Transducteurs intelligents
Un transducteur est un dispositif qui convertit l’énergie d’un domaine à un autre. Les types d’énergie incluent notamment l’énergie électrique, mécanique, électromagnétique, chimique, acoustique et thermique. Les transducteurs sont subdivisés en deux catégories : les capteurs et les actuateurs. Un capteur est un transducteur qui convertit un paramètre physique, biologique ou chimique en un signal électrique [1, p.2]. À titre d’exemple, un capteur de pression d’un « Air Data Computer » installé au bord d’un avion mesure la pression, qui se manifeste sous la forme d’une énergie mécanique, et la convertit en un signal électrique. Un actuateur est un transducteur qui accepte un signal électrique et le convertit en une action physique. Dans un avion équipé d’un système de commande de vol électrique, l’ordinateur de bord envoie une commande sous forme d’un signal électrique vers les vérins qui, à leur tour, actionnent les gouvernes pour contrôler l’avion.
Description d’un transducteur intelligent
Au début des années 80, la notion de capteur se limitait à la conversion de l’énergie et à l’échange de données sous un format analogique. Elle a depuis connu une évolution importante dans plusieurs domaines de l’industrie [2]. En effet, la notion de transducteur intelligent a été introduite à cette époque en dotant les éléments de capteurs et d’actuateurs d’une capacité de traitement ainsi que d’une interface de communication pour permettre la transmission de données numériques sur un bus informatique. L’unité de calcul sert principalement à apporter une correction et à fournir des mesures plus précises. Par ailleurs, le progrès dans le domaine de la microélectronique a permis d’augmenter significativement la performance et la puissance de calcul des puces électroniques. Motivé par ces progrès, l’Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (IEEE) qualifie par intelligent, dans la norme IEEE 1451.0 [24], «tout transducteur qui fournit des fonctions allant au-delà de celles nécessaires pour générer une représentation correcte d’une quantité mesurée ou contrôlée. Ces fonctionnalités simplifient typiquement l’intégration du capteur dans une application appartenant à un environnement réseau ».
D’après cette définition, les fonctions fournies par la nouvelle génération de transducteur intelligent ne se limitent pas à la correction des mesures. La valeur ajoutée d’un transducteur intelligent servira à décentraliser l’intelligence d’un système industriel et à permettre au transducteur de participer à la prise de décision dans un contexte de calcul distribué [2] [3, p.22]. Comme le montre la Figure 1.1, un transducteur intelligent est composé de: un (ou plusieurs) capteurs (ou actionneurs), une unité de calcul, une mémoire locale, une unité de conditionnement et d’amplification, un convertisseur numérique-analogique (CNA) ou analogique-numérique (CAN) et une interface de communication. L’unité de calcul est l’unité responsable du traitement des échantillons mesurés. Celle-ci pourrait être un microcontrôleur, un microprocesseur, un DSP, un FPGA ou un ASIC. Dans le cas où un microcontrôleur/microprocesseur est utilisé, la mémoire sert à stocker notamment des programmes et leurs paramètres de configuration. Sinon, elle pourrait être utilisée pour sauvegarder des données utiles pour le fonctionnement du transducteur.
Le convertisseur CAN permet de transformer la valeur analogique mesurée (par le capteur) en une valeur numérique codée sur plusieurs bits et proportionnelle à la valeur analogique. Le convertisseur CNA permet de transformer une valeur numérique (codée sur plusieurs bits) en une tension électrique proportionnelle à la valeur numérique codée. L’unité de conditionnement sert principalement à amplifier et/ou filtrer le signal venant de ou allant au transducteur. Enfin, l’interface de communication assure l’échange des données sur un bus. Le partitionnement et l’intégration du transducteur pourraient changer d’une application à l’autre. La Figure 1.2 montre quelques possibilités de partitionnement et d’intégration d’un capteur. Dans le partitionnement A, un transducteur intelligent est composé de deux entités séparées. Chaque entité est un circuit imprimé doté de composantes électroniques et/ou de circuits intégrés qui implémentent les fonctions fournies par le module en question. Le module (1) du partitionnement A comporte un ou plusieurs capteurs et est responsable de l’acquisition des mesures et du conditionnement du signal. Le module (2) est responsable de la conversion CAN, du traitement des échantillons et de la transmission des données sur un bus numérique. Dans le partitionnement B, les fonctions de conditionnement, de conversion CAN et de traitement des échantillons sont concentrées en un seul circuit. Selon ce scénario, le capteur est un composant analogique distant (1) connecté au circuit (2) via un bus électrique. Enfin, le partitionnement C représente un transducteur intelligent où tous les composants (capteur, CAN, interface numérique, circuit de conditionnement du signal et microcontrôleur) sont intégrés sur un seul circuit imprimé.
