Il sera présenté dans un premier temps le thème du mémoire, son contexte et les enjeux dont il relève. Il sera également présenté une confrontation entre la littérature et ce qui se fait en pratique.
Thème général
J’ai axé ce travail d’initiation à la recherche sur le thème de l’accompagnement de l’aidant familial par l’ergothérapeute au domicile des adultes avec lésion cérébrale acquise (LCA) dans le cadre du transfert des acquis dans la vie quotidienne. Nous orientons plus précisément notre étude sur le transfert des compétences acquises lors des mises en situation menées à domicile en séance d’ergothérapie vers la vie quotidienne de la personne avec LCA.
Émergence du sujet
L’intérêt porté pour le thème a évolué tout au long de mes stages. Un des derniers effectués en SAMSAH spécialisé dans les lésions cérébrales a confirmé mon intérêt pour ce thème. Le SAMSAH accueille des personnes LCA à la sortie ou quelques années après leur séjour en SSR. Les interventions se déroulaient au domicile des personnes, dans leur environnement familial. Plusieurs situations m’ont questionnées dont deux principalement. Une première situation concernait un homme de 40 ans, dont le TC avait bouleversé sa vie et celle de son épouse et de leurs trois enfants en bas âges. Il n’avait plus aucune activité. Son épouse mettait de nombreux moyens de compensation en place : calendrier, affiches…). Tous ces dispositifs n’étaient cependant pas utilisés par monsieur. Il reconnaissait que son épouse était un soutien pour lui mais se sentait diminué face à sa famille et infantilisé ce qui le rendait irritable. Une seconde situation concernait l’aide au transfert entre le FRM et le lit d’un monsieur de 55 ans. Il était en couple avec sa compagne qui de prime abord semblait être bienveillante mais s’est par la suite révélée freiner les interventions. Lors d’une mise en situation, nous avons observé que l’attitude de Mme n’était pas adaptée. De ce fait, M. refusait de faire les transferts seul, ne s’en sentant pas capable. J’ai pu me rendre compte que les aidants pouvaient aussi bien être facilitateurs qu’obstacles. J’ai également pris conscience que la collaboration avec ces aidants était nécessaire pour que la démarche de soin soi comprise par l’ensemble de la famille et soit ainsi intégrée et acceptée.
Au vu de ces situations, je me suis interrogée sur la manière dont l’ergothérapeute pouvait travailler le transfert des acquis au domicile des personnes en intégrant les proches. L’accompagnement au transfert des acquis fonctionnels et cognitifs dans le contexte de vie fait partie du référentiel des compétences de l’ergothérapeute (1).
– Quelle place l’ergothérapeute attribut-il à l’aidant familial lors du travail du transfert des acquis à domicile ? De quelle manière les implique-t-il ?
– De quelle manière l’ergothérapeute accompagne-t-il l’adulte LCA et son aidant familial dans le travail du transfert des acquis à domicile ?
Les recherches que j’effectuerai en ce sens me permettront d’enrichir mes connaissances de par les apports théoriques complétés par les retours de la pratique des ergothérapeutes de terrain. Ces éléments en lien avec le transfert des acquis à domicile me seront utiles dans ma future pratique professionnelle quel que soit le public avec lequel je travaillerai.
Généralité
Afin de mieux comprendre la thématique, nous donnerons quelques précisions sur les principaux termes du sujet soient le transfert des acquis, la mise en situation, la LCA, l’ergothérapie, le domicile, l’aidant familial.
Transfert des acquis : il est essentiel dans un premier temps de définir cette notion afin de préciser notre sujet d’étude. En effet, cette notion fait souvent référence à un transfert du centre de rééducation vers le domicile. Selon Tardif (2), le transfert se produit lorsqu’une connaissance acquise dans un contexte particulier peut être reprise dans un nouveau contexte. Nous nous intéressons dans cette étude au transfert des connaissances acquises dans le contexte de la mise en situation à domicile vers le contexte de la vie quotidienne de la personne à domicile. Il s’agit donc bien d’un transfert du contexte particulier de la séance d’ergothérapie à domicile vers un nouveau contexte caractérisé ici par la vie quotidienne, hors des séances d’ergothérapie. Cela entre bien dans la définition donnée par M. Frenay et D. Bédard selon qui le transfert des apprentissages est « la capacité pour toute personne de réutiliser ce qu’elle a appris à un autre moment ou un autre lieu » (3). Nous retenons ici la notion de temporalité dans le sens où la personne avec LCA pourrait être capable de réutiliser ce qu’elle a appris en séance d’ergothérapie à domicile à un autre moment de sa journée à domicile avec son aidant familial.
