Transfert de savoir-faire en matière dexploitation ferroviaire à grande vitesse

Les alliances stratégiques et la joint-venture 

Bernard GARRETTE et Pierre DUSSAUGE (1995) dans le livre “Les stratégies d’alliance” proposent une définition des « alliances stratégiques », qui sont des associations entre plusieurs entreprises indépendantes qui choisissent de mener à bien un projet ou une activité spécifique en coordonnant les compétences, moyens et ressources nécessaires. Gérard Balantzain dans le livre “L’avantage coopératif – Le partenariat, la coopération, l’alliance stratégique”, cite quatre critères fondamentaux qui conditionnent le succès d’une alliance pour la prise d’un avantage coopératif : les convergences culturelles, la reconnaissance, les intérêts communs, la confiance. Daniel ROUACH, professeur à l’EAP, dans son livre “Management du transfert de technologie : l’art de coopérer, innover, veiller” écrit qu’une joint-venture permet d’avoir accès à un savoir-faire supérieur et de bénéficier de la compétence du partenaire. En outre, une joint venture s’avère être une formule particulièrement intéressante pour accéder à certains marchés difficiles.

Méthodologie 

Enquête à Taiwan 

Afin de connaître les vrais besoins en transfert de savoir-faire dans le domaine de l’exploitation ferroviaire à grande vitesse, nous avons fait une enquête à Taiwan qui s’est déroulée du 3 au 25 mars 2001, auprès du THSRC (la compagnie concessionnaire qui gère le projet) et du BOTHSR (Bureau of Taiwan High Speed Rail, organisme public qui dépend du ministère des transports de Taiwan et s’occupe de la supervision du projet). A partir des résultats obtenus, nous avons pu clarifier la demande de transfert des Taiwanais et la comparer à l’offre internationale d’une part et à l’offre française d’autre part.

Des questionnaires d’enquête ont été conçus pour les personnels impliqués dans le projet de grande vitesse à Taiwan. Un modèle de questionnaire est destiné aux agents de THSRC, un autre l’est à ceux de BOTHSR. Conformément à l’organisation de l’exploitation de la grande vitesse par le THSRC, trois formes de questionnaires ont été conçues (exploitation, sécurité, maintenance). En outre, un questionnaire a aussi été préparé pour recueillir l’avis des experts expatriés de la SNCF auprès du THSRC et comparer leurs réponses avec celles des agents locaux. Du côté du BOTHSR, trois types de questionnaires différents ont été envisagés pour les trois catégories d’agents concernés (génie civil, exploitation, matériel roulant).

Entretien avec les délégations coréennes en France 

S’agissant du projet en Corée du Sud, nous avons profité des visites, à la SNCF, de plusieurs délégations coréennes dans le cadre de formations. Nous avons discuté avec eux de leurs besoins en transfert de savoir-faire en matière de l’exploitation ferroviaire à grande vitesse. Du point de vue coréen, le besoin de savoir-faire se résume ainsi:

➣ Modifier les procédures d’exploitation et de maintenance ainsi que la réglementation de sécurité existant sur les lignes conventionnelles afin de les appliquer à l’exploitation du système de grande vitesse,
➣ Améliorer les infrastructures des réseaux existants afin de gérer le problème d’interface avec la ligne à grande vitesse,
➣ Renforcer le savoir-faire pour faire face aux problèmes de cohérence entre l’infrastructure et le matériel roulant, l’alimentation et la signalisation, etc..
➣ Effectuer les essais du système global pour assurer la mise en place du système à grande vitesse en Corée ( full system commissioning)
➣ Concevoir une stratégie commerciale (distribution, politique tarifaire, yield management… ) pour promouvoir l’offre du KTX .

Stage avec les cheminots au sein de la SNCF et à voir TGV Méditerranée 

Pour découvrir le savoir-faire de la SNCF, j’ai effectué quelques stages de terrain à la SNCF pour recueillir des informations qui ne sont pas dans les livres. En outre, nous nous sommes inspirés des grandes étapes de la mise en service du TGV Méditerranée, qui correspondent probablement aux besoins des projets Taiwanais et Coréen :
➣ La réception des infrastructures (superstructure, ouvrages d’art, gares),
➣ La réception des matériels roulants,
➣ La formation des conducteurs et contrôleurs,
➣ Les essais effectués par la SNCF sur la cohérence entre les infrastructures et le matériel roulant,
➣ La sécurité des circulations dans les tunnels,
➣ L’homologation par le ministère des transports, etc…

Interviews avec les entités françaises

En raison de l’absence de bibliographies en matière de transfert de savoir-faire dans le domaine des transports, nous avons effectué des interviews avec des partenaires français tels que la SNCF, mais aussi EDF, ALSTOM, la RATP, ainsi qu’avec les responsables et les chargés de mission de l’ISTED pour profiter de leur expérience pratique dans ce domaine. M. Robert JUNG, ancien directeur de RATP international, pense que le savoir-faire n’est pas figé et qu’il pourra évoluer. Au cours du transfert du savoir-faire, le donneur peut aussi profiter du retour d’expérience des experts. En outre, il peut élargir la gamme des experts expatriés, parce que les experts qui travaillent dans les pays receveurs pourront mener une réflexion sur l’adaptation de leur savoir-faire en fonction du contexte.

En revanche, l’opinion d’un représentant industriel français (M.Didier GENTY, président directeur général d’Alstom transports), est différente. Il croit que le savoir faire de fabrication des matériels roulants est le patrimoine de l’entreprise. Transférer la technologie n’est pas la préoccupation d’Alstom, mais une demande du client. Pour Alstom, le transfert de technologie n’est qu’une autre manière de conclure des affaires que ce soit à court ou à long terme. Le savoir-faire ne peut être transféré que sous certaines conditions strictement définies dans le cadre d’un contrat.

Mme Françoise COLAS d’EDF, elle évoque que les transferts de technologies sont extrêmement positifs pour l’EDF et le groupe les pratique largement sur la base de « bonnes pratiques » plus qu’un simple mode commercial répondant au besoin client, il s’agit en fait d’un véritable partenariat entre électriciens. En outre, M. GENTY pense que les différences de langue et de cultures sont les difficultés principales pour un transfert. Des difficultés de communication peuvent se poser lors du transfert de technologie. Habituellement, les Français s’expriment de manière plus directe que les Coréens. Cette manière brutale n’est pas très appréciée par les Asiatiques, même si les idées transmises sont tout à fait pertinentes. Par conséquent, il suggère qu’il faille créer une relation humaine et professionnelle avec les partenaires locaux en Corée afin de bien connaître la mentalité de leurs homologues. A travers ces relations humaines, il est plus facile de développer les affaires et d’assurer un bon transfert de savoir-faire en Asie.

De l’entretien avec M.Michel HENRY, ancien président du BCEOM, société d’ingénierie française, il ressort que l’une des bonnes manières est de trouver un intermédiaire qui a un profil bilingue et biculturel afin d’éviter les risques d’incompréhensions en raison des différences de culture et de langue. M. Xavier CREPIN, directeur général de l’ISTED, insiste sur la nécessité de bien distinguer au préalable les types de transfert (secteur privé vers secteur privé, secteur privé vers secteur public, secteur public vers secteur privé, secteur public privé vers secteur public). En effet les objectifs ne sont pas les mêmes. En ce qui concerne le mode de transfert, l’objectif des séminaires est d’échanger des points de vue sur les différences culturelles, les modes de pensée et les difficultés rencontrées dans le cadre du travail par les cadres ou les experts. Quant aux agents locaux, il vaut mieux leur faire suivre une formation technique sur le terrain. A tous les échelons, les bonnes relations de travail entre les agents receveurs et donneurs sont les clés de la réussite du transfert du savoirfaire. Pour le donneur, les risques liés au transfert de savoir-faire sont principalement la confidentialité et la mauvaise image du donneur qui risque d’être véhiculée en cas d’échec.

Du côté de la SNCF, M.Gabriel COURBEY, vice-président de SNCF international fait part des difficultés à trouver des experts à la SNCF prêts à s’expatrier pour des missions de longue durée. Ces difficultés sont notamment : la motivation des cheminots, les contraintes familiales, et la maîtrise des langues que soit la langue parlée sur place ou la langue anglaise.

Au cours de l’entretien avec Mme Françoise COLAS d’EDF, celle-ci présente son expérience sur la délocalisation d’EDF en Chine pour aider son client à construire les centrales. En ce qui concerne le transfert de savoir-faire, EDF organise tout d’abord une formation de formateur de longue durée (de 6 mois à 1 an) pour des stagiaires chinois en France. Avant de venir en France, les stagiaires sont sélectionnés d’un point de vue technique et, doivent en plus parler français. La première phase est constituée de cours théoriques en salle, agrémentés de visites sur sites. La deuxième phase consiste à faire travailler les stagiaires avec leurs homologues français et de saisir ainsi l’occasion de discuter et de développer des relations professionnelles et personnelles. Après le retour en Chine des stagiaires chinois, les cadres français expatriés d’EDF travaillent auprès de leurs homologues chinois et leur apportent une assistance dans la réalisation de leurs tâches .

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Table des matières

Introduction
Partie I : Présentation du projet
1. Présentation de deux projets de système à grande vitesse à Taiwan et en Corée
1.1 Taiwan
1.2 Corée du sud
Partie II : Demande de savoir-faire
2. Analyse des besoins de savoir-faire en matière d’exploitation ferroviaire
2.1 Elaboration du questionnaire
2.2 Organisation de l’enquête à Taiwan
2.3 Analyse de l’enquête pour les agents impliqués dans le projet de grande vitesse à Taiwan
2.4 Le besoin de savoir-faire coréen dans le projet du système à grande vitesse en Corée
Partie III : Offre de savoir-faire
3. Description de savoir-faire en matière d’exploitation ferroviaire à grande vitesse de la SNCF
3.1 L’évolution de la SNCF
3.2 Organisation de la SNCF
3.3 Définition de savoir-faire dans le domaine de l’exploitation ferroviaire
3.4 Savoir-faire technique
3.5 Savoir-faire commercial
3.6 Savoir-faire en gestion
3.7 Savoir-faire opérationnel : le plan de transport du TGV
3.8 Savoir-faire en maintenance
4.Comparaison en matière d’exploitation ferroviaire à grande vitesse entre l’Allemagne, la France et le Japon
4.1 Introduction sur le système Syskansen au Japon
4.2 Introduction sur le système TGV en France
4.3 Introduction sur le système ICE en Allemagne
4.4 Comparaison de la politique opérationnelle
4.5 Comparaison de la politique commerciale
4.6 Comparaison de la politique de maintenance
4.7 Atout en matière d’exploitation ferroviaire de la SNCF
Partie IV : Adaptation de l’offre à la demande et mise en œuvre du transfert de savoir-faire
5. Adaptation du savoir-faire français aux besoins des pays receveurs
5.1 Adaptations liées à la culture et à la langue
5.2 Adaptations liées aux caractéristiques géographiques et démographiques
5.3 Adaptations liées aux caractéristiques climatiques
5.4 Adaptations liées à l’organisation
5.5 Adaptations liées au savoir-faire local
6. Analyse de divers modes utilisés pour le transfert de savoir-faire
6.1 La formation professionnelle dans les pays de l’émetteur /source
6.2 Le détachement d’experts du pays de donneur à l’étranger
6.3 Les séminaires réguliers pour les exploitants des pays donneurs et receveurs
6.4 Les stages de longue durée des jeunes cadres dans les pays donneurs
6.5 Les téléconférences
7.Evaluation du transfert de savoir-faire
7.1 Evaluation initiale
7.2 Evaluation intermédiaire
7.3 Evaluation finale
8.Les modes de coopération pour le transfert de savoir-faire
8.1 Les alliances stratégiques
8.2 La joint-venture
8.3 La méthodologie
8.4 Quels sont les risques liés au transfert de savoir-faire ?
Partie V Stratégie et conclusion
9.Stratégies de la SNCF dans le contexte international 9.1.Rôle de conseiller technique
9.2.Rôle d’investisseur
10.Conclusion

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