TRANSFERTS DE CHALEUR DANS LES MATERIAUX CIMENTAIRES
Modes de transfert de chaleur
Les รฉchanges thermiques sont les phรฉnomรจnes de transfert dโรฉnergie sous forme de chaleur dus ร une diffรฉrence spatiale de tempรฉrature. Celle-ci est dรฉfinie comme รฉtant lโรฉnergie transfรฉrรฉe du milieu ร plus haute tempรฉrature vers le milieu ร plus basse tempรฉrature. Dans un transfert de chaleur, les deux principaux paramรจtres sont le gradient de tempรฉrature et le flux de chaleur ; le premier reprรฉsente quantitativement lโรฉnergie thermique des molรฉcules, tandis que le flux reprรฉsente le mouvement de cette รฉnergie dโune zone ร une autre. On distingue trois principaux modes de transfert de chaleur : la conduction, qui dรฉcrit le transfert au cลur mรชme de la substance composant le corps ; la convection, oรน la chaleur est transmise par les dรฉplacements convectifs du corps chauffรฉ ; et le rayonnement, oรน la chaleur est transmise par des ondes รฉlectromagnรฉtiques. A ces trois phรฉnomรจnes physiques est parfois rajoutรฉ un transfert par excitation [3]. Nous donnons une brรจve description des trois premiers phรฉnomรจnes dans ce qui suit.
Transfert conductif
Le transfert de chaleur par conduction est un transfert dโรฉnergie dans un milieu matรฉriel (solide ou fluide) par vibration molรฉculaire et sans mouvement de matiรจre, lorsque le corps est sujet ร un gradient de tempรฉrature. Le transfert par conduction est souvent propre aux solides uniquement ; les liquides et les gaz ont tendance ร se dรฉplacer lorsquโils sont chauffรฉs โ sauf dans le cas oรน ces derniers sont confinรฉs dans des espaces exigus โ et lโon passe dans ce cas ร un transfert de chaleur par convection naturelle [4]. Le transfert par conduction peut รชtre รฉtudiรฉ soit en rรฉgime permanent ou transitoire, suivant lโรฉquilibre thermique du systรจme รฉtudiรฉ. La tempรฉrature ? [?] est indรฉpendante du temps en rรฉgime permanent.
La conductivitรฉ thermique est une grandeur thermo-physique qui caractรฉrise lโaptitude dโun corps ร se faire traverser par la chaleur. Cโest la chaleur transfรฉrรฉe par unitรฉ de surface isotherme et de temps sous un gradient de tempรฉrature unitaire. Cโest une propriรฉtรฉ inhรฉrente au matรฉriau quโelle caractรฉrise et est fonction de la tempรฉrature et la pression de mesure. Elle est la principale caractรฉristique du pouvoir isolant dโun matรฉriau.
Lโรฉquation de la chaleur traduit une conservation dโรฉnergie dans un systรจme. Il existe plusieurs approches pour lโรฉtablir, nous prรฉsentons dans ce qui suit celle reposant sur lโapplication du premier principe de thermodynamique et la loi de Fourier. Soit un volume de contrรดle ? contenu ร lโintรฉrieur dโune surface ?. On applique le premier principe de thermodynamique entre un temps ? et ? + ?? :
?(? + ??) โ ?(?) = ?? + ??
oรน ? est lโรฉnergie interne du systรจme, ?? le travail des forces extรฉrieures sur le systรจme รฉtudiรฉ et ?? la quantitรฉ de chaleur รฉchangรฉe avec le milieu extรฉrieur. Par convention, un transfert thermique du systรจme vers lโextรฉrieur est notรฉ nรฉgativement.
