Traitement des néoplasies intraépithéliales génitales par laser CO2

Introduction 

Les néoplasies intraépithéliales (NIE) génitales sont des précurseurs des carcinomes épidermoïdes, caractérisées histologiquement par la présence d’atypies cytologiques et architecturales intraépithéliales. Les facteurs de risque connus sont principalement les infections à HPV, le lichen scléreux et l’immunodépression. Les NIE génitales présentent un risque d’évolution vers un carcinome épidermoïde invasif. Cette pathologie peut toucher les femmes de tout âge, mais sa fréquence est en cours d’augmentation, notamment chez les patientes jeunes [1]. Chez les hommes, les NIE du pénis (PIN) représentent 10% des néoplasies du pénis, et sont donc une pathologie rare [2].
La classification actuelle pour les NIE vulvaires (VIN), est celle de l’International Society for the Study of Vulvovaginal Diseases (ISSVD) [3]. Elle peut être utilisée pour les hommes en l’absence de consensus et en accord avec la société française d’urologie [4]. Elle sépare les NIE HPV-induites de bas grade et de haut grade (dénommées dans la littérature sous les termes de NIE bowénoïdes, indifférenciées ou classiques), des NIE non HPV-induites (dites différenciées). L’érythroplasie de Queyrat, la maladie de Bowen et la papulose bowénoïde sont des formes cliniques correspondant au même aspect histologique de NIE HPV-induites.
La présentation clinique et la localisation est variable : plaques leucoplasiques et/ou érythroplasiques et/ou pigmentées, parfois infiltrées et érosives (Fig 1 et 2), pouvant être responsables de prurit, d’inconfort, de brûlures, de dyspareunies, ou pouvant aussi être asymptomatiques [1].
Une prise en charge rapide et adaptée de ces NIE permet d’éviter une évolution vers des carcinomes épidermoïdes invasifs. Les traitements disponibles, aussi bien médicaux que chirurgicaux sont multiples, avec une efficacité variable, mais il existe toujours un risque de récidive quel que soit le traitement proposé. Les recommandations françaises (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français de 2013 [5] et du Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie de 2016 [6]), proposent le laser CO2 ablatif comme alternative thérapeutique à d’autres traitements médicaux (principalement la cryothérapie, PDT, 5-FU, Imiquimod) et à la chirurgie.
Les objectifs de cette étude étaient d’évaluer le taux de rémission clinique après une séance de laser, le taux de récidive, ainsi que sa tolérance et son impact à distance sur la qualité de vie.

Matériels et méthode 

Il s’agissait d’une étude rétrospective monocentrique réalisée dans le service de dermatologie du CHU de Caen, de Septembre 2008 à Juillet 2018. A partir du logiciel PMSI CORA, une recherche de l’ensemble des mouvements comportant un acte de traitement par laser CO2 de la CCAM étaient recueillis sur la période d’étude. Tous les patients ayant été traités par laser CO2 pour une VIN ou une PIN de haut grade ou différenciée étaient inclus. Etaient exclus les patients ayant une NIE de bas grade et ceux ayant un traitement adjuvant au laser CO2.
Les critères étudiés étaient :
– épidémiologiques : âge au moment du diagnostic, sexe;
– cliniques : localisation anatomique de la NIE, atteinte unique ou multiple,
pathologies associées (lichen, HPV, immunodépression);
– thérapeutiques : délai de prise en charge, traitements antérieurs, nombre de séance, taux de réponse, durée de suivi et nombre de récidives, délai de cicatrisation.
Ont été aussi recueillis, la qualité de la cicatrisation et le respect des structures anatomiques, par les patients et le dermatologue. Les patients ont été interrogés à l’aide d’un questionnaire élaboré par les investigateurs, sur le vécu de leur prise en charge par laser CO2, leur vie sexuelle et sur leur qualité de vie actuelle avec la réalisation du test Dermatology Life Quality Index (DLQI) sur 30 points.
Avant la réalisation de la première séance de laser CO2 en mode ablation/vaporisation, une biopsie au punch était réalisée afin d’avoir un diagnostic de certitude. Le traitement par laser était réalisé sous anesthésie locale ou par péridurale, par le même dermatologue, avec des marges cliniques latérales de 3 à 5 mm. Les puissances du laser CO2 continu (Lumenis®), utilisées variaient de 10 à 25 Watts avec une pièce à main de diamètre de 4 à 5 mm, afin de détruire les NIE jusqu’au derme (ou chorion) superficiel. La séance durait de 15 à 30 minutes. Des soins locaux (acide fusidique pommade matin et soir), étaient prescrits aux patients jusqu’à cicatrisation. La rémission était évaluée cliniquement, sans confirmation histologique.
Une consultation de suivi était réalisée à 1 mois puis à 3 mois, puis tous les ans, et une nouvelle séance de laser était effectuée en cas de récidive clinique.

Résultats 

L’étude concernait 16 patients (8 femmes et 8 hommes) âgés de 19 à 102 ans (âge moyen de 68,1 ans) traités par laser CO2 pour des NIE (Tableau 1).

