La réaction d’hypersensibilité
La réaction d’hypersensibilité est un mécanisme naturel de défense induite chez les plantes contre les pathogènes, se traduisant par une réaction localisée. Cette réaction de sensibilité exacerbée des cellules à l’infection est de forte intensité et de courte durée. Elle est le résultat d’un processus actif contrôlé génétiquement entraînant la mort programmée d’un nombre limité de cellules hôtes entourant le site d’infection et permet de circonscrire le pathogène et d’empêcher sa multiplication et sa migration. Cette réaction est le résultat d’une forte augmentation de la consommation d’oxygène et d’une production importante d’espèces réactives de l’oxygène (ROS: H2O2, HO-, O2-). Ce burst oxydatif permet de catalyser le renforcement des barrières physiques mais il est aussi impliqué dans le signal des mécanismes de défense plus tardifs (activation des gènes codant pour les protéines liées à la pathogénie PR, inhibition de protéases…).
Les messagers de la défense
Les mécanismes de défense mis en place ne se limitent pas à la proximité du site d’infection. La plante développe une réponse systémique, état de résistance généralisé, qui permet de la protéger contre des attaques ultérieures de bioagresseurs. Cet état, proche de l’immunité animale, apparait quelques heures après la reconnaissance plante-pathogène et implique la diffusion du signal aux cellules saines à l’aide de messagers secondaires (Benhamou,2009). Les messagers secondaires, alertent les cellules entourant la zone d’attaque et l’ensemble de la plante, et dévient leur métabolisme vers la lutte contre l’agression. Ces messagers sont de nature polysaccharidique et proviennent de la dégradation des parois du pathogène sous l’action des hydrolases de l’hôte ou de la dégradation des parois des cellules végétales hydrolysées par les enzymes du pathogène (Turelli et al., 1982). Le rôle des messagers secondaires est aussi attribué à des phytohormones comme l’éthylène, l’acide salicylique, l’acide jasmonique ou encore l’acide abscissique. Ces composés, qui sont le résultat de l’activation des gènes précoces, jouent un rôle dans l’induction de la résistance systémique acquise en activant à leur tour des gènes de défense tardifs et la production d’une diversité de composés issus du métabolisme secondaire, comme des protéines de défense et diverses phytoalexines (Ryals et al., 1996; Benhamou, 2009). Ces molécules et particulièrement les molécules phénoliques de petite taille ont aussi un rôle antimicrobien direct.
La lutte chimique
L’agriculteur utilise de manière conventionnelle de nombreux pesticides qu’il répand sur les cultures souvent de manière non raisonnée afin de lutter contre les bioagresseurs. Ainsi, l’utilisation fréquente des fongicides a conduit au développement de souches de bioagresseurs résistants (Wang et al., 1986;Leroux et al., 2002). En ce qui concerne l’attaque de B. cinerea sur laitue, les agriculteurs utilisent généralement des fongicides, homologués en France,comme le Signum®, Rovral® Aquaflo, Rovral.® WG (iprodione), qui sont des fongicides communs avec d’ autres champignons phytopathogènes et ayant une action générale. Mais ils utilisent également des fongicides ayant une action plus spécifique contre Botrytis comme le Scala® (pyriméthanil) (Elad et al., 2004, Charles et al., 2000) ou cyprodinil (Couderchet 2003). Ces pesticides sont constitués le plus souvent de plusieurs matières actives ayant chacune des propriétés et des modes d’actions différents. Ex: Signum® est composé de deux matières actives aux propriétés complémentaires: la première est la pyraclostrobine, de la famille des strobilurines (QoI). La pyraclostrobine (QoI) inhibe la respiration mitochondriale, ce qui a pour effet de bloquer la production d’ATP, indispensable aux fonctions vitales du champignon (Karadimos et al., 2005; Khana and Smith 2005). La deuxième est le boscalide de la famille des carboxamides (SDHI) (Avenot and Michailides 2007). Ce dernier (SDHI) bloque deux voies biochimiques vitales pour le champignon: la dégradation ultime de molécules énergétiques au niveau du cycle de Krebs et le transport des électrons au sein du complexe II et donc la production d’ATP (Avenot et al., 2009). L’utilisation des pesticides dans la lutte contre les bioagresseurs génère énormément d’inconvénients qui ne sont malheureusement pas compensés par leur efficacité. En effet, l’emploi répété des substances actives peut générer l’apparition et l’extension rapide de souches de pathogènes résistantes (Veloukas et al., 2011 ; Stammler et al., 2007) (tableau 2).
