Transferts (imbibition, séchage) dans des matériaux bi-poreux multifonctionnels

Large panel d’applications

      Les questions d’efficience énergétique dans le domaine de la construction responsable cherchent souvent à étudier les bénéfices et limitations d’une structure complexe dans les différentes technologies (Asdrubali et al., 2017; Rashidi et al., 2018). Les matériaux contenant des réseaux de taille macro, micro ou nano- poreux, parfois fermés, sont étudiés dans les domaines d’isolation thermique (Baetens et al., 2010) et acoustique (Levinson et al., 2000), ou encore de performances énergétiques des bâtiments (Omrany et al., 2016), avec des matériaux humides pour le refroidissement du toit (Wanphen and Nagano, 2009), des échangeurs de chaleur (Lopez Penha et al., 2012), source de chaleur géothermique (Banks, 2012; Wagner et al., 2012), ou les transferts d’humidité (Peuhkuri et al., 2008). Les matériaux poreux sont également étudié dans des domaines comme les transferts de chaleur (Nield and Bejan, 2017), et plus particulièrement dans le cas des matériaux humides (Zhang et al., 2015) par exemple. D’autres découvertes de propriétés amplifiées par des structures particulières comme le présentaient Davis et Mark (Davis, 2002), ont permis depuis quelques années l’apparition d’applications émergentes comme le stockage et la conversion d’énergie (Li et al., 2012), la catalyse, l’absorption (très appliqué dans le papier et l’encre (Chang et al., 2018)), et des domaines allant de la microélectronique à l’analyse médicale, en utilisant une porosité parfaitement contrôlée. De plus, le contrôle de cette porosité peut être dynamique, comme l’application émergente des hydrogels poreux sensibles aux stimuli (Stuart et al., 2010; Tokarev and Minko, 2010) pour l’ultrafiltration, le relargage de médicaments, ou d’autres applications.

Le gonflement

     Enfin, le matériau ne reste pas forcément inerte au fluide qui le pénètre. De nombreux matériaux voient leur forme modifiée par l’intrusion de liquide au sein même de leur structure (Holmes et al., 2016). Ces phénomènes de gonflement peuvent être très visibles pour des matériaux qui ont été fortement contractés lors d’un séchage, comme des éponges (Mirzajanzadeh et al., 2019) ou du papier, ou moins visible lorsque l’eau rentre dans les fibres du bois (Zhou et al., 2018) en augmentant légèrement sa taille. Ces mécanismes peuvent modifier de façon importante la vitesse et la forme du front d’imbibition et doivent être pris en compte pour des matériaux sensibles au gonflement. Ces différences entre le modèle capillaire et les matériaux poreux complexes ont amené durant ces dernières décennies de nombreuses controverses sur l’équation proposée par Lucas et Washburn pour des imbibitions capillaires, même dans le cas où seules les forces visqueuses s’opposent à la capillarité. Cai et Yu ont comparé une succession de matériaux imbibés (fibres textiles, cotons, papier filtre, grès de Berea, Billes de verre, argile, …) au cours des dernières années et présentant des vitesses d’imbibition dont l’exposant du temps est inférieur à 0,5 (Cai and Yu, 2011). De nombreux modèles du régime visqueux se sont rapprochés de leurs résultats expérimentaux en prenant en compte ces paramètres géométriques (Handy (1960), Lundblad & Bergman (1997), Li & Horne (2004), Huber (2007)). En se basant sur des modèles de géométrie fractale et de tortuosité, un exposant de tortuosité ?? modifie l’imbibition engrangée par les forces capillaires avec une progression de la hauteur du fluide ℎ(?)~ ?12??. Il existe donc de nombreux modèles partant du phénomène d’imbibition capillaire spontanée appliquées à des matériaux poreux de plus en plus complexe. Le choix d’un modèle doit être adapté au matériau étudié, et surtout comparé à l’imbibition capillaire pour déterminer la pertinence des modifications géométriques apportées aux modèles classiques.

