MISE EN OEUVRE DE L’EVALUATION DE LA CAPACITE EXPERIMENTALE
Cette mise en œuvre a été entreprise en France depuis 1996, au début elle est sous forme d’expérimentation dans les deux académies : l’Académie de Lyon et l’Académie de Clermont Ferrand. L’épreuve se passait dans un laboratoire et dure 45 minutes. Le candidat au baccalauréat a le choix parmi dix sujets dont cinq de chimie et cinq de physique. Ces sujets ont été co-préparés par le groupe ministériel, le Groupe de Recherche et d’Innovation En Sciences Physiques « GRIESP » et la Direction de l’Enseignement Scolaire « DESCO ». L’évaluation est centrée principalement sur les capacités manipulatoires et techniques des élèves pendant les manipulations. Un évaluateur observe quatre candidats. Six fiches sont remises aux évaluateurs et aux candidats :
– Descriptif du sujet, destiné au professeur (fiche 1),
– Liste de matériels, destinée au professeur et au personnel de laboratoire (fiche 2),
– Enoncé du protocole opératoire, destiné au candidat (fiche3),
– Document réponse du candidat, destiné au candidat puis remis à l’évaluateur (fiche 4),
– Grille d’observation, destinée au professeur (fiche 5),
– Barème, destinée au professeur (fiche 6).
Cette expérimentation poursuivie pendant quelques années a conduit en 2001 à une généralisation obligatoire pour l’épreuve de sciences physiques et de science de la Vie et de la Terre. Ainsi tous les candidats du baccalauréat scientifique S sont actuellement soumis à une telle épreuve.
CAPACITES, COMPETENCES ET SAVOIRS
ZEKI, B. s’est penché aux définitions suivantes :
– ROEGIERS (2001) a rappelé que « la capacité est le pouvoir, l’aptitude à faire quelque chose, c’est une activité qu’on exerce. La compétence mobilise différentes capacités et différents contenus »
– Selon le même auteur « la compétence est définie comme la possibilité, pour un individu, à mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations – problèmes ».
– LE BOTERF (1994) définit la compétence comme un savoir- agir, c’est-à-dire un savoir intégrer, mobiliser et transférer un ensemble de ressources (connaissances, savoirs, aptitudes, raisonnement, etc…) dans un contexte donné pour faire face aux différents problèmes rencontrés ou pour réaliser une tâche.
Le chercheur constate que ces auteurs parlent de « ressources » et de « savoirs » qui sont d’ordre cognitif. La compétence est donc une sorte de mobilisation de la connaissance dans une action. Alors ZEKI a apporté quelques éclaircissements sur les classements de savoirs. ZEKI a fait état des typologies de savoirs proposées par MALGLAIVE (1990) et par Le BOTERF (1995). Pour MALGLAIVE (1990), les savoirs sont catégorisés par un critère dichotomique entre théorie et pratique, il a alors proposé quatre catégories de savoirs :
– savoirs théoriques
– savoirs procéduraux
– savoirs pratiques
– savoir faire : expérimentaux, routiniers et sociaux
Le classement de MALGLAIVE est repris par Le BOTERF (1995), ce dernier distingue les savoirs en :
– « savoirs » : qui sont les savoirs théoriques et les savoirs procéduraux
– « savoir-faire », ce sont les savoir-faire procéduraux, les savoir-faire expérientiels et les savoir-faire sociaux.
Il est à constater ici que les savoirs d’un acteur évoluent par une situation d’activité fréquente. Ce chercheur a bien détaillé son étude bibliographique mais il aurait du illustrer le classement des savoirs, et l’évolution de l’un à l’autre selon la circonstance d’activité, comme nous l’avons présenté ci-dessous, pour qu’on suit bien les logiques de ces concepts.
ENTRETIENS AVEC LES EXPERTS
Cette première méthode de recueil de donnés vise, d’une part, à explorer les pratiques du « contrôle de l’activité » en chimie par les experts et, d’autre part, l’apprentissage de ce contrôle dans l’enseignement de chimie. Il a fait au total 19 entretiens auprès de 10 chercheurs turcs et 9 français. ZEKI les a choisis par leur posture, chercheurs en : chimie minérale, chimie organique, chimie inorganique, physico chimie, électrochimie, chimie analytique, biochimie et formateurs des futurs enseignants. La majorité des entretiens a été effectuée individuellement et dure entre 30 à 60 minutes. L’objet de l’interview est indiqué avant l’enregistrement et le dialogue se construit au fur et à mesure de l’interview, c’est-à-dire qu’il laisse les interviewés construire leurs discours. Les données recueillies ont été analysées pertinemment par deux méthodes: analyse qualitative et analyse quantitative. La première, qui est une analyse faite sur l’ensemble de l’entretien a permis de distinguer les trois dimensions d’analyse suivante: les « cas de la figure de l’expérience », les « éléments à contrôler » dans la manipulation et les « moyens de contrôle » et tout en y identifiant les sous catégories sous-jacentes. Ensuite, le discours des six experts français interviewés ont fait l’objet d’une analyse quantitative d’où il dénombre pour chaque interviewé la fréquence des sous catégories des trois dimensions d’analyse mentionnées ci-dessus. D’après ces analyses ; le chercheur a pu conclure que chez les chimistes experts : Les « cas de figures des expériences » sont :
– la reproduction, « une situation où le résultat attendu est défini (substance, une propriété connue). Il s’agit de reproduire une manipulation pour s’assurer de son résultat.
