En 2020, il y aura environ 80 millions de patients glaucomateux et près de 75% seront des glaucomes à angle ouvert. La prévalence du glaucome augmente avec l’âge et est de l’ordre de 2,6 % dans la population générale [23]. Il conduit à la cécité en l’absence de traitement. Il est la seconde cause de cécité à travers le monde après la cataracte [45] et représente environ 15% de toutes les cécités. Il constitue un problème de santé publique. Selon l’European Glaucoma Society, le GPAO serait « une neuropathie optique chronique progressive qui a comme particularité commune des modifications morphologiques de la tête du nerf optique et des fibres nerveuses rétiniennes en l’absence d’autres maladies oculaires ou de pathologies congénitales. Des pertes progressives des cellules ganglionnaires rétiniennes et du champ visuel sont associées à ces modifications.» [20]. La physiopathologie du GPAO n’est pas encore élucidée, plusieurs théories sont énoncées [47]. C’est une pathologie qui embrasse des tableaux cliniques très différents dont nous ne connaissons pas les causes mais seulement quelques facteurs de risque [62]. Le traitement actuel du glaucome, quelle qu’en soit la méthode, consiste toujours en un abaissement durable de la PIO. De nombreuses grandes études réalisées ces deux dernières décennies ont formellement démontré qu’abaisser la PIO réduisait le risque d’apparition d’un glaucome chez un sujet hypertone, et réduisait le risque d’aggravation et la vitesse d’aggravation d’un glaucome chez un patient glaucomateux [2].
Bases anatomo-physiologiques
Le contenant
Il est formé de trois « enveloppes » ou « membranes’’. La membrane externe ou coque cornéo-sclérale est constituée en arrière par une coque fibreuse de soutien la sclère, prolongée en avant par la cornée transparente [11]. La sclère entoure les 4/5 postérieurs du globe oculaire. Elle est fibreuse, inextensible et acellulaire. Les muscles oculomoteurs s’y insèrent [64]. La sclère livre passage au nerf optique au niveau de la lame criblée [11]. La lame criblée est légèrement incurvée avec une concavité antérieure, ses couches internes communiquant avec le réseau glial préliminaire et ses couches externes fusionnant avec les septums rétrobulbaires du nerf optique. Elle correspond à un tamis à plusieurs étages constitués par le tiers antérieur de la sclère postérieure [46]. La cornée est une calotte de sphère transparente enchâssée en verre de montre dans une ouverture antérieure de la sclérotique. Elle est le premier dioptre du système optique oculaire, elle détient les 2/3 du pouvoir réfracteur de l’œil [60]. La membrane intermédiaire ou uvée est la tunique vasculaire nourricière de l’œil. Elle est formée en arrière par la choroïde ou uvée postérieure qui se prolonge en avant par l’iris ou uvée antérieure et le corps ciliaire ou uvée intermédiaire [64]. La choroïde est responsable de la nutrition de l’épithélium pigmentaire et des couches externes de la rétine neurosensorielle. Le corps ciliaire, est renflé en forme d’anneau, et triangulaire en coupe transversale. Il est constitué par le muscle ciliaire et les procès ciliaires. Le muscle ciliaire est formé de fibres musculaires lisses. Les procès ciliaires sont formés par des pelotons vasculaires, baignant dans une atmosphère de tissu conjonctif lâche. En dessous du muscle ciliaire, une couche vasculaire relie les vaisseaux choroïdiens aux procès ciliaires. Ils sont responsables de la sécrétion de l’humeur aqueuse. L’iris est un diaphragme circulaire perforé en son centre par la pupille, dont le diamètre varie pour réguler la quantité de lumière qui pénètre dans l’œil. Ce jeu pupillaire est sous la dépendance de deux muscles, le sphincter de la pupille et le dilatateur de l’iris [11]. L’angle iridocornéen (AIC) est la zone de contact entre la cornée et la sclère en avant et le corps ciliaire en arrière. C’est le lieu de résorption de l’humeur aqueuse. Au niveau de l’angle est creusée, dans la sclère une gouttière. Elle est formée à sa partie antérieure par le septum scléral, et à sa partie postérieure par l’éperon scléral. Dans la gouttière sclérale se loge le canal de Schlemm. Il est recouvert du trabéculum [64].
