Le transfert radiatif constitue l’une des théories les plus utiles pour l’astrophysique. En effet, sauf lorsque des mesures in situ sont possibles, la connaissance des objets célestes réside principalement dans l’interprétation du rayonnement électromagnétique collecté. Ce rayonnement résulte généralement d’interactions entre la lumière et le plasma qui compose ces objets, via des processus d’émission, d’absorption et de diffusion. Le transfert radiatif apparaît donc dans de nombreux domaines de recherches astrophysiques et les “objets » concernés vont des atmosphères stellaires et planétaires à, entre autres, les nuages de poussières interstellaires, les masers astrophysiques ou encore le fond diffus cosmologique. L’interprétation des données obtenues avec les instruments d’observation dépend fortement des codes de calcul de transfert radiatif disponibles, pour deux raisons principales. Premièrement, des techniques de diagnostic convenables doivent être développées pour déduire, à partir des propriétés mesurables du champ de rayonnement, la composition chimique, le champ magnétique et l’état thermodynamique et dynamique des plasmas astrophysiques. Deuxièmement, les processus d’échange d’énergie et de moment cinétique par rayonnement jouent un rôle important dans la structure et le comportement dynamique de nombreux fluides astrophysiques. La nécessité d’améliorer le diagnostic radiatif est très présente dans l’exploitation des données de nombreux instruments actuellement utilisés. On peut citer, entre autres, la spectropolarimétrie haute-résolution de la surface solaire avec le télescope solaire THéMIS installé sur l’île de Ténérife (Espagne) ; l’étude des champs magnétiques stellaires et les environnement d’objets jeunes, avec les spectropolarimètres stellaires ESPaDOnS au CFHT à Hawaii, et NARVAL au TBL au Pic-du-Midi (Donati [39]) ; l’étude des étoiles en rotation très rapide, comme Achernar (Domiciano de Souza et al. [38]), avec l’interféromètre VLTI. Les besoins en diagnostic radiatif ne vont cesser d’augmenter, à l’aune des nombreux projets à venir. Par exemple, la mission Herschel, permettant l’étude de la chimie moléculaire de l’univers et de la composition chimique des atmosphères (Pilbratt [113]), doit être lancée le 31 Octobre 2008 ; l’instrument RVS (Radial Velocity Spectrometer) qui sera embarqué sur la mission GAIA, qui a pour but d’observer la totalité du ciel pour obtenir une vue spectrométrique et cinématique des étoiles de la Voie Lactée (Katz et al. [70]) ; les nouvelles possibilités d’observation offertes par le futur interféromètre ALMA (Wooten [140] et références dans le même volume).
Chevauchement de raies et continus
Dans le cas où la densité électronique n’est pas connue a priori, on doit traiter l’équilibre d’ionisation, en plus des EES. Pour ce faire, on doit prendre en compte les transitions « lié-libre » : le niveau d’énergie supérieure u d’une transition peut correspondre au premier niveau d’ionisation de l’atome ou de l’ion considéré. De plus, certaines raies proches peuvent se chevaucher, soit en étant issues d’atomes ou d’ions différents (ce sont les « blends »), soit en étant issues du même atome ou ion (dans le cas de la structure fine ou hyperfine atomique par exemple). Il peut y avoir également chevauchement lorsque certaines raies sont excitées par un continu, éventuellement issu d’un autre atome ; par exemple le continu de Lyman de l’hydrogène et les raies UV de l’hélium se chevauchent.
Les méthodes les plus utilisées, jusque dans les années 90 environ, pour résoudre de manière auto-cohérente les EES et l’équation du transfert radiatif (ETR) sont le fait de Auer & Mihalas [7], Auer & Heasley [6] : ces méthodes de linéarisation complète forment et résolvent des équations aux différences sur l’ensemble de l’atmosphère étudiée, en négligeant les termes de degré deux et supérieur dans les équations aux perturbations.