– l’extension « une situation où le résultat attendu n’est pas connu mais doit rester dans les limites prévues »
– l’exploration « une situation où l’expert cherche à produire quelque chose de nouveau » (ZEKI, B. 2005, p.37)
Quant aux moyens de contrôle, il a exploité qualitativement les concepts définis dans son cadre théorique : les « savoirs » et les « pratiques ». Il a ressorti les résultats suivants d’après les propos des chimistes:
– savoirs théoriques : « Ce sont des savoirs théoriques généraux »
– savoirs pratiques : « C’est ce qu’il faut connaître pour suivre un protocole opératoire avec quelque chance de réussite ». Le chercheur déclare que « les savoirs pratiques ne sont pas issus de la théorie même s’ils peuvent s’y inscrire »
– savoirs d’expérience : « Ce sont des savoirs acquis en pratiquant… », « ça s’acquiert au cours du temps » ; « ça ne s’apprend pas » ; « ça fait partie des gens, ça s’explique pas » ; « c’est la pratique qu’on a acquise au cours des années d’expériences »
– savoir technique qui « concerne la connaissance des appareils et son utilisation »
– pratiques techniques : « Ce sont les méthodes de caractérisation ou d’identification d’un produit, l’utilisation des instruments pour contrôler l’évolution »
– pratiques sociales : « les experts interagissent avec leurs pairs, se documentent pour compléter les informations sur son résultat ou pour chercher des raisons d’un échec ».
– Pratiques organisationnelles : utilisation des cahiers de manipulation pour enregistrer les actions qu’il a faite (quantité ou volume).
ZEKI (2005, p.129) a constaté que « même les futurs enseignants n’ont pas, d’après les experts, suffisamment de ressources pour le contrôle de l’activité ». Le chercheur a pu mettre en exergue les trois moments de contrôle qui sont : le « contrôle préventif » fait avant l’expérience, « contrôle en continu » réalisé pendant l’expérience et « contrôle final » exécuté à la fin de l’expérience». ZEKI a fait remarquer « le caractéristique de l’implication personnelle qui est le courage et la patience allouée par l’acteur pour faire l’expérience » (ZEKI, B.2005, p.37-42). Les propos des six chercheurs français ont fait l’objet d’une analyse quantitative par une grille où les variables et leurs catégories sont déterminés à partir de l’analyse qualitative des entretiens. Ces experts sont choisis en raison de leur localité de travail (en France) et de leur fonction : les trois sont des chimistes chercheurs travaillant dans des laboratoires et le reste sont des formateurs de futurs enseignants. Le nombre d’items d’entretiens est d’environ 2500, dans l’ensemble 857 concernent ce que les experts contrôlent, à savoir :
– 281 concernent les conditions opératoires soit 33%
– 223 concernent les substances soit 26%,
– 199 ont trait aux résultats, soit 23%,
– 83 concernent les appareils soit 10%
– 71 concernent la verrerie soit 8%
Sur l’ensemble des items, 1172 ont trait aux ressources dont les experts disposent pour contrôler leur manipulation. Ces items sont ventilés comme suit :
– 448 items soit 38% sont des savoirs théoriques
– 384 items (33%) sont des savoirs pratiques
– 71 items (6%) ont été considérés comme savoirs d’expérience
– 68 items (6%) relèvent de la catégorie savoirs techniques
– 135 items (12%) en catégorie pratique technique
– 57 items (5%) mentionnent des pratiques sociales
– 9 items soit moins de 1% citent des pratiques organisationnelles
MODE DIDACTIQUE DE PRATIQUES EXPERIMENTALES
Avec l’équipe d’IUFM de Rouen, COQUIDE (1988) a défini trois modes didactiques expérimentales :
– Mode d’Elaboration Théorique : Dans ce mode, les expériences sont des « expériences -validations » et ont pour but d’élargir le référent empirique de l’élève et de favoriser la construction de concept et l’élaboration de modèle scientifique.
– Mode d’Investigation Empirique : Les expériences correspondant à ce mode servent à résoudre un problème avec une approche ouverte et permettent aux élèves de problématiser. Le but est d’initier les élèves à des raisonnements scientifiques ; autrement dit, il s’agit, en quelque sorte, d’une transposition didactique de la démarche des chercheurs.
