Les conditions favorables à la valorisation économique des ressources naturelles
Au-delà des limites relevées à travers les bilans de la valorisation économique de la biodiversité, des enseignements ont été tirés à travers les expériences antérieures. Ils permettront d’établir les conditions favorables à une valorisation effective de la biodiversité (MERAL, 2005), en impliquant les communautés locales, les acteurs privés, l’Etat autour d’une gestion communautaire. MERAL (2005, p.7) a relevé quatre conditions telles que : l’initiation d’une action collective, la nécessité d’un ancrage territorial de l’activité, la génération de bénéfices suffisants pour compenser les pertes de revenus avec l’arrêt des pratiques non durables, la limitation des effets pervers.
– Au niveau de l’initiation d’une action collective et la mobilisation des acteurs concernés par le projet de valorisation : Deux conditions permettent de faciliter et de favoriser l’interaction entre les parties prenantes et de contribuer ainsi à la mise en oeuvre d’action collective de la part des acteurs situés surun territoire donné : le partage d’un objectif commun sur la nature du projet et l’adéquation entre les pratiques traditionnelles et les nécessités techniques et organisationnelles (voire financières) de l’activité. Ces deux conditions ne visent d’ailleurs pas forcément l’ensemble de la population ; il s’agit d’identifier au préalable les formes de pouvoir qu’exercent entre eux les différents acteurs.
– La nécessité d’un ancrage territorial de l’activité : Au delà de la nécessité de ne pas se limiter à une proximité géographique mais de s’assurer une bonne coordination des différents acteurs, il est important d’avoir connaissance du fonctionnement de la filière. L’étude de la filière doit donc être un préalable à l’entrée sur le marché même lorsque celui-ci n’a qu’une dimension régionale. En effet, la plupart des difficultés rencontrées par les acteurs locaux dans le développement des activités de valorisation tiennent en grande partie au fait que les informations sur l’état de la filière et sur les spécificités de leur activité par rapport à d’autres ne sont pas disponibles localement
– L’importance des bénéfices de la gestion durable par rapport à ceux des pratiques non durables (déforestation…) pour les acteurs impliqués : La spécificité des filières de la biodiversité par rapport à des filières agroalimentaires classiques est de s’inscrire dans une problématique combinant pauvreté et destruction des écosystèmes. La valorisation ne se limite donc pas à créer des revenus supplémentaires issus d’une gestion viable des écosystèmes, il s’agit de s’assurer que celle-ci soit répartie de telle sorte qu’elle soit plus bénéfique, même à court terme, que les activités de destruction.
– Limitation des effets pervers : Tel qu’il a été constaté par MERAL (2005, p8) dans les études de filières au niveau de la forêt de Mikea, des risques d’effets pervers existent réellement tels que :
*le risque de surexploitation ;
*le risque d’éviction d’acteurs ou d’usages traditionnels ;
*le risque de contribuer à renforcer la destruction plutôt que d’offrir de véritables alternatives.
Ces trois types de risques montrent à quel point la pertinence supposée d’une filière n’implique en rien son efficacité en termes de durabilité des ressources naturelles. Il apparaît donc nécessaire d’associer les institutions porteuses du projet et les acteurs locaux dans le processus de valorisation le plus longtemps possible. La prochaine section nous permettra d’illustrer ces bases théoriques avec les expériences acquises par Madagascar dans la valorisation économique de la biodiversité.
Méthodes d’enquête
L’enquête consiste à recueillir des informations auprès des personnes physiques. Dans le cadre de cette recherche, les trois façons suivantes sont adoptées afin d’avoir des informations suffisantes et moins biaisées : la discussion informelle, la discussion formelle et le questionnaire (RAMAMONJISOA, 1996). Chaque type présente ses caractéristiques propres et est utilisé en fonction des informations voulues.
Enquête informelle La discussion informelle a été utilisée pour soutirer des informations concernant la personne responsable au sein de la communauté locale de base ou VOI, et les responsables des organismes d’appui, ainsi que les présidents de Fokontany. Ce type d’enquête s’est manifesté par des conversations d’une manière très détendue et les questions posées ne suivent pas un ordre chronologique. Le but n’est ni de confirmer, ni d’infirmer des hypothèses (RAMAMONJISOA, 1996).
Enquête formelle La discussion formelle est faite quand les informations voulues concernent un sujet bien déterminé. La discussion formelle est proche de l’entretien semi-directif dans le sens que le chercheur dispose d’une série de questions guides ou guide d’entretien pour conduire l’enquête. Cependant, l’interviewé doit être en situation de confiance et puisse parler ouvertement (QUIVY & VAN CAMPENHOUDT, 1995). Ces deux premiers types d’enquête sont caractérisés par l’importance des processus de communication et d’interaction humaine. En effet, ce sont surtout les informations sensibles qui y sont recherchées. Les informations issues de ces premiers types d’enquête sont riches mais dans la plupart des cas non quantifiables à l’opposé de celles obtenues grâce au questionnaire.