Effet de la gravité

      Les différents cas présentés précédemment considèrent que la gravité est négligeable devant les pressions capillaires misent en jeu pendant le séchage (Nombre de Bond B0 << 1). Cela est vrai pour des séchages sur des volumes faibles. Lorsqu’un séchage à lieu par une face supérieur d’un matériau imbibé profondément (comme un sol), la pression dépend alors de la saturation ? et également de la hauteur z et s’écrit ?? (?) + ???? au niveau des ménisques. Les forces capillaires peuvent alors ne plus être suffisantes pour drainer l’eau à une profondeur importante, et provoquent un décrochage des canaux alors que la désaturation n’a pas atteint tout l’échantillon. Il apparait alors 3 zones de séchage dans l’échantillon :
– Une région sèche entre la surface libre et le front sec
– Une région contenant un réseau de films liquides connectés qui s’étend du front dit de percolation au front sec
– Une région saturée en liquide qui s’étend du fond de l’échantillon jusqu’au front de percolation.
Durant le séchage, l’air envahit la région saturée en eau, et l’eau s’écoule dans la zone contenant les films d’eau de façon analogue au premier régime de séchage. Ces fronts sèchent par évaporation et finissent par s’évaporer par diffusion lorsque la pression dans la région la plus basse devient trop importante. L’étendue de cette région peut être importante et peut influer sur la durée des différents régimes de séchage (Prat, 2007; Yiotis et al., 2006)

Répétabilité de l’imbibition à l’eau

      Lors de l’imbibition spontanée des matrices microporeuses, la représentation en échelle log-log (log(hauteur) en fonction du log(temps)) montre après quelques secondes des droites de pente ½. Le comportement en ℎ(?) ∝ √? est dominant après quelques secondes. Ce comportement laisse à penser que le modèle de Lucas-Washburn détaillé dans le 1er chapitre (cf. 1.2.2.2 : seules les forces visqueuses s’opposent à la capillarité) pourrait convenir pour modéliser l’imbibition dans ce matériau. L’imbibition à l’eau des matrices poreuses dont la perméabilité a été mesurée dévoile une dispersité de la vitesse de montée du front, mais elle n’a pas pu être corrélé avec la variation de perméabilité. En effet, les échantillons présentant la perméabilité la plus importante à l’eau ne présentent pas une imbibition plus rapide par suivi gravimétrique comme présenté en Figure 3-11 pour différents échantillons. Les trois matériaux mesurés sur de longues chutes de hauteur en perméabilité sont représentés par les 3 même symboles colorés. De plus, une fois la hauteur de ces échantillons atteint, vers 3 cm, un plateau apparait. Ce plateau n’est pas totalement plat car la plupart de ces échantillons présentent toujours un léger gonflement.