Médiums pour l’interconnexion des transducteurs Les premières générations d’aéronefs modernes ont connu l’introduction de calculateurs centraux, de sous-systèmes et de transducteurs, tous analogiques, afin d’améliorer les performances de l’avion. La communication entre les différents calculateurs et transducteurs était assurée via des liens point-à-point analogiques. Au fur et à mesure de l’évolution de l’industrie aéronautique, la complexité des systèmes avioniques et le besoin en termes de puissance de calcul ont augmenté de manière remarquable. Afin de satisfaire à ces besoins, des calculateurs numériques ont été développés pour remplacer les calculateurs analogiques anciennement utilisés. Par ailleurs, les liens analogiques point-à-point ont été conservés pour interconnecter les capteurs et les actuateurs avec des calculateurs centraux numériques. De plus, des convertisseurs CAN et CNA ont été implémentés du côté des calculateurs pour les interfacer avec les transducteurs [7]. Les premiers progrès dans le domaine des bus avioniques ont permis de remplacer une partie des liens analogiques par des liens numériques point-à-point en dotant les transducteurs d’une interface de communication numérique. Le bus avionique point-à-point le plus répandu est l’ARINC 429. Celui-ci est un bus de données série unidirectionnel (simplex).
La norme ARINC 429 impose qu’il n’y ait qu’un seul émetteur par bus. Le nombre de récepteurs peut, quant à lui, aller jusqu’à 203. Cependant, comme la complexité des systèmes à bord de l’avion augmentait, le nombre de transducteurs nécessaires augmentait de même. Ceci dit, l’architecture basée sur des interconnexions pointà- point est devenue inefficace. Afin de remédier à ce problème, de nouveaux bus avioniques qui permettent un multiplexage numérique et le partage des bus ont été introduits [8]. Plusieurs transducteurs ont été dotés d’interfaces de communication qui supportent ce type de bus avioniques. Le MIL-STD-1553B est l’un des bus multi-émetteur les plus utilisés [9]. Depuis près d’une décennie, l’industrie aérospatiale a introduit un nouveau protocole de communication avionique: AFDX. Celui-ci est basé sur le protocole commercial Ethernet commuté. Un réseau AFDX est basé sur une topologie en étoile où la communication entre les différents systèmes est assurée via des équipements électroniques intermédiaires appelés commutateurs. Dans [3, p.133] [13], les auteurs proposent des transducteurs dotés de « End- System » afin de les interconnecter aux systèmes de commande de vol électriques via le protocole avionique AFDX.
Architecture du système CDVE d’Airbus
Le système de commande de vol électrique (CDVE) a été introduit par Airbus pour la première fois sur la famille d’avion A320 [15]. Ce système est constitué de deux types de calculateurs numériques (« Flight Control Computer », FCC) auto-vérifiants: des calculateurs primaires (trois calculateurs) et des calculateurs secondaires (trois calculateurs). Chaque calculateur est composé de deux voies matérielles séparées (Voir Figure 1.6): La voie COM (commande) et la voie MON (moniteur). Les deux voies jouent des rôles différents: la voie COM calcule les consignes de commande des actionneurs et les transmet vers la voie MON pour validation. La voie MON calcule les mêmes consignes que la voie COM, compare les commandes des deux voies et signale l’existence d’une erreur aux différents systèmes de l’avion en cas de différence entre les commandes calculées. Si une panne est détectée, le calculateur fautif sera remplacé par un autre calculateur fonctionnel. Figure 1.6 Diagramme de bloc simplifié du système CDVE d’Airbus Tirée de Goupil (2011, p.6) Les calculateurs constituent l’élément central du système CDVE des avions Airbus modernes. Les calculateurs traitent les consignes des pilotes et calculent des ordres pour les actionneurs. De plus, ils sont responsables de la surveillance et de la détection des pannes des transducteurs. Des liens analogiques point-à-point entre les capteurs du cockpit et les calculateurs assurent le transfert des consignes du pilote. De manière semblable aux capteurs, les actionneurs sont pilotés et asservis par les calculateurs via des liaisons directes analogiques. Une fois les consignes du pilote reçues par les FCC, ceux-ci convertissent les signaux reçus en format numérique et procèdent à l’actionnement des gouvernes. Les résultats de traitement sont acheminés vers les actionneurs soit en format analogique ou numérique. Bien que ces liens directs constituent des canaux de communication complètement indépendants et qu’ils permettent des niveaux de fiabilité et de sûreté assez élevés, ce type de liaisons entraine un encombrement du câblage et une augmentation considérable de la complexité et du poids du système CDVE.
|
Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 TECHNOLOGIES DE TRANSDUCTEURS INTELLIGENTS POUR LES APPLICATIONS AVIONIQUES CRITIQUES
1.1 Introduction
1.2 Transducteurs intelligents
1.2.1 Définition d’un transducteur
1.2.2 Description d’un transducteur intelligent
1.3 Technologies de transducteurs existantes utilisées dans le domaine de l’avionique
1.3.1 Médiums pour l’interconnexion des transducteurs
1.3.2 Technologie de transducteurs dans les systèmes de commande de vol électrique existants
1.3.2.1 Architecture du système CDVE d’Airbus
1.3.2.2 Architecture du système CDVE de Boeing
1.4 Revue de la littérature des transducteurs intelligents pour les prochaines générations des systèmes CDVE
1.4.1 Système de commande de vol avec électronique déportée
1.4.2 Système de commande de vol partiellement distribué
1.4.3 Système de commande de vol électrique totalement distribué
1.5 Évolution de l’avionique modulaire intégrée
1.5.1 IMA 1G
1.5.2 IMA 2G
1.5.3 Projet SCARLETT
1.6 Conclusion
CHAPITRE 2 NORME IEEE 1451.0
2.1 Introduction
2.2 Besoin de normalisation des interfaces de transducteurs intelligents
2.3 Présentation des normes IEEE1451
2.4 Modèle de transducteur intelligent selon la norme IEEE1451.0
2.5 Interface de transducteurs (TIM)
2.5.1 États de fonctionnement
2.5.2 Modes d’échantillonnage
2.5.3 Déclenchement du transducteur
2.5.4 Structure des messages
2.5.5 Commandes
2.5.6 TEDS
2.5.7 Adressage
2.5.8 Détection et diagnostic des pannes
2.6 Répartition de l’intelligence dans un réseau de transducteurs basé sur IEEE 1451
2.7 Projet AVIO 402
2.7.1 Architecture du réseau
2.7.2 Encapsuleur du réseau
2.7.3 Prototype de l’encapsuleur
2.8 Conclusion
CHAPITRE 3 INTERFACE DE TRANSDUCTEURS INTELLIGENTS TOLÉRANTE AUX PANNES BASÉE SUR IEEE 1451.0
3.1 Introduction
3.2 Besoin en tolérance aux pannes locale
3.3 Tolérance aux pannes
3.3.1 Terminologie
3.3.2 Définition de la tolérance aux pannes
3.3.3 Origine des pannes
3.3.4 Techniques de la tolérance aux pannes
3.3.4.1 Tolérance aux pannes par couche pour les systèmes distribués
3.3.4.2 Redondance modulaire
3.4 Architecture du TIM
3.4.1 Première version
3.4.2 Deuxième version
3.5 Étude comparative
3.5.1 Interface COM/MON
3.5.2 Interface à redondance temporelle
3.5.3 Tableau comparatif
3.6 Conclusion
CHAPITRE 4 ÉTUDE DE FIABILITÉ ET DE SÛRETÉ
4.1 Introduction
4.2 Définitions
4.3 Fiabilité et sûreté du TIM
4.3.1 Premier scénario
4.3.2 Deuxième scénario
4.3.3 Comparaison entre scénario 1 et scénario 2
4.4 Étude de fiabilité et de sûreté de l’interface COM/MON
4.5 Application: interfaces de capteurs du système CDVE dans le cockpit
4.6 Conclusion
CHAPITRE 5 IMPLÉMENTATION ET RÉSULTATS
5.1 Introduction
5.2 Spécifications et exigences
5.2.1 Spécifications du TIM
5.3 Développement du prototype
5.3.1 Interface de mesures du transducteur (TMI)
5.3.2 Paire de service
5.3.3 Crossbar1
5.3.4 Crossbar2
5.4 Résultats de synthèse
5.4.1 Taille du système
5.4.2 Synchronisation
5.5 Vérification
5.6 Validation via le prototype de l’encapsuleur
5.7 Conclusion
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I RÉSULTATS DES TESTS
BIBLIOGRAPHIE
Télécharger le rapport complet