À l’heure actuelle, la maîtrise des coûts touche tous les secteurs. Qu’ils soient publics ou privés, que ce soit une entreprise ou un service, petite ou grande structure, les coûts sont décomposés, détaillés et contrôlés. Ce projet porte sur le domaine de la santé, soit une grande structure de service de santé publique. Avec la construction d’un nouveau pavillon de soins critiques (Pavillon K) à l’Hôpital Général Juif, les départements du bloc opératoire, la stérilisation centrale, l’approvisionnement et les unités de soins vont déménager. Profitant de ce changement, l’Hôpital Général Juif a décidé d’adopter une nouvelle organisation de travail pour le bloc opératoire : le système par chariot de cas. Ce déménagement est l’occasion de changer l’organisation pour développer une nouvelle méthode de travail et créer un modèle plus robuste permettant d’identifier et de maîtriser les coûts.
Il est certain que les personnels prodiguant des soins sont des ressources importantes d’un hôpital. Les autres départements de l’hôpital tels que la stérilisation centrale et l’approvisionnement ne sont pas directement liés au soin patient, mais sont indispensables, car ils permettent d’assurer indirectement une partie du soin donné au patient. Tous les dispositifs médicaux ainsi que les éléments jetables transitent par ces départements avant d’arriver au bloc opératoire ou aux cliniques. Tous les différents intervenants créent une chaîne logistique qui fonctionne depuis quelques dizaines d’années sans réel contrôle des stocks. Avec l’amélioration des technologies (médicales, d’informations) et le déménagement de ces départements, une révision du processus de fonctionnement et de l’organisation permettrait de mieux gérer les stocks tout en assurant le même niveau de service. Ceci permettrait alors à l’hôpital de faire des économies. C’est pour cette raison que la direction de l’hôpital a décidé de transformer le fonctionnement du bloc opératoire en utilisant l’approche de chariot de cas. Pour effectuer ce changement majeur de fonctionnement, la Direction de la transition intervient. Son rôle sera de soutenir et de coordonner l’ensemble des intervenants du projet et d’apporter son expertise sur le changement organisationnel. Parmi les dizaines de projets logistiques liés au nouveau pavillon dont la Direction de la transition s’occupe, le projet de transformation du fonctionnement du bloc opératoire par l’approche des chariots de cas est l’un des plus complexes. Cette complexité vient de la multiplicité des intervenants liés à ce changement mais aussi aux changements radicaux de processus, tel que le transfert d’activités d’un département à l’autre. La Direction de la transition a donc souhaité créer une équipe pluridisciplinaire composée de personnel de la santé et d’ingénieurs industriels (ÉTS). Le personnel de santé apportant l’expertise médicale et les ingénieurs apportant l’expertise technique du génie industriel. Les premières étapes du projet ont été de découvrir le fonctionnement des différents intervenants, c’est-à-dire le bloc opératoire et le département de stérilisation centrale. L’étude de la situation actuelle a permis d’en apprendre plus sur les différents enjeux du projet afin de proposer une vision de la situation future. Cette vision a été complétée avec des données collectées permettant ainsi de l’affiner et de la dimensionner.
Le chariot de cas
Dans un premier temps, il faut comprendre le fonctionnement du chariot de cas pour élaborer ensuite sa conception et apprendre les meilleures pratiques d’implantation.
Le fonctionnement
Fondamentalement expliqué par Golen (2001), le système de chariot de cas est né d’un désir de mieux contrôler les stocks et tout en améliorant les soins patients. Le but ultime du système de chariot de cas est de créer un chariot comportant tous les dispositifs médicaux nécessaires pour une opération déterminée. Un cas correspond à un acte chirurgical fait par un chirurgien à un patient spécifique planifié à un moment précis. Ce chariot dédié à un cas permettra de supprimer les stocks entreposés dans les salles opératoires et recentrera le bloc opératoire sur son activité principale : les interventions chirurgicales. Les autres avantages du chariot de cas sont énumérés par Welch, (1990) ci-dessous :
“They can improve infection control measures, improve instrument handling patterns, streamline case preparations, standardize instrumentation, and improve long term costeffectiveness in addition to increasing the time peri-operative nurses spend providing patient care”.