La membrane interne ou rétine est la partie neurosensorielle de l’œil. Elle tapisse l’uvée en dedans. Elle recouvre toute la surface du globe et s’étend de l’ora serrata jusqu’à la papille. Il s’agit d’une membrane mince, rosée et transparente pendant la vie, blanchâtre après la mort. Elle présente deux faces, externe et interne. La face externe est appliquée sur la choroïde mais ne lui adhère pas, sauf autour de la papille, de la macula, et de l’ora serrata. La face interne répond au corps vitré. On voit sur cette face deux zones d’un aspect particulier, la papille et la macula lutea [43]. La papille apparaît comme une tâche circulaire de 1,5 mm de diamètre. Elle présente à décrire une excavation au centre entourée d’un anneau neurorétinien renflé, et limitée par un anneau scléral peripapillaire. Autour de la papille on note une zone parapapillaire. La papille livre passage aux vaisseaux centraux de la rétine au niveau de l’excavation. Le diamètre de cette excavation rapporté à celui de la papille est dénommé cup-disc (C/D) [59]. Le rapport C/D montre également de très grandes variations interindividuelles, il doit être inférieur ou égal à 0,3 [46]. La macula apparaît comme une dépression de teinte jaune, elliptique, à grand diamètre transversal, dépourvue de vaisseaux et mesurant 3 mm de largeur sur 1,5 mm de hauteur. Elle est située à 3 mm en dehors et à 1 mm en dessous de la papille. Au plan microscopique, la rétine est constituée de deux feuillets, l’épithélium pigmentaire et la rétine neurosensorielle. L’épithélium pigmentaire arrête les rayons lumineux et permet ainsi à l’œil de fonctionner comme une véritable chambre noire. La rétine neurosensorielle est composée par la superposition de différents types de cellules à savoir les cellules visuelles (cônes et bâtonnets), les cellules bipolaires et les cellules ganglionnaires (Figure 3). La rétine reçoit les informations visuelles. Elle est chargée de les transformer en influx nerveux pour les transmettre au cerveau à travers les voies optiques [43].
Le contenu
Il correspond aux milieux transparents. L’humeur aqueuse, liquide transparent et fluide, remplit la chambre antérieure. Elle est secrétée en permanence par le double épithélium ciliaire recouvrant les procès ciliaires. Elle est résorbée au niveau de l’angle iridocornéen [11]. Différents mécanismes (ultrafiltration, diffusion passive, diffusion facilitée, sécrétion active) participent à la formation de l’humeur aqueuse. Le débit de sécrétion l’humeur aqueuse est d’environ 2 à 3 μL/min. Elle est plus importante en période diurne et plus faible en période nocturne.
Différents facteurs et situations (physiologiques, généraux, locaux, pharmacologiques, chirurgicaux) peuvent aboutir à une diminution de la sécrétion d’HA. La voie trabéculaire est responsable de 70 à 90 % de l’excrétion aqueuse, et la voie uvéosclérale de 10 à 30 %, sa part relative diminuant avec l’âge [3]. Le cristallin est une lentille biconvexe, convergente, amarrée aux muscles ciliaires par son ligament suspenseur, la zonule. Il divise le globe en deux segments, antérieur et postérieur. Le segment antérieur est divisé en deux chambres par iris en antérieure et postérieure. Le corps vitré est un gel transparent, qui remplit le segment postérieur.
Pathogénie du GPAO
Plusieurs théories sont évoquées pour expliquer la neuropathie optique glaucomateuse.
L’Hyperpression intraoculaire
L’élévation pathologique de la PIO résulterait d’un déséquilibre entre la production et l’élimination de l’humeur aqueuse. Dans le GPAO, les anomalies des voies excrétrices trabéculo-canaliculaires sont essentiellement responsables de l’élévation de la PIO, et plus précisément la portion juxta canaliculaire du trabéculum. Elle constitue, en effet, le site majeur de résistance à l’écoulement de l’humeur aqueuse, due à ses anomalies structurales et fonctionnelles. La PIO est soumise à de nombreux facteurs (génétiques, hémodynamiques, hormonaux, chronobiologiques, épaisseur cornéenne centrale et exercice physique de longue durée) qui sont responsables de ses variations.
La dégénérescence neurorétinienne glaucomateuse
Elle résulterait de processus pathogéniques complexes et mal compris. La mort par apoptose des cellules ganglionnaires rétiniennes joue un rôle central au sein des mécanismes impliqués dans la neurodégénérescence rétinienne glaucomateuse .
Il existe en parallèle un processus d’autodestruction axonale et dendritique non apoptotique conduisant à une désorganisation structurale et fonctionnelle de la neurorétine glaucomateuse.
❖ Les facteurs vasculaires de la neuropathie optique glaucomateuse. L’atteinte vasculaire associée au glaucome est présente dans les différents lits vasculaires oculaires. Elle se caractérise par une diminution du flux sanguin basal associée à une vasorégulation anormale [24].
❖ La prédisposition génétique et autres facteurs [68]. Le GPAO chez les enfants et les adultes jeunes répond à une génétique mendélienne à la différence du GPAO de l’adulte âgé. Les facteurs épigénétiques impliqués dans les maladies neurodégénératives semblent également jouer un rôle important dans le GPAO. L’importance des antécédents familiaux ainsi que des facteurs ethniques est mieux précisée grâce aux données des récentes méta-analyses de l’ensemble des études réalisées à ce jour. Un nombre croissant de données vient souligner les relations avec d’autres pathologies neurodégénératives liées à l’âge. Cependant, le rôle des graisses alimentaires dans le GPAO est plus difficile à mettre en évidence chez l’homme.
❖ Nouvelles pistes [21].