Enquête par questionnaire L’enquête par questionnaire consiste à poser à un ensemble de répondants, le plus souvent représentatif d’une population, une série de questions relatives à un certain point qui intéresse le chercheur (QUIVY & VAN CAMPENHOUDT, 1995). Ce type d’enquête possède comme principal atout la possibilité de quantification des données à des fins de corrélation ou autre. Ainsi, l’enquête par questionnaire contribue à confirmer ou à infirmer une hypothèse de départ sur la population donnée (RAMAMONJISOA, 1996). Dans le cas de notre étude le choix d’un quelconque type d’enquête est orienté par la nature des informations voulues (qualitative ou quantitative). Toutefois, lors des travaux sur le terrain, la combinaison des types d’enquête peut s’avérer nécessaire à cause de la diversité des informations recherchées. Cette enquête par questionnaire a permis d’avoir les plus amples informations concernant les activités des VOI et les mécanismes de la gestion locale dans le site d’étude c’est-à-dire la région d’Arivonimamo II. Entretiens et réunions avec les membres de le V.O.I
Méthodes d’inventaire Les placettes d’observation sont les unités où sont réellement observés les paramètres. Les placettes d’observation sont délimitées dans l’espace et peuvent en effet prendre diverses formes : carré, rectangle, circulaire. Cependant, la forme circulaire présente des difficultés quant au temps consacré à l’implantation. Ce type d’unité d’échantillonnage revêt surtout un atout statistique. Cette méthode est utilisée pour l’estimation de l’espace forestier en dégradation et aussi la surface intacte.
La filière soie sauvage
Grâce à la volonté de la population locale et aux apports des partenaires techniques et financiers, les communautés locales de base ont redynamisé et renforcé la filière soie sauvage en partant de la collecte des cocons jusqu’à la commercialisation. La principale utilisation de la forêt touche la filière soie sauvage. La région d’Arivonimamo et principalement la Commune rurale était reconnue par le savoir-faire traditionnel des femmes en matière de tissage de la soie sauvage. L’industrie de la soie est très ancienne à Madagascar. C’est un des rares pays à avoir une longue tradition séricicole. Déjà avant le Roi Andrianampoinimerina, les landibe ont été exploités. Ils étaient utilisés pour le tissage des « lambamena » ou linceuls. La sériciculture mûrier (production de landy) a été introduite vers 1850 sur les hauts plateaux. Les lamba (châle traditionnel malgache) sont tissés à partir de ces landy. Sous l’occupation française, en 1901, un service de sériciculture a été mis en place (le budget pour ce service aurait représenté plus de 50% du crédit alloué à l’agriculture). L’artisanat malgache utilise les fils obtenus par la filature de cocons de vers à soie issus de coques de divers séricigènes sauvages dont le groupe le plus important est constitué par les différentes variétés de Borocera. Les produits de la filière soie sauvage ont été particulièrement appréciés par le peuple malgache depuis toutes les générations. Les fils de soie filés servent à fabriquer des tissus artisanaux tels que les linceuls, les tissus d’apparat des anciennes castes nobles, des tissus d’ameublement et des « Lamba ankotofahina » (sorte d’écharpe brodée à la main réservée jusqu’à un passé récent aux femmes d’un certain âge et d’une certaine classe sociale). En effet, d’une part, lors des rituels de deuils ou des retournements des morts périodiques, les malgaches recouvrent leurs parents avec des linceuls essentiellement faits à partir des fils de soie sauvage. D’autre part, les femmes malgaches étrennent leurs jolies robes assorties avec les écharpes ou « Lamba » produites toutes les deux à partir des fils de soie sauvage mélangés avec d’autres types de fils de soie de mûrier ou synthétiques. En effet, le port du » lamba » est un moyen d’exprimer, pour beaucoup de nationaux, l’identité malgache, ce mode d’expression s’affermit de plus en plus dans toutes les couches de la société malgache. Actuellement, le « lamba ankotofahina » (association de la soie de mûrier et de la soie sauvage), écru ou teint, est utilisé par des stylistes de mode pour la confection de divers costumes dont une part non négligeable est destinée à l’exportation. Par son côté fortement artisanal le travail de la soie malgache présente une authenticité et originalité qui pourraient constituer un atout pour le marché d’exportation.