Chez les femmes 

Il s’agissait de VIN de haut grade pour 5 patientes et différenciées po ur 3 patientes suivies pour un lichen scléreux. Aucune patiente n’avait d’antécédent de vaccination anti-HPV. Les lésions étaient uniques, étendues à plusieurs territoires anatomiques ou multiples (Fig 3), et de localisation variable. Huit localisations initiales ont été traitées par laser CO2 avec 6 récidives. Au cours du suivi, 4 nouvelles localisations de VIN ont été diagnostiquées, avec une seule récidive. Le délai moyen entre le diagnostic et le traitement par laser était de 3.3 mois (d’emblée à 17 mois), et le suivi moyen après traitement était de 64 mois (9-130 mois). 58% des lésions ont récidivé, avec un délai moyen de 20,4 mois (6-64 mois) sans récidive de la dermatose inflammatoire initiale ou de nouvelle infection à HPV.
Lors des consultations de contrôle à 1 mois et 3 mois, on notait une cicatrisation complète considérée comme bonne ou excellente pour près de 90% des lésions traitées, avec conservation des reliefs anatomiques génitaux (Fig 4). Les 4/8 patientes interrogées étaient très satisfaites du rendu esthétique du traitement par laser CO2 (notamment absence de cicatrice hypertrophique). Il n’y avait pas de
modification de la vie sexuelle. Le questionnaire et le DLQI étaient remplis en moyenne 66 mois (12-130 mois) après la dernière séance de laser CO2. Le DLQI moyen post traitement était de 0.25 (DLQI à 1/30 pour un prurit vulvaire préexistant à la séance de laser), et une patiente présentait des brûlures mictionnelles occasionnelles.

Chez les hommes 

Il s’agissait de PIN de haut grade pour 7 patients et différenciées pour 1 patient suivi pour un lichen scléreux. Les lésions étaient uniques, étendues à plusieurs territoires anatomiques ou multiples (Fig 5), et de localisation variable.
Huit localisations initiales ont été traitées par laser CO2 avec 3 récidives (Fig 6). Au cours du suivi, 2 nouvelles localisations de PIN ont été diagnostiquées, avec une seule récidive. Le délai moyen entre le diagnostic et le traitement par laser était de 2.3 mois (d’emblée à 4 mois) avec un suivi moyen de 41.4 mois (5-108 mois). 40% des lésions ont récidivé avec un délai moyen après traitement de 12 mois (4-26 mois) sans récidive de la dermatose inflammatoire initiale ou de nouvelle infection à HPV.
Lors des consultations de contrôle à 1 mois et à 3 mois, on notait une cicatrisation complète considérée comme bonne ou excellente pour plus de 90% des lésions traitées, avec conservation des reliefs anatomiques génitaux (Fig 7). Trois patients sur 4 étaient très satisfaits de la cicatrisation et ne notaient pas de modification dans leur vie sexuelle. Un patient était moyennement satisfait quant à la qualité de sa cicatrice. Le questionnaire et le DLQI étaient remplis en moyenne 44.75 mois (5-108mois) après la dernière séance de laser CO2. Le DLQI moyen post traitement était à0.

Chez les hommes 

Il s’agissait de PIN de haut grade pour 7 patients et différenciées pour 1 patient suivi pour un lichen scléreux. Les lésions étaient uniques, étendues à plusieurs territoires anatomiques ou multiples (Fig 5), et de localisation variable. Huit localisations initiales ont été traitées par laser CO2 avec 3 récidives (Fig 6). Au cours du suivi, 2 nouvelles localisations de PIN ont été diagnostiquées, avec une seule récidive. Le délai moyen entre le diagnostic et le traitement par laser était de 2.3 mois (d’emblée à 4 mois) avec un suivi moyen de 41.4 mois (5-108 mois). 40% des lésions ont récidivé avec un délai moyen après traitement de 12 mois (4-26 mois) sans récidive de la dermatose inflammatoire initiale ou de nouvelle infection à HPV.
Lors des consultations de contrôle à 1 mois et à 3 mois, on notait une cicatrisation complète considérée comme bonne ou excellente pour plus de 90% des lésions traitées, avec conservation des reliefs anatomiques génitaux (Fig 7). Trois patients sur 4 étaient très satisfaits de la cicatrisation et ne notaient pas de modification dans leur vie sexuelle. Un patient était moyennement satisfait quant à la qualité de sa cicatrice. Le questionnaire et le DLQI étaient remplis en moyenne 44.75 mois (5-108 mois) après la dernière séance de laser CO2. Le DLQI moyen post traitement était à 0.

