Localisation et rappel des grandes caractéristiques
L’étude a été effectuée à Madagascar dans la région du Vakinankaratra, dans les Hautes Terres centrales malgaches. Antsirabe (19° 52’ S ; 47° 04’ E), située à 168 km au Sud d’Antananarivo, est le chef-lieu de la province. La région du Vakinankaratra est localisée dans la partie sud des Hautes Terres centrales de Madagascar (Figure 1-3). Cette région, d’altitude moyenne variant de 1 300 à 1 600 m, est densément peuplée, avec une population totale de 1 852 199 habitants et une densité de 109 habitants par km² (estimation INSTAT, 2014) (https://www.instat.mg/madagascar-en-chiffre/). Du point de vue administratif, cette région s’étend sur une superficie d’environ 19 205 km2, avec au centre le massif volcanique de l’Ankaratra, à l’Ouest la pénéplaine de Mandoto et au Sud une succession de dépressions et cuvettes dominées par la chaîne d’Ibity (Andriarimalala, 2014). Elle est composée actuellement de sept districts (Figure 1-4) dont deux districts urbains (Antsirabe I et Ambatolampy) et cinq districts ruraux (Antanifotsy, Faratsiho, Antsirabe II, Betafo, et Mandoto), de 90 communes et 1 002 fokontany (Sourisseau et al., 2016). L’économie de la région est largement basée sur l’agriculture (Sourisseau et al., 2016). La région du Vakinankaratra est placée à la fois dans un bassin rizicole et au cœur du « triangle laitier», principale zone de production laitière de l’île. Compte tenu de la population actuelle et de la croissance démographique, les besoins alimentaires issus de l’agriculture sont très importants. La forte démographie crée un besoin en riz croissant alors que le développement de l’élevage laitier crée aussi un besoin en fourrage croissant (Rakotofiringa et al., 2007). Les stratégies développées par les agriculteurs pour la diversification des cultures et des activités, trouvent leur raison d’être dans la structure familiale et les risques auxquels doit faire face le chef d’exploitation ou le chef de famille dans ses choix pour satisfaire les besoins de sa famille (Sourisseau et al., 2016). Ces choix conduisent souvent à privilégier l’autoconsommation par la famille. Les Hautes Terres du Vakinankaratra et sa capitale Antsirabe constituent une zone fortement agricole favorable aux cultures maraîchères et fruitières et une zone agroindustrielle grâce à l’implantation ancienne d’industries agro-alimentaires comme la brasserie STAR, implantée en 1949, la laiterie TIKO, implantée au début des années 80, ou encore la minoterie KOBAMA, etc. Sa situation géographique, proche de la capitale, lui confère aussi des avantages considérables en termes d’accès aux marchés domestiques et à l’international. Ainsi, avec des exploitations agricoles diversifiées, dans la production de céréales, de fruits, de légumes et de produits d’origine animale, la région ravitaille les grandes villes de l’île, dont la capitale, notamment en produits laitiers (Kaspryzk, 2008). Une forte densité de population, un climat favorable, des ressources importantes et les infrastructures disponibles sont autant d’atouts favorables au développement des investissements dans tous les secteurs économiques (Sourisseau et al., 2016). En cela, elle est représentative de la situation agricole des Hautes Terres (Rakotofiringa et al., 2007).