Transfert convectif
Comme cela a รฉtรฉ mentionnรฉ plus haut, ce mode de transfert concerne les fluides en mouvement. On note les transferts gouvernant les รฉcoulements intra-fluide ou ceux entre la surface dโun solide et la zone dโinterface entre ce dernier et le fluide environnant en mouvement, dite couche limite (cas des parois dโun bรขtiment). Suivant la source du dรฉsordre, on distingue une convection dite naturelle dโune convection dite forcรฉe. La convection naturelle concerne les mouvements de fluide rรฉsultant dโune distribution spatiale non uniforme de la densitรฉ, dont un gradient de tempรฉrature est gรฉnรฉralement le moteur [5]. Lorsque le mouvement rรฉsulte dโune action mรฉcanique, on parle de convection forcรฉe. Au contact dโun รฉlรฉment chaud, le fluide (dans le domaine du bรขtiment, il sโagit gรฉnรฉralement de lโair) se met en mouvement et se dรฉplace vers lโรฉlรฉment froid au contact duquel il perd sa chaleur, crรฉant un mouvement vertical qui accรฉlรจre les รฉchanges thermiques entre les deux รฉlรฉments. Plus le fluide entrant en jeu est immobile, moins il y a de convection. La prรฉsence des mouvements convectifs conduit ร une augmentation du transport de chaleur global et se traduit par un terme supplรฉmentaire dans lโรฉquation de la chaleur, rendant du transport dโenthalpie par lโรฉcoulement du fluide [6]. En gรฉnรฉral, on cherche ร tout prix ร รฉviter cet apport de chaleur dans le domaine de lโisolation.
Lorsque lโรฉchange sโeffectue entre un solide et un fluide, le flux thermique รฉchangรฉ entre la surface et le fluide en mouvement est dรฉcrit par la loi de Newton (รquation 1.11) :
รquation 1.11
? = โ?(?? โ ??)
Oรน ? [W] reprรฉsente le flux de chaleur ; ? [mยฒ] la surface dโรฉchange ; ?? [K] la tempรฉrature de surface du solide ; ?? [K] la tempรฉrature du fluide et โ [W/mยฒ.K] le coefficient de transfert thermique par convection. Ce dernier permet dโรฉtablir lโinverse dโune rรฉsistance thermique de convection et dรฉpendra de la nature du fluide, de la tempรฉrature de celui-ci ainsi que du type et de lโorientation de lโรฉcoulement.
Transfert radiatif
Le transfert par rayonnement ne nรฉcessite pas la prรฉsence dโun milieu matรฉriel intermรฉdiaire dans la mesure oรน la chaleur peut รชtre transportรฉe ร travers le vide (ex : rayonnement solaire) ; cโest mรชme ainsi que ce mode de transfert est le plus efficace. Il peut รชtre dรฉfini comme la quantitรฉ dโรฉnergie รฉmise par un corps, dont la tempรฉrature diffรจre du zรฉro absolu, sous forme de rayonnement รฉlectromagnรฉtique de longueur dโonde comprise entre 0.1 et 100 ยตm. Selon la loi de Planck, lโรฉmission de ce rayonnement est le rรฉsultat de la transition des รฉlectrons entre deux รฉtats dโรฉnergie diffรฉrents.
Transferts de chaleur dans les milieux poreux
Les matรฉriaux cimentaires peuvent รชtre schรฉmatisรฉs par des milieux poreux dans la mesure oรน la matrice cimentaire constitue la matrice solide dont la porositรฉ est saturรฉe en fluide (air et/ou eau). De ce fait, nous pouvons considรฉrer que, ร priori, les trois modes de transfert thermique citรฉs plus haut prennent lieu : la conduction dans le squelette solide et les fluides dans les pores, et dans une certaine mesure, les pores peuvent รฉgalement รชtre le siรจge de mouvements convectifs et radiatifs. Certains auteurs considรจrent que les transferts thermiques au sein des matรฉriaux cimentaires sont plus complexes que pour les autres milieux composites dans la mesure oรน mรชme certains composantes du systรจme peuvent รชtre eux-mรชmes assimilรฉs ร des milieux poreux [7].