Extraction des agents porogènes

     La lixiviation des deux types de particules est effectuée à l’aide de solvants compatibles avec les particules ainsi que l’alcool présent dans le matériau. En effet, le matériau est plongé dans le solvant sans effectuer d’étape de séchage de l’alcool, afin d’éviter les ruptures mécaniques potentiellement engendrés par une succession de retraits. Pour dissoudre les particules de NaCl, l’échantillon est plongé dans de l’eau distillée et placé sous agitation durant trois jours. L’eau distillée est changée deux fois par jour afin de ne pas être contaminée par des traces de sel résiduel recristallisant lors de l’évaporation du solvant. L’alcool diffuse également rapidement dans l’eau, améliorant ainsi la pénétration de l’eau dans le matériau polymère pour atteindre le sel en son cœur. Une fois le lavage effectué, l’échantillon est placé durant la nuit sous vide de 15 Pa afin d’en extraire le solvant. L’extraction totale des particules est confirmée par gravimétrie. Pour dissoudre les billes de polystyrène, un autre solvant est choisi. Celui-ci doit solubiliser les chaînes de polystyrène et permettre leur extraction à travers la matrice polymère, plus lente que pour la dispersion d’ions dans le cas des sels. Parmi les solvants les plus efficaces, le dichlorométhane est sélectionné, d’abord pour sa forte capacité à dissoudre rapidement les particules de polystyrène, mais surtout pour sa faible température d’évaporation. Une extraction au Soxhlet (Figure 4-3) des billes de polystyrène est réalisée car beaucoup moins coûteuse en solvant qu’une extraction classique, et donc plus respectueuse de l’environnement, permettant au solvant d’être continuellement recyclé dans un protocole de lavage isolé et autonome. Avec un cycle de lavage toutes les 5 minutes, 1000 cycles sont atteints en moins de 4 jours. Les échantillons sont ensuite récupérés puis plongés quelques heures dans de l’éthanol afin de substituer une grande partie du dichlorométhane présent dans la porosité des matériaux, avant un séchage sous la rampe à vide. En effet, des observations avec plusieurs solvants ont en effet montré que l’extraction du dichlorométhane ou du THF contractait fortement les échantillons (comme présenté ensuite sur les clichés MEB de la Figure 4-10). Cette contraction peut amener à leur fracture, que l’extraction soit réalisée sous vide ou même sous pression atmosphérique.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1 – ETAT DE L’ART
1.1 – LES MATERIAUX POREUX
1.1.1 – Définition
1.1.2 – Large panel d’applications
1.1.3 – Structures complexes : les matériaux biporeux
1.2 – IMBIBITION SPONTANEE D’UN MILIEU POREUX
1.2.1 – Rappels sur la mouillabilité
1.2.1.1 – Tension superficielle
1.2.1.2 – Surface homogène
1.2.1.3 – Surface hétérogène
1.2.1.4 – Loi de Laplace
1.2.1.5 – Equilibre hydrostatique
1.2.2 – Dynamique d’imbibition des milieux poreux
1.2.2.1 – Ecoulement dans un milieu poreux : Loi de Darcy
1.2.2.2 – Dynamique de l’ascension capillaire
1.2.2.3 – Développement au milieux poreux complexes
1.3 – SECHAGE D’UN MATERIAU POREUX
1.3.1 – Contexte
1.3.2 – Mécanismes du séchage
1.3.2.1 – Evaporation naturelle
1.3.2.2 – Evaporation assistée
1.3.3 – Séchage d’un milieu poreux
1.3.3.1 Séchage dans un capillaire
1.3.3.1.1 – Capillaire cylindrique
1.3.3.1.2 – Capillaire non-cylindrique
1.3.3.2 – Mécanisme général du séchage des matériaux poreux
1.3.3.3 – 1er régime : Séchage à vitesse constante (CRP)
1.3.3.4 – 2nd régime : Chute de la vitesse de séchage (FRP)
1.3.3.5 – Effet de la gravité
1.4 – SYNTHESE DE MATERIAUX POLYMERES A DOUBLE POROSITE CONTROLEE
1.4.1 – Approches de synthèse de polymères poreux
1.4.2 – Approche « double porogène »
1.4.3 – Optimisation du procédé
1.4.4 – Modification de l’hydrophilie
1.5 – OBJECTIFS DE LA THESE
1.6 – REFERENCES
2 – METHODES D’ANALYSE
2.1 – MESURE DE LA PERMEABILITE
2.2 – SUIVIS D’IMBIBITION
