l’effort de stockage par le modèle BANCO
4. Potentiel technico-économique de stockage additionnel de carbone dans les sols français : résultats
4.1. Evolutions des stocks de carbone des sols sous les systèmes actuels de grandes cultures et de prairies permanentes
4.1.1. Stocks de carbone actuels
4.1.2. Evolutions des stocks de carbone des sols sous l’effet des systèmes de grande culture actuels et leurs déterminants
4.1.3. Evolutions des stocks de carbone des sols sous l’effet des systèmes actuels de prairies permanentes, et leurs déterminants
4.1.4. Conclusion
4.2. Potentiel technico-économique de stockage additionnel de carbone dans les systèmes de grande culture (et de cultures pérennes)
4.2.1. Réduction du travail du sol – passage au semis direct
4.2.2. Insertion et allongement des cultures intermédiaires
4.2.3. Allongement et insertion de prairies temporaires dans les successions de grandes cultures
4.2.4. Apport au sol de matières organiques exogènes – Mobilisation de nouvelles ressources
4.2.5. Développement de l’agroforesterie intra-parcellaire
4.2.6. Implantation de haies
4.2.7. Enherbement des vignobles
4.3. Potentiel technico-économique de stockage additionnel de carbone dans les systèmes de prairies permanentes
4.3.1. Réduction de la fauche au profit du pâturage
4.3.2. Fertilisation additionnelle modérée des prairies peu fertilisées
4.4. Analyse transversale du potentiel de stockage et du coût, et allocation coût-efficace de l’effort de stockage
4.4.1. Stockage additionnel, variations tendancielles des stocks et contribution à l’atténuation du changement climatique
4.4.2. Coût technique des pratiques stockantes et allocation coût efficace de l’effort de stockage
Conclusion générale
Principaux enseignements de l’étude
Conséquences en termes de politiques publiques
Originalité de l’étude, suites à donner et besoins de recherche
Glossaire spécifique au stockage de carbone dans les sols
Sigles et abréviations
Sélection bibliographique
Les participants à l’étude

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