Traitement des eaux usées par filtres plantés de végétaux
Fonctionnement des filtres plantés
Présentation générale du procédé de traitement
Le terme « filtres plantés » (FP) de végétaux (appelé également « marais filtrants » au Québec, « planted filter beds », « treatment wetlands » ou encore « constructed wetlands » dans la version anglaise) décrit une solution de traitement des eaux usées basée sur la nature, qui met en œuvre des processus que l’on retrouve au sein de marais naturels. L’ensemble des FP partage quelques caractéristiques communes : 1) un système isolé et imperméable garnis d’un substrat, 2) la présence de végétaux aquatiques ou semi-aquatiques que l’on trouve habituellement dans les écosystèmes humides naturels, 3) une saturation en eau permanente ou partielle du substrat, 4) un affluent constitué d’eau contenant des polluants qui sont complètement ou partiellement éliminés, retenus ou transformés au cours de leur passage dans le FP.
Ce procédé possède des capacités épuratoires à faibles coûts énergétiques grâce aux processus naturels qu’il reproduit. Les FP sont utilisés pour l’épuration de différents types d’eaux usées. Dans ce manuscrit, seule l’utilisation des FP pour l’épuration des eaux usées d’origine domestique (municipales) sera traitée.
Les FP ont été développés pour traiter des eaux usées domestiques, principalement au niveau secondaire dans des municipalités de petite taille (< 2000 Équivalent-habitant, EH) (Fonder and Headley, 2013). Aujourd’hui, c’est une des alternatives les plus intéressantes au traitement conventionnel des eaux usées pour cette taille de collectivité (Molinos-Senante et al., 2015).
Mécanismes d’enlèvement des polluants
Les FP sont inspirés des marais naturels dans lesquels interviennent des mécanismes complexes de dégradation des polluants et des pathogènes. On distingue trois grands groupes de mécanismes d’enlèvement de polluants au sein des FP et fonctionnent ensemble : physiques, chimiques et biologiques. La combinaison de ces mécanismes permet d’enlever les principaux polluants présents dans les eaux usées. De plus, le système de FP a des capacités d’atténuation des fluctuations du flux des eaux usées en termes de variation hydrodynamique. Cette capacité essentielle donne un rôle supplémentaire à ce procédé – « une zone tampon » (Morvannou et al., 2015). Les polluants associés à des risques environnementaux importants sont la matière organique (sous forme de MES et de la DCO), l’azote (sous forme de NH4-N, NTK, NOx-N) et le phosphore (sous forme de o-PO4, PT) . Les FP ont des très bonnes capacités d’enlèvement des MES et la DCO. Cependant, des normes de rejet des eaux traitées de plus en plus strictes pour d’autres types de polluant exigent aussi une efficacité d’enlèvement de la part des FP. Ainsi, des seuils maximaux de concentrations d’azote (généralement sous forme toxique – NH4-N) et de PT sont de plus en plus souvent imposés car ces polluants sont à l’origine de l’eutrophisation des cours d’eau, – le processus qui dégrade les écosystèmes aquatiques.
Les autres types de polluants qui peuvent se trouver dans les eaux usées municipales et qui peuvent potentiellement être traités par les FP sont : des éléments traces métalliques (ex. mercure, plomb, arsenic, zinc, cuivre, chrome etc.), des polluants d’origine pharmaceutique (ex. analgésiques et anti-inflammatoires, psychotropes, antiépileptiques, hypolipémiants, bêtabloquants, diurétiques, antifongiques), des pathogènes (ex. Cryptosporidium parvum, Giardia lamblia, Salmonella), et des pesticides (ex. insecticides, herbicides, fongicides).
Matières en suspension et matières organiques
La réduction des MES est généralement de 80-90% dans un FP (Kadlec et al., 2000). Elle peut être enlevée dans un FP principalement par des processus physiques comme la sédimentation, la décantation et la filtration. Les MO, toujours présente dans les eaux usées municipales, peuvent être éliminées par le FP en conditions aérobies et anaérobies. Les conditions aérobies dans un FP sont assurées d’une part par la diffusion de l’oxygène par contact avec l’atmosphère (en surface des flux saturées, et par diffusions au cours des bâchées dans les filtres percolants), et d’autre part par la diffusion opérée par le système racinaire .
Dégradation en conditions aérobies
Les bactéries chimiohétérotrophes sont responsables de la dégradation du carbone organique. L’intensité de l’activité métabolique de ce type de bactéries est déterminée par la disponibilité de l’oxygène et des MO. Le niveau de biodégradabilité des MO des eaux usées peut varier d’un affluent à l’autre. Le ratio typique DBO5/DCO dans des eaux usées domestiques brutes varie de 0,3 – 0,8. Quand ce ratio est > 0,5 les MO sont facilement biodégradables, alors que dans les cas où le ratio est < 0,3, les MO sont considérées difficilement dégradable par les bactéries (Metcalf & Eddy – AECOM, 2014).