Le fonctionnement du processus du chariot de cas est clairement expliqué par Park et Dickerson (2009), mais aussi par Parent, Beaulieu et Landry (2001).
Quand une opération est planifiée , le personnel infirmier valide l’opération et passe une commande du chariot de cas à la stérilisation. C’est alors que le kardex opération, nomenclature de produits nécessaires pour une opération spécifique (regroupant kits, instruments, fournitures, préférences du chirurgien, consignation…), est extrait de la base de données du système de gestion du bloc opératoire .
Ensuite les éléments listés dans le kardex opération sont ramassés dans l’entreposage stérile de la stérilisation, ils sont validés et contrôlés un par un. Tout est ensuite déposé sur un chariot et emmené dans le bloc opératoire. Un dernier contrôle est effectué au bloc opératoire avant l’intervention pour s’assurer que tous les items soient présents. Durant l’opération, les codes des items utilisés sont saisis numériquement. Cela permet à la fois d’informer la comptabilité pour la facturation et de prévenir les stocks pour le contrôle et la génération de nouvelles commandes. Les cartes de préférences ainsi que les kardex opérations peuvent ainsi être mis à jour annuellement. Après l’opération, les éléments non utilisés sont ramenés en zone stérile. Tandis que les dispositifs médicaux souillés sont déposés sur un chariot de transport. Ce chariot est ensuite ramené à la stérilisation où les dispositifs médicaux souillés sont retraités et le chariot lavé. Une fois retraités, les dispositifs médicaux sont stérilisés et stockés dans l’entreposage stérile. Sur l’aspect général, la méthode de chariot de cas n’a pas changé avec le temps, que ce soit avec Welch (1990), Park et Dickerson (2009) ou avec la recension des écrits de Parent, Beaulieu et Landry (2001), son fonctionnement reste presque toujours le même, tout dépend ensuite de l’application et de la méthodologie employée pour l’implanter.
La conception du chariot de cas
On retrouve plusieurs comptes rendus d’expériences d’implantation dans des revues spécialisées de gestion de bloc opératoire (Outpatient Surgery, OR Manager, AORN Journal et Material Management in Health Care). Il n’existe pas de façon unique de concevoir et de monter un chariot de cas. Ces revues spécialisées exposent les différents choix qui s’offrent pour un hôpital désirant implanter un chariot de cas. Par exemple pour les choix de type de chariot à adopter, Baylis (2006) et Williamson (2008) exposent les différents facteurs (chariot ouvert, fermé, dimensions, entretien, etc.) à prendre en compte lors de la conception du modèle. Les fabricants de matériels médicaux sont aussi une aide pour la conception de nouveaux processus (Figure 1.3, Figure 1.4), même si leur vision peut être biaisée par l’intérêt commercial.
Concernant le processus, plusieurs zones et temps pour la préparation du chariot peuvent être choisis dans le processus, par exemple (Patterson, 2012) :
• “Pick 1: The process starts in the sterile processing department (SPD) where the staff adds the instrument trays and any surgical packs to the case carts.
• Pick 2: The carts are moved to the surgical store room where the staff picks the soft goods. They remain there until 6 am on the day of surgery.
• Pick 3: The carts are moved to the OR where surgical technologists (STs) take over, picking the items stored in the sterile core”.
Avec Case carts in the OR–size does matter, (1998), on constate aussi que les chariots de cas ne contiennent pas tout ce qui peut être nécessaire pour un cas, et certains dispositifs médicaux sont encore cueillis dans le bloc opératoire .
DeJohn (2010) expose aussi que 95 % des chariots sont complets, tous les items ne peuvent être mis sur le chariot de cas et en particulier les cartes de préférences de chirurgien. Les items manquants sont ajoutés une fois arrivés au bloc opératoire.