La notion de transfert de fertilité
Les transferts de fertilité se caractérisent par des flux de matières organiques et minérales liés à leur transport par les populations, par le déplacement du cheptel, ainsi que par des phénomènes naturels (érosion hydrique et éolienne) (Dugué, 1998). Les transferts de biomasses et des éléments nutritifs au sein d’une exploitation associant agriculture et élevage s’opèrent entre les différents compartiments du système : animaux, stocks des effluents (fumier, lisier, compost), parcelles de culture (plantes et sol), et la famille (Alvarez, 2012). Ils ne dépendent donc pas uniquement de l’élevage, mais son rôle dans ce domaine est prépondérant. Différents facteurs déterminent l’importance des transferts de fertilité : la taille du cheptel, le niveau d’équipement des exploitations (matériels de transport) et surtout l’importance accordée par les paysans à la fumure animale. Cependant, le mode et l’ampleur du recyclage des éléments nutritifs dépendent du type (grands ou petits ruminants, porcs, lapins et volaille) et du nombre d’animaux disponibles dans un système de production (Lekasi et al., 2003). Ces transferts en éléments nutritifs peuvent se faire à une échelle locale (l’exploitation), régionale (zone autour de l’exploitation) ou à une échelle beaucoup plus large (nationale ou internationale) selon l’origine des matières premières, des aliments concentrés (Galloway et al., 2008). Les flux de biomasses à l’échelle d’un terroir se présentent sous plusieurs formes et dépendent de plusieurs paramètres car les pratiques de gestion de la fertilité changent suivant la distance au village, la conduite du parcage des animaux, la quantité et la qualité du fourrage disponible, le statut foncier de l’exploitant (Manlay et Ickowicz, 2000). En effet, selon l’étude effectué en Afrique de l’Ouest par Manlay et Ickowicz (2000), le parcage est généralement localisé en proximité des villages ; moins intense et plus rare en périphérie du terroir. Les disparités sont fortes entre les auréoles de champs voisins. Cette disparité s’exprime pleinement entre parcelles et selon la culture menée à la suite du parcage. Ils ont constaté dans leur étude que les céréales bénéficient, en général, de 95 % de la fumure et les savanes arbustive et arborée participent peu aux échanges de biomasse (prélèvements et restitutions). A l’échelle des exploitations, les transferts des élements nutritifs doivent être repositionnés à une échelle plus large intégrant les relations entre l’exploitation et son environnement (Alvarez, 2012) (Figure 1-7). La commercialisation des produits agricoles (grains, tubercules, etc.) ou des produits d’élevages (lait, viande, œufs, etc.) correspond à une exportation de nutriments. De même, la vente de biomasses (pailles, fumiers) ou le dépôts de fèces par les animaux lorsqu’ils pâturent sur les espaces communs n’appartenant pas à l’exploitant peuvent aussi être considérées comme des pertes d’éléments nutritifs vers le milieu extérieur. Au contraire, les divers achats à l’extérieur pour fertiliser les sols ou pour nourrir les animaux sont des gains de nutriment au niveau du bilan minéral de l’exploitation. Au sein d’une exploitation mixte d’agriculture élevage, les stocks et les flux de biomasse et de nutriments doivent aussi être quantifiés à chacune des étapes du cycle de transfert, depuis la production des biomasses organiques (fourrages, résidus de culture, couverts végétaux), en passant par la collecte et la gestion de ces biomasses, puis par leur minéralisation dans le sol en éléments minéraux, le prélèvement et la transformation de ces nutriments par la plante (Rufino et al., 2006). De ce fait, quatre étapes majeures dans le transfert et le recyclage des éléments nutritifs ont été définis par Rufino et al. (2006) à l’échelle d’une exploitation agricole, pour le cas de l’azote (Figure 1-8) : (1) la production d’effluents d’élevage ; (2) la collecte et la gestion des effluents ; (3) le stockage des effluents ; (4) la transformation dans le sol.
Application de la Spectrométrie Proche Infrarouge dans l’analyse de plantes et matières organiques