Les bénéfices directs issus de la filière Landibe
Avec le renforcement de capacité des tisserands, ces derniers ont étendu leurs gammes en produisant des cravates et des pochettes pour homme, des sacs pour femmes assorties avec les robes et les écharpes, des nappes. En effet, pour les 2284,5 Ha gérées par les 19 CLB, on estime à une production annuelle de 2100 écharpes en soie sauvage3 pure et 29700 écharpes en soie sauvage mélangée avec de la soie synthétique. Le revenu annuel direct des producteurs d’Arivonimamo, issu de la vente des produits de la soie est estimé à 423754 USD en saison favorable. Lés bénéfices issus des cocons sont estimés à 12.44 USD par hectare à l’année t1 du transfert de gestion. Les bénéfices issus du tissage de la soie devraient s’élever à un montant total de 181.29 USD par hectare par année à partir de l’année t1. Ces bénéfices sont supposés être constants pendant au moins cinquante ans car la superficie de la forêt ne va pas augmenter. Il n’était pas possible à notre niveau d’obtenir les bénéfices différentiels car nous n’étions pas en mesure de quantifier les bénéfices avant l’instauration du transfert de gestion. D’après la population locale, la filière soie a été abandonnée depuis plus de 15ans avec la dégradation forestière qui a engendré la disparition des vers à soie dans la région.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. CONTEXTE
2. PROBLEMATIQUE
3. OBJECTIFS ET HYPOTHESES
3.1 OBJECTIFS
3.2 HYPOTHESES
I. PREMIERE PARTIE : METHODOLOGIE D’APPROCHE ET D’ANALYSE
I. 1 LOCALISATION DE LA COMMUNE RURALE D’ARIVONIMAMO II
I. 2 PRESENTATION DE LA RECHERCHE
I.2.1 Choix du thème
I.2.2 Choix de la zone et la ressource
I.3 APPROCHE METHODOLOGIQUE DE L’ETUDE
I.3.1 Fondements théoriques
I.3.1.1 Pauvreté – Environnement – Pauvreté : une relation à double sens
I.3.1.1.1 Contexte
I. 3.1.1.2 Explications de ces phénomènes en se basant sur les théories économiques
I.3.1.2 Concept de développement durable
I.3.1.2.1 Origine et évolution du concept de développement durable
I.3.1.2.2 Définition
I.3.1.2.3 Les systèmes de développement durable
I.3.2 Le transfert de gestion et la gestion durable des ressources naturelles
I.3.2.1 Le Transfert de Gestion: de la conservation à la valorisation économique des ressources naturelles
I.3.2.2 Les conditions favorables à la valorisation économique des ressources naturelles
I.3.2.3 Les expériences de Madagascar en matière de valorisation économique
I.2 ANALYSES DES DONNEES
I.2.1 Récoltes de données
I.2.1.1 Méthodes d’enquête
I.2.1.1.1 Enquête informelle
I.2.1.1.2 Enquête formelle
I.2.1.1.3 Enquête par questionnaire
I.2.1.1.4 Méthodes d’inventaire
I.2.1.2 L’échantillonnage
I.3 METHODES D’ANALYSE ET D’EVALUATION DE DONNEES
I.3.1 Approches méthodologiques
I.3.2 Cadrage chronologique de l’étude
I.3.3 Méthode d’actualisation
I.3.3.1 Notion d’actualisation
I.3.3.2 Méthode de calcul
I.3.3.3 Coefficient d’actualisation
I.3.3.4 Valeur actuelle nette
II. DEUXIEME PARTIE : RESULTATS ET INTERPRETATIONS ANALYTIQUES
II.1 LA VALORISATION ECONOMIQUE DE LA FORET DE TAPIA DANS LA REGION D’ARIVONIMAMO
I.1.1 La valorisation économique de la filière soie sauvage à Arivonimamo
I.1.1.1 La filière soie sauvage
I.1.1.2 La filière champignon
I.1.2 Le transfert de gestion de la forêt de Tapia dans la région d’Arivonimamo
I.1.2.1 Les TGRNs à Arivonimamo II
I.1.3 Les coûts
I.1.3.1 Les coûts du transfert de gestion
I.1.3.2 Les coûts d’opportunité issus de la filière charbon
I.1.4 LES BENEFICES DIRECTS ET INDIRECTS
I.1.4.1 Les bénéfices directs issus de la filière Landibe
I.1.4.2 Les bénéfices directs issus de la filière champignon
I.1.4.3 Les bénéfices indirects
III. TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS ET RECOMMANDATIONS
III.1 DISCUSSIONS
III.1.1 Les changements dans le scénario sans Transfert de Gestion et les bénéficiaires
III.1.2 Les changements dans le scénario avec le Transfert de Gestion et les bénéficiaires
III.1.2.1 L’analyse des coûts-bénéfices
III.1.2.2 Les impacts escomptés du transfert de gestion
III.2 RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
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