Dans les milieux poreux ร tempรฉrature et pression ambiantes, la convection et le rayonnement dans les pores sont souvent supposรฉs nรฉgligeables, surtout devant les transferts par conduction au sein des diffรฉrentes phases [3], [8]. En effet, le transfert thermique est considรฉrรฉ purement conductif lorsque, sous lโeffet dโun gradient thermique, le fluide rรฉactif saturant reste immobile, ce qui est le cas lorsque ce dernier est piรฉgรฉ dans des espaces restreints que sont les pores [4], [6]. Certains auteurs rapportent cependant que la contribution de la convection naturelle aux transferts thermiques devient non nรฉgligeable ร partir dโun seuil donnรฉ de diamรจtre de pores [9]. Ce dernier est dรฉterminรฉ ร partir du nombre de Grashof, qui traduit le rapport de la force dirigeant la convection ร la force de viscositรฉ sโy opposant ; pour des valeurs supรฉrieures ร 1000, il convient de tenir compte de la convection au sein des pores. Dans le cas oรน la porositรฉ du milieu est emplie dโair ร pression atmosphรฉrique et est sujette ร une diffรฉrence de tempรฉrature de 10ยฐC, la convection devient non nรฉgligeable pour une porositรฉ trรจs grossiรจre avec des diamรจtres supรฉrieurs ou รฉgaux ร 10 mm. Dans le cas des milieux trรจs poreux (porositรฉ โฅ 50%) et dont la taille des pores est supรฉrieure ร 100 ยตm, certains auteurs considรจrent que le transfert radiatif ร travers les pores doit รชtre pris en compte [10] tandis que dโautres jugent cet apport significatif uniquement pour des tempรฉratures trรจs รฉlevรฉes (> 500 ยฐC) [9]. En toute rigueur, nous ne pouvons parler de conductivitรฉ thermique quโen situation de conduction pure. Nรฉanmoins, en prรฉsence de rayonnement, la contribution de la part radiative peut รชtre modรฉlisรฉe de maniรจre assez simple en dรฉfinissant une conductivitรฉ thermique รฉquivalente dans lโรฉquation de Fourier, englobant les parts de conduction et de rayonnement sous un mรชme gradient unitaire de tempรฉrature.
Dans notre cas, par rapport aux considรฉrations mentionnรฉes plus haut, au vu de la porositรฉ modรฉrรฉe (gรฉnรฉralement en-dessous de 25%) des matรฉriaux cimentaires que nous traitons et de leurs dimensions caractรฉristiques de pores, nous nรฉgligeons les phรฉnomรจnes de convection et de rayonnement ร lโintรฉrieur de ceux-ci. Cโest uniquement un transfert conductif pur ร travers les diffรฉrentes phases qui sera pris en compte. Nous nous intรฉresserons en particulier ร la conductivitรฉ thermique du matรฉriau, qui est la principale caractรฉristique rรฉgissant ce mode de transfert et qui permet de dรฉcrire de maniรจre assez directe le pouvoir isolant – ou conducteur โ de celui-ci.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GENERALE
TRANSFERTS DE CHALEUR DANS LES MATERIAUX CIMENTAIRES
1.1. Modes de transfert de chaleur
Transfert conductif
Transfert convectif
Transfert radiatif
1.2. Transferts de chaleur dans les milieux poreux
1.3. Mรฉthodes de mesure de la conductivitรฉ thermique
Mesures en rรฉgime stationnaire
Mesures en rรฉgime transitoire
1.4. Influence des paramรจtres de formulation