D’une manière générale, la SMIR et la SPIR sont souvent utilisées pour la caractérisation des matières organiques et des sols (Peltre et al., 2011). Depuis les années 90, la méthode développée sur les plantes, grains, et plus particulièrement les fourrages afin de déterminer leur valeur nutritionnelle, a gagné en précision et en fiabilité (Norris et al., 1976 ; Batten, 1998 ; Corson et al., 1999 ; Lila et Furtoss, 2000 ; Aufrere et al., 2006 ; Tran et al., 2010 ; Mbow et al., 2013 ; Asekova, 2016). Schmitt et al. (2014) a synthétisé les études réalisées pour la détermination des teneurs en minéraux des différents aliments par la SPIR (fromage, vin, grains d’haricot, lait, filet de porc, plantes à tubercules etc. Les résultats pour chaque élément diffèrent d’un produit à un autre. Xu et al. (2013) ont résumé les différents résultats sur la composition des biomasses (cellulose, hemicellulose, cendres, humidité, etc.). Quelques études ont été déjà entreprises pour évaluer la possibilité d’utilisation de la SPIR dans la détermination des teneurs minérales de certaines plantes (Tableau 1-4) : Na, K, Ca, P, Mg, Fe, Mn, Cu, and Zn des fourrages (Clark et al., 1987 ) et Ba, Li, Mo, Ni, Pb, V, Al, S, and Si (Clark et al., 1989.) ; les teneurs en C, N, P des pins d’Alep (Gillon, 1999) ; les cendres, macronutriments, et éléments en trace des certaines espèces forestières (Petisco et al., 2005 ; Petisco et al., 2008) ; les teneurs minérales des pailles de riz (Huang et al., 2009) ; le N, P, K, Fe, Mn, Zn, Cu des feuilles de citron (Liao et al., 2012). Cozzolino and Moron (2004) ont également utilisé la SPIR pour quantifier la concentration des minéraux en traces dans les légumes. Maarschalkerweerd et Husted (2015) ont présenté une vue d’ensemble des performances de calibration de la composition minérale de certaines plantes. Certains auteurs ont également testé la potentialité de la SPIR pour déterminer les compositions des fumiers et composts (Smith et al., 2001 ; Albrecht et al., 2008 ; Galvez-Sola et al., 2010 ; Huang et al., 2008) (Tableau 1-5). Globalement, les statistiques obtenues pour la calibration et la validation de ces différentes études citées ci-dessus ont montré la possibilité de déterminer les teneurs en C et N des biomasses (plantes et matière organique) (Batten, 1991 ; Gillon et al., 1999 ; Cozzolino et Moron, 2002 ; Albrecht et al., 2008 ). Néanmoins, pour les autres nutriments, les précisions varient selon le cas étudié. Certains auteurs ont eu des résultats acceptables pour Ca, K (Clark et al., 1987 ; Gillon et al., 1999 ; Cozzolino et Moron, 2002 ; Petisco et al., 2008) et P (Gillon et al., 1999 ; Smith et al., 2000 ; Cozzolino et Moron, 2002 ; Albrecht et al., 2008 ; Galvez-Sola et al., 2010 ; Huang et al., 2009). Les prédictions des autres éléments (Mg, Cu, Zn, Mn, Na, Fe, S) sont parfois approximatives ou faibles. Shenk et Westerhaus (1985) cité par Dryden (2003) ont obtenu un R2 variant de 0,17 à 0,74 pour la prédiction du P, K, Ca et Mg des fourrages. Néanmoins, il y a encore peu de résultats sur l’application de la SPIR pour la caractérisation des minéralomasse des fourrages ou plantes cultivées dans les systèmes de production africains. Il y a donc une forte nécessité à développer des études dans ce sens.
Bilans de carbone et nutriments à l’échelle des exploitations
Les bilans apparents pour chaque exploitation (entrées-sorties de l’exploitation) ont été calculés pour C, N, P, K, Ca et Mg. Les transferts de C et de nutriments entre l’agriculture et l’élevage, au sein de l’exploitation, ont aussi été évalués afin de : (i) comprendre les flux en matière organique et en éléments minéraux au sein des exploitations et (ii) connaitre les transferts de biomasses végétales et de fumure organique entre les deux systèmes d’agriculture et élevage. La connaissance des situations où des déficits et des excès de biomasses et de nutriments ont lieu permettent d’envisager les innovations techniques et organisationnelles qui doivent être développées pour limiter ces déséquilibres. Ces différentes quantifications permettront ultérieurement de discuter de la durabilité des pratiques mises en œuvre au niveau des différents systèmes d’activités valorisant les biomasses. Dans nos bilans, l’estimation des exportations sous forme de production de viande a été obtenue à partir de l’enquête préliminaire faite auprès des agriculteurs en début de cycle. Ces données correspondent donc à l’année précédant nos résultats sur les flux de biomasses et nutriments. Les ventes d’animaux peuvent toutefois varier d’une année à l’autre, en fonction de divers facteurs tels que les besoins de trésorerie des agriculteurs, la demande de bétail, les aléas climatiques (sécheresse, grêle), les variations des prix du riz, des événements familiaux (décès, etc.). Le taux de renouvellement des troupeaux, qui est tributaire de plusieurs paramètres, est donc difficile à évaluer. En ce qui concerne les œufs, ils sont soient autoconsommés soient destinés à la couvaison pour renouveler l’effectif et donc n’ont pas été pris en compte dans les sorties.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1. Synthèse Bibliographique