Pour Donovan (2009), l’amélioration du stockage est essentielle pour un chariot de cas, mais l’article prouve aussi que les cartes de préférences des chirurgiens et les kardex d’opérations doivent être à jour pour pouvoir transférer le travail à un personnel non soignant. De plus, DeJohn (2010) expose les limites du système de chariot de cas. Une des principales limites du chariot de cas est le besoin de mise à jour à intervalle régulier du système, afin de contrôler l’utilisation des instruments et des fournitures. En mettant à jour les cartes de préférences des chirurgiens, les kardex opérations et instruments, le chariot de cas fonctionnera toujours de manière optimale. S’il n’y a pas de mise à jour des besoins du bloc opératoire, il y aura trop ou pas assez de fournitures sur le chariot et cela entraînera des pertes de temps, mais aussi d’argent.
L’implantation
Donovan (2009) indique que l’implantation du chariot de cas implique de fortes dépendances avec d’autres besoins tels que la nécessité d’avoir des kardex bien définis. De plus, la présentation de Mullins, Orthman et Gagne (2005) définit ses objectifs à atteindre pour permettre au système de chariot de cas de fonctionner. Taylor (2005) expose les défis qui se présentent dans le système et dresse une liste de cinq points importants pour tirer un meilleur bénéfice du chariot de cas. Voici les cinq défis pour obtenir un chariot de cas efficace (Taylor, 2005) :
1. Distinguer les dispositifs médicaux PRN (aux besoins);
2. Documenter et évaluer les problèmes;
3. Utiliser une terminologie efficace;
4. Considérer le transport;
5. Impliquer et former le personnel.
Holthaus (1996) présente les bénéfices de leurs solutions. Les chariots de cas sont préparés de manière décentralisée et son amenés par camion une fois par jour. Cela leur a permis d’économiser 750 000 $ et 4000 pieds carrés d’espace au bloc opératoire permettant ainsi au personnel soignant de passer plus de temps pour le soin des patients. Même si l’article de Holthaus (1996) présente une solution avec un bénéfice chiffré, on constate qu’il n’y a pas de solution unique et réalisable. Pour se faire, le système de chariot de cas nécessite une refonte complète du mode de fonctionnement de plusieurs départements de l’hôpital. Pour le projet qui nous concerne, l’assemblage de chariot de cas est transféré dans l’entreposage stérile du département de stérilisation. Tandis que dans la littérature, certains articles traitent d’un système de chariot de cas, mais laissent le stockage au bloc opératoire (Donovan, 2009). Pour d’autres, le modèle de chariot est un système ou le stockage se fait au département de stérilisation (Taylor et Longhi, 1996). Le choix du lieu de stockage influence de manière importante l’ampleur du projet. En effet, un transfert du stockage à la stérilisation nécessite une meilleure communication entre les parties prenantes et des systèmes de communication développés comme l’indique DeJohn (2010), mais aussi Parent, Beaulieu et Landry (2001). Pour le projet, le département de stérilisation sera responsable du stockage des kits et fournitures utiles au montage du chariot de cas. Une approche LEAN et 5S peuvent aider pour la gestion des stocks. Avec Govero (2009), les buts du réaménagement sont clairement énoncés et permettent de mieux gérer ses stocks, mais aussi d’améliorer l’environnement et la santé au travail. Cette revue d’expérience montre explicitement que le surplus des stocks a été limité (économie de 600 000 $), mais aussi que les distances parcourues par les employés ont été divisées par quatre et que le montage des chariots de cas prend deux fois moins de temps. En voulant implanter cette nouvelle méthode, l’hôpital doit donc revoir tout son