TRAITEMENT DE SUBSTITUTION AUX OPIACEES PAR LA METHADONE (TSO)ย
Historiqueย
Lโopium est extrait du pavot, Papaver somniferum (Voir. figure1). Le pavot, plante mystรฉrieuse et magique, connu dรจs lโรขge de la pierre, a connu une histoire fascinante ร travers les siรจcles. Chantรฉ par les poรจtes tels quโHomรจre, Baudelaire ou Coleridge, apanage des divinitรฉs de la mythologie (Hรฉra ou Dรฉmรฉter), consommรฉ par les initiรฉs aux Mystรจres dโ Eleusis, il fut lโobjet de convoitises de la part des philosophes et mรฉdecins ร cause de ses propriรฉtรฉs curatives. Ainsi, aprรจs Hippocrate, Galien favorise lโemploi du ยซ suc de pavot ยป, lโopium, qui entre dans de nombreuses prรฉparations mรฉdicinales. Le pavot se retrouva dans un grand nombre de pharmacopรฉes notamment ร partir du Moyen-รขge et de la Renaissance, donnant lieu ร toutes sortes de potions telles que le Laudanum de Sydenham (sirop de laudanum) ou lโElixir de parรฉgorique (Carter 1999). La base moderne de la pharmacologie de lโopium fut รฉtablie par Sertรผrner, pharmacien allemand, qui isola une substance alcaline active pure de lโopium en 1805. Sertรผrner proposa le nom de ยซ morphine ยป dโaprรจs le nom de la divinitรฉ grecque des rรชves, Morphรฉe (ฮฮฟฯฯฮตฯฯ) (Goodman.et al., 2011). La morphine est ainsi lโun des constituants purifiรฉs de lโopium fournit par le pavot -mur sous forme de latex employรฉ aussi bien pour le trafic licite que pour le trafic illicite dโopiacรฉs ; domaine dans lequel il est le plus utilisรฉ de nos jours (Carter.et al., 1999).
Classifications des opiacรฉesย
Le terme ยซ opioรฏdes ยป dรฉsigne des composรฉs dโorigine naturelle, semi-synthรฉtiques, synthรฉtiques et endogรจnes qui interagissent en tant quโagonistes ou antagonistes des rรฉcepteurs opioรฏdes. On distingue :
โคย Les opioรฏdes dโorigine naturelle tels que la morphine, la codรฉine et la noscapine.
โค Les opioรฏdes semi-synthรฉtiques : lโhydromorphine, lโoxycodone et la diacรฉtylmorphine (hรฉroรฏne)
โคย Les opioรฏdes synthรฉtiques : nalbuphine, mรฉthadone, pentazocine, fentanyl.
โค Les opioรฏdes endogรจnes : endorphines, dynorphines et les enkรฉphalines sรฉcrรฉtรฉes par le systรฉme nerveux central( SNC) lors de moments de douleurs intense, de stress intense ou des deux (Schรคfer, 2010).
Substitutionย
Lโobjectif gรฉnรฉral de la substitution est la diminution des dommages liรฉs ร lโutilisation des opiacรฉs. Il ne se limite pas au sevrage physique de lโhรฉroรฏne. Il doit permettre une amรฉlioration de lโรฉtat de santรฉ des usagers de drogues et favoriser leur insertion sociale (Claroux.et al.,2003). ร court terme, les mรฉdicaments de substitution permettent de supprimer lโรฉtat de manque qui peut รชtre douloureux. ร long terme, les traitements de substitution doivent permettre lโaccรจs aux soins mรฉdicaux, afin de prendre en charge les comorbiditรฉs et dommages induits par la consommation dโhรฉroรฏne (Caplehorn.et.,1991). Lโarrรชt du traitement de substitution ne doit รชtre envisagรฉ que lorsque le patient est stable, afin de minimiser les risques de rechute. Il faut prendre en compte son รฉtat de santรฉ physique, psychique, ainsi que son insertion sociale (Caplehorn.et., 1991) Deux molรฉcules ont une Autorisation de Mise sur le Marchรฉ (AMM) dans le traitement substitutif des pharmacodรฉpendances majeures aux opiacรฉs : le chlorhydrate de mรฉthadone et la Buprรฉnorphine Haut Dosage (BHD). La mรฉthadone est le seul produit utilisรฉ au Sรฉnรฉgal au centre de prise en charge intรฉgrรฉe des addictions de Dakar (CEPIAD).