Le domicile : d’un point de vue sociologique, le domicile revêt plusieurs fonctions au-delà de sa dimension matérielle. Il s’agit d’un abri qui garantit confort, salubrité et intimité. C’est aussi le « lieu d’activités, le théâtre de la famille et de la sociabilité » (4). Le terme « chez soi » sousentend plusieurs représentations et symboles qui vont impacter la relation de soin » (4). L’intervention professionnelle à domicile correspond à « une posture professionnelle à trouver au-delà du geste technique que nécessite le soin » (4). Des familles bouleversées par la survenue d’une maladie et/ou d’un handicap sont contraintes de devoir accueillir un ou plusieurs intervenants, une ou plusieurs fois par semaine. Les professionnels de santé n’entrent pas au domicile par invitation mais par prescription. Au-delà des compétences professionnelles, c’est le savoir-être qui compte.
Mise en situation à domicile : Selon Guilhard (5), la mise en situation écologique se réalise dans une situation réelle, « c’est-à-dire, qu’elle s’effectue avec une « vraie » activité et dans la « vraie » vie. ». Toglia (6)(7) précise que le transfert des acquis est facilité avec l’approche écologique pour les personnes présentant des troubles cognitifs. Nous entendons par écologie un environnement qui est au plus près des conditions de vie de la personne (8). Le travail des apprentissages en séance ergothérapie par le biais de la MES à domicile semble être propice au travail du transfert des acquis. Toglia et Thebault (9) affirment que les stratégies sont mieux intégrées par les personnes si elles sont expérimentées dans un contexte connu faisant des liens avec leurs connaissances antérieures qui renvoie à des automatismes ancrés. Decourcelle (9) confirme cette idée selon laquelle le domicile permettrait de faciliter le transfert des acquis et l’automatisation des gestes.
L’ergothérapie : nous nous appuierons sur deux instances reconnues dans la profession pour définir l’ergothérapie : l’ANFE et la WFOT .
Selon l’ANFE, le but de l’ergothérapie est de « maintenir, de restaurer et de permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Elle prévient, réduit ou supprime les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de leur environnement. L’ergothérapeute est l’intermédiaire entre les besoins d’adaptation de la personne et les exigences de la vie quotidienne en société » (10). La WFOT définit l’ergothérapie comme « une profession de la santé centrée sur le client et soucieuse de promouvoir la santé et le bien-être par l’occupation. L’objectif premier de l’ergothérapie est de permettre aux gens de participer aux activités de la vie quotidienne. Les ergothérapeutes obtiennent ce résultat en travaillant avec les personnes et les communautés pour améliorer leur capacité à exercer les activités qu’ils souhaitent, dont ils ont besoin ou qu’ils doivent accomplir, en modifiant leurs activités ou l’environnement afin de mieux soutenir leur l’engagement occupationnel » (11). L’ergothérapie est ainsi axée sur la facilitation de la vie quotidienne et de la participation des personnes et de leurs aidants naturels.
L’aidant familial : plusieurs termes peuvent être utilisés pour qualifier une aide non professionnelle d’une personne dépendante : proche aidant, aidant naturel, aidant familial… Dans notre étude nous choisissons le terme d’aidant familial qui vit au quotidien avec la personne en situation d’handicap. De par cette notion de présence au quotidien, ce terme nous semble être le plus cohérent pour étudier la notion de transfert des acquis à domicile.
Le CIAAF définit un aidant comme « la personne qui vient en aide à titre non professionnel, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Cette aide régulière peut être prodiguée de façon permanente ou non. » (12) La loi de compensation du handicap du 11/02/2005 (13) reconnaît le droit de l’aidant à un accompagnement dans la vie quotidienne. Le CNSA (14) va dans le même sens en affirmant la nécessité de fournir une aide professionnelle de qualité aux aidants.