Les rayonnements Ultra-violets
Les rayons UV sont classés dans trois catégories en fonction de leur longueur d’onde (Figure 3): Les UV-A (320- 400 nm) qui possèdent l’énergie la plus faible, les UV-B (280-320 nm) et UV-C (254-280 nm) qui possèdent l’énergie la plus élevée. La réponse des plantes dépend de la longueur d’onde considérée, les UVA sont moins délétères que les UV-B et les UV-C (Barta et al. 2004). Les rayons ultraviolets sont biologiquement actifs à toutes les longueurs d’onde. Leurs effets sur les organismes vivants varient selon les doses absorbées. A forte dose, les rayons ultraviolets sont délétères tandis que, administrés à dose dite hormétique, ils peuvent procurer des effets bénéfiques (Droby et al. 1993).L’absorption des rayons ultraviolets à des doses élevées provoque deux principaux types de dégâts : i) une altération de la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN) pouvant provoquer des mutations génétiques, et ii) des perturbations des processus physiologiques (Stapleton, 1992). L’atmosphère actuelle filtre efficacement les UV-C contrairement aux UV-B et aux UV-A. A des doses non délétères, les effets des UV-B peuvent être bénéfiques chez les plantes (Droby et al. 1993). Il a été montré qu’ils avaient des rôles importants dans de nombreux processus biochimiques et physiologiques comme, par exemple, la synthèse des composées phénoliques (Jenkins, 2009). Ces derniers sont des molécules essentielles pour la défense des plantes mais aussi des micronutriments pour les consommateurs, reconnus protecteurs contre les maladies cardio-vasculaires par exemple. L’une des découvertes parmi les plus intéressantes est que les voies de signalisation en réponse aux UV-B et aux attaques de certains bioagresseurs sont largement partagées (Stratmann, 2003). Toutes ces observations fondent l’idée qu’on pourrait exploiter les UV-B à des fins de stimulation de la « valeur-santé » des produits végétaux (Jansen et al. 2008) et des défenses naturelles des plantes contre les pathogènes et les ravageurs (Stratmann 2003, Ballare et al. 2011, Kuhlmann et Müller 2011). La stimulation des défenses naturelles des plantes est d’un intérêt majeur dans une perspective de limitation des pesticides qui sont des polluants pour l’environnement et ont des effets négatifs sur la santé humaine. De plus, des preuves significatives ont émergé au cours des dernières années, indiquant que la lumière, par l’intermédiaire de photorécepteurs spécifiques, peut être un modulateur important de voies de signalisations hormonales impliqué dans la défense des plantes (Ballaré 2011, Kazan et Manners, 2011). Le dernier à avoir été identifié et décrit est UVR8 (résistance aux UV LOCUS 8) (Rizzini et al. 2011, Christie et al. 2012, Wu et al. 2012, Jenkins 2014). Parmi les processus influencés par les UV-B et impliqués dans la résistance, on trouve l’accumulation de composés phénoliques de protection et la production d’acide jasmonique et d’acide salicylique (Rousseaux et al. 1998, Mazza et al. 1999, Stratmann 2003, Izaguirre et al. 2007, Kuhlmann et Müller 2009, Demkura et al. 2010, Gunasekera et Paul. 2007, Kunz et al. 2008,Demkura and Ballaré 2012). Malheureusement, exploiter les UV-B pose des problèmes concrets. En général une exposition prolongée est requise pour être efficace et les expositions prolongées sont difficiles à imposer dans la pratique. D’où notre idée d’exploiter plutôt les UV-C, plus fortement énergétiques, pou stimuler pendant un temps court la défense des plantes. De plus, le spectre d’absorption de UVR8 s’étend jusqu’aux rayonnements UV-C.