1.1 Caractéristiques des exploitations agricoles familiales de la région du Vakinankaratra
1.1.1. La région des Hautes Terres
1.1.2. La région du Vakinankaratra
1.1.2.1. Localisation et rappel des grandes caractéristiques
1.1.2.2. Caractéristiques biophysiques
1.1.2.3. Particularités de l’agriculture de la zone : diversité des systèmes de production
1.1.2.4. La place de l’élevage bovin dans la zone
1.2.La place de l’intégration agriculture-élevage au sein de l’exploitation agricole
1.3.Le transfert de fertilité et flux de biomasses
1.3.1. La notion de transfert de fertilité
1.3.2. Transfert de fertilité à l’échelle des exploitations agricoles malgaches
1.3.3. Rôle de l’élevage dans le flux de biomasses
1.4.Intérêts de la spectrométrie infrarouge dans la caractérisation des biomasses
1.4.1. Intérêts de la spectrométrie infrarouge
1.4.2. Principe de la spectrométrie Proche infrarouge
1.4.3. Application de la Spectrométrie Proche Infrarouge dans l’analyse de plantes et matières organiques
Chapitre 2. Transfert de fertilitéet potentiel d’acidification
2.1. Introduction
2.2. Materials and methods
2.2.1. Mixed farming system
2.2.2. Sample collection and analysis
2.2.3. Statistical analyses
2.3. Results
2.3.1 .Mineral composition of plants and manures
2.3.2. Biomass production and nutrient removal
2.3.3. Ash alkalinity of biomass
2.4. Discussion
2.4.1. Fertility transfer and soil nutrient losses
2.4.2. Acidification potential of biomass harvest
2.4.3. Manure as an alternative solution to nutrient depletion and soil acidification?
Chapitre 3. Flux de biomasses et nutriments à l’échelle des exploitations mixtes d’agriculture-élevage de la région Vakinankaratra
3.1. Introduction
3.2. Méthodologie
3.2.1. Typologie des exploitations mixtes d’agriculture-élevage de la région Vakinankaratra
3.2.2. Identification et choix des exploitations étudiées
3.2.3. Collecte des données
3.2.4. Prélèvements d’échantillons et mesures de biomasses
3.2.5. Détermination des éléments nutritifs des biomasses
3.2.6. Quantification des flux de ressources à l’échelle de l’exploitation et de chaque compartiment
3.2.6.1. Carte des flux de ressources
3.2.6.2. Méthode du bilan apparent
3.3. Résultats
3.3.1. Caractérisation des exploitations agricoles
3.3.1.1. Caractérisation socio-économique
3.3.1.2. Les productions agricoles des exploitations
3.3.1.3. Les productions animales des exploitations
3.3.2. Les flux de biomasses et nutriments dans les exploitations
3.3.2.1. Caractérisation chimique des biomasses
3.3.2.2. Flux de biomasses
3.3.3. Bilans de carbone et nutriments à l’échelle des exploitations
3.3.3.1. Bilan C et N
3.3.3.2. Bilan en nutriments
3.4.1. Limites méthodologiques
3.4.2. Flux de ressources et bilans d’éléments nutritifs
3.4.3. Opportunités d’intégration agriculture – élevage
3.5. Conclusion
Chapitre 4. La Spectrométrie Proche Infrarouge comme outil de caractérisation des flux de nutriments
4.1. Introduction
4.2. Matériels et méthodes
4.2.1. Zone d’étude et échantillonnage
4.2.2. Analyses chimiques en laboratoire
4.2.3. Modélisation avec la SPIR
4.2.3.1. Analyses spectrales
4.2.3.2. Prétraitement des données spectrales
4.2.3.3. Elaboration des modèles de prédiction
4.3. Résultats
4.3.1. Statistiques descriptives des résultats d’analyses au laboratoire
4.3.2. Caractérisation spectrale des échantillons
4.3.3. Calibration et validation
4.3.3.1 Modèle GLOBAL
4.3.3.2 Comparaison modèles GLOBAL et LOCAL
4.4. Discussion
4.4.1. Données disponibles
4.4.2. Comparaison des modèles GLOBAL et LOCAL
4.4.2. Comparaison des données avec les études internationales
4.5. Conclusion
Conclusion générale, Perspectives, Limites
Références bibliographiques
Annexes
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