Pharmacologie de la mรฉthadone
Propriรฉtรฉs pharmacocinรฉtiqueย
La mรฉthadone est une molรฉcule hautement liposoluble qui subit une absorption intestinale et peut donc รชtre administrรฉe par voie orale ((Jarvis.et al.,1999). Le temps dโรฉlimination รฉtant suffisamment long permet au patient dโingรฉrer la mรฉthadone une seule fois par jour, ร lโinverse dโautres opiacรฉs tels que la morphine et lโhรฉroรฏne ont une durรฉe dโaction plus courte.
Le mode dโadministration permet dโune part dโรฉviter le recours ร lโinjection et dโautre part une absorption plus lente au niveau du courant sanguin. Elle est rapidement absorbรฉe par le tube digestif et il en rรฉsulte une haute biodisponibilitรฉ (entre 79 et 95%) bien quโil y ait une large variabilitรฉ interindividuelle. Le pic de concentration plasmatique est atteint entre 2 et 4 heures aprรจs lโadministration orale (Touzeau, 2012). La mรฉthadone est principalement mรฉtabolisรฉe dans le foie par les enzymes du cytochrome P450 notamment la Cyt-P450 3A4 . Elle y subit une N-dรฉmรฉthylation et une cyclisation en 2- รฉthylidรจne-1,5-di-mรฉthyl-3,3-diphรฉnylpyrrolidine (EDDP, mรฉtabolite primaire) et en 2-รฉthyl5-mรฉthyl-3,3-diphรฉnylpyrroline (EMDP, mรฉtabolite secondaire), tous deux pharmacologiquement inactif (Nilson, 1982). La mรฉthadone est รฉgalement mรฉtabolisรฉe par hydroxylation en mรฉthadol, suivie dโune Nโdรฉmรฉthylation en nor-mรฉthadol (Moody. et al., 1997). La mรฉthadone, lโEDDP et lโEMDP subissent รฉgalement une hydroxylation, suivie dโune glucuronoconjugaison (Moody. et al., 1997). Les variations de la rรฉgulation fonctionnelle de lโactivitรฉ de ces enzymes pourraient expliquer en partie la large variabilitรฉ de la dose, de la pharmacocinรฉtique, et des rรฉsultats thรฉrapeutiques interindividuels des traitements de substitution ร la mรฉthadone (Touzeau,2012). La dose effective de mรฉthadone est donc en relation avec lโactivitรฉ du Cyt-P450 3A4. Les inhibiteurs des enzymes du CytP450 augmentent les concentrations plasmatiques de mรฉthadone, ร lโinverse, les inducteurs du CytP450 diminuent les concentrations plasmatiques de mรฉthadone (Krantz. et al., 2002).
Propriรฉtรฉs pharmacodynamiquesย
Une dose suffisante empรชche l’apparition d’un syndrome de manque et bloque l’effet de l’hรฉroรฏne consommรฉe parallรจlement ((Maxwell, 2002). En prise rรฉguliรจre, l’effet euphorisant de la mรฉthadone est quasi-inexistante et n’entraรฎne pas de modification de la conscience ou des capacitรฉs intellectuelles. Sa prise unique journaliรจre, compte tenu de sa demi-vie longue (de 24 ร 36 heures en moyenne, avec des variations individuelles importantes), est compatible avec une vie sociale et professionnelle normale. Elle est dรฉpourvue de phรฉnomรจne de tolรฉrance permettant une augmentation des posologies au cours d’un traitement durable.
La mรฉthadone agit sur des sites du cerveau, puisqu’elle se fixe sur les rรฉcepteurs opiacรฉs et peut induire des effets directement liรฉs ร l’occupation des sites rรฉcepteurs opiacรฉs (Fooster.et al., 2000).
Conditionnement
La mรฉthadone se prรฉsente sous forme de sirop en flacons unidoses et depuis avril 2008, il existe une forme galรฉnique sous forme de gรฉlules. Les gรฉlules de mรฉthadone sont rรฉservรฉes aux patients prรฉalablement traitรฉs par le sirop de mรฉthadone. La forme sirop reste la forme utilisรฉe lors de lโinstauration du traitement. Seuls les patients stabilisรฉs, notamment au plan mรฉdical et des conduites addictives, pourront bรฉnรฉficier dโun passage ร la gรฉlule. Dans tous les cas, le passage ร la gรฉlule ne pourra se faire quโร lโissue dโune pรฉriode dโau moins un an de traitement par le sirop de mรฉthadone (Lucidarme.et al., 2012).