Discussion 

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité et la tolérance du laser CO2 dans le traitement des NIE génitales. A notre connaissance, aucune étude prospectiv e n’a été effectuée sur ce sujet. Plusieurs études rétrospectives similaires à la nôtre et quelques revues de la littérature ont été publiées (Tableau 2). D’après les revues de la littérature de Lim et al. [7] et de Maranda et al. [12], le taux de récidive des VIN traitées par laser CO2 était de 30%, et de 19% pour les PIN. Ce taux variait selon le type de lésions traitées (NIE de bas grade, haut grade et différenciées), la durée de suivi, l’utilisation d’acide acétique en pré-thérapeutique et les marges cliniques prises. Les taux de récidive oscillaient de 6,9 à 40,4% pour les études rétrospectives évaluant le traitement des VIN [8, 9, 10], et de 12,5 à 48,3 % pour les PIN [13, 14, 15, 16]. La majorité des patients récidivants étaient à nouveau traités par laser CO2 pour obtenir une nouvelle rémission clinique.
On retient donc un taux de récidive plus élevé chez les femmes, ce qui reste concordant avec les données de notre étude. Ce taux incite à une surveillance accrue dans cette population, ce d’autant que de nouvelles localisations apparaissant durant le suivi sont fréquentes.
Peu d’études ont été réalisées sur la qualité de vie des patients traités par laser CO2 pour des NIE génitales. Les séances de laser étaient bien tolérées [10, 12] avec des complications post-thérapeutiques rares : douleurs résiduelles sur certaines zones comme la fourchette, absence de complications fonctionnelles urinaires (type sténose urétrale), et d’exceptionnels cas d’infections cutanées bénignes. Ce traitement permettait une cicatrisation complète entre 2 à 4 semaines, avec un excellent résultat cosmétique et une conservation des reliefs anatomiques [8, 14], comme nous le montrons dans notre étude. Néanmoins, il est parfois décrit des retards de cicatrisation chez 17% des patientes de l’étude de Hillemans [10] et 13%
d’altérations de l’anatomie génitale. Dans la littérature, il en ressort principalement, l’absence d’impact sur la qualité de vie après un traitement par laser CO2 et l’absence de troubles de l’activité sexuelle [18, 19]. Ces résultats sont concordants avec ceux de notre étude, avec un DLQI à distance du traitement, de 0,25 chez les femmes et de 0 chez les hommes. L’évaluation de la qualité de vie à distance du traitement, permet de confirmer l’intérêt qualitatif du laser CO2 et de la comparer à d’autres techniques, notamment la chirurgie.
Les traitements chirurgicaux ont un taux de récurrence variable selon les études et la technique utilisée. Le taux de récidive le plus bas chez les femmes était retrouvé pour les vulvectomies totales (17,6% d’après la revue de la littérature de Lim et al. [7]). Pour les PIN, le taux de récidive pour les glandectomies était de 10%. Le resurfaçage du gland pourrait représenter une option thérapeutique intéressante avec une bonne efficacité (4% de récidive avec un suivi moyen de 29 mois (de 2 à 120)) et des résultats esthétiques satisfaisants [2]. Néanmoins, la plupart des études montrent une altération de la qualité de vie et de l’activité sexuelle, associés à un taux d’anxiété important [20, 21]. La prise en charge chirurgicale reste discutable en première intention, du fait de l’atteinte importante de la qualité de vie des patients et de l’apparition de nouvelles localisations de NIE durant le suivi. L’intérêt principal de la chirurgie comparé au laser CO2, est l’analyse histologique de la totalité de la pièce opératoire. L’examen anatomo-pathologique permet de réaliser un contrôle histologique des marges réalisées mais aussi de détecter d’éventuels carcinomes épidermoïdes micro-infiltrants. Le repérage à l’acide acétique décrit dans certains articles est un outil simple et utile pour identifier les lésions difficilement visibles cliniquement et pourrait guider les marges thérapeutiques.
Les traitements médicaux les plus efficaces sont l’Imiquimod (taux de récurrence à court terme de 29,5% chez les femmes [7] et de 37% chez les hommes d’après la revue de la littérature de Deen et al. [17]), suivi de la PDT (43,8% chez les femmes [7] et 44,9 % chez les hommes [12]). Dans la majorité des cas, ces traitements sont arrêtés précocement du fait d’une mauvaise tolérance clinique. Les traitements combinés avec exérèse et laser CO2, restent une option thérapeutique intéressante avec 25 à 30 % de récidive [7, 16].

Conclusion 

Il existe un risque de récidive des NIE génitales, quel que soit le traitement réalisé (médical ou chirurgical). Le suivi dermatologique est donc indispensable afin de dépister les récidives, mais aussi l’apparition d’autres localisations génitales. Le traitement idéal doit donc pouvoir être itératif et bien toléré, tout en respectant les structures anatomiques. Le choix de la prise en charge thérapeutique des NIE génitales nécessite toujours une discussion médecin-patient. Dans notre étude, nous mettons en évidence une efficacité du laser CO2 similaire aux différents traitements médicaux et chirurgicaux recommandés. La cicatrice post-laser préserve l’anatomie et la qualité de vie est conservée dans le temps.
Absence de conflit d’intérêt.

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Table des matières

1. Introduction 
2. Article 
Résumé
Introduction
Matériel et méthodes
Résultats
Chez les femmes
Chez les hommes
Discussion
Conclusion
Bibliographie
Figures
Tableaux
3. Conclusion
4. Annexes 

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