Production of plant material and UV-C treatment
Romaine lettuce seeds (cv Duende, De Ruiter Seeds) were sown in 1 cm3 rockwool cubes in a glasshouse. One week after sowing, the cubes, each containing one plantlet, were transferred into plastic pots (5 L) containing a commercial growing medium (Metro-Mix 350, Sun Gro, Canada). They were then grown for 3 or 4 weeks at a temperature of 24/16 C° (day/night). Fiveweek-old seedlings were used to identify non deleterious doses of UV-C, while 4-week-old seedlings were used for a dose/repetition trial. Three independent experiments were conducted, the first between October and November 2013 (Mean cumulated global energy per m2 and per day is 7.4 MJ/m2), the second one between March and April 2014 (Mean cumulated global energy per m2 and per day is 13.7 MJ/m2 ) and the third one between October and November 2015 (Mean cumulated global energy per m2 and per day is 7.5 MJ/m2,). To determine non-deleterious doses, the seedlings were exposed to UV-C light (254 nm, Spectroline, Model ZQJ-254, output 300 mW.c/m2, USA) at a distance of 30 cm. The UV-C radiation dose was made to vary by modifying the duration of exposure. Light intensity measurements were performed with a radiometer (Data Logging Radiometer PMA 2100, Glenside, USA) positioned at 30 cm from the ceiling light. The duration of plant UV-C radiation are1 min (which corresponded to a dose of 0.85 kJ/m2), 2 min (1.70 kJ/m2 ), 4 min (3.40 kJ/m2), and eventually 8 min (6.80 kJ/m2 . In the second experiment, the 4-weekold seedlings were exposed for a period of 1 min every two days during one week, which represents a cumulated dose of 3.40 kJ/m2 . In both trials, we used untreated plants as a control batch. To avoid the restorative effect of white light (Mercier et al., 2001), All the UV-C treatments were initiated after sunset.
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Table des matières
Chapitre I: Synthèse bibliographique
A/ CONTEXTE GENERAL
B/ LES RESISTANCES AUX BIOAGRESSEURS CHEZ LES VEGETAUX
1/ La réaction d’hypersensibilité
2/ Les messagers de la défense
3/ Les réponses défensives à l’infection
3.1/ Renforcement des parois cellulaires
3.2/ Les protéines Pathogenesis-Related (protéines PR)
3.3/ Phytoalexines
C/ PRESENTATION DU PATHOGENE BOTRYTIS CINEREA
D/ MOYENS DE LUTTE
1/ La lutte chimique
2/ Les méthodes alternatives
2.1/ Pratiques culturales et mesures prophylactiques
2.2/ Contrôle physiologique
2.3/ Utilisation des outils génétiques
2.4/ Protection biologique
2.4.1/ Composés minéraux et organiques
2.4.2/ Extraits de plantes
2.4.3/ Agents microbiens
E/ LUTTE PHYSIQUE
1/ La lutte mécanique
2/ La lutte pneumatique
3/ La lutte thermique
4/ La lutte électromagnétique
5/ L’utilisation des rayonnements ultraviolets
Chapitre II : Les rayonnements UV-C, un moyen pour stimuler les défenses de la laitue en cours de culture contre Botrytis cinerea (Scientia Horticulturae 222 : 32-39, 2017)
A/ ORIGINE ET DIVERSITE DE LA LAITUE
1/ Présentation
2/ Les différents cultigroupes de laitue et production
3/ Préférences pédo-climatiques et fertilisation
4/ Composition et conditions de conservation et de transport
5/ Principales maladies de la laitue
B/ PRE HARVEST HORMETIC DOSES OF UV-C RADIATION CAN DECREASE SUSCEPTIBILITY OF LETTUCE LEAVES (LACTUCA SATIVA L.) TO BOTRYTIS CINEREA L.