– Mode de Familiarisation Pratique : Le but de l’expérience, pour ce troisième mode, est de constituer un référent empirique pour l’élève, le familiariser à des phénomènes et des objets et de l’initier à un questionnement. Pendant cette activité l’élève apprend à observer, contrôler ses actions et maîtriser des pratiques.
Dans sa recherche ZEKI a montré que les experts mobilisent des ressources pour contrôler ses activités. Notre travail est orienté à l’étude du transfert du contrôle de l’activité par les enseignants des Lycées publics du capital de Madagascar. Seront alors abordées, dans ce présent mémoire, les études des contrôles d’activités des enseignants lors des TP de chimie aux laboratoires des lycées, l’analyse des protocoles expérimentaux proposés à leurs élèves comme un outil planifié pour le transfert de compétence et de la familiarisation pratique. Les concepts suivants : « Ressources » et « Familiarisation Pratiques » constituent notre cadre théorique.
Ressources de contrôles
Pour pouvoir contrôler les activités, les ressources cognitives sont capitales, il faut savoir ce qu’on a fait et ce qu’on va faire. Ces ressources sont des savoirs de types théoriques ou pratiques. Les ressources internes d’ordre cognitives et corporelles sont obtenues à partir des formations mais ils ne sont affinés qu’à partir des pratiques. Les cours traités avant les expériences sont les ressources de contrôle pour les élèves d’après ces enseignants.
A14 : « …C’est impossible de faire un TP sans avoir une idée préconçue d’avance. Ceci est aussi vrai même pour les élèves. Il doit y avoir un cours à l’avance ».
H16 : « Des savoirs théoriques et savoir maîtriser la concentration et avoir toutes les connaissances nécessaires. Par exemple, on met d’abord de soluté et on verse ensuite la solution aqueuse. Tout ce qu’on doit savoir ? ». Les matériels sont des ressources externes pour faire le contrôle de l’activité.
B29 : « Et pour réussir à une expérience il faut que les élèves aient des connaissances sur ce qu’on va faire, exemple: les formules chimiques; les matériels utilisés, … Mais tout ça je les donne en avance dans le protocole opératoire ». Le formateur de l’INFP constate que beaucoup d’élèves professeurs, en première année de formation pédagogique ont des problèmes à exécuter une expérience en se servant d’un protocole expérimental parce que la majorité n’a jamais fait des travaux pratiques dans les classes secondaires. Alors le formateur insiste sur le fait que l’élève doit avoir des savoirs théoriques avant de passer dans la pratique.
G19 : « c’est difficile. Ils doivent maîtriser les connaissances académiques d’abord, ensuite savoir interpréter et transposer au pratique ». En général, l’enseignement de la chimie dans les grands lycées d’Antananarivo prend un aspect magistral constitué d’une définition toute faite, de schémas illustratifs, d’observations et d’interprétations orientées par des questions, l’élève ne s’aperçoit pas tout seul et réellement le phénomène, il est obligé d’accepter sans pour autant avoir compris. Sous cette forme, les TP ne prennent aucune valeur didactique et épistémologique.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Ière PARTIE: PRESENTATION ET ANALYSE DE LA THESE MERE
I. MISE EN OEUVRE DE L’EVALUATION DE LA CAPACITE EXPERIMENTALE
II. THESE DE ZEKI, B.
III. PROBLEMATIQUE
VI. HYPOTHESES
V. CADRE THEORIQUE
V.1 CAPACITES, COMPETENCES ET SAVOIRS
V.2. ACTIVITE – ACTION – OPERATION
V.3. ACTIVITES – TACHES
V.4. CONTROLE
VI. METHODOLOGIE
VII. MISES EN OEUVRES ET RESULTATS
VII.1. ENTRETIENS AVEC LES EXPERTS
VII.2. ANALYSES DES SUJETS D’EXAMENS SESSION 1999
VII.3. ANALYSES DES PROTOCOLES OPERATOIRES DANS LE MANUEL SCOLAIRE
IIème PARTIE : REPLICATION
I. TRAVAUX PRATIQUES
II. OBJECTIFS DE L’ENSEIGNANT POUR ASSURER LA FORMATION EN TP
III. MODE DIDACTIQUE DE PRATIQUES EXPERIMENTALES
VI. CONTEXTE et PROBLEMATIQUE
V. HYPOTHESES
VI. REPERE THEORIQUE
VI.1.RELATIONS ENTRE LES RESSOURCES, LES SAVOIRS ET LES CONNAISSANCES
VI.2. RESSOURCES
VI.3. FAMILIARISATION PRATIQUE
VII. METHODOLOGIE
VII.1. L’ENTRETIEN
VII .2. LES PROTOCOLES EXPERIMENTAUX
VIII. GRILLES D’ANALYSE
VIII.1. GRILLE D’ANALYSE DES ENTRETIENS
IX. RESULTATS ET ANALYSES
IX.1. RESULTATS DES ENTRETIENS
IX.2. ANALYSE DES PROTOCOLES EXPERIMENTAUX
X. DISCUSSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
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