Durรฉe de traitement
Des รฉtudes ont dรฉmontrรฉ que le temps passรฉ en traitement est prรฉdictif dโune bonne รฉvolution de ce dernier. Une rรฉduction significative de la consommation dโhรฉroรฏne aprรจs traitement est seulement observรฉe pour ceux qui ont suivi le traitement pendant plus dโun an .Les dรฉcouvertes de multiples รฉtudes indiquent quโil existe un lien entre la durรฉe du traitement et le changement de comportement incluant lโarrรชt de la consommation dโhรฉroรฏne. Une relation stable et le maintien dโun emploi sont prรฉdictifs dโune bonne issue du traitement. Il est donc recommandรฉ dโencourager le patient ร suivre le traitement pendant une pรฉriode minimale de 12 mois pour lui permettre de concrรฉtiser tous ces changements de vie (Chossegros, 2007). De plus, la dose de stabilisation nโest pas non plus corrรฉlรฉe au temps nรฉcessaire pour obtenir un sevrage complet dโhรฉroรฏne. Certains patients reรงoivent des doses plus faibles en mรฉthadone parce quโils considรจrent que plus la dose quotidienne en phase de stabilisation est รฉlevรฉe, plus il leur faudra de temps pour sโen sevrer en phase de diminution de la dose en vue de lโarrรชt du traitement .Or, le patient qui reรงoit une dose faible en mรฉthadone garde plus quโun autre ce craving, cette appรฉtence latente pour le produit, et risque donc de continuer ร consommer de lโhรฉroรฏne de temps en temps et donc, ร mettre beaucoup plus de temps avant dโenvisager la fin du traitement ร la mรฉthadone (Deglon.et al.,1998).
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
CHAPITRE I : TRAITEMENT DE SUBSTITUTION AUX OPIACEES PAR LA METHADONE (TSO)
I.1. Historique
I.2. Classifications des opiacรฉes
I.3. Substitution
I.4. Mรฉthadone
I.4.1. Prรฉsentation
I.4.2. Pharmacologie de la mรฉthadone
I.4.2.1. Propriรฉtรฉs pharmacocinรฉtique
I.4.2.2. Propriรฉtรฉs pharmacodynamiques
I.4.3. Conditionnement
I.4.4. Durรฉe de traitement
I.4.5. Surveillance clinique spรฉcifique ร la mรฉthadone
I.4.5.1. Tests urinaires
I.4.5.2. Surveillance respiratoire
I.4.5.3. Surveillance cardiovasculaire
I.4.5.4. Interactions mรฉdicamenteuses
CHAPITRE II : SYNDROME METABOLIQUE ET TRAITEMENT DE SUBSTITUTION
DES OPIACEES PAR LA METHADONE
II.1. Dรฉfinitions du syndrome mรฉtabolique
II.2. Physiopathologie du Syndrome mรฉtabolique
II.3. Mรฉthadone et syndrome mรฉtabolique
II.4. Complications du syndrome mรฉtabolique
II.4.1. Diabete de type 2
II.4.2. Complications cardiovasculaires
II.4.3. Stรฉatopathie mรฉtabolique
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. METHODOLOGIE
I.1. Objectifs
I.2. Type et cadre dโรฉtude
I.3. Population dโรฉtude
I.3.1. Critรจres dโinclusion
I.3.2. Critรจres de non inclusion
I.4. Paramรจtres รฉtudiรฉs
I.4.1. Paramรจtres รฉpidรฉmiologiques
I.4.2. Paramรจtres de suivi et de traitement
I.4.3. Paramรจtres biologiques
I.5. Prรฉlรจvements
I.6. Mรฉthode de dosage
I.6.1. Glycรฉmie
I.6.2. Cholesterol total
I.6.3. HDL-Cholestรฉrol
I.6.4. Triglycรฉrides
I.6.5. LDL-Cholestรฉrol
I.7. Exploitation statistique
II. RESULTATS
II.1. Caractรฉristiques gรฉnรฉrales de la population
II.2. Rรฉpartition de la population dโรฉtude suivant lโรขge
II.3. Rรฉpartition de la population dโรฉtude suivant le sexe
II.4. Evaluation du syndrome mรฉtabolique dans la population
II.5. Evaluation des paramรจtres รฉpidรฉmiologiques et de suivi suivant la prรฉsence ou lโabsence de syndrome mรฉtabolique
II.6. Etude des diffรฉrents composants du syndrome mรฉtabolique
II.6.1. Rรฉpartition de la population selon le nombre de paramรจtres du SM associรฉs
II.6.2. Evaluation des dรฉterminants du SM selon le sexe
II.6.3. Evaluation des dรฉterminants du SM selon lโรขge
III. DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE