Traitement des sols aux liants hydrauliques

Le traitement in situ des sols pour l’exécution de remblais et de couches de forme s’est développé au cours des trente dernières années en France. Se sont développées simultanément une connaissance des performances mécaniques des sols traités et du comportement des structures ainsi qu’une amélioration des performances et de la fiabilité des matériels de traitement en place. Aujourd’hui, en raison de ces améliorations techniques continues, les groupes cimentiers et chaufourniers (Syndicat Professionnel des Terrassiers de France, ATILH, Lhoist…) s’accordent à dire que le traitement des sols en place au ciment ou au liant hydraulique routier (LHR) est une technique codifiée, normalisée et éprouvée, compétitive (jusqu’à 30% moins chère que les techniques traditionnelles) et respectueuse de l’environnement (les études d’analyse de cycle de vie montrent que son impact sur l’environnement est inférieur à celui des techniques routières traditionnelles à base de granulats) [Abdo 2008]. En effet, un traitement en place atténue les impacts sur le site d’extraction (réduction des réserves en granulats, nuisances générées et risques induits par les transports, etc.) durant la construction et l’entretien de la route (fabrication, transport, déchets) ce qui représente une importante économie d’énergie globale. De plus, cette solution technique alternative permet de réduire la quantité de matérieux déposés en installation de stockage de déchets inertes. Ainsi, le traitement des sols est actuellement largement utilisé dans les travaux de terrassement, qui représentent un part non négligeable du secteur de la construction et du génie civil, tant pour l’avantage mécanique qu’il présente en permettant la valorisation de matériaux aux caractéristiques géotechniques inadaptées, non utilisables à l’état naturel, que pour ses qualités environnementales. Forts de cette expérience, les professionnels du BTP se sont positionnés sur le Grenelle de l’Environnement en proposant un objectif de valorisation des matériaux géologiques naturels excavés de 100% pour 2020.

SOLS CONCERNES PAR L’ETUDE ET LIMITES SOUS-JACENTES

Les limons sont les sols majoritairement rencontrés en Basse-Normandie lors de chantiers nécessitant une excavation. Cette étude limite son domaine d’application à des sols de qualité médiocre d’un point de vue géotechnique mais considérés comme chimiquement inertes. Elle ne concerne pas les sols pollués qui pourraient être considérés comme des déchets dangereux. Ainsi, cette étude ne s’inscrit pas dans le contexte technico-économique développé autour de la dépollution de friches industrielles, auquel sont associées les techniques de stabilisation*/solidification* (S/S). Par ailleurs, il s’agit de décrire et d’analyser l’influence de la présence d’éléments chimiques dans les sols sur le traitement aux liants hydrauliques auxquels ils pourraient être soumis. L’influence d’agents chimiques extérieurs sur la durabilité des sols traités n’est pas abordée. Cette étude se base sur la méthodologie suivante,  :
❖ les sols, après caractérisation géotechnique et physico-chimique, seront soumis à un traitement mixte à base de chaux et de liant hydraulique ;
❖ l’objectif de valorisation établi est une réutilisation en couches d’assise (technique routière). Cette considération impose des essais géotechniques particuliers et des seuils de performance à atteindre. Les modalités et les influences générales d’un traitement de sol, ainsi que les paramètres d’étude des sols traités . Les résultats de la caractérisation des sols naturels et des sols traités;
❖ les facteurs de risque de perturbation de la solidification sont à identifier. Les concentrations en éléments chimiques potentiellement perturbateurs (ions chlorure, sulfate, nitrate et phosphate) étudiées peuvent se situer au-delà des concentrations rencontrées habituellement dans les sols naturels, l’objectif étant de valider un seuil de perturbation de la solidification. L’opération consistant à apporter un élément chimique à un sol pour l’étude de son potentiel perturbateur est qualifiée de dopage ou d’addition. Afin d’approcher l’influence d’interactions chimiques existant dans les sols, il est procédé à des dopages combinés anion anion ou anion-cation. Les perturbations de la solidification sont abordées de façon théorique  ;
❖ les résultats de la phase expérimentale sont présentés au Chapitre 5. Le seuil de perturbation de la solidification est établi lorsque la présence d’un ou plusieurs anions engendre une instabilité structurelle ou une baisse de performances mécaniques suffisamment importante pour déclarer un sol inapte au traitement. L’influence du dopage est considérée d’abord au travers des réponses géotechniques aux tests d’aptitude. Les conditions de l’essai étant extrêmes, le suivi de la solidification est également assuré en cure normale* ;
❖ l’analyse de la stabilisation des éléments par des essais de lixiviation* favorise la compréhension de leur comportement au sein du sol traité : leur présence dans l’eau interstitielle permet la détection de processus de précipitation/dissolution à mettre en relation avec des gains/pertes de performances mécaniques. Toutefois, démontrer la stabilisation des éléments traces par exemple n’est pas un objectif en soi. Les hypothèses formulées au vu de l’analyse physico-chimique sont ensuite vérifiées au travers d’observations microstructurales et d’analyses minéralogiques.

