La schizophrénie est caractérisée par une perte de contact avec la réalité
Ce trouble se distingue par la présence de symptômes positifs et de symptômes négatifs. Les symptômes positifs sont définis comme étant une exagération ou une déformation des comportements normaux. En l’occurrence, ces manifestations de la pathologie sont plus faciles à déceler pour un observateur extérieur (Barlow & Durand, 2012). À l’opposé, les symptômes négatifs désignent plutôt l’absence ou la restriction de comportements (LaI onde, 1999). Le groupe de symptômes positifs est constitué d’hallucinations, d’idées délirantes, de discours et de comportements désorganisés. Les idées délirantes renvoient à une déformation de la pensée qui s’observe par l’étrangeté ou l’illogisme des propos (Barlow & Durand, 2012). L’hallucination est une perception auditive, visuelle, olfactive, gustative ou somatique, qui semble réelle pour le malade, mais qui ne l’est pas véritablement (Habimana & Cazabon, 2012). C’est l’hallucination auditive qui est de loin la plus fréquente chez les patients atteints de la schizophrénie (AP A, 2000). Le discours désorganisé renvoie à l’ instabilité et à l’incohérence des propos de ces patients dans une conversation (Barlow & Durand, 2012). Enfin, les comportements désorganisés renvoient aux agissements inhabituels pouvant paraître bizarres et étranges (Lalonde, 1999). Les symptômes négatifs sont les suivants : l’affect plat ou émoussé, l’ avolition, l’alogie, l’anhédonie et la déficience de l’attention. L’ avolition (ou apathie) est une absence d’intérêt et de motivation rendant impossible la prise d’initiative. Ce symptôme peut être identifié à tort à de la paresse. L’alogie est l’absence de capacités à discourir ou à répondre à son interlocuteur. L’anhédonie ou repli sur soi renvoie plutôt à une absence de plaisir lors d’interactions sociales apparemment marquées par de l’ indifférence. L’émoussement des affects se caractérise par le manque évident d’expressions faciales exprimant une émotion comme si la personne portait un masque. Un ton neutre, le regard vide et fixe en sont caractéristiques (APA, 2000; Barlow & Durand, 2012; Lalonde, 1999).
Construction des classifications classiques (DSM, CIM)
Depuis ses débuts, la nosologie entourant la schizophrénie est empreinte de polémiques puisqu’elle est difficile à définir en raison de sa symptomatologie hautement hétérogène (Boyle, 2002; Daléry, d’Amato, & Saoud, 2012). En effet, il existe environ une vingtaine de définitions différentes à travers le monde (Warner & De Girolamo, 1995). Certains auteurs considèrent même que cette nomenclature décrit en fait plusieurs maladies différentes à l’ instar de Bleuler dans l’ouvrage intitulé Dementia proecox ou groupe des schizophrénies (Andreas en, 1989; Bleuler 1911/2001). Murphy (1982) indique aussi que ce diagnostic est souvent confondu avec d’autres types de psychoses partageant, en partie, la même sémiologie. Devereux, pour sa part, relègue la schizophrénie à un syndrome culturel prétextant que la chronicité qui la caractérise est uniquement l’affaire des pays industrialisés (Devereux, 197012010; Laplantine, 2007). Malgré ces controverses, cette nosologie demeure au fil du temps et est introduite dans les différentes classifications modernes qui voient le jour après la Seconde Guerre mondiale.
En effet, cette guerre marque un tournant dans le changement d’idéologie puisque les observations faites par les psychiatres militaires sur les champs de bataille démontrent l’ influence de l’environnement sur les comportements inadaptés des soldats. Leurs succès thérapeutes auprès des militaires atteints de troubles mentaux amènent un engouement pour cette discipline, autrefois marginalisée (Grob, 1991). D’après Andreasen (1989), le besoin d’avoir un langage commun pour désigner les pathologies et de les définir de façon universelle prend de l’ampleur, alors, des classifications plus formelles ont vu le jour, dont celle du Diagnostic and statistical manuel of mental disorders (DSM-I) (AP A, 1952). Par la suite, l’Association américaine de psychiatrie (APA), dans la seconde et la troisième édition, s’est affairée à définir la maladie par une classification des différents symptômes (CastiIlo, 1997). Toutefois, selon cet auteur, la nosologie demeure trop inclusive et subjective provoquant de nombreuses erreurs de classification. Dans la quatrième édition du DSM, l’APA (1994) a tenté de corriger ce problème diagnostique en resserrant les critères et en les définissant de manière plus précise.