Dégradation en conditions anaérobies
Les conditions anaérobies peuvent être présentes dans les couches profondes d’un FP, à l’intérieur des pores du substrat. La dégradation de la MO en conditions anaérobies se fait selon le potentiel d’oxydoréduction et l’ordre de disponibilité des accepteurs d’électrons suivant : dénitrification, réduction de sulfates, méthanogènes.
Azote
Dans des eaux usées municipales, l’azote est présent principalement sous forme NH4-N (57%) et de Norg (43%) (Metcalf & Eddy – AECOM, 2014). Parmi les différents processus qui font partie du cycle de l’azote seulement quelques-uns contribuent significativement à la transformation de l’azote.
Ammonification
L’ammonification concerne le processus complexe de minéralisation de l’azote organique par voie biochimique sous forme ammoniacale :
N organique → NH3-N (G) Équation 1
Ce processus peut se réaliser en conditions aérobies ou anaérobies. Le taux d’ammonification dépend de la température, du pH, du ratio C/N, des nutriments disponibles, des particularités du substrat. L’ammonification dans un FP est plus efficace avec des températures élevées et avec un pH compris entre 6,5 et 8,5 (Reddy et al.,1984; Vymazal, 2007). La cinétique de l’ammonification est plus rapide que la cinétique de nitrification. Dans un FP, ce processus est plus rapide dans la zone la plus oxygénée – dans les premiers centimètres de surface.
Nitrification
Le processus de nitrification concerne la transformation de NH4-N par l’oxydation en NO2-N et ensuite en NO3-N :
NH4⁺ -N → NO2⁻ -N → NO3 —N Équation 2
Les bactéries autotrophes qui sont responsables de la nitrification ont besoin de conditions aérobies. Le taux de nitrification dépend de la température, du pH, de l’alcalinité de l’eau, de la source de carbone inorganique, du taux d’humidité, de la population microbienne, de la concentration en NH4-N et enfin de la concentration en oxygène dissous. Les températures optimales pour la nitrification sont comprises entre 25 et 40 °C avec un pH de 6,6 à 8,0 (Vymazal, 1995; Faulwetter et al., 2009). En dessous de 5 °C, le taux de nitrification devient extrêmement faible (Werker et al., 2002).
Dénitrification
La dénitrification s’effectue uniquement en conditions anaérobies et/ou anoxies, et elle est effectuée principalement par des bactéries hétérotrophes dénitrifiantes.
NO3⁻ -N → NO2⁻ -N→ N2, N2O (G) Équation 3
Cette transformation nécessite la présence de carbone organique biodégradable. Dans un FP la source de carbone organique est la MO qui est présente dans les eaux usées. Une autre source supplémentaire, surtout dans des filtres plus âgés, est la biomasse racinaire dégradée. Les facteurs qui influencent la dénitrification sont : l’absence d’oxygène, le potentiel redox bas, la température entre 25 et 40°C, un pH neutre, le taux d’humidité du substrat, le type de substrat, une source de MO biodégradable, une concentration en NO2-N. Plus la température dans le FPest élevée, plus le taux de dénitrification est élevé. Ce taux descend rapidement pour devenir presque inexistant à une température de 5 °C ou moins. Le pH optimal est entre 6 et 8 (Vymazal, 2007). Seule la dénitrification permet d’éliminer complètement l’azote du FP en le transformant sous forme gazeuse, mais cela est possible uniquement si les processus de transformations en amont du cycle sont respectés.
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Table des matières
Introduction générale
Traitement des eaux usées par filtres plantés de végétaux
Fonctionnement des filtres plantés
Présentation générale du procédé de traitement
Mécanismes d’enlèvement des polluants
Matières en suspension et matières organiques
Azote
Phosphore
Co-bénéfices des filtres plantés
Types et applications des filtres plantés
Filtres surfaciques
Filtres sous-surfaciques
Flux horizontal
Flux vertical
Flux vertical « filière française »
Filtres plantés intensifiés et/ou modifiés
Paramètres de conception des filtres à flux vertical, filière française incluse
Optimisation des filtres plantés à flux vertical
Axe n°1 : Climat froid
Spécificités du fonctionnement des filtres plantés en climat froid
Objectifs de traitement des eaux usées au Québec, Canada
Axe n°2 : Végétaux
Rôles des végétaux dans un filtre planté
Espèces végétales pour application dans les filtres plantés
Objectifs, hypothèses scientifiques et originalité du projet de recherche
Conclusion générale