Rôle des aidants familiaux : Carpentier reconnaît l’expertise de la famille. Pour lui, « la famille est passée d’un modèle pathologique à un modèle de compétence » (15). D’après la HAS (16), les aidants sont des acteurs indispensables du maintien au domicile. Les écrits de B. Escaing (17) sur l’apport des aidants en maladies psychiatriques pourraient être transposées à d’autres pathologies telles que les LCA. Selon B. Escaing, (17) la première condition d’un suivi au long cours global et de qualité, est d’intégrer les aidants familiaux dans un véritable partenariat avec les soignants. La famille a la connaissance de son proche malade. Elle a des ressources et est en capacité d’apprendre de nouvelles compétences et a donc besoin d’être informée sur la maladie (18). L’ANESM envisage dans les RBP en lien avec l’AVC, l’intégration de la famille en soulignant l’importance de la prise en compte du contexte de vie, des besoins de la personne handicapée et de ses aidants naturels » (16).
La lésion cérébrale acquise correspond à une atteinte du cerveau ou du tissu cérébral survenu après la naissance qui n’est pas due à une affection héréditaire, congénitale, dégénérative, gestative ou liée à l’accouchement (19). Les deux principales étiologies de la LCA sont les TC et les AVC (20). L’AVC résulte de l’interruption de la circulation sanguine dans le cerveau, en général quand un vaisseau sanguin éclate ou est bloqué par un caillot (21). On distingue deux types d’AVC (22) :
– ischémique (infarctus cérébraux) : correspond à l’occlusion d’une artère cérébrale par un thrombus (caillot sanguin). Les AVC ischémiques représentent 80% à 85% des AVC.
– hémorragique : lié à une rupture d’une artère cérébrale. Les AVC hémorragiques représentent 20% des AVC.
On dénombre 5 à 6 % de TC dits « sévères », 80% de TC « légers » avec guérison rapide et 15% de TC « modérés » (23). Parmi les TC « sévères », on note 30 % de mortalité. Pour les survivants les séquelles sont souvent lourdes. Les personnes ayant eu un TC léger et modéré, présentent des troubles gênants et prolongés qui justifient un accompagnement spécifique. Les déficits occasionnés par les LCA peuvent être physiques (hémiplégie…), cognitifs et comportementaux entraînant des troubles du langage, de la mémoire, de l’attention et ralentissement du traitement de l’information, troubles des fonctions exécutives, modifications du comportement et de la personnalité (24). Ces déficiences entraînent des limitations d’activité et des restrictions de participation. De nombreuses personnes restent dépendantes pour les activités élaborées (faire les courses, préparer un repas, gérer son entretien domestique et son budget …) (25). Elles présentent des difficultés à s’adapter à de nouvelles situations, de nouvelles activités ou à un nouvel environnement. L’environnement peut ainsi faciliter ou faire obstacle aux capacités de la personne. Toutes ces difficultés ont un retentissement sur l’équilibre familial.
|
Table des matières
1 Introduction
1.1 Thème général
1.2 Émergence du sujet
1.3 Généralité
1.4 Les enjeux et l’utilité professionnelle
2 Revue de littérature
2.1 Méthodologie de recherche
2.2 Analyse de la revue de littérature
2.3 Synthèse de la RL
3 Enquête exploratoire
3.1 Méthodologie de l’enquête exploratoire
3.2 Construction de l’outil
3.3 Traitement et analyse des résultats
3.4 Synthèse enquête exploratoire et de la RL
3.5 Analyse critique de l’enquête exploratoire
3.6 Question initiale de recherche
4 Cadre conceptuel
4.1.1 Transfert des acquis
4.1.2 La mise en situation
4.1.3 Le partenariat
4.1.4 L’accompagnement
4.2 Lien entre les différents concepts et la pratique de l’ergothérapie au vu de l’enquête exploratoire
5 Question et objet de recherche
5.1 Matériel et méthodes
5.2 Choix de la méthode
5.3 Choix de la population cible et modalités de prise de contact
5.4 Outil de recueil de données
5.4.1 Choix de l’outil de recueil de données
5.4.2 Biais de l’outil
5.4.3 Construction de l’outil
5.4.4 Test du dispositif de recherche
5.5 Déroulement de l’enquête
5.6 Choix de l’outil de traitement et d’analyse des données
6 Résultats
6.1 Profil des ergothérapeutes interrogés
6.2 Analyse textuelle des données
7 Discussion des données
7.1 Interprétation des résultats
7.2 Émergence de notions inattendues
7.3 Éléments de réponse à la question de recherche
7.4 Critique du dispositif de recherche
7.5 Apports pour la pratique professionnelle
7.6 Perspectives de recherche
8 Bibliographie
9 Annexe