Critères diagnostiques du DSM-IV-R. Dans la version actuelle du DSM, le DSMIV- R, le diagnostic de schizophrénie est établi lorsque l’individu présente deux symptômes ou plus parmi les suivants: hallucinations, idées délirantes, comportement désorganisé ou catatonique, discours désorganisé et symptômes négatifs. Ces symptômes doivent être présents depuis au moins un mois. Cette perturbation doit conduire à un dysfonctionnement social important perturbant un ou plusieurs domaines de sa vie. Ce trouble doit aussi être caractérisé par une évolution chronique (durée minimum de six mois ou un mois si le patient répond favorablement à l’ajout de neuroleptiques), ce qui le distingue du trouble psychotique bref et du trouble schizophréniforme. Finalement, pour confirmer ce diagnostic, l’hypothèse d’un autre désordre mental, d’un trouble organique, induit par une substance ou d’un trouble envahissant du développement doit être exclue (APA, 2000). L’APA (2000) distingue cinq sous-types de schizophrénie: paranoïde, désorganisé, catatonique, indifférencié et résiduel. Pour diagnostiquer un patient atteint de schizophrénie de type paranoïde, il doit y avoir prépondérance d’hallucinations auditives et d’idées délirantes reléguant au second plan les comportements et le discours désorganisé ainsi que les symptômes négatifs. Le sous-type de schizophrénie paranoïde est celui qui récupère le plus favorablement et qui conduit à un dysfonctionnement socioprofessionnel moins important (AP A, 2000).
Le diagnostic de schizophrénie désorganisé s’établit lorsque le discours et les comportements sont clairement désorganisés et sont accompagnés d’un affect inapproprié. Il ne doit pas répondre aux critères de catatonie. Ce diagnostic est accompagné du pronostic le plus sombre de tous les sous-types en raison de la fragilité de la personnalité en prémorbide avec un déclenchement plus précoce des premiers symptômes (APA, 2000; Barlow & Durand, 2012). L’APA (2000) indique que pour répondre aux critères diagnostiques du sous-type catatonique, au moins deux des manifestations suivantes doivent être au premier plan : immobilité motrice involontaire avec catalepsie, activité motrice excessive en l’absence de stimuli externes, mutisme, mouvements ou grimaces stéréotypées, imitation involontaire du discours ou des comportements de son interlocuteur (écholalie ou échopraxie). Selon Barlow et Durand (2012), ce sous-type de schizophrénie est rare. Le sous-type résiduel est établi lorsque les symptômes négatifs du patient, qui se manifestent dans la phase résiduelle, persistent dans le temps et sont au premier plan. Il y a absence de symptômes positifs francs. Les symptômes peuvent toutefois se présenter sous une forme atténuée (APA, 2000). Enfin, la schizophrénie de type indifférencié s’observe lorsque les manifestations prédominantes ne répondent à aucun critère des autres sous-types de schizophrénie (AP A, 2000).
L’influence de la neurobiologie. Selon Lalonde (1999), le débalancement biochimique est une autre explication des causes de la schizophrénie citée dans la recension des écrits. En effet, une activité dopaminergique accrue est une théorie couramment employée pour expliquer l’ influence neurobiologique sur la schizophrénie. C’est l’introduction de neuroleptiques dans les années 1950 qui a permis d’étayer cette théorie puisque ceux-ci sont des agents antagonistes bloquant des récepteurs dopaminergiques D2 et permettent une réduction des symptômes positifs de la maladie. Brown et Patterson (2012) ajoutent que la dopamine ne serait pas seule en cause puisque les antipsychotiques atypiques ciblent d’autres récepteurs. Ils précisent que les études chez les animaux tendent à démontrer que plusieurs récepteurs intéragissent entre eux, provoquant un remodelage de la chromatine par l’action de deux mécanismes (la modification des protéines d’histones et la méthylation de l’AND). D’autres hypothèses sont avancées quant aux structures cérébrales impliquées. Une d’entre elles est la présence de ventricules surdimensionnés atrophiant certaines structures adjacentes chez ceux présentant cette pathologie, mais cela ne s’observe pas dans tous les cas (Barlow & Durand, 2012). L’imagerie médicale a montré que les régions temporales de patients atteints de schizophrénie présentent une perte progressive de la substance grise (Daléry et al., 2012). Il peut également y avoir un lien entre la schizophrénie et la contraction d’une infection virale prolongée chez le foetus ou le nouveau-né (Nevid et al., 2009; Petitjean & Marie-Cardine, 2003). Tout comme les causes génétiques, les causes neurobiologiques seraient multiples, variées et interagiraient entre elles (Lalonde, 1999).