2.2.1 – Suivi gravimétrique
2.2.2 – Suivi par caméra
2.2.3 – Suivi par radiographie aux rayons X
2.3 – MESURE DE LA VISCOSITE
2.4 – ANALYSE PAR RESONANCE MAGNETIQUE NUCLEAIRE
2.4.1 – Appareillage
2.4.2 – Principe de la RMN
2.4.3 – RMN appliquée aux milieux poreux
2.5 – BIBLIOGRAPHIE
3 – MATRICE MICROPOREUSE DE REFERENCE
3.1 – SYNTHESE DE LA MATRICE POLYMERE MICROPOREUSE
3.1.1 – Introduction
3.1.2 – Matériel et procédé de synthèse
3.2 – CARACTERISATION
3.2.1 – Microscopie Electronique à Balayage
3.2.2 – Porosimétrie par Intrusion de Mercure
3.2.3 – Densité
3.2.4 – Angle de contact
3.3 – MESURES DE PERMEABILITE ET D’IMBIBITION
3.3.1 – Perméabilité
3.3.2 – Imbibition – Suivi du front
3.3.2.1 – Suivi par Radiographie
3.3.2.2 – Suivi par gravimétrie et vidéo
3.3.2.3 – Répétabilité de l’imbibition à l’eau
3.3.2.4 – Imbibition à l’aide de différents fluides
3.4 – CONCLUSION
3.5 – BIBLIOGRAPHIE
4 – MATERIAUX BIPOREUX : PORES LARGES DISPERSES
4.1 – SYNTHESE, AJOUT DE PARTICULES POROGENES
4.1.1 – Obtenir un 2nd niveau de porosité
4.1.1 – Addition de particules porogènes dispersées
4.1.2 – Addition de particules porogènes empilées
4.1.3 – Extraction des agents porogènes
4.2 – CARACTERISATION
4.2.1 – Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
4.2.2 – Porosimétrie par intrusion de mercure (PIM)
4.2.3 – Micro-Tomographie 3D par absorption de rayons X
4.3 – MATRICE MICROPOREUSE AVEC INCLUSION DE PARTICULES SOLIDES 
4.3.1 – Perméabilité
4.3.2 – Imbibition – Suivi par gravimétrie
4.4 – MATRICE MICROPOREUSE AVEC INCLUSION DE PORES LARGES DISPERSES OU EMPILES
4.4.1 – Perméabilité
4.4.2 – Imbibition spontanée
4.4.2.1 – Suivi visuel du front
4.4.2.2 – Suivi par gravimétrie
4.4.2.3 – Estimation de la saturation partielle sur la hauteur au cours du temps
4.4.2.4 – Estimation de la saturation partielle pour chaque niveau de porosité
4.5 – CONCLUSION
4.6 – BIBLIOGRAPHIE
5 – MATERIAUX BIPOREUX : PORES LARGES CONNECTES
5.1 – BIPOREUX A MACROPORES SPHERIQUES CONNECTES
5.1.1 – Synthèse et caractérisation
5.1.1.1 – Enrobage avec de la paraffine
5.1.1.2 – Frittage par SPS
5.1.1.3 – Frittage au four
5.1.1.4 – Caractérisations
5.1.2 – Perméabilité
5.1.3 – Imbibition, couplage des suivis gravimétrique et visuel
5.1.3.1 – Matériaux issus de galettes
5.1.3.2 – Matériaux biporeux issus de seringues
5.1.3.3 – Modèle d’imbibition dominée par les macropores
5.2 – LARGES PORES CUBIQUES EMPILES
5.2.1 – Synthèse et caractérisation
5.2.1.2 – Synthèse des matériaux
5.2.1.3 – Caractérisations
5.2.2 – Perméabilité dans les matériaux à pores cubiques connectés
5.2.3 – Imbibition du réseau de macropores seuls
5.2.3.1 – Imbibition à l’huile
5.2.3.2 – Imbibition à l’eau
5.2.3.3 – Conclusions sur le réseau macroporeux seul
5.2.4 – Imbibition du matériau biporeux
5.2.4.1 – Imbibition à l’huile
5.2.4.2 – Imbibition à l’eau
5.2.4.2.1 – BP85, diminution du blocage du front capillaire
5.2.4.2.2 – BP70, progression du double front
5.2.5 – Conclusions sur la perméabilité
5.3 – MODIFICATION DE L’HYDROPHILIE
5.4 – CONCLUSIONS
5.5 – BIBLIOGRAPHIE
6 – SECHAGE DES MATERIAUX POREUX
6.1 – SUIVI DE L’EVAPORATION PAR GRAVIMETRIE
6.2 – SUIVI DU SECHAGE
6.2.1 – Paramètres RMN et séquences
6.2.2 – Analyse de contraction
6.3 – ETUDE DU SECHAGE
6.3.1 – Matrice microporeuse
6.3.2 – Matériaux biporeux à larges pores dispersés
6.3.2.1 – Séchage d’un matériau biporeux de concentration moyenne de pores larges cubiques dispersés
6.3.2.2 – Séchage de matériaux présentant différents taux de pores larges cubiques
6.3.2.3 – Séchage de matériaux présentant différents taux de pores larges sphériques
6.3.3 – Réseau connecté de pores larges, matériaux mono- et biporeux
6.3.3.1 – Séchage du réseau de macropores connectés
6.3.3.2 – Séchage du matériau biporeux à larges pores connectés
6.3.4 – Conclusions
6.4 –BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES

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