fonctionnement de traitement des dispositifs médicaux. Même si le bloc opératoire sera le principal bénéficiaire du chariot de cas, l’implantation du chariot de cas aura un impact majeur sur d’autres départements et principalement sur le fonctionnement de la stérilisation. Une modélisation sera donc nécessaire pour mieux évaluer la situation future, cette situation regroupe deux nouveaux défis, le déménagement et l’implantation du chariot de cas. Pour étudier les conséquences d’un tel changement, l’étude de la stérilisation est donc indispensable, c’est le point névralgique où tous les dispositifs médicaux se rencontrent pour le retraitement. Mais l’étude ne doit pas se focaliser seulement sur un département. Elle doit aussi comprendre les besoins de ses clients, le bloc opératoire étant le plus important. Une étude de la planification et de l’ordonnancement du bloc opératoire doit être faite pour comprendre les conséquences de différents types de planifications sur le département de stérilisation. Une modélisation permettrait d’évaluer les besoins de la situation future avec les données de la situation actuelle. Pour cela une partie de la revue de littérature portera sur la modélisation d’un département de stérilisation.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Le chariot de cas
1.1.1 Le fonctionnement
1.1.2 La conception du chariot de cas
1.1.3 L’implantation
1.2 La stérilisation
1.2.1 Le fonctionnement
1.2.2 L’approche stochastique
1.2.3 Une approche déterministe
1.3 Le bloc opératoire
1.3.1 L’étude des ressources
1.3.2 Le programme opératoire
1.4 Conclusion
CHAPITRE 2 ÉTUDE DE LA SITUATION ACTUELLE
2.1 Étude du fonctionnement de la stérilisation
2.1.1 Les produits retraités
2.1.2 Les types d’emballages
2.1.3 Processus général
2.1.3.1 L’arrivée des produits
2.1.3.2 Le lavage – la décontamination
2.1.3.3 L’assemblage
2.1.3.4 La stérilisation
2.1.4 Processus des traitements spécifiques
2.1.4.1 Les ustensiles
2.1.4.2 Les endoscopes
2.1.4.3 Les satellites
2.1.5 Processus annexes
2.1.5.1 Contrôle journalier des stérilisateurs
2.1.5.2 Gestion des stocks
2.1.5.3 Contrôle des instruments
2.1.6 Portrait du retraitement à la stérilisation centrale
2.2 Étude du fonctionnement du bloc opératoire
2.2.1 Le programme opératoire
2.2.2 Le processus actuel du chariot d’intervention
2.2.3 Dimensionnement actuel de l’entreposage au bloc opératoire
CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE
3.1 Cartographies et mesures
3.2 Étude de la clientèle de la stérilisation centrale
3.3 Étude de la préparation des chariots de cas
3.3.1 Décomposition du kardex opération
3.3.2 Préparation et montage du chariot de cas
3.3.2.1 Hypothèses de travail
3.3.3 Simulation de la préparation du chariot de cas
3.4 Étude du nombre de chariots nécessaires
CHAPITRE 4 SITUATION FUTURE AVEC LE CHARIOT DE CAS
4.1 Étude du temps de préparation du chariot de cas
4.1.1 Décomposition du kardex opérations
4.1.2 L’aménagement de la future zone stérile de stockage
4.1.2.1 Les contraintes de l’emplacement
4.1.2.2 Aménagement zone stérile sans carrousel
4.1.2.3 Aménagement zone stérile avec carrousel
4.1.3 Préparation et montage du chariot de cas
4.1.3.1 Aménagement potentiel 1 : sans carrousel
4.1.3.2 Aménagement potentiel 2 : avec carrousel
4.1.4 Simulation de la préparation du chariot de cas
4.1.4.1 Résultat de la proposition d’aménagement 1 : sans carrousel
4.1.4.2 Résultat de la proposition d’aménagement 2 : avec deux carrousels
4.2 Étude du nombre de chariots nécessaires
4.3 Proposition d’aménagement général de la stérilisation centrale
4.3.1 Zone stérile
4.3.2 Zone propre
4.3.2.1 Le couloir à chariots
4.3.2.2 Le flux général
4.3.2.3 Capacités machines
CONCLUSION
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