PHYSICO-CHIMIE DES MATERIAUX CIMENTAIRES

PHYSICO-CHIMIE D’UNE PATE DE CIMENT PURE 

Le constituant principal du ciment Portland est le clinker (mélange de 80% de calcaire et 20% d’argile calciné à 1450°C et broyé en poudre fine inférieure à 80µm). Il associe quatre composés anhydres : les silicates tricalciques (C3S), les silicates dicalciques (C2S), les aluminates tricalciques (C3A) et les aluminoferrites tétracalciques (C4AF). Un régulateur de prise*, le gypse CaSO4.2H2O (CSH2), est ajouté au clinker pour modérer la réaction des C3A au contact de l’eau.

La pâte de ciment hydratée est ainsi constituée de :
❖ silicates de calcium hydratés (CSH) [figure 1a] issus de l’hydratation des C2S et C3S [réactions (1) et (2)] :

2C3S + 6H → C3S2H3 + 3CH (1)
2C2S + 4H → C3S2H3 + CH (2)

Les CSH représentent 60 à 70% du volume de la pâte de ciment hydratée. Ils possèdent une structure mal cristallisée de type gel. Ce sont ces hydrates qui, en se formant à la surface des grains de ciment anhydre, augmentent la cohésion de la pâte.

❖ portlandite (Ca(OH)2 ou CH) [figure 1a] issue de l’hydratation des silicates [réactions (1) et (2)]. Elle cristallise sous une forme hexagonale, occupant 20 à 30% du volume de la pâte de ciment. Elle participe peu à l’augmentation de la résistance du matériau cimentaire mais constitue cependant une source de calcium nécessaire aux réactions pouzzolaniques, réactions de durcissement* différées.

❖ aluminates de calcium hydratés (CAH) issus de l’hydratation rapide des aluminates tricalciques [réaction (3)] :

2C3A + 21H → 2C3AH6 + 9H (3)

Les CAH provoquent une prise rapide, diminuent la malléabilité de la pâte et ne participent que peu à l’augmentation de résistance.

❖ ettringite primaire (trisulfoaluminate de calcium hydraté, noté C3A 3CSH ou CASH) issue de la réaction des C3A (et des C4AF) avec le gypse [réaction (4)], régulateur de prise :

C3A + 3CSH2 + 26H → C3A.3CS.32H (4)

Elle a une structure trigonale qui s’insère dans la pâte de ciment sous forme de fines aiguilles blanches enchevêtrées, telles qu’elles apparaissent à la figure 1b. Le développement de l’ettringite primaire n’est pas problématique à cet instant car la prise du ciment n’a pas encore eu lieu.

Lorsque l’ettringite primaire se dissout, elle libère des ions sulfate qui se réassocient avec les phases aluminates (C3A et C4AF) sous la forme de monosulfoaluminate de calcium hydraté ou :

❖ ettringite secondaire issue de la réaction des C3A avec l’ettringite primaire [réaction (5)] :

C3A.3CS.32H + 2C3A → 3(C3ACS).32H (5)

Le développement de ce minéral expansif est problématique car il s’effectue plusieurs mois voire plusieurs années après la prise des ciments. Cette réaction est aussi appelée formation d’ettringite différée. Les sulfoaluminates de calcium peuvent occuper 5 à 15% du volume de la pâte de ciment hydratée [Beaucour et Raynaud 2008].

L’évolution physico-mécanique et physico-chimique des pâtes de ciment se déroule principalement au cours des premières minutes suivant la fin du gâchage* selon une cinétique influencée par la température. La structuration de la pâte intervient sous l’action de forces attractives entre les particules de ciment qui mènent à une floculation* rapide. Les interactions entre le ciment anhydre et les hydrates de ciment sont responsables des propriétés mécaniques du solide formé après la prise. Dans le cas des matériaux cimentaires, il est admis qu’après 28 jours la quasi-totalité du ciment a réagi, c’est-à-dire que les caractéristiques mécaniques sont presque définitives. L’hydratation se poursuit ensuite durant plusieurs années, faisant de la porosité et de la répartition porosimétrique des grandeurs évolutives [Nachbaur 1997 ; Gervais 1999]. La répartition dimensionnelle des pores dans les matériaux cimentaires est centrée sur deux classes de 10 et 100nm [Gervais 1999 ; Pipilikaki et al. 2009 ; Elaknesawaran et al. 2009]. La première correspond à la porosité de gel qui intègre les pores intercristallins et intracristallins des CSH. La seconde représente la porosité capillaire, dont le volume et l’organisation influencent la perméabilité du matériau cimentaire [Gervais 1999]. C’est à partir de ce réseau ouvert que se déroulent les échanges avec le milieu extérieur.

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Table des matières

Introduction
I. Contexte général de l’étude
II. Sols concernés par l’étude et limites sous-jacentes
Chapitre 1. Traitement des sols en terrassement
I. Physico-chimie des matériaux cimentaires
1. Physico-chimie d’une pâte de ciment pure
2. Mécanismes d’hydrolyse et stabilité des hydrates cimentaires
II. Technique de solidification/stabilisation appliquée aux limons
1. Caractérisation générale des limons
2. Actions d’un traitement mixte chaux-liant hydraulique
2.1. Choix d’un liant hydraulique
2.2. Mécanismes physico-chimiques du traitement mixte
2.2.1. Abaissement de la teneur en eau naturelle
2.2.2. Floculation des argiles
2.2.3. Réactions d’hydratation
2.2.4. Réactions pouzzolaniques
2.2.5. Carbonatation
2.2.6. Modèle microstructural : synthèse des mécanismes de solidification
2.3. Evolution des propriétés géotechniques
3. Influence du mode de compactage sur l’évolution des performances mécaniques
3.1. Porosité et perméabilité d’un sol traité
3.2. Développement des performances mécaniques d’un sol traité
3.3. Mécanismes d’hydrolyse et stabilité des hydrates cimentaires au sein d’un sol traité
3.3.1. Agent lixiviant
3.3.2. Immersion
3.3.3. Percolation
3.3.4. Bilan calcium
4. Caractéristiques géotechniques visées
4.1. Valorisation du sol en couches d’assise
4.2. Pré-requis
4.2.1. Type de sols concernés
4.2.2. Caractéristiques de compactage et portance immédiate
4.3. Essai d’aptitude au traitement
4.4. Résistances mécaniques requises
4.4.1. Performances à court terme
4.4.2. Performances à long terme
5. Conclusion sur la technique de solidification/stabilisation
Chapitre 2. Perturbations physico-chimiques et physico-mécaniques de la solidification
I. Chlorures
1. Origine des chlorures dans les sols
1.1. Origine naturelle
1.2. Origine anthropique
2. Comportement au sein des matériaux cimentaires
3. Comportement dans les sols traités
II. Sulfates
1. Origine des sulfates dans les sols
1.1. Origine naturelle
1.2. Origine anthropique
2. Comportement au sein des matériaux cimentaires
3. Comportement dans les sols traités
III. Nitrates
1. Origine des nitrates dans les sols
1.1. Origine naturelle
1.2. Origine anthropique
2. Comportement au sein des matériaux cimentaires
3. Comportement dans les sols traités
IV. Phosphates
1. Origine des phosphates dans les sols
1.1. Origine naturelle
1.2. Origine anthropique
2. Comportement au sein des matériaux cimentaires
3. Comportement des phosphates dans les sols traités
V. Conclusion sur les anions perturbateurs de la solidification
VI. Modes opératoires d’une étude de perturbation chimique de la solidification
1. Concentrations et formes chimiques des éléments perturbateurs
2. Mode d’introduction d’un élément perturbateur
VII. Conclusions de l’étude bibliographique et objectifs de l’étude expérimentale
Chapitre 3. Matériaux étudiés et démarche expérimentale
I. Paramètres géotechniques des sols témoins
1. Choix de trois sols de la région Basse-Normandie
2. Etude géotechnique de traitement de sols
2.1. Classification géotechnique des sols avant traitement
2.2. Traitement de sol aux liants hydrauliques
2.3. Aptitude à la réutilisation des sols traités en couche d’assise
II. Identification d’une perturbation de la solidification des sols traités
1. Conditions opératoires pour l’étude de perturbation
1.1. Concentrations d’étude
1.2. Mode d’introduction de l’élément perturbateur
2. Détermination géotechnique de seuils de perturbation
III. Outils d’aide à l’interprétation
1. Signature physico-chimique des sols avant et après traitement
1.1. Répétabilité des essais
1.2. Méthodes d’analyses élémentaires totales ou pseudo-totales
1.2.1. Minéralisation acide assistée par micro-ondes
1.2.2. Fusion alcaline
1.2.3. Spectrométrie d’émission à plasma induit par haute fréquence (ICP-AES)
1.2.4. Validation et sélection du protocole de minéralisation
1.3. Méthodes d’analyses de la fraction soluble à l’eau
1.3.1. Extraction de la fraction soluble à l’eau
1.3.2. Chromatographie ionique
1.4. Mesure de pH
1.5. Analyse statistique des données
2. Identification physico-chimique et microstructurale d’une perturbation de la solidification
2.1. Mécanismes physico-chimiques
2.2. Mécanismes microstructuraux
IV. Conclusion sur la méthodologie
Conclusion

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