Principe de base des méthodes itératives
Partant de l’Eq. (1.17), les méthodes présentées par la suite vont différer en fonction de la manière de calculer l’opérateur Λ. La méthode la plus simple est la méthode mathématique de Picard, appelée Λ-itération (LI) en transfert numérique. Elle consiste à inverser l’opérateur complet Λ pour résoudre l’ETR. Mais elle présente peu d’intérêt en raison de sa pseudo-convergence (discussion dans Mihalas [98] §6). On trouve ensuite la méthode mathématique de Jacobi qui donne les méthodes de type ALI (Accelerated Λ-Itération) avec opérateur diagonal en transfert numérique. Elles utilisent un opérateur approché local Λ∗ qui est la diagonale exacte de l’opérateur Λ, afin d’éviter l’inversion de matrice. Enfin les méthodes de type GS (Gauss-Seidel) et SOR (Successive Over-Relaxation) utilisent un opérateur approché non local Λ∗ qui est une matrice triangulaire supérieure ou inférieure. Tout l’intérêt de cette méthode réside dans le fait que l’on n’a pas besoin de calculer entièrement ni d’inverser cet opérateur approché pour résoudre l’ETR.
Mise en œuvre de la méthode des caractéristiques courtes
La méthode des caractéristiques courtes (voir Auer & Paletou [8], Olson & Kunasz [102], Kunasz & Auer [72]) est particulièrement intéressante lorsqu’on traite un problème en 2D ou 3D. En effet, elle améliore considérablement la rapidité de la résolution du problème du transfert numérique, en terme de temps de calcul et de mémoire nécessaire, par rapport aux méthodes qui nécessitent des inversions de matrice. Son principe est de déterminer l’intensité spécifique en faisant des calculs de proche en proche. On verra plus loin tout l’intérêt de ce principe pour le schéma itératif de Gauss-Seidel qui met à jour la fonction source pas à pas, dès que l’intensité spécifique est connue en un point.
On va se limiter dans un premier temps à décrire la méthode des caractéristiques courtes pour une géométrie 1D, et on l’étendra plus loin au cas d’une géométrie 2D en coordonnées cartésiennes.
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Table des matières
Introduction
1 Transfert de rayonnement hors–ETL
1.1 Le transfert radiatif
1.1.1 Quelques définitions
1.1.2 Equation de transfert et solution formelle
1.2 L’atome à plusieurs niveaux
1.2.1 Raies sans chevauchement avec continu
1.2.1.1 Cas général
1.2.1.2 Cas particulier de l’atome à deux niveaux
1.2.2 Chevauchement de raies et continus
2 Les méthodes du transfert numérique
2.1 Principe de base des méthodes itératives
2.1.1 Technique de l’opérateur approché
2.1.2 Mise en œuvre de la méthode des caractéristiques courtes
2.1.2.1 Schéma itératif ALI
2.1.2.2 Schémas itératifs de Gauss-Seidel et SOR
2.2 Le transfert 1D multi-niveaux
2.2.1 Le schéma itératif MALI (Multilevel Λ-Iteration)
2.2.2 Le schéma itératif GSM/SOR (Gauss-Seidel Multi-niveaux)
3 Méthode multi-grille
3.1 Principe de base
3.2 Le cas linéaire
3.3 Le cas non-linéaire
3.4 Mise en œuvre
4 Un nouveau code radiatif 2D
4.1 La méthode des caractéristiques courtes en 2D
4.2 Méthode de GSM/SOR en 2D
4.3 Validation et résultats
4.3.1 Validation par rapport à une solution analytique
4.3.2 Résultats
5 Une très brève histoire de la physique solaire
5.1 L’atmosphère solaire : une intense activité
5.1.1 La photosphère
5.1.2 La chromosphère
5.1.3 La couronne
5.2 … d’origine magnétique
5.3 Les protubérances solaires
5.4 Modélisation
6 Transfert radiatif multi-niveaux 2D dans les protubérances solaires
6.1 Transfert radiatif pour l’atome d’hydrogène seul
6.1.1 Le modèle atomique choisi et les hypothèses de travail
6.1.2 Validation des résultats
6.1.3 Cas d’une couche en mouvement
6.2 Transfert radiatif pour l’atome d’hélium seul
6.2.1 Le modèle atomique choisi et les hypothèses de travail
6.2.1.1 Modélisation
6.2.1.2 Prise en compte de la structure fine
6.2.2 Résultats préliminaires
7 Modélisation radiative 2D des raies spectrales de He I
7.1 Les observations à THéMIS
7.1.1 Le télescope THéMISa
7.1.2 Les profils observés
7.2 Modélisation des profils
7.2.1 Une couche individuelle
7.2.2 Modèle multi-couches
7.2.2.1 Etude d’une couche élémentaire
7.2.2.2 Etude du multi-couches
Conclusion et perspectives
A Données collisionnelles pour l’atome He I
B Données sur les transitions radiatives pour l’atome He I
Bibliographie
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