Granulats
Matrice cimentaire
Teneur en eau et tempรฉrature
1.5. Bilan
LES PONTS THERMIQUES : IMPACT DE LA SOLUTION BETON ET EVOLUTIONS NORMATIVES
2.1. Dรฉfinition dโun pont thermique dans le bรขtiment
2.2. Evaluation de lโapport des bรฉtons isolants
Grandeurs physiques supplรฉmentaires
Dรฉfinition du modรจle gรฉomรฉtrique
Rรฉsultats
2.3. Evolution normative : Introduction des Bรฉtons ร Propriรฉtรฉ Thermique
2.4. Vers des Bรฉtons Isolants Structurels Autoplaรงants (BISAP)
2.5. Bilan
EVALUATION DU COMPROMIS THERMOMECANIQUE DES MORTIERS AVEC CENOSPHERES : FORMULES EXPLORATOIRES
3.1. Les cรฉnosphรจres dans une matrice cimentaire : donnรฉes bibliographiques
Formation de cรฉnosphรจres
Propriรฉtรฉs des cรฉnosphรจres
Les cรฉnosphรจres dans les matรฉriaux cimentaires
3.2. Programme expรฉrimental
Matรฉriaux et formules
Mรฉthodes de caractรฉrisation physico-chimique des cรฉnosphรจres
Mรฉthodes de caractรฉrisation mรฉcanique et microstructurale des mortiers
Mesure de la Conductivitรฉ thermique
3.3. Rรฉsultats et discussion
Caractรฉrisation des Cรฉnosphรจres
Impact des cรฉnosphรจres sur le comportement mรฉcanique des mortiers
Porositรฉ et rรฉseau poreux
Apport des cรฉnosphรจres ร la conductivitรฉ thermique des mortiers
3.4. Bilan
EFFET DU DOSAGE EN CENOSPHERES SUR LES PROPRIETES DES BISAP
4.1. Etat de lโart : les bรฉtons lรฉgers de structure
Gรฉnรฉralitรฉs
Propriรฉtรฉs mรฉcaniques des bรฉtons lรฉgers
Leviers de formulation des bรฉtons autoplaรงants lรฉgers
Bilan
4.2. Programme expรฉrimental
Composition des bรฉtons รฉtudiรฉs
Prรฉ-mouillage des granulats, malaxage et confection dโรฉprouvettes
Propriรฉtรฉs physiques ร lโรฉtat frais et propriรฉtรฉs dโรฉcoulement
Propriรฉtรฉs mรฉcaniques et thermiques
4.3. Rรฉsultats et discussion
Les BISAP ร lโรฉtat frais : rรฉsultats de la caractรฉrisation
Entre pouvoir isolant et structurel
4.4. Bilan
CALCUL DE LA CONDUCTIVITE THERMIQUE DES BETONS PAR MODELISATION NUMERIQUE
5.1. Dรฉtermination de la conductivitรฉ thermique effective
Dรฉfinition
Modรจles analytiques et empiriques
Modรจles numรฉriques de microstructure des matรฉriaux cimentaires
5.2. Prรฉsentation de la dรฉmarche de la rรฉsolution numรฉrique
Dรฉfinition des รฉchelles
Gรฉnรฉration des microstructures
Attribution de propriรฉtรฉs thermiques
Estimation de la conductivitรฉ thermique par analyse inverse
5.3. Rรฉsultats et discussion
Influence de la microstructure de la pรขte de ciment sur la conductivitรฉ thermique
Influence des cรฉnosphรจres sur le calcul de la conductivitรฉ thermique
5.4. Bilan
CONTRIBUTION PHYSICO-CHIMIQUE DES CENOSPHERES A LA RESISTANCE
MECANIQUE DES MORTIERS NORMALISES
6.1. Etat de lโart : approche et outils disponibles
Considรฉrations normatives
Principe de lโapproche par coefficient dโactivitรฉ
Quelques rรฉsultats sur les additions minรฉrales
Quelques rรฉsultats sur les cรฉnosphรจres
6.2. Programme expรฉrimental
Matรฉriaux et formules
Mรฉcanique et hydratation
Microstructure
6.3. Rรฉsultats et discussion
Cinรฉtique dโhydratation
Rรฉsistance ร la compression
Indice et coefficient dโactivitรฉ
Microstructure
6.4. Bilan
CONCLUSION