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Schizophrénie
Aperçu historique
Symptômes de la schizophrénie
Description des phases de la schizophrénie
Construction des classifications classiques (DSM, CIM)
Critères diagnostiques du DSM-IV-R
Critères diagnostiques du CIM -10
Modèle de vulnérabilité-stress
L’influence de l’hérédité
L’influence de la neurobiologie
L’influence psychosociale
Traitement biopsychosocial et réadaptation psychiatrique
Pharmacologie
Intervention précoce
Suivi intensif et soutien d’intensité variable
Psychothérapie cognitive-comportementale
Entraînement aux habiletés sociales et groupes
Remédiation cognitive
Interventions destinées aux proches
Absence de facteurs culturels dans la classification classique
Culture et ethnopsychiatrie
Définition du concept de culture
Ethnopsychiatrie
Définition de l’ ethnopsychiatrie
Début de l’ethnopsychiatrie
Ethnopsychiatrie complémentariste
Courant phénoménologique
Culture, personnalité et troubles mentaux
Culture québécoise et culture sénégalaise
Contexte démographique et socioéconomique
Valeurs prédominantes
Évolution des pratiques psychiatriques
État de situation actuel de la psychiatrie
Caractéristiques physiques des lieux
Particularités des traitements offerts
Législation
Apport de la recherche transculturelle
Aperçu historique de la recherche transculturelle
Poursuite de la recherche transculturelle
Murphy et la recension d’écrits
Recherches épidémiologiques de l’OMS
Critiques
Facteurs socioculturels impliqués
Soutien social
Mode de vie
Croyances religieuses
Stigmatisation
Traitements
Objectifs de l’ étude
Questions de recherche
Pertinence
Méthode
Recherche qualitative de tradition interprétative
Approche narrative
Choix des milieux étudiés et de l’investigatrice
Choix des milieux étudiés
Investigatrice
Description des instruments de mesure
Création de guides d’entretien
Entretien semi-structuré
Corpus littéraire
Consultation du dossier médical des patients interrogés
Participants
Échantillon
Recrutement
Caractéristiques des participants recrutés
Patients
Familles
Intervenants
Déroulement.
Collecte de données au CHNU de Fan
Collecte de données au CSSS de l’Énergie
Exclusion
Analyse thématique
Codification par arbre thématique
Synthèse des données
Analyse thématique et métahistoire de la schizophrénie
Résultats
Métahistoire des patients sénégalais
Survenue
Déclenchement.
Premiers symptômes
Causes
Démarches faites avant la consultation médicale
Hospitalisation et traitements
Admission
Annonce diagnostique
Informations reçues
Traitements proposés
Activités proposées
Implication de la famille et de l’entourage
Réaction face à l’ internement
Réaction face aux contentions
Réaction face aux autres patients
Satisfaction face aux services reçus
Réinsertion socioprofessionnelle
Préparation du congé
Traitements en clinique externe
Adhésion aux traitements
Implication de la famille
Impacts de la maladie sur les relations familiales
Rythme de récupération
Réinsertion professionnelle
Retour aux activités sociales
Stigmatisation
Sens donné à l’expérience
Rêves et projets d’avenir
Métahistoire des patients québécois
Survenue
Déclenchement.
Premiers symptômes
Causes
Démarches faites avant la consultation médicale
Hospitalisation et traitements
Admission
Annonce diagnostique
Informations reçues
Traitements proposés
Activités proposées
Implication de la famille et de l’entourage
Réaction face à l’internement
Réaction face aux contentions
Réaction face aux autres patients
Satisfaction face aux services reçus
Réinsertion socioprofessionnelle
Préparation du congé
Traitements en clinique externe
Adhésion aux traitements
Implication de la famille
Impact de la maladie sur les relations familiales
Rythme de récupération
Réinsertion professionnelle
Retour aux activités sociales
Stigmatisation
Sens donné à l’expérience
Rêves et projets d’avenir
Synthèse comparée des métahistoires
Survenue
Hospitalisation et traitements
Réinsertion socioprofessionnelle
Discussion
Facteurs socioculturels influençant le pronostic
Efficacité du réseau de soutien
Mode de vie
Croyance religieuse entourant la maladie
Stigmatisation
Traitements proposés en psychiatrie et hospitalisation
Métahistoire de la schizophrénie et création de sens
Profil sénégalais
Profil québécois
Phénomène culturel impliqué dans la création de sens
Limites de l’étude
Retombées
Recommandations pour le CHNU de Fann
Recommandations pour le CSSS de l’Énergie
Conclusion
Références
Appendice A. Guide d’ entretien du patient
Appendice B. Guide d’entretien de la famille
Appendice C. Guide d’entretien de l’intervenant
Appendice D . Formulaires de consentement
Appendice E. Extrait du verbatim de Rama
Appendice F. Arbre thématique et leur définition
Appendice G. Exemple de synthèse d’un patient (Oumar)
Appendice H. Synthèse du thème « conseil à retenir» commenté
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