RESUME
1/ Abstract
2/ Introduction
3/ Materials and methods
3.1/ Production of plant material and UV-C treatment
3.2/ Measurements of Chlorophyll (a) fluorescence using the Handy PEA
3.3/ Epidermal cells microscopy observations
3.4/ Chlorophyll and carotenoid contents
3.5/ Lipid peroxidation
3.6 Determination of total phenolic compounds
3.7/ Phenylalanine ammonia lyase activity
3.8/ Antioxidant enzyme activities
3.9/ Pathogen culture and inoculation tests on leaves
3.10/ Histopathological study
3.11/ Statistical analyses
4. Results
4.1/ Identification of a non-deleterious dose of UV-C
4.1.2. Microscopic observations of the epidermal cells
4.1.3. Determination of pigments and malondialdehyde
4.2/ Resistance to B. cinerea after irradiation with UV-C
4.2.1. Effect of a single exposure to UV-C radiation
4.2.2. Effect of four successive exposures to UV-C radiation
4.3/ Physiological plant responses of four successive doses of UV-C radiation
4.3.1. Parameters derived from chlorophyll fluorescence measurements
4.3.2. Pigments, malondialdehyde, total phenols and enzymatic activities
5. Discussion
Chapitre III: Les rayonnements UV-C, un moyen pour stimuler les défenses de la tomate en cours de culture contre Botrytis cinerea
A/ ORIGINE ET DIVERSITE DE LA TOMATE
1/ Présentation
2/ La production de tomate
3/ Préférences pédo-climatiques et fertilisation
4/ Composition et conditions de conservation et de transport
5/ Principales maladies de la tomate
B/ LES RAYONNEMENTS UV-C, UN MOYEN POUR STIMULER LES DEFENSES DE LA TOMATE CONTRE BOTRYTIS CINEREA EN COURS DE CULTURE
1/ Résumé
2/ Introduction
3/ Matériels et méthodes
3.1/ Matériel végétal
3.2/ Traitements aux rayonnements UV-C
3.3/ Mesures de la fluorescence
3.4/ Détermination de la teneur en chlorophylle totale et des caroténoïdes
3.5/ Dosage du Malondialdéhyde (MDA)
3.6/ Dosage et caractérisation des polyphénols
3.7/ Activité de la phénylalanine ammoniaque (PAL)
3.8/ Activités enzymatiques antioxydantes
3.9/ Matériel fongique et tests phytopathologiques
3.10/ Observations microscopiques
3.11/ Analyses statistiques
4/ Résultats
4.1/ Tests phytopathologiques
4.2/ Dosage du Malondialdéhyde (MDA)
4.3/ Dosage des pigments
4.4/ Etude cytologique
4.5/ Dosage des composés phénoliques
4.6/ Dosage de la PAL
4.7/ Dosage des enzymes antioxydante
4.8/ Mesures de la fluorescence
5/ Discussion
Chapitre IV: Optimisation de la stimulation des défenses de la laitue et de la tomate (combinaison des UV-C avec un agent de lutte biologique)
1/ Résumé
2/ Introduction
3/ Matériels et méthodes
3.1/ Matériel végétal
3.2/ Traitements aux rayonnements UV-C
3.3/ Traitement de biocontrôle
3.4/ Matériel fongique et tests phytopathologiques
3.5/ Analyses statistiques
4/ Résultats
5/ Discussion
Chapitre V: Discussion générale/Conclusion et perspectives
A/ DISCUSSION GENERALE
B/ CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Annexe: Article en cours de rédaction
Bibliographie
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