Les cellules ganglionnaires de la rétine et leurs dysfonctionnements sont à la base de la neuropathie optique glaucomateuse. Avant de mourir, ces cellules présentent des étapes intermédiaires où les fonctions qu’elles doivent normalement assurer sont perturbées. Ces altérations ne sont pas homogènes suivant la partie du neurone considéré. On parle de compartimentalisation.
Bases cliniques
Le diagnostic de GPAO doit être fait le plus tôt possible. La gravité de la maladie vient avant tout de son caractère insidieux. Différents éléments associés vont constituer les critères de diagnostic du GPAO. Nous les distinguons en critères majeurs et mineurs.
Les critères majeurs
La neuropathie optique
Elle s’objective à l’examen clinique par des modifications caractéristiques de l’excavation papillaire à l’examen du fond d’œil (figure 6). L’aspect de la papille est variable selon le stade évolutif du GPAO. Au début, on note un amincissement localisé, ou encoche de l’anneau neurorétinien, au niveau de la portion temporale, augmentant la taille de l’excavation. Le C/D devient supérieur à 0,3. On peut noter une asymétrie des excavations papillaires. Une différence de C/D supérieure ou égale à 2/10 a été rapportée chez 24% des glaucomateux, contre 6% des sujets normaux. Au stade terminal, l’excavation papillaire est totale et correspond à une atrophie optique. Elle se traduit par une pâleur papillaire qui signe la perte maximale des fibres optiques. L’anneau scléral de la papille devient nettement visible, grisâtre ou jaunâtre mais plus sombre que le fond de l’excavation. Le paquet vasculaire central rétinien est déjeté contre le bord nasal de la papille. Elle a un aspect «en chaudron». Cette destruction des fibres optiques peut s’accompagner d’hémorragies papillaires. Elles seraient la traduction de micro-infarcissements au niveau de la tête du nerf optique. Cependant, leur signification n’est pas parfaitement élucidée. Une atrophie péripapillaire est très souvent associée à l’excavation glaucomateuse. On distingue deux zones, α et β le plus souvent localisées dans le secteur temporal. La zone α, la plus large, correspond à une atrophie partielle de l’épithélium pigmenté. La zone β, située dans la précédente contre la papille, est une atrophie marquée des couches rétinienne et choroïdienne. Elle met presque la sclère à nu et donne une visibilité anormale des vaisseaux choroïdiens. L’étude de l’aspect de la papille est cruciale dans l’évaluation du stade évolutif du glaucome. L’analyse ophtalmoscopique est subjective, variant avec les observateurs. Depuis quelques années, plusieurs appareils permettent de réaliser des mesures objectives de la papille et de la couche des fibres optiques [43].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. LES BASES
I.1. Bases anatomo-physiologiques
I.1.1. Le globe oculaire
I.1.1.1. Le contenant
I.1.1.2. Le contenu
I.1.2. Pathogénie du GPAO
I.2. Bases cliniques
I.2.1. Les critères majeurs
I.2.1.1.La neuropathie optique
I.2.1.2.Angle iridocornéen ouvert à la gonioscopie
I.2.1.3. Déficit du champ visuel
I.2.2. Les critères mineurs
I.2.2.1. Hyperpression intraoculaire
I.2.2.2. L’âge
I.2.2.3. La race du patient
I.2.2.4. Hérédité
I.2.2.5. Pathologies associées
I.2.2.6. Autres facteurs
I.2.3. Formes cliniques
I.2.4. Evolution
I.3. Traitement
I.3.1. But
I.3.2. Moyens
I.3.2.1. Moyens médicaux
I.3.2.1.1. Hygiéno-diététiques
I.3.2.1.2. Hypotonisant
I.3.2.1.2.1.Collyres ß bloquants
I.3.2.1.2.2. α2-agonistes adrénergiques
I.3.2.1.2.3. Médicaments agissant sur le système parasympathique
I.3.2.1.2.4. Inhibiteurs de l’anhydrase carbonique
I.3.2.1.2.5. Analogues des prostaglandines
I.3.2.1.2.6. Agents hyperosmotiques
I.3.2.1.2.7. Associations fixes
I.3.2.1.3. La psychothérapie de soutien
I.3.2.2. Moyens physiques
I.3.2.3. Moyens chirurgicaux
I.3.3. Indications
I.3.4. Surveillance
DEUXIEME PARTIE
I. MATERIELS ET METHODES
I.1. Cadre d’étude
I.2. Population d’étude
I.2.1. Critères d’inclusion
I.2.2. Critères d’exclusion
I.3. Méthodologie
RESULTATS
1. Aspects épidémiologiques
1.1. L’âge
1.2. Genre
1.3. Résidence
1.4. Durée de suivi
2. Aspects cliniques
2.1. Antécédents
2.2. Examen clinique
3. Aspects thérapeutiques
3.1. Traitement initial
3.2. Traitement final
COMMENTAIRES
1. Aspects épidémiologiques
1.1. L’âge
1.2. Genre
1.3. Résidence
1.4. Durée de suivi
2. Aspects cliniques
2.1. Antécédents
2.2. Examen clinique
3. Aspects thérapeutiques
3.1. Traitement initial
3.2. Traitement final
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE